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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 11 septembre 2020, n° 17/01702

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Agence de la Ria (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseiller :

M. Pothier

Avocat :

Me Dizier

TGI Saint-Nazaire, du 12 janv. 2017

12 janvier 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat d'agent commercial du 1er octobre 2011, la société Agence de la Ria, exploitant une agence immobilière, a confié à Mme X un mandat à durée indéterminée de représentation auprès de sa clientèle en vue de transactions immobilières.

Prétendant que les relations contractuelles avaient été rompues sans préavis le 17 janvier 2014 à l'initiative du mandant, Mme X l'a, par acte du 8 avril 2014, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en paiement d'indemnités compensatrices de préavis et de rupture ainsi que d'un rappel de commissions impayées.

Soutenant que la rupture était en réalité imputable à l'agent commercial qui avait désorganisé l'agence immobilière en abandonnant son poste et en violant ses obligations de loyauté et de non-concurrence, l'Agence de la Ria s'est portée demanderesse reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 12 janvier 2017, le premier juge a :

Constaté que la rupture du contrat d'agent commercial était intervenue le 17 janvier 2014 à l'initiative de l'Agence de la Ria,

Dit qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à Mme X,

En conséquence, débouté l'Agence de la Ria de sa demande en résiliation du contrat aux torts exclusifs de Mme X,

Débouté Mme X de sa demande en paiement de ses factures de commissions n° 3 et n° 4 du 28 janvier 2014,

Condamné l'Agence de la Ria à verser à Mme X la somme de 64 576 euros au titre de l'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2014,

Condamné l'Agence de la Ria à verser à Mme X la somme de 8 498 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2014,

Ordonné que les intérêts des sommes dues soient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil,

Débouté Mme X de sa demande formulée au titre du droit de suite,

Débouté l'Agence de la Ria de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

Condamné Mme X à restituer les clés des bureaux de l'Agence de la Ria, dans le délai d'un mois à compter de la décision,

Condamné l'Agence de la Ria à payer à Mme X la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté l'Agence de la Ria de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné l'Agence de la Ria aux dépens,

Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'Agence de la Ria a relevé appel de cette décision le 10 mars 2017, pour demander à la cour de :

Prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial à la date du 17 janvier 2014 aux torts exclusifs de Mme X,

Dire que l'Agence de la Ria ne saurait être tenue au paiement d'indemnités de résiliation du contrat et compensatrice de préavis,

Condamner Mme X au paiement de la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de la désorganisation de l'agence en raison de l'abandon de son poste sans respect du préavis et de la violation de son obligation de non-concurrence,

À titre subsidiaire, si la cour jugeait que l'Agence de la Ria avait rompu le contrat d'agent commercial sans faute grave de Mme X, rejeter les demandes en paiement d'indemnités compensatrice de rupture et de préavis, faute de preuve de l'existence d'un préjudice,

À titre très infiniment subsidiaire, réduire les indemnités de résiliation de contrat d'agent commercial et compensatrice de préavis sans que celles-ci puissent excéder, respectivement, 5 000 euros et 1 000 euros,

Condamner Mme X au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de réparation des préjudices résultant de la désorganisation de l'agence pour abandon de poste et de la violation de l'obligation de non-concurrence,

Ordonner la compensation des créances réciproques des parties,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Mme X à restituer les clés des bureaux de l'Agence de la Ria,

Y additant, dire que cette condamnation interviendra sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

Se réserver le droit de liquider l'astreinte,

Condamner Mme X à restituer l'attestation d'agent commercial indépendant émise par l'Agence de la Ria, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme X de sa demande en paiement de ses factures n° 3 et 4 ainsi que de l'exercice de son droit de suite,

Dire que toutes condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de Mme X produiront intérêts à compter de son abandon de poste du 17 janvier 2014,

Ordonner la capitalisation des intérêts dus par année entière,

Débouter Mme X de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme X au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, incluant ceux de première instance.

