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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 septembre 2020, n° 19/01573

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Les Fournils de France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

CA Paris n° 19/01573

9 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

En reconversion professionnelle, M. X s'est rapproché de la société les Fournils de France (FDF) afin d'ouvrir une boulangerie en franchise à Clisson (44190).

Après avoir signé le 10 septembre 2016 le document d'information précontractuel (DIP), M. X a réglé le 17 octobre suivant à FDF la somme de 14.500 euros de droits d'entrée et de 9.000 euros de frais de formation et a signé le 1er novembre 2016 le contrat de franchise.

Le 22 mai 2017, la société Prêt Pro, courtier de la société FDF, contacté pour l'obtention d'un crédit-bail pour le matériel, a fait observer à M. X que son business plan était établi à partir du chiffre d'affaires moyen des magasins en propre de FDF à Paris et que le chiffre d'affaires de deux des franchisés de province était substantiellement plus faible.

Le 19 juin 2017, M. X a annoncé à FDF renoncer à son projet d'ouvrir une boulangerie, en particulier au regard des résultats médiocres des franchisés de province qu'il avait découvert tardivement.

Devant le refus de FDF de lui rembourser tout ou partie de son droit d'entrée et du prix de sa formation, M. X a fait assigner le 27 octobre 2018 la société FDF devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté M. X de sa demande fondée sur les articles L. 330-3 du code de commerce, 1112-1 et 1130 du code civil, de voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 1er novembre 2016 avec la société FDF ;

- débouté M. X de sa demande de résiliation, aux torts de la société FDF du contrat de franchise du 1er novembre 2016 ;

- débouté M. X de sa demande de remboursement de la moitié du droit d'entrée qu'il avait acquitté ;

- débouté M. X de sa demande de restitution des sommes relatives à sa formation ;

- condamné M. X à payer à la société FDF la somme de 4 .000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

- condamné M. X aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA.

Le 24 janvier 2019, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de M. X déposées et notifiées le 30 septembre 2019, par le RPVA par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1112-1 et suivants et 1130 et suivants du Code civil,

- voir réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 28 novembre 2018, dont appel, en l'ensemble de ses dispositions

Accueillir Monsieur X en son appel et le dire bien fondé,

- débouter la société LES FOURNILS DE FRANCE de l'ensemble de ses prétentions,

- voir constater que les informations qui ont été fournies par la société LES FOURNILS DE FRANCE dans le cadre de la signature du contrat de franchise étaient incomplètes et erronées,

- voir constater qu'il s'agissait d'un élément déterminant de la volonté de Monsieur X,

En conséquence,

- voir prononcer l'annulation pure et simple du contrat de franchise signé entre les parties et condamner la société LES FOURNILS DE FRANCE au remboursement des sommes versées à savoir :

* droit d'entrée 14.500 euros hors-taxes soit 17.400 euros TTC

* frais de formation : 9.000 euros hors-taxes soit 10.800 euros TTC

À défaut,

- voir prononcer la résiliation du contrat signé entre les parties et condamner la société LES FOURNILS DE FRANCE au remboursement des sommes inutilement versées à savoir :

* droit d'entrée 14.500 euros hors-taxes soit 17.400 euros TTC

* frais de formation : 9.000 euros hors-taxes soit 10.800 euros TTC

À titre subsidiaire,

- voir constater que le point de vente n'a pu être ouvert dans le délai de sept mois contre la volonté de Monsieur X,

En conséquence

- condamner la société LES FOURNILS DE France à rembourser la somme suivante :

* 1/2 droit d'entrée : 7.250 euros hors-taxes soit 8.700 euros TTC

* frais de formation : 9.000 euros hors-taxes soit 10.800 euros TTC

- voir condamner la société LES FOURNILS DE FRANCE au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

- la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société FDF, déposées et notifiées le 3 juillet 2019 par le RPVA, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- recevoir la société LES FOURNILS DE FRANCE en ses présentes écritures et la dire bien fondée,

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

- débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes.

- dire par conséquent que la société LES FOURNILS DE FRANCE est fondée à conserver la somme de 28.200 euros reçue au titre du droit d'entrée dans le réseau.

- condamner Monsieur X au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur X en tous les dépens.

Les parties ont donné leur accord à la procédure sans audience qui leur a été proposée.

