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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 septembre 2020, n° 18/04804

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ADA (SA)

Défendeur :

2M Location (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Ingold, Me Guyot

T. com. Paris, du 22 janv. 2018

22 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SA ADA exerce l'activité de location de véhicules automobiles utilitaires et de tourisme, au travers d'un réseau de commerçants indépendants bénéficiaires d'un contrat de franchise.

Le 26 novembre 2013, la société ADA a cédé à la SARL 2M Location, dont les seuls associés sont MM. X et Y, le fonds de commerce de location de véhicules situé à Paris, rue des Fossés Saint Bernard, pour le prix de 240 000 euros payable au moyen d'un crédit consenti par la société ADA sur une période de 84 mois.

Le 26 novembre 2013, la société ADA a également signé un contrat de franchise avec la société 2M Location, pour l'exploitation en exclusivité sous l'enseigne ADA de ce fonds de commerce.

La société 2M Location a également consenti à un contrat cadre avec la SA EDA, filiale de la société ADA, pour la location de véhicules utilitaires.

Par suites de difficultés financières, la société 2M Location a cessé d'honorer les factures émises par la société ADA, notamment celles concernant le crédit-vendeur ainsi que celles émises par la société EDA.

Après vaines mises en demeure, la société ADA a résilié le contrat de franchise par lettre du 16 mars 2016. La société EDA a résilié le contrat de location. La société ADA a fait valoir qu'elle devait payer les loyers commerciaux en sa qualité de caution du franchisé. La société ADA a repris les locaux sans autorisation, interdisant au franchisé l'accès à ses documents administratifs.

Par acte extrajudiciaire du 13 septembre 2016, la société ADA a assigné la société 2M Location en résolution judiciaire de l'acte de cession du fonds de commerce et dommages-intérêts.

MM. Y et X sont intervenus volontairement à l'instance.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 22 janvier

2018, a :

- prononcé la résolution du contrat de cession du fonds de commerce,

- ordonné la restitution du fonds,

- condamné la SA ADA à payer à la société 2M Location la somme de 63 384,76 euros,

- condamné la société 2M Location à payer à la société ADA la somme de 47 880,54 euros, au titre de la dépréciation du fonds,

- ordonné la compensation,

- condamné la société ADA à payer à la société 2M Location une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouté la société 2M Location de sa demande en nullité du contrat de franchise et du contrat de cession du fonds de commerce,

- débouté MM. Y et X de leurs demandes,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société 2M Location aux dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour reçue le 05 mars 2018, la société ADA a interjeté appel de ce jugement ; la société 2M Location et MM. Y et X ayant fait de même, leur appel a été joint à celui de la société ADA.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 mars 2020, la société ADA demande à la Cour de :

- vu l'article 1184 (ancien) du code civil,

- vu l'article L. 141-7 du code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris en ce que :

. il a débouté la société 2M Location de son action en nullité pour dol,

. il a prononcé la résolution de l'acte de cession du fonds de commerce et ordonné la restitution du fonds,

. il a débouté la société 2M Location et MM. X et Y de leurs demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce que :

. il l'a condamnée à restituer à la société 2M Location la somme de 63 384,76 euros,

. il l'a condamnée à verser à la société 2M Location une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

. il a limité à la somme de 47 880,54 euros la condamnation de la société 2M Location au titre de la dépréciation du fonds de commerce,

. il n'a pas totalement fait droit à sa demande de voir condamner la société 2M Location à lui payer la somme de 192 118,46 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte totale du fonds de commerce;

- statuant à nouveau, à titre principal :

. dire qu'elle ne doit pas restituer la somme de 63 384,76 euros à elle versées par la société 2M Location au titre du crédit vendeur, mais dire au contraire qu'elle peut la conserver à titre de dommages-intérêts en compensation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résolution de l'acte de cession du fonds de commerce,

- débouter la société 2M Location et MM. X et Y de leurs demandes en dommages-intérêts,

- statuant à nouveau, à titre subsidiaire :

- condamner la société 2M Location à lui verser la somme de 70 000 euros au titre de la restitution des fruits tirés de l'exploitation du fonds de commerce,

- en tout état de cause :

- condamner la société 2M Location à lui payer la somme de 192 119,46 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société 2M Location et MM. X et Y à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2018 la société 2M Location et MM. Y et X demandent à la Cour de :

- vu les articles 1009, 1116 et 1382 du code civil,

- vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce,

- vu l'article 1356 du code civil,

- vu l'article 564 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce que ;