Ayant formé appel incident, Mme X demande quant à elle à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la rupture est intervenue à l'initiative de l'agence de la Ria le 17 janvier 2014 et dit qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à Mme X,

Condamner l'Agence de la Ria au paiement des sommes de 130 000 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat et de 22 500 euros au titre de l'indemnité de préavis,

Condamner l'Agence de la Ria au paiement des factures n° 3 de 53 511,39 euros et n° 4 de 3 150 euros,

Condamner l'Agence de la Ria au paiement de son droit de suite sur les trois ventes en cours de réalisation à la date de la rupture de son contrat,

Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal et se capitaliseront à compter du 17 janvier 2014, date de rupture du contrat pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter de la date d'exigibilité pour les factures,

Débouter l'Agence de la Ria de ses demandes,

Condamner l'Agence de la Ria au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour l'Agence de la Ria le 15 septembre 2017 et pour Mme X le 17 juillet 2017.

En application de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale durant d'état d'urgence sanitaire, et en l'absence d'opposition des parties, il a été statué sans débat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur le rappel de commissions

Aux termes de l'article 5 du contrat d'agent commercial du 1er octobre 2011, l'agent, qui ne peut exiger de commissions que "sous réserve de son intervention à la vente (...,) sera rémunéré selon les conditions en annexe", celle-ci prévoyant à cet égard que « 100 % de la commission versée par le client revient à la société » et que « 70 % de ce montant sera reversé aux agents commerciaux à parts égales ou définis selon leur demandes », ce taux de 70 % correspondant « à une mission complète réalisée par Y ou X ».

Ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, ces dispositions doivent, en raison de l'ambiguïté des termes du contrat et de son annexe, s'interpréter comme n'ouvrant droit à commissionnement que dans le seul cas de l'intervention effective de l'agent commercial à la vente, la répartition forfaitaire à parts égales de la rétrocession de 70 % n'intervenant, sauf meilleur accord des deux agents commerciaux, qu'en cas d'intervention conjointe dans l'opération menée à son terme grâce à l'exécution complète de la mission des agents commerciaux.

Or, Mme X réclame le paiement de deux factures de rappel de commissions n° 3 et 4 du 28 janvier 2014, d'un montant respectif de 53 511,39 euros et 3 150 euros, sans démontrer l'encaissement effectif des commissions par l'Agence de la Ria, ni son intervention dans les ventes considérées, hormis celle réalisée au profit de M. Z pour un bien situé dans la Villa du Golf.

Les différents tableaux établis par ses soins sont en effet impropres à démontrer son droit à commissionnement pour les opérations qui y sont mentionnées, seul l'avis de versement d'une commission de courtage de la part du prêteur de deniers en faveur de Mme X établissant qu'elle est bien intervenue dans la vente au profit de M. Z et que celle-ci a bien eu lieu.

Pour cette vente d'un montant de 222 000 euros, la commission versée à l'agent immobilier ressort à 5 550 euros HT, de sorte que la part revenant à Mme X qui, d'après son propre tableau, admet devoir procéder pour cette opération à un partage à parts égales avec Mme Y, est de 1 942,50 euros HT, soit 2 323,23 euros TTC.

L'Agence de la Ria sera donc, après réformation du jugement attaqué sur ce point, condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 avril 2014 capitalisables dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur l'indemnité compensatrice de rupture

Il résulte des dispositions d'ordre public des articles L. 134-12 et L. 134-13 § 1° et 2° du code de commerce, dont l'article 10 du contrat reprend partiellement les termes, que l'agent commercial a, en cas de résiliation du contrat, droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi, sauf lorsque cette rupture est à l'initiative de l'agent, à moins qu'elle n'ait été justifiée par des circonstances imputables au mandant, et sauf si elle a été provoquée par la faute grave de l'agent.

Or, en l'occurrence, les premiers juges ont à juste titre relevé que la rupture des relations contractuelles était intervenue le 17 janvier 2014 à l'initiative de l'Agence de la Ria.

Cette dernière soutient en effet sans en rapporter la preuve que Mme X aurait ce jour-là abandonné son poste d'elle-même, alors qu'elle n'avait nullement notifié à l'agent son intention de rompre le contrat et qu'elle ne l'aurait jamais empêché de poursuivre l'exécution de ses fonctions, ce dernier ayant conservé la clé de l'agence et sa carte professionnelle d'agent immobilier.