SUR CE LA COUR,

Sur la nullité du contrat de franchise

Au soutien de sa demande de nullité du contrat de franchise signé le 1er novembre 2016, sur le fondement des articles L. 330-3 du code de commerce, des articles 1112-1 et 1130 du Code civil, M. X invoque le versement de la somme de 28.200 euros le 17 octobre 2016, avant la signature du contrat et le non-respect par FDF de ses obligations d'information, en raison de la fourniture d'une information non conforme à l'article L. 330-3 du code de commerce en ce que les informations fournies n'intégraient que les magasins parisiens alors que les informations relatives à la situation des franchisés établis en province sont des éléments fondamentaux et auraient dû être transmis spontanément. Il fait valoir que les chiffres d'affaires annoncés étaient erronés et inadaptés à son projet et que le défaut de communication spontanée des chiffres d'affaires réalisés en province procède d'une volonté délibérée du franchiseur, ajoutant qu'il lui serait apparu a posteriori que les franchises de province étaient peu efficaces.

M. X soutient que ces informations inexactes et incomplètes ont vicié son consentement lors de la signature du contrat et conteste l'obligation que la société FDF fait peser sur lui, de réaliser sa propre étude de marché, dans la mesure où les documents établis par la société, qui ont permis la signature du contrat, comprennent une étude de marché relativement détaillée.

La méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation précontractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.

En l'espèce, ainsi que le fait valoir la société FDF, celle-ci a fourni à M. X une information conforme à l'article L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce.

En effet, le DIP et ses annexes satisfont à l'obligation de présentation de l'état général et local du marché et des perspectives de développement de celui-ci, sans qu'il puisse être reproché au franchiseur l'absence de véritable étude du marché local qui ne lui incombait pas.

A cet égard, le tribunal, par des motifs adoptés, a relevé que les annexes 3 et 4 du DIP ont notamment fourni un état de la concurrence tandis que l'annexe 5 de ce document relatif à l'état du marché local comporte une étude détaillée de la ville de Clisson, et observé que recommandation a été faite à M. X de faire réaliser par des professionnels de son choix une étude du potentiel de sa zone de chalandise et du magasin concerné, ce dont l'intéressé s'est abstenu.

Le DIP ne comporte aucun budget prévisionnel pour un magasin situé à Clisson mais seulement le modus operandi d'une étude de marché permettant de déterminer le chiffre d'affaires prévisionnel. La circonstance que deux scenarios représentatifs des magasins en propre du franchiseur figurent au DIP ne peut avoir vicié le consentement de l'intéressé en l'induisant en erreur dès lors que ce document mentionne clairement à plusieurs reprises que ces magasins se situent exclusivement à Paris dans des zones de fortes chalandises, qu'il est précisé, s'agissant du chiffre d'affaires de 210 000 euros qu'il s'agit de simulations construites à partir des magasins en propre de FDF et que ces chiffres ne sont en aucun cas des promesses de rentabilité, étant observé que la liste des 6 franchisés dont 4 sont implantés en province y figure.

A ce titre, FDF fait valoir que les chiffres mentionnés en page 6 du DIP sont une moyenne des chiffres réalisés par les 17 magasins du réseau Fournil de France en propre sur Paris et région parisienne exploité par le groupe sous l'enseigne "Le Fournil de Paris" dont la liste est donnée pages 11 et 12 et qu'ils ne représentent en aucun cas des prévisionnels d'activité pour le magasin de Clisson.

En tout état de cause, sous le tableau litigieux (page 6), le DIP précise :

« Ces chiffres sont des simulations construites à partir de nos propres magasins. Les performances de chaque adhérent dépendent de son emplacement, de ses aptitudes de commerçant et de dirigeant. Ces chiffres ne sont donc, en aucun cas, ni des promesses de rentabilité et de chiffre d'affaires, ni un engagement contractuel ».

Ainsi, il ne peut être valablement soutenu que les éléments fournis dans le DIP seraient mensongers ou erronés.

Il ne peut davantage être fait grief au franchiseur d'avoir dissimulé le chiffre d'affaires des franchisés de province alors qu'il appartenait à l'intéressé de prendre contact avec ces derniers dont la liste lui était donnée (page 13 du DIP) et d'effectuer une étude de marché préalablement à son engagement.

A cet égard, le contrat signé entre les parties (pièce 3) précise dans son préambule, que la société Les Fournils a recommandé à l'adhérent :

- de présenter l'ensemble des informations et des éléments dont il dispose, à tout conseil professionnel et notamment à un expert-comptable de son choix,

- de faire réaliser par des professionnels de son choix, une étude de potentiel de la zone de chalandise et du magasin concerné.