. il a condamné la société concluante à payer à la société ADA la somme de 47 880,54 euros,

. il a débouté la société concluante de sa demande en nullité du contrat de franchise,

. il a débouté la société concluante de sa demande en nullité de la cession de fonds de commerce,

. il a débouté MM. Y et X de leurs demandes en dommages-intérêts,

. débouté la société concluante de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- à titre principal :

- déclarer irrecevable la demande de la société ADA au titre de la perception des fruits,

- prononcer la nullité pour dol de la cession de fonds de commerce,

- prononcée la nullité pour dol du contrat de franchise,

- en conséquence,

- condamner la société ADA à payer les sommes suivantes à la société concluante :

. 63 384,76 euros au titre du remboursement des sommes versées au titre de l'acquisition du fonds de commerce,

. 45 012,06 euros au titre du remboursement des loyers commerciaux acquittés,

- condamner la société ADA à payer à la société concluante une somme de 60 000 euros au titre de la nullité du contrat de franchise,

- à titre subsidiaire :

- prononcer la résolution du contrat de cession de fonds de commerce,

- condamner la société ADA à restituer à la société concluante la somme de 108 400 euros,

- à titre plus subsidiaire :

- prononcer la nullité de la cession de fonds de commerce pour absence de clientèle,

- condamner la société ADA à restituer à la société concluante la somme de 108 400 euros,

- en toutes hypothèses :

- condamner la société ADA à payer à titre de dommages-intérêts :

. 99 800 euros à M. X,

. 130 000 euros à M. Y,

- condamner la société ADA à payer à la société concluante une somme de 50 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de franchise,

- condamner la société ADA à payer une somme de 5 000 euros à chacun des concluants, dépens en sus.

Les parties ont accepté par écrit que l'affaire soit jugée sans audience de plaidoirie.

SUR CE,

- Sur l'irrecevabilité de la demande de la société ADA au titre de la restitution des fruits formée

Il est constant que la société ADA formule pour la première fois en cause d'appel une demande en restitution des fruits tirés de l'exploitation du fonds de commerce.

La société 2M Location et MM. Y et X soutiennent que cette demande est irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile.

La société ADA soutient que la demande est recevable en vertu de l'article 566 du code de procédure civile, au motif qu'il ne s'agirait que de l'une des conséquences directes de la résolution des contrats.

Sur ce point, en vertu de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter en cause d'appel les prétentions qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge.

Peu important que la demande en restitution des fruits soit formulée en l'espèce à titre subsidiaire, dès lors qu'en droit une telle demande ne peut être recevable devant une juridiction que si celle-ci est saisie de l'action en résolution, elle doit s'analyser comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de l'action en résolution.

La demande en restitution des fruits sera donc déclarée recevable.

- Sur la nullité pour dol

Le jugement entrepris a retenu que le dol n'était pas démontré, aux motifs essentiels :

- que les annexes du contrat de vente du fonds de commerce produit par la société 2M Location comportent une lettre du franchiseur au bailleur immobilier, paraphée par l'acquéreur, demandant une réduction du loyer pour éviter le dépôt de bilan du nouveau franchisé et faisant état du dépôt de bilan des deux dernières sociétés franchisées ;

- que le contrat de franchise conclu avec ces deux sociétés avait été résilié plusieurs mois avant leur cessation de paiement ;

- que la société 2M Location a reçu le dossier de franchise 5 mois avant la signature du contrat de franchise et de l'acte de vente du fonds de commerce, de sorte qu'elle avait le temps d'établir son compte prévisionnel avec l'assistance du conseil de son choix, comme l'y invitait le projet de contrat de franchise qui prévoit que le franchisé établit sous sa seule responsabilité ses comptes prévisionnels ;

- que l'attention du franchisé ne pouvait manquer d'être attirée par la baisse significative du chiffre d'affaires au cours des derniers exercices, le dernier étant celui de 2012 ;

- que les échanges entre les parties démontrent que le franchisé avait conscience plusieurs mois avant les signatures de la difficulté de réussir le projet, en ce que par lettres du 1er juillet 2013, la société ADA a accepté un différé de paiement du prix du fonds de commerce à fin 2013, a accepté de prendre en charge une part forfaitaire du loyer immobilier ainsi que des frais de parking jusqu'à réouverture du parking de l'université Paris 5, a accepté de verser au franchisé une participation financière exceptionnelle en 2014 et 2015 pour tenir compte des efforts commerciaux et de communication nécessaires pour redynamiser l'agence ;

