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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 23 juin 2020, n° 19/02125

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Galaxy Conseil (Sté)

Défendeur :

Elics Services Holding (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mme Lelievre, Mme Lauer

TI Courbevoie, du 22 janv. 2019

22 janvier 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société Elics services holding, exerçant sous l'enseigne commerciale Pro seniors et ayant une activité de prestations de service d'aide à la personne des personnes âgées et dépendantes, a conclu le 5 décembre 2016 avec M. Pascal L., expert-comptable agissant alors sous l'enseigne Cap conseil ayant pour objet l'accompagnement de dirigeants dans le développement de leur entreprise, un contrat-cadre en quatre phases, relatif à la recherche d'entreprises ou de fonds de commerce à racheter.

La société Pro seniors a réglé une somme de 4 200 euros le 9 décembre 2016 au titre de la première phase du contrat.

Après plusieurs relances, le 12 avril 2017, la société Pro seniors a adressé à M. L. une lettre recommandée de rupture du contrat-cadre conclu le 5 décembre 2016 et sollicité le remboursement de la somme versée, compte tenu du délai écoulé et de l'absence de toutes nouvelles de son cocontractant.

Le 31 mai 2017, la société Pro seniors a adressé, par courrier recommandé, une mise en demeure à M. L. de lui rembourser les sommes versées dans le cadre du contrat.

Une procédure de référé a été mise en œuvre par la société Elics services holding devant le tribunal d'instance de Courbevoie qui, par ordonnance du 15 janvier 2018, a renvoyé les parties à se pouvoir au fond, au motif d'une contestation sérieuse.

Le 20 mars 2018, la société Elics services holding a assigné M. L., agissant désormais sous l'enseigne Galaxy conseil, devant le tribunal d'instance de Courbevoie aux fins de constater la résolution judiciaire du contrat et le voir condamner à lui payer les sommes de 4 200 euros, correspondant au remboursement de la facture acquittée le 9 décembre 2016 pour la mise en place de la première phase du contrat, et de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré ayant prononcé la résolution judiciaire du contrat et condamné M. L. à verser à la société Elics services holding les sommes de 4 200 euros en remboursement du montant versé pour la prestation non exécutée et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Au soutien de son appel, M. L. expose qu'il a parfaitement exécuté les obligations correspondant à la première phase du contrat-cadre conclu avec la société Pro seniors. Il dit avoir dès le 19 décembre 2016, passé commande auprès de la société SoLocal marketing services de deux campagnes de courriers-mailings moyennant le versement d'une somme de 1 260 euros, afin d'approcher des entreprises ciblées dans le secteur géographique défini par le contrat-cadre. Il soutient également avoir reçu par mails des 13 mars 2017 et 31 octobre 2017, deux propositions de cession de sociétés agissant dans le secteur d'activité et dans les zones géographiques fixés par le contrat-cadre.

Il affirme que l'annonce dont il justifie est celle qui a fait l'objet du contrat avec la société SoLocal dont M. François G. est le contact commercial et a attesté de la commande pour le compte de la société Pro Seniors.

Il en déduit qu'il a accompli les recherches et démarches prévues à la phase 1 du contrat et que le tribunal a eu une mauvaise appréciation des faits.

Il sollicite la condamnation de la société Elics services holding à lui verser la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'atteinte à son image puisqu'il a dû décliner deux propositions de sociétés intéressées par un rachat et du préjudice pour perte de gains futurs, du fait de la résiliation anticipée du contrat qui comprenait quatre phases.

La société Elics services holding (société Pro seniors) réplique que M. L. n'a exécuté aucune des obligations prévues par le contrat-cadre, malgré le versement par elle du prix convenu. Elle précise que M. L. travaille pour de nombreuses sociétés d'aide à domicile et soutient qu'aucune des pièces produites par ce dernier n'établit que les prestations ont été effectuées pour le compte de la société Pro seniors ce, d'autant que l'appelant ne l'a jamais informée de ses démarches, malgré des demandes répétées en ce sens.

Elle observe que le bon de commande du 19 décembre 2016 auprès de la société SoLocal, dont se prévaut M. L., n'est pas signé et que rien n'indique que celui-ci a été établi dans le cadre de l'exécution du contrat la concernant. Elle prétend également que M. L. ne démontre pas avoir effectivement versé la somme de 1 260 euros à la société SoLocal.

