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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 8 juin 2020, n° 19/01057

NANCY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseillers :

M. Ferron, M. Firon

TGI Nancy, du 23 janv. 2019

23 janvier 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS M. DETP a réalisé des travaux de drainage sur différentes parcelles appartenant à M. Jean-Marc F..

La SAS M. DETP a présenté à M. F. une facture en date du 30 décembre 2016 pour un montant de 18 539,68 euros TTC.

Un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 11 janvier 2017.

M. F. n'ayant réglé aucune somme au titre des travaux réalisés, la SAS M. DETP lui a adressé deux lettres simples de relance en dates des 6 et 23 mars 2017, puis deux mises en demeure par lettres recommandées avec avis de réception en dates des 6 avril et 25 août 2017, et enfin une mise en demeure de son avocat par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 octobre 2017.

Ces demandes de paiement étant demeurées infructueuses, par acte signifié le 14 février 2018, la SAS M. DETP a fait assigner M. F. devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes de :

- 18 539,68 euros TTC, avec intérêts au taux de une fois et demie le taux légal à compter du 30 décembre 2016, date d'émission de la facture ou, subsidiairement, du 25 août 2017, date du premier courrier recommandé valant mise en demeure et ce jusqu'au complet paiement,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Bien que régulièrement assigné à personne, M. F. n'a pas constitué avocat devant le tribunal de grande instance.

Par jugement réputé contradictoire du 23 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Nancy, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- condamné M. F. à payer à la SAS M. DETP la somme de 18 539,68 euros ;

- dit que la somme de 18 539,68 euros portera intérêt à une fois et demie le taux légal à compter du 29 août 2017 ;

- débouté la SAS M. DETP de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. F. aux dépens et à payer à la SAS M. DETP la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a pris en considération la facture en date du 30 décembre 2016 établie au nom de M. F., un document intitulé « réception de travaux » portant sur les travaux de drainage signé par la SAS M. DETP et M. F. le 11 janvier 2017, ainsi que les différentes lettres par lesquelles la SAS M. DETP a demandé à M. F. le règlement de la facture. Le tribunal en a conclu qu'un contrat a été verbalement conclu entre la SAS M. DETP et M. F. portant sur la réalisation de travaux de drainage qui ont été exécutés et réceptionnés sans réserve par M. F. le 11 janvier 2017.

En application de l'article 1134 du code civil, le premier juge a condamné M. F. au paiement de ces travaux d'un montant de 18 539,68 euros, assorti des intérêts au taux de une fois et demie le taux légal conformément aux mentions de la facture.

Le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SAS M. DETP, faute pour cette dernière de justifier de l'existence d'un préjudice.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 26 mars 2019, M. F. a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 8 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. F. demande à la cour, au visa de l'article 1165 du code civil en sa nouvelle rédaction, de :

- dire son appel recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

À titre principal,

- constater qu'il n'est pas démontré son accord sur le prix de la prestation ;

- constater que la SAS M. DETP ne justifie pas du prix de la prestation ;

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 18 539,68 euros à la SAS M. DETP ;

- débouter la SAS M. DETP de toutes ses demandes de paiement au titre dudit contrat inexistant ;

À titre subsidiaire,

- condamner la SAS M. DETP à lui verser une somme de 9 262,84 euros à titre de dommages et intérêts pour fixation d'un prix abusif ;

- dire que cette somme viendra se compenser avec toutes les sommes qui pourraient être dues à la SAS M. DETP ;

En toute hypothèse,

- débouter la SAS M. DETP de ses demandes plus amples et contraires ;

- débouter la SAS M. DETP de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- débouter la SAS M. DETP de sa demande tendant à voir les intérêts moratoires fixés à un taux majoré ;

- condamner la SAS M. DETP à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS M. DETP aux entiers dépens d'instance et d'exécution.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 9 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS M. DETP demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens et 1162 et suivants du code civil, de :

- débouter M. F. de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. F. à lui payer la somme de 18 539,68 euros, avec intérêts au taux de une fois et demie le taux légal à compter du 29 août 2017 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. F. à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure, ainsi qu'aux dépens de première instance ;

- infirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 23 janvier 2017 ;

- statuant à nouveau, condamner M. F. à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner M. F. aux dépens de la présente instance et à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 janvier 2020.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 18 février 2020 et le délibéré au 7 avril 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

Sur la demande en paiement et la demande de dommages et intérêts pour abus dans la fixation du prix

L'article 1165 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, prévoit que, dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts.

En l'espèce, l'accord des parties quant à la prestation réalisée par la SAS M. DETP est établi par le procès-verbal de réception sans réserve, ainsi que par les écritures respectives des parties.

En revanche, la SAS M. DETP ne rapporte pas la preuve d'un accord des parties sur le prix avant l'exécution des travaux de drainage. En application des dispositions légales rappelées ci-dessus, la SAS M. DETP était en droit de fixer ce prix unilatéralement, à charge pour elle d'en motiver le montant puisque M. F. le conteste dans le cadre de l'instance d'appel.