- que si les comptes prévisionnels communiqués dans le dossier de franchise étaient très optimistes, il était de la responsabilité de la société 2M Location de les revoir en tenant compte de sa propre étude de marché qui était aisée à réaliser en raison des contacts avec plusieurs agences de location voisines ;

- que l'objectif de chiffre d'affaires sur 13 mois stipulé par les parties et fixé d'un commun accord a été très inférieur au prévisionnel communiqué par la société ADA à titre d'exemple et n'était pas déraisonnable au regard des chiffres d'affaires réalisés en 2010 et 2011 ;

- que si la société ADA n'a pas communiqué au franchisé les bilans des exercices précédents, la société 2M Location n'avait pas usé de la faculté de s'abstenir de signer en l'absence de ces documents comptables et s'était également abstenu de faire demander la nullité du contrat dans le délai préfix d'une année de l'article L. 141-1 du code de commerce et qu'il n'était pas démontré que la société ADA avait dissimulé ces éléments dans le but de tromper le franchisé, ni que le franchisé se serait abstenu de contracter après avoir eu connaissance des derniers bilans ;

- que les difficultés rencontrées par le franchisé trouvent leur origine dans un chiffre d'affaires anormalement faible en 2014 au regard des réalisations passées et que la société 2M Location explique avoir basé le volume de sa flotte sur les comptes prévisionnels joints au dossier de franchise, alors qu'une bonne gestion impliquait de sa part qu'elle ajuste ce volume à ses propres prévisions ;

- que la société ADA a également constaté un taux d'indisponibilité élevé sur certaines catégories de véhicules et a mis en garde le franchisé, par courriel du 30 octobre 2014, sur les conséquences d'une mauvaise répartition de son parc de véhicules ;

- que le franchisé est seul responsable de sa politique commerciale et que les erreurs de gestion de celui-ci ne peuvent pas être imputées au franchiseur.

A l'appui de leur demande en nullité pour dol du contrat de cession de fonds de commerce et du contrat de franchise, la société 2M Location et MM. Y et X exposent que :

- ils ont été victimes d'un défaut d'information sincère et véritable sur un élément déterminant du consentement, commis intentionnellement par la société ADA sur des non-professionnels en ce que :

. les résultats des trois derniers exercices n'étaient pas portés sur l'acte de cession,

. la liquidation judiciaire des deux précédents franchisés de l'agence de Jussieu ont été passés sous silence,

. les chiffres prévisionnels étaient fantaisistes,

. les 3 derniers bilans du précédent franchisé ont été sollicités en vain par mail du juillet 2013, la société ADA ayant répondu que puisque ce franchisé gérait deux sites, toutes les charges et les produits étaient confondus, de sorte que ces documents ne seraient pas utiles,

. la société ADA ne pouvait pourtant ignorer ni la faillite ni la situation financière du précédent franchisé.

Sur ce, la Cour retient qu'il est exact, en fait :

- que le contrat de vente du fonds de commerce comportait une annexe signée et paraphée faisant référence expresse à la liquidation judiciaire subie par les précédentes sociétés franchisées ;

- que M. Y, par courriel du 3 juillet 2013, a expressément demandé au franchiseur « les derniers bilans (dans l'idéal les trois derniers) » du prédécesseur mais qu'il lui a été répondu négativement en ces termes : « je ne pense pas [que le bilan] vous soit d'une grande utilité dans la mesure où il gérait deux sites et que par conséquent toutes les charges et produits sont confondus ».

En outre, le caractère très optimiste des prévisionnels fournis par le franchiseur, à les supposer intentionnellement exagérés, ne suffisent pas à caractériser une manœuvre dolosive.

Il doit être également rappelé que le dol, vice du consentement, s'apprécie au jour de la formation du contrat, de sorte que le moyen pris des conditions de la restitution des lieux qualifiées de voie de fait est inopérant.

Rien n'imposait non plus à la société ADA de faire mention dans le DIP de la liquidation judiciaire subie par les deux précédents franchisés, d'autant que les contrats de vente et de franchise constituent le dernier état de la volonté contractuelle des parties et ont été conclus connaissance prise de l'existence des procédures collectives ayant affecté les franchisés antérieurs.

Il résulte de ces éléments qu'il n'y a pas eu en l'espèce de manœuvre dolosive ni de réticence dolosive, si bien que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur le dol.

- Sur la résolution du contrat de cession de fonds de commerce

Cependant, en droit, le vendeur est tenu d'informer loyalement l'acquéreur sur les éléments essentiels afférents à la chose vendue et la violation de cette obligation de renseignement, d'information et de conseil peut entraîner la résolution de la vente.

