CA Lyon, 1re ch. civ. A, 18 juin 2020, n° 18/02961
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Auto 42 (SARL), Centre Lorettois de Contrôle Technique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rachou
Conseillers :
Mme Clement, Mme Isola
Avocat :
SAS Tudela Et Associes
Le 14 décembre 2012, la société Autos 42 a vendu à M. B., moyennant la somme de 3 990 euros, un véhicule automobile de marque Renault qu'elle avait acquis auprès de M. C. le 13 novembre précédent.
À l'occasion de l'incendie de son véhicule survenu 4 mois après son acquisition, M. B. a été informé de ce que le numéro de série du véhicule avait été refrappé.
Par acte d'huissier du 20 juillet 2014, il a assigné son vendeur en résolution de la vente et par acte d'huissier du 18 février 2015, la société Autos 42 a assigné M. C. afin d'être relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Par ordonnance du 12 septembre 2015, le juge de la mise en état a ordonné une expertise et par acte d'huissier du 3 mars 2016, la société Autos 42 a appelé en cause la société CLCT, centre de contrôle technique.
Le 25 mars 2016, le véhicule a été broyé par erreur par la société au sein de laquelle il se trouvait entreposé.
Par jugement rendu le 7 novembre 2017, complété dans sa motivation par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :
- condamné in solidum la société Autos 42 et la société CLCT à verser à M. B. les somme de 4 741,12 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi et 2 000 euros au titre de son préjudice moral,
- condamné la société CLCT à payer à la société Autos 42 une somme de 2 000 euros en réparation de ses manquements contractuels,
- condamné in solidum la société Autos 42 et la société CLCT à payer à M. B. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi de 1991,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné in solidum la société Autos 42 et la société CLCT aux dépens.
Selon déclaration du 16 avril 2018, M. B. a formé appel limité à l'encontre de ces jugements, en ce qu'il a été débouté de sa demande en résolution de la vente passée avec la société Autos 42 et en remboursement du prix de vente et en ce que les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés Autos 42 et CLCT ont été limitées aux sommes de 4 741,12 euros et 2 000 euros ; il a intimé M. C. et les sociétés Autos 42 et CLCT.
Par ordonnance rendue le 18 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevable l'appel formé par M. B. contre le jugement rectifié du 7 novembre 2017 à l'égard des sociétés Autos 42 et CLCT,
- déclaré recevable l'appel formé par M. B. contre le jugement rectificatif du 24 janvier 2018 à l'encontre de toutes les parties,
- déclaré irrecevable à l'encontre de M. C., l'appel formé par M. B. contre le jugement rectifié du 7 novembre 2017,
- rejeté les demandes en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les société Autos 42 et CLCT aux dépens de l'incident.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 juillet 2018 par Monsieur B. qui conclut en substance à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en résolution de la vente du véhicule automobile et en restitution du prix de vente et en ce qu'il a limité à la somme de 2 000 euros la réparation de son préjudice moral, demandant à la cour de :
- prononcer la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés à titre principal ou du manquement à son obligation de délivrance conforme par le vendeur à titre subsidiaire et condamner in solidum la société Autos 42 et la société CLTC à lui restituer le prix de vente outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2013,
- à titre subsidiaire, si la cour refusait de prononcer la résolution de la vente, condamner in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à l'indemniser de la somme de 3 990 euros correspondant au prix de cession outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2013,
- dire et juger que la somme de 3 990 euros produira intérêts à compter du 8 mai 2013, date du sinistre,
- dire et juger qu'il restituera le véhicule en valeur laquelle doit être fixée au jour de la restitution, à zéro euro compte tenu de son état,
- confirmer le montant des dommages-intérêts alloués au titre du préjudice matériel et financier à l'exception du préjudice de jouissance qui sera porté à la somme de 6 200 euros,
- condamner in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à lui payer la somme de 7 441,12 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et financier, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir au titre du préjudice de jouissance,
- condamner in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à lui payer la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,
- condamner in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT aux dépens,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 septembre 2018 par la société Autos 42 qui conclut au rejet de la demande de Monsieur B. en résolution de la vente aux torts du vendeur, demande de déclarer excessives les demandes en réparation de ce dernier et au cas où une condamnation serait prononcée à son encontre, de dire qu'elle sera garantie par la société CLCT, sollicitant la condamnation in solidum de Monsieur B. et de la société CLCT aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article '35" de la loi de 1991,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 8 octobre 2018 par la société CLCT qui conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de rejeter toute demande de Monsieur B. ou de la société Autos 42 à son encontre et condamner Monsieur B. aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3 500 euros,
Vu les dernières conclusions déposées le 3 octobre 2018 par Monsieur C. qui conclut à sa mise hors de cause et demande à la cour de condamner Monsieur B. aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à son bénéfice d'une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 19 février 2019.
