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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 septembre 2020, n° 19/19392

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

International Beers and Beverages (Sasu)

Défendeur :

Bitburger Braugruppe GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Lille Métropole, du 10 oct. 2019

10 octobre 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société International Beers and Beverages (IBB) est un importateur grossiste qui importe depuis 2003 des bières brassées par la société de droit allemand Bitburger Brauguppe GmbH (Bitburger), qu'elle distribue en France auprès de la grande distribution alimentaire, des circuits CHR (cafés, hôtels et restaurants) et des cavistes, sans qu'aucun contrat n'ait été signé entre les parties.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2017, Bitburger a fait part à BBI de son intention de mettre un terme à leurs relations commerciales à effet le 31 juillet 2018.

IBB a contesté l'effectivité de ce préavis compte tenu de l'impossibilité de négocier avec la grande distribution pour une partie de l'année seulement et un règlement amiable du litige a été vainement tenté.

IBB ayant, par acte du 12 avril 2018, fait assigner Bitburger devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, celle-ci a soulevé in limine litis une exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes du lieu de son siège social ou encore de livraison du contrat de vente en litige.

Par jugement du 10 octobre 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole :

- a dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par Bitburger,

- s'est déclaré incompétent au profit des juridictions allemandes,

- a renvoyé IBB à mieux de pourvoir,

- a condamné IBB à payer à la société Bitburger une indemnité de procédure de 5.000 euros et aux dépens.

IBB a saisi la cour par déclaration d'appel à jour fixe du 31 octobre 2019.

Vu les dernières conclusions d'IBB signifiées et notifiées le 21 janvier 2020, il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

Vu le règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matières civiles et commerciales,

Vu les articles 83 et suivants et 86 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- dire et juger que l'exception d'incompétence soulevée par la société Bitburger Braugruppe GmbH est mal fondée,

- dire et juger que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de l'ensemble des demandes formées par la société International Beers And Beverages à l'encontre de la société Bitburger Braugruppe GmbH sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce,

- déclarer le Tribunal de commerce de Lille Métropole compétent pour connaître du présent litige,

- renvoyer les parties devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole,

- condamner la société Bitburger Braugruppe GmbH aux entiers frais et dépens,

- condamner la société Bitburger Braugruppe GmbH à verser à la société International Beers & Beverages une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de Bitburger signifiées et notifiées le 27 mars 2020 il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

Vu le Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 relatif à la compétence judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Vu les articles 73, 74, 75 et 81 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

- débouter la société International Beers And Beverages de l'intégralité de ses prétentions ;

- confirmer le jugement d'incompétence rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 10 octobre 2019 ;

Y ajoutant,

- condamner la société International Beers And Beverages à verser à la société Bitburger Braugruppe GmbH la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société International Beers And Beverages aux entiers dépens de l'instance.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Vu les articles 83 et suivants du code de procédure civile relatifs à l'appel du jugement statuant sur la compétence ;

Vu le Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dont l'article 7 est ainsi libellé :

« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1°) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

Pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

Pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis.

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas ;

2°) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. »

Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;

L'appel, dûment motivé et diligenté dans les délais prévus aux dispositions susvisées du code de procédure civile est recevable, ce qui n'est pas contesté.

IBB soutient que le litige l'opposant à Bitburger à propos de la rupture brutale de leur relation commerciale établie est de nature délictuelle.

Elle soutient subsidiairement que, s'agissant d'un contrat de prestation de services de distribution en France de la bière Bitburger et de développement en France de sa marque dont elle devait assurer la promotion, ainsi que Bitburger l'admet dans ses conclusions au fond et dans divers courriers, la compétence des tribunaux français du lieu où les services ont été fournis est acquise en vertu de l'article 7 1 b) 2e tiret dudit règlement.

Elle soutient encore qu'au demeurant les parties ont fixé contractuellement en France le lieu de livraison de la bière, peu important, compte tenu de sa distribution en France, qu'elle ait dû la charger à ses risques et frais à la sortie de l'usine ou de la brasserie de Bitburger.

Elle en déduit la compétence des juridictions françaises comme étant celles du lieu du dommage en vertu de l'article 7 2) du règlement (UE) n° 1215/2012, subsidiairement celle du lieu où les prestations devaient être fournies ou de livraison des biens objet du contrat de vente, conformément à l'article 7 1 b) 2e tiret ou 1er tiret de ce règlement.

Toutefois la cour, comme le tribunal retient qu'IBB, qui ne conteste pas l'absence de contrat conclu avec Bitburger, ne démontre pas le contrat de fourniture de services allégué, aucun élément en débat, en particulier en terme de rémunération spécifique ou d'exclusivité, n'attestant suffisamment d'un contrat de distribution assorti de stipulations particulières. En tout état de cause, la réalité de la réalisation des actions de promotion et de placement de la marque revendiquées n'est nullement établie.

Le tribunal qualifie en outre à bon droit de contrat vente de marchandises la relation tacite des parties, au vu du faisceau d'indices qu'il relève - en référence à l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 septembre 2017 (RG 16-14.812) lui-même fondé sur l'arrêt Granarolo rendu le 14 juillet 2016 par la Cour de Justice de l'Union européenne (aff. C-196/15 ) - tels l'ancienneté de la relation commerciale établie entre elles depuis 2003 ainsi que la régularité de celle-ci, en termes d'objectifs, de quantité et de remises accordées, IBB agissant en qualité d'importateur grossiste et Bitburger en qualité de brasseur.

Il retient en conséquence exactement, en vertu de l'article 7-1 b) 1er tiret du règlement (UE) n° 1215/2012 ci-dessus reproduit, que la juridiction du lieu de livraison de la bière vendue à IBB par Bitburger est, non pas en France mais, ainsi que le mentionnent l'ensemble des documents commerciaux produits par Bitburger, en Allemagne, soit à Duisburg où se trouve l'usine de cette société ou soit à Pitburg, où se situe sa brasserie de même que son siège social.

Ainsi, diverses factures de douanes de 2009 à 2017 (pièces Bitburger 3a) à 3f) et 3j)) visent expressément l'incoterm FCA pour Free carrier, soit l'obligation pour le vendeur de remettre la marchandise à l'acheteur ou à un transporteur désigné, qui assume les frais et risques du transport.

Dans le même sens :

- les listes de prix 2016 et 2017 (pièces Bitburger 26 et 27), mentionnent FCA D-47/39 Disburg, pour l'une et un départ brasserie pour l'autre

- les bons de livraison (pièces Bitburger 21 a, b et c) indiquent comme lieu de livraison Duisburg, ou Bitburg

- la confirmation de commande produite par Bitburger en pièce 2 indique que la livraison (Lieferung) du 30 octobre 2017 est prévue à Duisburg.

En cet état, IBB n'étaye pas utilement l'affirmation selon laquelle la livraison de la bière vendue devrait être distinguée de son simple chargement, notion neutre au regard de la compétence résultant du règlement, ce que ne suffit pas à établir la circonstance que la distribution de la bière acquise par elle de Bitburger était prévue en France.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, IBB, qui succombe doit supporter la charge des dépens et l'équité commande de la condamner à payer à Bitburger l'indemnité de procédure ci-dessous.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE l'appel du jugement entrepris statuant sur la compétence recevable mais non fondé ;

CONFIRME le jugement entrepris ;

CONDAMNE la société International Beers and Beverages (IBB) aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société International Beers and Beverages (IBB) à payer à la société de droit allemand Bitburger Braugruppe GmbH (Bitburger) une indemnité de procédure de 3 000 euros et rejette toute autre demande.