Il ressort cependant du procès-verbal de constat du 23 janvier 2014 que la clef de l'agence détenue par Mme X ne lui permettait plus d'accéder aux locaux professionnels, les constatations de l'huissier ne se bornant pas, comme le prétend à tort l'appelante, à prendre acte des déclarations de la requérante, mais révélant que la clef, photographiée et identique à celle restituée le 26 janvier 2017 à l'Agence de la Ria en exécution du jugement attaqué, ne correspondait plus aux serrures.

En outre, la circonstance qu'il ait été procédé à cette vérification durant la pause de midi, aux heures de fermetures de l'agence, n'affecte en rien la force probante de ce procès-verbal de constat.

D'autre part, en réponse au courrier de Mme X du 17 janvier 2014 relatant avoir appris à son arrivée à l'Agence de la Ria qu'il était mis fin à leur collaboration sans aucune formalité ni raison justifiée, l'espace de travail ainsi que tous les outils, le matériel et les équipement de bureau lui ayant été immédiatement retirés, l'appelante répliquait le 25 février 2014 :

« Vous avez effectivement un contrat de travail, que nous considérons remis en cause de votre fait.

Vous nous avez fait part de l'acquisition, par vos soins, d'un local commercial afin d'ouvrir une agence immobilière.

Vous nous avez informé de vos démarches auprès de la préfecture, afin d'obtenir une carte d'agent immobilier, et, vous nous avez demandé des renseignements pour souscrire une assurance responsabilité civile pour votre activité.

Par vos dires, nous considérons que vous cessez de remplir les conditions des articles 1.3 et 9 ».

Étant observé que les dispositions contractuelles auxquelles ce courrier se réfère ont trait, nonobstant le visa matériellement erroné de l'article 9 aux lieu et place de l'article 11, à l'obligation de l'agent de s'abstenir d'exercer une activité concurrente durant l'exécution du contrat, il en résulte sans équivoque que l'initiative de la rupture est bien imputable au mandant, lequel ne le démentait pas mais justifiait sa décision par une prétendue violation par l'agent de son obligation de non-concurrence.

Il ne peut davantage être fait grief à Mme X, afin de tenter de lui imputer l'initiative de la rupture, de s'être fait radier du registre des agents commerciaux et d'avoir entrepris diverses démarches en vue de débuter une nouvelle activité pendant la période de préavis, alors que le mandant avait rompu les relations contractuelles dès le 17 janvier 2014 à effet immédiat, sans offre d'exécution d'une période de préavis et en lui retirant les moyens de poursuivre sa collaboration au sein de l'agence immobilière.

Par ailleurs, les premiers juges ont tout aussi pertinemment relevé que l'Agence de la Ria ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, d'une faute grave de l'agent commercial privative d'indemnité compensatrice de rupture.

Il résulte à cet égard des articles 1.3, 4.1 et 11 du contrat que l'agent commercial déclarait ne pas exercer de fonctions de représentation d'une entreprise concurrente au moment de son entrée en fonction, et que, tenu à l'égard du mandant d'une obligation de loyauté, il s'interdisait, sauf accord préalable et écrit du mandant, d'effectuer des opérations commerciales pour son compte personnel ou pour une autre entreprise ainsi que d'exercer pendant la durée du contrat toute activité concurrente de celle dont la représentation lui était confiée.

Mme X était donc bien tenue, à l'égard de l'Agence de la Ria, d'une obligation de loyauté et de non-concurrence lui interdisant, durant la période d'exécution du contrat, de réaliser des opérations commerciales personnelles et d'exercer des activités se rapportant à celles d'une agence immobilière, aucune clause de non-concurrence post-contractuelle n'ayant en revanche été convenue entre les parties.

L'appelante prétend d'abord que Mme X aurait publié le 3 janvier 2014 une annonce de vente d'un bien immobilier pour son propre compte, en utilisant frauduleusement les moyens de l'agence et en désignant indûment le mandant comme contact, mais rien ne démontre que cette annonce ait été publiée par l'agent pour son compte personnel, le mandat de vente, dont la référence figurait dans l'annonce, ayant été conféré à l'Agence de la Ria.