MOTIFS ET DECISION
I. Sur la demande en résolution de la vente :
Monsieur B. soutient que la vente du véhicule automobile qu'il a acquis d'un vendeur professionnel le 14 décembre 2012 doit être résolue, tant sur le fondement de la garantie des vices cachés que sur celui du défaut de délivrance conforme dans la mesure où les opérations d'expertise ayant fait suite à l'incendie du véhicule ont permis de démontrer qu'il s'agissait d'un véhicule maquillé et dont le numéro de série avait été refrappé ; il ajoute que son vendeur, en tant que professionnel, ne pouvait ignorer l'existence d'un tel vice ou défaut, peu important qu'il n'en soit pas à l'origine et que de la même façon, la société CLCT en sa qualité de contrôleur technique, ne pouvait non plus ignorer cette situation.
La société Autos 42 soutient quant à elle que l'existence d'un vice caché n'est pas établie en ce que les défauts du véhicule à l'origine de l'incendie n'ont pas été identifiés, aucun élément ne permettant dès lors d'avérer leur antériorité à la vente ; elle ajoute que le véhicule ayant été broyé par erreur, sa perte par cas fortuit doit être supportée par l'acheteur qui ne peut en tout état de cause réclamer à la fois la restitution du prix de vente et des dommages-intérêts.
La société CLCT fait enfin valoir qu'elle est étrangère à la vente du véhicule et ne doit donc supporter aucune condamnation de ce chef, la restitution du véhicule détruit et dont la valeur est donc nulle s'avérant impossible.
Sur ce :
Il ressort tant de l'expertise réalisée dans le cadre des assurances que de celle réalisée par l'expert C. désigné en justice et dont le rapport a été déposé le11 juillet 2016, que le véhicule acquis par Monsieur B. auprès de la société Autos 42 le 14 décembre 2012 comportait sur son châssis un numéro de série falsifié après avoir été refrappé, ne pouvant correspondre au numéro de moteur d'origine.
La falsification du numéro de série d'un véhicule d'occasion caractérise un manquement du vendeur à son obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties et non un vice intrinsèque de la chose vendue la rendant impropre à sa destination.
L'ignorance de la falsification par la société Autos 42, vendeur professionnel qui ne pouvait en ignorer l'existence, la destruction fortuite du véhicule broyé par erreur par les établissements Giband Peyrache au sein desquels il se trouvait entreposé alors même que la falsification avait d'ores et déjà été démontrée au cours des opérations d'expertise et l'impossible détermination des causes de l'incendie du véhicule sont inopérantes à exonérer le vendeur de ses obligations.
Monsieur B. est dès lors en droit de prétendre à la résolution de la vente aux torts de la société Autos 42 pour défaut de délivrance conforme avec restitution du prix versé à hauteur de 3 990 € et à l'allocation d'éventuels dommages-intérêts destinés à réparer les préjudices subis.
Il convient dès lors de condamner la société Autos 42 à restituer à Monsieur B. la somme de 3 990 € versée par ce dernier lors de la vente, outre de cette somme intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 20 juillet 2014.
Seul le vendeur est débiteur de la restitution du prix versé lors de la vente par l'acquéreur et la demande en restitution du prix de vente dirigée par Monsieur B. contre la société CLCT, tiers au contrat, doit être rejetée.
En application de l'article 1352 du code civil, si la restitution en nature s'avère impossible, elle doit être exécutée en valeur estimée au jour de la restitution tel étant le cas en l'espèce dans la mesure où la destruction fortuite du véhicule broyé après l'incendie a rendu impossible sa restitution au vendeur.
L'article 1352-1 du même code dispose que "Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute."
Le véhicule acquis par Monsieur B. a d'abord fait l'objet d'un incendie ayant endommagé toute la partie moteur avant et une partie de l'habitacle avant qu'il ne soit détruit fortuitement par le garage où il se trouvait entreposé après les opérations d'expertise.
La bonne foi de Monsieur B. n'est pas mise en cause par la société Autos 42 qui n'invoque non plus aucune faute à la charge de ce dernier et ne réclame aucune restitution, ne serait-ce même qu'en valeur et à titre subsidiaire.
II. Sur les demandes indemnitaires de Monsieur B. dirigées contre les sociétés Autos 42 et CLCT :
Le premier juge a très justement considéré que Monsieur B. avait subi un préjudice matériel en ce qu'il avait supporté des frais d'établissement de carte grise et d'assurance qui n'auraient pas dû être engagés dans la mesure où la vente est résolue.
Ces frais doivent en conséquence être mis à la charge de son vendeur.
Les frais de gardiennage supportés par Monsieur B. et non pris en charge par l'assureur qui a refusé sa garantie en raison de la découverte de la falsification du numéro de série du véhicule, doivent également être mis à la charge de ce dernier.
Monsieur B. n'a pu utiliser son véhicule depuis le 8 mai 2013 alors même qu'à défaut de garantie de son assureur il n'a pu faire l'acquisition rapide d'un autre véhicule ; son préjudice de jouissance sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 1 500 euros.
Le préjudice moral de l'intéressé, qui ne peut correspondre qu'aux tracasseries administratives et désagréments liés à la résolution de la vente et non aux difficultés rencontrées par ce dernier et sa famille en raison des circonstances de l'incendie, sera enfin justement indemnisé par l'octroi d'une indemnité qu'il convient de fixer à la somme de 1 500 €.