Elle fait valoir que les deux propositions de cession présentées par l'appelant et formulées par courriels des 18 août et 31 octobre 2017 sont tardives puisqu'elles ont eu lieu après sa propre mise en demeure de lui rembourser les sommes versées. Elle met en doute l'authenticité de ces offres qui n'ont jamais été mentionnées par M. L. en réponse à ses demandes d'explications et relève que rien ne permet de les relier à la société Pro seniors. Elle constate enfin que le courriel produit par l'appelant, émis par la société SoLocal, contredit directement les affirmations de M. L. relatives au nombre de courriers envoyés et en déduit que ce dernier fait preuve de mauvaise foi.

Elle affirme que c'est donc à juste titre que le tribunal d'instance a prononcé la résolution judiciaire du contrat.

Elle s'oppose à la demande reconventionnelle de M. L., objectant que l'appelant ne rapporte la preuve d'aucune faute de sa part, ni d'aucun préjudice. Elle observe d'une part que celui-ci mélange des fondements juridiques distincts et fait valoir d'autre part que sa demande pour perte de gains est fondée sur une fiction. Elle expose à cet effet que la simple exécution satisfaisante de la première phase du contrat ne constituait pas une assurance de la bonne exécution des autres phases contractuelles ni donc du versement des sommes dues en contrepartie. Elle ajoute, s'agissant du préjudice d'image allégué que les deux propositions invoquées sont trop vagues pour lui être rattachées et que M. L. ne justifie pas avoir répondu à ces offres, ni n'établit en quoi le fait de décliner de telles offres est pour lui la cause d'une atteinte à son image.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, solliciter une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution, les sanctions qui ne sont pas incompatibles pouvant être cumulées et des dommages et intérêts pouvant toujours s'y ajouter.

L'article 1228 du code civil prévoit que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur ou allouer seulement des dommages et intérêts.

La phase 1 du contrat-cadre conclu entre les parties le 5 décembre 2016 est intitulée

« détection des leads » et prévoyait que Cap Conseil s'engageait à faire ses meilleurs efforts et à déployer toutes les diligences nécessaires à l'effet de détecter par tous moyens possibles (approche directe ou indirecte, campagne de courrier, mailing, etc.) afin de détecter des cibles pouvant intéresser la société dans sa politique de croissance.

Les parties ont défini le « timing », les critères de taille, d'activité et la situation géographique des cibles, les zones géographiques étant énumérées par ordre de priorité.

Les phases suivantes 2,3 et 4 étaient intitulées « Etude d'opportunité », « l'audit de reprise » et « l'accompagnement juridique ».

La lettre de mise en demeure à en tête de « Pro Seniors » adressée le 12 avril 2017 à M. L. ayant pour objet de mettre fin à leur collaboration, dénonce l'absence de tout retour de la part de ce dernier sur le travail engagé et de toute piste, en dépit de plusieurs relances des 20 décembre 2016, 4 janvier et 17 mars 2017 et de l'engagement de M. L. de faire le point après ce dernier mail.

Il appartient ainsi à M. L., qui s'est borné à répondre par courriel du 7 mai 2017 qu'il contestait formellement les termes du courriel du 3 avril et le courrier du 12 avril mentionné ci-dessus et promettait « une réponse circonstanciée dans les meilleurs délais », d'établir l'existence de diligences précises accomplies dans le cadre de la phase 1 de détection de cibles au profit de la société Elics services holding.

Il produit aux débats deux courriels, ayant le premier pour objet une commande de deux campagnes de mailings pour un total de 1 260 euros ttc datée du 19 décembre 2016 auprès de la société SoLocal ayant pour contact commercial M. François G. auquel il a envoyé le 11 janvier 2017, le texte pour la campagne, étant précisé qu'aucun de ces deux documents ne fait référence à la société Elics services holding ou à son enseigne commerciale, Pro Seniors et qu'aucun élément intrinsèque ne permet de les rattacher à cette société.

Il fait également état de deux courriels en date des 18 août et 31 octobre 2017, émanant de deux structures se disant intéressées par une offre de rachat, la première visant en objet un courrier du 13 mars 2017 et la seconde ne visant qu'une proposition de cession d'activité non datée.

M. L. verse encore un fichier d'adresses ainsi qu'un courriel en date du 4 janvier 2017 mentionnant l'envoi « d'un fichier à valider » par sa société à lui-même et un courriel daté du 11 janvier 2017 ayant pour objet l'envoi d'un fichier à valider à « François G. ».