Cette dernière soutient aussi que la rupture serait intervenue alors que Mme X était en train d'ouvrir une agence immobilière concurrente, ce qu'elle a annoncé le 17 janvier 2014 à son mandant qui n'a pu qu'en tirer les conséquences, mais l'intimée fait valoir avec raison que cette agence immobilière n'était pas créée au jour de la rupture du 17 janvier 2014, et qu'elle ne devait l'être qu'ultérieurement pour être exploitée par son conjoint qui souhaitait rechercher un partenariat avec l'Agence de la Ria.

À supposer même que ce projet ait pu faire naître dans l'esprit du mandant la crainte d'une collaboration future de Mme X à la nouvelle activité de son mari, il ne pouvait pour autant être imputé à faute à Mme X dès le 17 janvier 2014 d'avoir loyalement évoqué avec l'Agence de la Ria la recherche d'un partenariat entre l'agence immobilière que son conjoint envisageait de créer et celle exploitée par son mandant, les dispositions contractuelles précitées n'interdisant pas les opérations commerciales réalisées par l'agent pour son compte personnel ou pour une autre entreprise en cas d'accord préalable du mandant.

D'autre part, il sera observé qu'aucun acte susceptible d'enfreindre l'interdiction de concurrencer le mandant durant l'exécution du contrat d'agent commercial n'est établi, Mme X s'étant immatriculé que le 20 février 2014 au registre du commerce et des sociétés pour une activité individuelle d'agent immobilier, à titre conservatoire afin d'obtenir une carte professionnelle, et n'ayant en réalité démarré effectivement son activité que le 5 juin 2014, au travers d'une société Brevimmo créée ce jour-là avec son mari.

En outre, l'acquisition d'un local d'exploitation n'est intervenue que postérieurement à la rupture du 17 janvier 2014, par contrat de réservation du 23 janvier 2014 et procès-verbal de livraison du 22 octobre 2014, la circonstance que Mme X se déclarait dans l'acte comme exerçant l'activité d'agent commercial étant impropre à démontrer l'existence d'un acte de concurrence antérieur à la rupture.

Il s'évince de ce qui précède que le contrat d'agent commercial a bien été rompu à l'initiative de l'Agence de la Ria, sans que celle-ci ne démontre que Mme X ait fautivement exercé une activité concurrente avant la date de rupture de son contrat, ni même que cette activité concurrente ai été préparée avant cette rupture.

Dès lors, en l'absence de faute grave de sa part, Mme X a, en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, droit à une indemnité compensatrice de rupture.

Au regard de la durée de 27 mois de la collaboration entre l'Agence de la Ria et Mme X et à la nature de l'activité exercée, les premiers juges ont exactement considéré que cette commission, destinée à compenser les gains manqués du fait de la rupture, devait être calculée sur la base du total des commissions perçues au cours des deux dernières années d'exécution du contrat.

L'expert-comptable du mandant ayant attesté que le montant des commissions perçues par Mme X au cours des exercices 2012 et 2013 avait été de, respectivement, 30 584 euros HT et 33 992,72 euros HT, l'indemnité compensatrice de rupture ressort ainsi à 64 576,72 euros.

Toutefois, la cour ayant accordé à l'agent commercial un rappel de commission sur 2013 de 1 942,50 euros HT, il y a lieu d'y ajouter cette somme.

L'Agence de la Ria sera donc, après réformation du jugement attaqué sur ce point, condamnée au paiement d'une indemnité totale de 66 519,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 avril 2014 capitalisables dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L. 134-11 du code de commerce repris par l'article 2 du contrat d'agent commercial, les parties ne peuvent, lorsque dernier a été conclu pour une durée indéterminée, mettre fin à celui-ci qu'en respectant un préavis d'une durée de trois mois lorsque la relation contractuelle a duré au moins deux ans.

Or, il a été précédemment relevé que l'Agence de la Ria avait pris l'initiative de la rupture et empêché son agent commercial de poursuivre son activité durant la période de préavis, alors que celui-ci n'avait pas commis de faute grave.