De même, le préambule du contrat mentionne que l'adhérent reconnaît avoir établi ses propres simulations et comptes d'exploitation prévisionnels sous sa seule responsabilité, en vue de s'assurer de la rentabilité du secteur et de la zone de chalandise visée.

En conséquence, le franchisé n'a pu se méprendre sur le chiffre d'affaires applicable à une franchise en province et le business plan communiqué par courriel du 1er mars 2017 (pièces 14 et 16) qui comporte un chiffre d'affaires prévisionnel de 215 000 euros est impropre à établir l'existence d'un vice de consentement, que ce soit une erreur ou une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat, dès lors qu'il est postérieur de 4 mois à la signature de celui-ci. De surcroît, le rôle de FDF dans son établissement n'est pas clairement établi et celui-ci indique que sa seule vocation était de pallier l'inaction de M. X qui n'a pas élaboré lui-même les chiffres nécessaires pour trouver un financement.

Par ailleurs, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il remet en question la réalité du concept spécifique de la franchise, en estimant que la société FDF se contente de bénéficier d'emplacements de premier choix à Paris pour réaliser son chiffre d'affaires et que le concept même de la franchise ne permet pas intrinsèquement de générer un chiffre d'affaires suffisant pour développer l'activité projetée en province, alors que la transmission d'un savoir-faire original est expressément prévue par les articles 5 et 6 du contrat au cours des sessions de formation d'une durée minimale de 4 semaines, formation validée par FDF et que M. X a résilié le contrat avant de l'avoir suivie.

Enfin, la remise anticipée par M. X d'une somme de 28 200 euros correspondant au droit d'accès au réseau de 14.500 euros et aux frais de formation de 9.000 euros le 17 octobre 2016 alors que la signature du contrat de franchise est intervenue le 1er novembre suivant, ne saurait constituer une cause de nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 330-3 alinéa 3 qui prévoit que les prestations assurées en contrepartie du versement de cette somme sont précisées par écrit ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit, ce d'autant que le DIP a été signé le 10 septembre 2016.

M. X ne peut qu'être débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat et ainsi de sa demande de remboursement des sommes versées.

Sur la résiliation du contrat de franchise

M. X ne justifie pas que FDF n'aurait pas respecté ses obligations de franchiseur lors de l'exécution du contrat alors que les échanges de courriels produits démontrent que FDF l'a assisté dans la mise en place de son projet.

Et l'absence de transmission du savoir-faire n'est pas imputable au franchiseur dès lors que M. X a mis un terme au contrat avant d'avoir suivi la formation qui devait lui être dispensée.

M. X est ainsi débouté de sa demande de résiliation du contrat de franchise pour faute du franchiseur et sa demande de remboursement des sommes versées ne peut prospérer.

Sur la demande subsidiaire en remboursement de la moitié des frais d'entrée et des frais de formation

M. X invoque les dispositions de l'article 12-1 du contrat qui prévoit que la somme versée au titre du droit d'accès au réseau restera acquise pour moitié dans l'hypothèse où l'adhérent n'est pas en mesure d'ouvrir son point de vente à la clientèle, pour une raison indépendante de sa volonté, dans le délai de sept mois de l'article 7.

Il fait valoir que son projet n'a pu aboutir en raison de l'absence d'obtention des crédits bancaires pour le financement du matériel, liée à une surestimation du budget prévisionnel effectué par FDF.

Mais, outre que dès le 19 juin 2017, l'intéressé a annoncé à FDF sa volonté de renoncer de manière irrévocable à son projet sans faire état du refus de prêts, et qu'il produit des réponses négatives de banques postérieures à cette date (ses pièces 23 et 24), l'intéressé ne peut en tout état de cause se prévaloir de cette situation alors qu'il n'a pas procédé à l'étude de marché et à l'établissement d'un compte d'exploitation prévisionnel qui lui incombaient.

Sa demande de remboursement de la moitié des frais d'entrée et de la totalité des frais de formation est rejetée, ce d'autant à ce dernier titre que l'article 5-5 du contrat ne prévoit aucun cas de remboursement de la formation.

Sur la demande de dommages-intérêts

Le caractère infondé de la responsabilité de FDF dans l'échec du projet de M. X commande de débouter ce dernier de sa demande de dommages-intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

M. X qui succombe est condamné aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1 000 euros étant mise à sa charge sur ce fondement en sus de la somme allouée à ce titre par le tribunal.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement ;

DÉBOUTE M. X de ses demandes ;

CONDAMNE M. X aux dépens d'appel et à payer à la SAS Les Fournils de France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.