La pièce n° 1 produite par la SAS M. DETP, intitulée « facture » et portant la date du 30 décembre 2016, indique précisément le détail du prix allégué, en mentionnant notamment le coût unitaire et les quantités, et ce pour chacun des travaux, ainsi que pour chacun des lieux-dits. Dès lors, en application des dispositions de l'article 1165 du code civil, la SAS M. DETP a motivé le montant du prix.

En application de ce texte, il incombe à M. F. de démontrer l'existence d'un abus dans la fixation de ce prix.

Or, force est de constater que ce dernier n'a émis aucune contestation quant au prix dans le procès-verbal de réception régularisé le 11 janvier 2017, soit après la facture du 30 décembre 2016.

Il n'a pas davantage adressé un quelconque courrier de contestation en réponse aux cinq lettres, dont trois lettres recommandées, qui lui ont été adressées par la SAS M. DETP, demandant toutes le paiement du prix litigieux.

Pareillement, alors que l'assignation devant le tribunal de grande instance lui a été délivrée à sa personne, il n'a pas constitué avocat et n'a donc émis aucune contestation en première instance.

La seule contestation émise par M. F. l'a été en interjetant appel. Pour autant, il sollicite à titre principal le rejet de la demande en paiement de la SAS M. DETP, alors même qu'il ne conteste pas l'exécution de la prestation, ni la qualité de cette exécution. Pareillement, il n'a procédé à aucun paiement partiel, et ne propose aucune somme au titre du paiement de la prestation non critiquée.

Ce n'est en effet qu'à titre subsidiaire que M. F. sollicite la somme de 9 262,84 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à près de la moitié du prix demandé par l'intimée (la moitié correspondrait en réalité à 9 269,84 euros).

Or, M. F. n'explicite nullement cette somme, et ne produit aucune pièce pour en justifier. En effet, il ne produit en tant que pièce que le jugement de première instance, et notamment aucun devis d'une autre entreprise pour démontrer le caractère abusif du prix demandé par la SAS M. DETP. M. F. ne rapporte donc pas la preuve d'un abus dans la fixation du prix.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. F. à payer à la SAS M. DETP la somme de 18 539,68 euros.

En revanche, s'agissant des intérêts d'un montant d'une fois et demie le taux légal, ils sont mentionnés sur le document intitulé 'facture', pour lequel aucun accord de M. F. n'est démontré. En conséquence, la somme due sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2017, date de retour à la SAS M. DETP de l'avis de réception de la lettre recommandée de mise en demeure du 6 avril 2017 (la date de signature de l'avis de réception n'apparaissant pas sur la pièce produite).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la somme de 18 539,68 euros porterait intérêt à une fois et demie le taux légal à compter du 29 août 2017.

Enfin, y ajoutant, M. F. sera débouté de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour fixation d'un prix abusif, ainsi que de sa demande corrélative de compensation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Alors même qu'un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 11 janvier 2017, M. F. n'a réglé aucune somme au titre des travaux réalisés. Il n'a pas même répondu aux deux lettres simples de relance en dates des 6 et 23 mars 2017, ni aux trois mises en demeure par lettres recommandées avec avis de réception en dates des 6 avril, 25 août et 13 octobre 2017.

Pareillement, bien que l'assignation devant le tribunal de grande instance lui ait été délivrée à sa personne, il n'a pas constitué avocat et n'a donc émis aucune contestation en première instance.

Enfin, dans la présente instance, il sollicite à titre principal le rejet de la demande en paiement de la SAS M. DETP, alors même qu'il ne conteste pas l'exécution de la prestation, ni la qualité de cette exécution, ne proposant aucune somme au titre du paiement de la prestation non critiquée.

L'ensemble de ces éléments caractérise une résistance abusive de M. F. ayant causé un préjudice à la SAS M. DETP eu égard à l'importante somme dont elle n'a pas pu disposer depuis le mois de janvier 2017.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la SAS M. DETP de sa demande de dommages et intérêts et M. F. sera condamné à lui payer à ce titre la somme de 3000 euros.

Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

M. F. succombant pour l'essentiel de ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens et à payer à la SAS M. DETP la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, M. F. sera condamné aux dépens d'appel, à payer à la SAS M. DETP la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et il sera débouté de sa propre demande présentée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy le 23 janvier 2019, sauf en ce qu'il a :

- dit que la somme de 18 539,68 euros portera intérêt à une fois et demie le taux légal à compter du 29 août 2017 ;

- débouté la SAS M. DETP de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés,

Déboute la SAS M. DETP de sa demande de majoration du taux des intérêts moratoires ;

Condamne M. Jean-Marc F. à payer à la SAS M. DETP les intérêts au taux légal sur la somme de 18 539,68 euros à compter du 10 avril 2017 ;

Condamne M. Jean-Marc F. à payer à la SAS M. DETP la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Y ajoutant,

Déboute M. Jean-Marc F. de sa demande subsidiaire de condamnation de la SAS M. DETP à lui verser des dommages et intérêts pour fixation d'un prix abusif, ainsi que de sa demande corrélative de compensation ;

Condamne M. Jean-Marc F. à payer à la SAS M. DETP la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Déboute M. Jean-Marc F. de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Jean-Marc F. aux dépens d'appel.