Mme X est donc fondée à réclamer le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis dont la mesure sera fixée à trois mois de commissions calculés sur la moyenne des douze derniers mois.

Étant rappelé que, selon l'expert-comptable du mandant, le montant des commissions de l'exercice 2013 s'élève à 33 992,72 euros mais que Mme X a été reconnue fondée à obtenir, au titre de cet exercice, un rappel de commission de 1 942,50 euros, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis ressort à 8 983,80 euros.

L'Agence de la Ria sera donc, après réformation du jugement attaqué sur ce point, condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 avril 2014 capitalisables dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur le droit de suite

Conformément à l'article 9 du contrat, l'agent remet au mandant, en cas de résiliation du contrat, un état des affaires en cours pour lesquelles l'agent pourrait prétendre à commissions, le règlement de ces commissions ne devant toutefois intervenir qu'à la conclusion effective de l'opération.

À cet égard, Mme X a, par l'intermédiaire de son avocat, transmis par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2014 à l'Agence de la Ria sa revendication du droit de suite sur trois ventes en cours de réalisation ayant donné lieu à la signature de compromis ou de contrats de réservation signés en décembre 2013 et concernant l'opération Maison Khor, le terrain de M. C et l'appartement réservé par les époux D dans la résidence Foch.

Au regard des circonstances brutales de la rupture, il ne saurait être fait grief à Mme X de ne pas avoir établi cet état dès le 17 janvier 2014.

D'autre part, l'Agence de la Ria, seule en mesure d'apporter cette preuve, ne démontre pas qu'en dépit de la régularisation de compromis de vente et d'un contrat de réservation d'une vente en état futur d'achèvement, ces opérations n'auraient pas été menées à leur terme et n'aurait pas donné lieu à perception de commissions.

En revanche, il appartenait à Mme X d'établir que ces opérations avaient été initiées, au moins pour partie, grâce à sa collaboration, ce qui est contesté par l'Agence de la Ria et qu'elle ne prouve pas davantage en cause d'appel que devant les premiers juges autrement que par une pièce établie par elle-même pour les besoins de la cause.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté cette demande d'exercice du droit de suite.

Sur les demandes reconventionnelles du mandant

Il est constant que Mme X avait, en dépit de la rupture des relations contractuelles, conservé la clef de l'agence immobilière.

Il convient donc de confirmer la disposition du jugement attaqué ayant ordonné sa restitution.

En revanche, il n'y a pas matière à assortir cette condamnation d'une astreinte, la restitution ayant, quoiqu'en dise l'Agence de la Ria, été effectuée, au titre de l'exécution provisoire du jugement, par courrier officiel de l'avocat de Mme X du 26 janvier 2017.

Il n'y a de même pas matière à ordonner la restitution sous astreinte de « l'attestation d'agent commercial indépendant », celle-ci étant à présent dénuée d'intérêt, et rien ne démontrant que Mme X en ferait un usage illicite pour usurper des fonctions qu'elle n'exerce plus.

L'Agence de la Ria s'est par ailleurs portée demanderesse reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et, le cas échéant, en compensation, en arguant que l'abandon de poste et la violation des obligations de loyauté et de non-concurrence de l'agent commercial aurait désorganisé le fonctionnement de l'agence immobilière et causé à celle-ci un préjudice commercial.

Cette demande est cependant dénuée de fondement et a été à juste titre rejetée par le jugement attaqué, dès lors que ni l'abandon de poste, ni la violation des obligations de loyauté et de non-concurrence n'ont été établis.

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Mme X l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 12 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en ce qu'il a rejeté en totalité la demande en paiement de la facture n° 3 et fixé le montant des indemnités compensatrices de rupture et de préavis à, respectivement, 64 576 euros et 8 498 euros avec intérêts à compter du 17 janvier 2014 ;

Condamne la société Agence de la Ria à payer à Mme X les sommes de 2 323,23 euros TTC au titre d'un rappel de commission, de 66 519,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture et de 8 983,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2014 ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne la société Agence de la Ria à payer à Mme X une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Agence de la Ria aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples.