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Décisions

Cass. 1re civ., 3 avril 2002, n° 00-12.932

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Larousse-Bordas (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Gridel

Avocat général :

M. Roehrich

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 12 janv. 2000

12 janvier 2000

La Cour : - Sur le premier moyen, pris en sa première branche :  - Vu l’article 1112 du Code civil ; - Attendu que Mme X... était collaboratrice puis rédactrice salariée de la société  Larousse-Bordas depuis 1972 ; que selon une convention à titre onéreux en date du 21  juin 1984, elle a reconnu la propriété de son employeur sur tous les droits d’exploitation  d’un dictionnaire intitulé « Mini débutants » à la mise au point duquel elle avait fourni dans  le cadre de son contrat de travail une activité supplémentaire ; que, devenue « directeur  éditorial langue française » au terme de sa carrière poursuivie dans l’entreprise, elle en a  été licenciée en 1996 ; que, en 1997, elle a assigné la société Larousse-Bordas en nullité  de la cession sus-évoquée pour violence ayant alors vicié son consentement, interdiction  de poursuite de l’exploitation de l’ouvrage et recherche par expert des rémunérations dont  elle avait été privée ;      

Attendu que, pour accueillir ces demandes, l’arrêt retient qu’en 1984, son statut salarial  plaçait Mme X... en situation de dépendance économique par rapport à la société Editions  Larousse, la contraignant d’accepter la convention sans pouvoir en réfuter ceux des  termes qu’elle estimait contraires tant à ses intérêts personnels qu’aux dispositions  protectrices des droits d’auteur ; que leur refus par elle aurait nécessairement fragilisé sa  situation, eu égard au risque réel et sérieux de licenciement inhérent à l’époque au  contexte social de l’entreprise, une coupure de presse d’août 1984 révélant d’ailleurs la  perspective d’une compression de personnel en son sein, même si son employeur ne lui  avait jamais adressé de menaces précises à cet égard ; que de plus l’obligation de loyauté  envers celui-ci ne lui permettait pas, sans risque pour son emploi, de proposer son  manuscrit à un éditeur concurrent ; que cette crainte de perdre son travail, influençant son  consentement, ne l’avait pas laissée discuter les conditions de cession de ses droits  d’auteur comme elle aurait pu le faire si elle n’avait pas été en rapport de subordination  avec son cocontractant, ce lien n’ayant cessé qu’avec son licenciement ultérieur ;      

Attendu, cependant, que seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance  économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts  légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ; qu’en se déterminant  comme elle l’a fait, sans constater, que lors de la cession, Mme X... était elle-même  menacée par le plan de licenciement et que l’employeur avait exploité auprès d’elle cette  circonstance pour la convaincre, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa  décision ;      

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le Paris, du 12 janv. 2000, entre les parties, par la cour d’appel de ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.