Monsieur B. sollicite la condamnation de son vendeur in solidum avec la société CLCT, contrôleur technique ayant assuré le contrôle préalable à la vente au cours d'une visite du 13 décembre 2012, au titre de la réparation de ses préjudices.
Il n'est pas discutable que la mission du contrôleur technique comprenait, ainsi que l'a relevé l'expert C., la vérification de la concordance du numéro d'identification du véhicule avec le document d'identification ou une vérification en cas d'identification inhabituelle, opération de vérification d'ailleurs prévue au verso de la facture établie par la société CLCT le 13 décembre 2012 au point '0.2.2.2.3".
En ne procédant pas aux vérifications requises en la matière, la société CLCT a commis une faute contractuelle vis-à-vis de la société Autos 42 lui ayant confié le contrôle du véhicule, faute engageant sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'acheteur dont le consentement à la vente, s'il avait été régulièrement et pleinement informé de l'anomalie concernant l'identification du véhicule et la falsification de son numéro de série, aurait été fortement influencé.
La faute ainsi commise par la société CLCT est donc en lien de causalité avec le préjudice subi par Monsieur B. et la condamnation in solidum de la société CLCT avec la société Autos 42 à lui payer les sommes susvisées doit donc être prononcée.
III. Sur la demande de garantie présentée par la société Autos 42 à l'encontre de la société CLCT :
La société Autos 42 soutient avoir accompli toutes les diligences qui lui incombaient, aucun défaut n'ayant été relevé par le contrôleur technique le 13 décembre 2012 en matière de numéro de série ou de concordance en matière d'immatriculation ; que le manquement de ce dernier est en lien de causalité direct avec le préjudice subi par Monsieur B..
La société CLCT fait valoir quant à elle qu'aucun lien de causalité n'existe entre l'incendie qui a détruit le véhicule et une non-conformité de plaque ; elle ajoute que si la résolution de la vente était prononcée, sa responsabilité ne pourrait être retenue qu'en ce qui concerne seulement quelques frais administratifs puisque la société Autos 42 aurait repris possession du véhicule ; qu'elle ne peut être responsable des conséquences de l'incendie et de l'immobilisation du véhicule, sa responsabilité ne pouvant être engagée en l'absence de détermination des causes du sinistre.
Sur ce :
La faute commise dans sa mission de contrôle par la société CLCT, mandatée par la société Autos 42, qui n'a pas relevé d'anomalie concernant le véhicule à vendre a nécessairement eu une influence sur la décision de Monsieur B. d'acheter ce véhicule et elle est donc en lien avec les préjudices subis par ce dernier.
La destruction fortuite du véhicule qui n'a pas permis d'identifier les causes de l'incendie est inopérante à l'exonérer de sa responsabilité au titre de son absence de vérification de l'identification du véhicule.
Sa responsabilité contractuelle doit donc être retenue à l'égard de la société Autos 42 et elle doit être condamnée à relever et garantir cette dernière à hauteur de moitié de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
La société Autos 42 ne justifie en rien le fondement de sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 5 000 € formée en sus à l'encontre de la société CLCT et elle doit en être déboutée.
IV. Sur les demandes de Monsieur C. tendant à sa mise hors de cause et au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Aucune demande n'est dirigée en cause d'appel à l'encontre de Monsieur C. par les autres parties alors même que l'appel de Monsieur B. formé à son encontre au titre du jugement rectifié du 7 novembre 2017 a été déclaré irrecevable.
Il convient dès lors de le mettre hors de cause.
Ce dernier n'établit pour autant aucune faute ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice de M. B., de sorte qu'il y a lieu de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
IV. Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi :
- à la charge de Monsieur B. et au bénéfice de Monsieur C. d'une indemnité de 1 500 €,
- à la charge de la société Autos 42 et au bénéfice de Monsieur B. d'une indemnité de 3 000 €,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement rendu le 7 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Saint-Etienne en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à payer à Monsieur B. une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 37 de la loi de 1991 et en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par Monsieur C. et la demande en dommages-intérêts formée par la société Autos 42 à l'encontre de la société CLCT,
Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résolution de la vente intervenue entre Monsieur B. et la société Autos 42 le 14 décembre 2012 aux torts de cette dernière,
Condamne la société Autos 42 à restituer à Monsieur B. la somme de 3 990 € correspondant au prix de vente,
Condamne in solidum les sociétés Autos 42 et CLCT à payer à Monsieur B. les sommes de :
- 688,01 € au titre des frais de gardiennage,
- 288,61 € au titre des frais d'assurance,
- 264,50 € au titre des frais de carte grise,
- 1 500 € au titre du préjudice de jouissance,
- 1 500 € au titre du préjudice moral,
Condamne la société CLCT à relever et garantir à hauteur de 50 % la société Autos 42 de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, y compris celles au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et sauf celle au titre de la restitution à Monsieur B. du prix de vente,
Condamne Monsieur B. à payer à Monsieur C. une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Autos 42 à payer à Monsieur B. une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Autos 42 aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.