En l'espèce, il est établi que la société ADA savait qu'aucun de MM. Y et X n'avait de connaissance dans le secteur économique de la location de véhicules, peu important que M. Y ait fait état de son expérience professionnelle, même commerciale, mais dans l'immobilier.

Or, le refus de la société ADA de fournir « les bilans », qui étaient manifestement en la possession de ce franchiseur, tel que cela résulte de la réponse à la demande expresse de M. Y, et qui auraient renseigné le franchisé sur les mauvais résultats de leurs prédécesseurs ainsi que sur les causes des difficultés que ceux-ci avaient rencontrées, en particulier sur les charges afférentes au volume requis de la flotte permettant de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires, leur aurait permis de critiquer utilement les prévisionnels fournis par le franchiseur, ce compte tenu d'éléments de gestion spécifiques à la profession de loueur de véhicules qui était étrangère à leur spécialité professionnelle.

La société ADA a ainsi contribué à rendre ineffective la possibilité pour le franchisé de se renseigner utilement auprès d'un professionnel du secteur pendant la phase précontractuelle.

C'est pourquoi le franchiseur, en refusant délibérément de fournir les résultats des prédécesseurs de la société 2M Location que l'acquéreur lui demandait, a manqué à son devoir de renseigner l'acquéreur sur des éléments de rentabilité essentiels de la chose vendue, ce qui est d'autant plus déloyal eu égard à la raison invoquée par la société ADA pour ne pas le faire, à savoir l'existence de deux sites différents confondus au sein des comptes des prédécesseurs. En effet, la société ADA fait valoir dans ses écritures (page 4) qu'elle a accepté de consentir à titre gratuit à la société 2M Location le territoire du 6ème arrondissement de Paris en plus du territoire initialement concédé du 5e arrondissement, ainsi qu'une licence supplémentaire reprochant à la société 2M Location de n'avoir rien fait pour exploiter un second territoire. Il en résulte que la raison invoquée par la société ADA pour ne pas communiquer les résultats des prédécesseurs du franchisé n'a été qu'un prétexte invoqué de mauvaise foi par le franchiseur.

Il résulte de ces éléments que le jugement entrepris sera infirmé et que la vente du fonds de commerce sera résolue aux seuls torts du vendeur, dès lors que le manquement à l'obligation d'information a causé les autres manquements contractuels que la société ADA reproche à la société 2M Location, à savoir l'ensemble des impayés concernant tant le contrat de vente du fonds de commerce que le contrat de franchise.

- Sur les restitutions consécutives à la résolution du contrat de cession de fonds de commerce

La résolution du contrat de cession de fonds de commerce aux torts exclusifs du vendeur entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat.

Le prix de vente, qui a été perçu par le vendeur à hauteur de 63 384,76 euros doit être restitué.

Il convient d'ordonner également la restitution du fonds de commerce par l'acquéreur, puisqu'il s'agit d'une conséquence de droit de la résolution.

La société ADA réclame désormais 70 000 euros au titre de la restitution des fruits de l'exploitation du fonds perçus par la société 2M Location entre la date d'acquisition du fonds par celle-ci (novembre 2013) et la reprise du fonds par le franchiseur, en mars 2016.

Toutefois, la société ADA expose que la somme réclamée correspond à la plus-value du fonds de commerce entre le moment où il a été constitué par elle-même et sa filiale EDA, en 2010, soit 170 000 euros, et la cession consentie à la société 2M Location, correspondant au prix de vente de 240 000 euros (240 000 - 170 000 = 70 000 euros).

Par conséquent, sous couvert de demander la restitution des fruits perçus pendant l'exploitation grâce à la clientèle et au droit au bail dont la possession avait été transférée à la société 2M Location, la société ADA demande en réalité la perte de la plus-value qu'elle avait réalisée avant la cession résolue, imputant à la société 2M Location la perte de cette valeur.

Or, dès lors que la résolution a été prononcée aux torts du vendeur du fonds de commerce qui en a dépossédé illégalement l'acquéreur, l'acquéreur est mal fondé à réclamer à l'acquéreur la perte d'une plus-value constituée antérieurement à la cession résolue.

En outre, une telle perte de plus-value antérieure à la cession annulée ne peut être qualifié de fruit civil de l'exploitation du fonds pendant la période où la société 2M Location en a été propriétaire.

La société ADA n'allègue ni ne prouve aucun fait utile au soutien de sa prétention.