Il entend justifier la réalité de sa campagne de mailings par lesdites pièces ainsi que par un dernier courriel en date du 1er décembre 2017 émanant de François G. de la société SoLocal, lequel indique, que M. L. a commandé en date du 21 décembre 2016 une prestation pour l'impression et l'envoi de deux campagnes de courriers postaux sur un fichier transmis par ses soins et qu'il a reçu de sa part, le 11 janvier 2017, un fichier intitulé « Fichier Pro Seniors » pour deux envois de 349 courriers chacun, ce fichier intégrant deux adresses de la société Pro Seniors, l'une à Lyon et l'autre à Montpellier.

La pièce n°10 intitulée dans le bordereau de communications de M. L. est intitulée « Pièce jointe au mail du 11 janvier 2017 Proseniors-Fichier 1.csv ».

Il s'avère à l'analyse de ces pièces, et comme le premier juge l'a pertinemment relevé, qu'aucune d'elles ne permet de rattacher les prestations invoquées au contrat-cadre conclu avec la société Elics services holding /Pro-seniors à laquelle il n'est pas fait référence , hormis le mail de François G. en date du 1er décembre 2017 qui fait état d'un fichier Pro-Seniors, référence que ne comportent ni le fichier en question, ni le mail d'envoi du fichier au même François G. en date du 11 janvier 2017, étant observé que l'on peut s'étonner qu'un fichier devant permettre à une société sous-traitante, la société SoLocal, d'exécuter une campagne de mailings ou postale au profit de la société Pro-Seniors, compte parmi les destinataires de la campagne, ladite société elle-même. Les pièces produites peuvent avoir servi à toute autre campagne réalisée au profit d'une autre société, dès lors que la société Cap Conseil indique travailler pour de nombreuses sociétés relevant du même secteur d'activité, étant également noté que le texte de la campagne, envoyé à la société SoLocal le 11 janvier 2017 ne contient aucun renseignement personnalisé relatif à la société intéressée au rachat.

Au défaut de toute référence à la société Pro-Seniors dans les diligences prétendument entreprises, s'ajoute l'absence de réponses de M. L. aux nombreuses demandes d'information de la société Elics services holding qui n'est pas démentie lorsqu'elle indique qu'elle avait fait part d'une certaine urgence sur certaines zones géographiques, ce qu'elle rappelait dans un premier courriel du 5 décembre 2016 puis un autre du 4 janvier 2017. La première réponse de M. L., qui date du 21 mars 2017 est en effet tout à fait impropre à satisfaire la demande légitime d'information de sa cocontractante à laquelle il indique « je fais un point sur nos contacts et je reviens vers vous », ce qu'il ne fera pas. Le 5 mai suivant, il se limitera à contester la résolution du contrat qui lui a été notifiée le 12 avril, et à prétendre qu'il apportera une réponse circonstanciée, qu'il ne fournira pas davantage.

Il ne peut donc qu'être constaté qu'en dépit des interrogations répétées de sa cocontractante, à aucun moment il n'a informé la société Elics services holding d'avoir procédé à une campagne de mailings ou à une campagne postale et être en attente de retours suite à celles-ci, en fournissant les dates des diligences qu'il prétend avoir accomplies dans son intérêt.

Enfin, les deux réponses obtenues de deux sociétés tierces se disant intéressées par une offre de rachat, sont elles aussi impropres à justifier l'existence d'une campagne menée au profit de la société Elics services holding dans la mesure où elles sont largement postérieures à une telle campagne qui aurait dû être menée courant janvier 2017 et susciter des réponses dans les semaines suivantes.

Il s'en déduit que M. L. ne démontre pas avoir exécuté les prestations auxquelles il s'était engagé au titre de la phase 1 du contrat-cadre signé avec la société Elics services holding. Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que cette société était fondée à solliciter la résolution du contrat ainsi qu'à demander le remboursement de la somme de 4 200 euros versée pour une prestation qui n'a pas été effectuée.

M. L. n'est pas fondé, compte tenu de ce qui précède, à obtenir des dommages et intérêts pour perte de gains escomptés sur les phases suivantes du fait de la résolution du contrat alors que celle-ci procède de sa carence, aucune faute n'étant démontrée à l'encontre de la société Elics services holding.

Le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu'il a débouté M. L. de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le préjudice résultant d'une atteinte à son image, dès lors qu'il n'établit aucune faute de sa cocontractante et ne justifie pas d'une perte de sa crédibilité en lien avec le comportement de la société Elics services holding.

M. L., partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel.

Le tribunal a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

En cause d'appel, l'équité commande d'allouer à la société Elics services holding la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu du sens de la décision, M. L. est débouté de sa demande présentée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. L. à payer à la société Elics services holding la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

CONDAMNE M. L. aux dépens d'appel.