Rien ne prouve non plus, par ailleurs, que les acquéreurs, malgré les chiffres réalisés entre 2013 et 2016 inclus, aient perçus des bénéfices nets pendant la période durant laquelle ils ont exploité le fonds.

La société ADA sera donc déboutée de sa demande au titre des fruits de l'exploitation du fonds.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté par de justes motifs que la Cour adopte la demande de la société 2M Location au titre des loyers commerciaux formée à hauteur de 45 012,06 euros, dès lors que la nullité du contrat de bail conclu avec un tiers n'est nullement demandée.

- Sur la demande en dommages-intérêts de la société 2M Location pour exécution déloyale du contrat de franchise

La société 2M Location sollicite à ce titre une somme de 50 000 euros sans apporter de pièce nouvelle susceptible de permettre à la Cour de vérifier le montant allégué de ce préjudice, étant observé que les faits dommageables invoqués sont les mêmes qu'en première instance, à savoir la résiliation du contrat de franchise alors qu'un échéancier était en cours, d'une part, et les conditions fautives de la reprise des lieux, d'autre part.

Les premiers juges doivent cependant être approuvés d'avoir, par des motifs pertinents que la Cour adopte, retenu que la défaillance de la société 2M Location dans le paiement des loyers n'autorisait pas la société ADA à prendre possession des locaux exploités par le franchisé sans l'accord de celui-ci ni décision de justice, d'autant que cette voie de fait a eu lieu en mars 2016, avec enlèvement des meubles du franchisé, qui ne leur ont été restitués que le 7 septembre 2016 ; la société ADA ne s'exonère pas valablement de sa responsabilité à ce titre en faisant valoir que la société la société 2M Location avait donné congé au bailleur au 31 août 2016, ni qu'elle avait intérêt à procéder ainsi pour cesser de payer les loyers dont elle était débiteur solidaire.

Les premiers juges ont justement évalué que le préjudice découlant de la voie de fait ne pouvait pas être inférieur à 10 000 euros ; le jugement sera confirmé sur ce point.

Les premiers juges ont également exactement retenu que la preuve n'était nullement rapportée d'un accord entre les parties sur un échéancier de paiement susceptible d'avoir fait obstacle à la résiliation du contrat de franchise.

La société 2M Location sera donc déboutée du surplus de sa demande en dommages-intérêts.

- Sur la demande en dommages-intérêts de M. X et celle de M. Y

MM. X et Y échouent à démontrer qu'ils n'ont pas été rémunérés pendant le temps où ils ont travaillé au sein de la société 2M Location, ni même qu'ils ont perdu les sommes apportées pour en constituer le capital social.

Leurs demande en dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir plus tôt la rémunération perçue depuis la fin de la franchise litigieuse, s'agissant de M. X, pour perte de chance d'avoir continué à percevoir plus longtemps la rémunération antérieurement perçue, s'agissant de M. Y, et pour perte des sommes investies par l'un et l'autre dans le capital de la société 2M Location seront donc rejetées.

- Sur les frais

La société ADA, qui succombe à titre principal, sera condamnée à payer à chacun des concluants la société 2M Location, M. X et M. Y une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'un montant qui sera précisé au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

DIT recevable la demande en restitution des fruits,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en nullité des contrats de vente du fonds de commerce et de franchise, en ce qu'il a alloué 10 000 euros à la société 2M Location à titre de dommages-intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat, en ce qu'il a débouté la société 2M Location de sa demande au titre des loyers commerciaux et en ce qu'il a débouté MM. X et Y de leurs demandes en dommages-intérêts,

INFIRME pour le surplus le jugement entrepris

Et statuant à nouveau des chefs infirmés du jugement et y ajoutant,

PRONONCE la résolution du contrat de cession du fonds de commerce aux torts exclusifs de la société ADA,

ORDONNE la restitution du fonds de commerce par la société 2M Location à la société ADA,

ORDONNE le remboursement du prix acquitté et condamne la société ADA à payer à ce titre à la société 2M Location la somme de 63 384,76 euros,

DÉBOUTE la société 2M Locations de sa demande en remboursement des loyers commerciaux acquittés,

DÉBOUTE la société 2M Location du surplus de sa demande au titre des restitutions,

DÉBOUTE la société ADA de ses demandes en dommages-intérêts,

DÉBOUTE la société ADA de sa demande en restitution des fruits de l'exploitation du fonds de commerce,

CONDAMNE la société ADA à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros à la société 2M Location, 4 000 euros à M. X et 4 000 euros à M. Y,

CONDAMNE la société ADA aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.