CJUE, 2e ch., 24 septembre 2020, n° C-601/18 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Prysmian SpA, Prysmian Cavi e Sistemi Srl
Défendeur :
Commission européenne, The Goldman Sachs Group Inc., Pirelli & C. SpA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Arabadjiev
Juges :
M. Xuereb (rapporteur) , M. von Danwitz
Avocat général :
Mme Kokott
Avocats :
M. Tesauro, M. Armati, M. Firth, Mme Griesenbach, M. Koponen, Mme Mangiaracina, M. Rizza , M. Siragusa
LA COUR (deuxième chambre),
1 Par leur pourvoi, Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Srl demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission (T‑475/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:448), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision C(2014) 2139 final de la Commission, du 2 avril 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39610 – Câbles électriques) (ci–après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle les concerne, et, d’autre part, à la réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées dans la décision litigieuse.
Le cadre juridique
2 L’article 20, intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit :
« 1. Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.
2. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :
a) accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;
b) contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;
c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;
d) apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle-ci ;
e) demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.
[...]
4. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée.
[...] »
3 L’article 21 de ce règlement, intitulé « Inspection d’autres locaux », énonce :
« 1. S’il existe un soupçon raisonnable que des livres ou autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article [101] ou [102 TFUE] sont conservés dans d’autres locaux, terrains et moyens de transport, y compris au domicile des chefs d’entreprises, des dirigeants et des autres membres du personnel des entreprises et associations d’entreprises concernées, la Commission peut ordonner par voie de décision qu’il soit procédé à une inspection dans ces autres locaux, terrains et moyens de transport.
[...]
4. Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection ordonnée conformément au paragraphe 1 disposent des pouvoirs définis à l’article 20, paragraphe 2, points a), b) et c). [...] »
4 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, dudit règlement :
« 2. La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :
– elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE] [...]
[...]
3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »
Les antécédents du litige et la décision litigieuse
5 Les antécédents du litige, qui figurent aux points 1 à 20, 39 à 44 et 131 de l’arrêt attaqué, peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.
6 Les requérantes, Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Srl (ci-après « PrysmianCS »), sont deux sociétés italiennes constituant, dans leur ensemble, le groupe Prysmian. La seconde d’entre elles, détenue à 100 % par la première, est un acteur mondial présent dans le secteur des câbles électriques sous-marins et souterrains.
7 Entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005, Pirelli & C. SpA (ci-après « Pirelli »), anciennement Pirelli SpA, une société italienne, était la société mère de Pirelli Cavi e Sistemi SpA (ci-après « PirelliCS »), puis de Pirelli Cavi e Sistemi Energia SpA (ci-après « PirelliCSE »), qui étaient actives dans le secteur des câbles électriques sous-marins et souterrains. Le 28 juillet 2005, Pirelli a cédé cette dernière société à une filiale de The Goldman Sachs Group Inc. (ci-après « Goldman Sachs »), une société américaine. À la suite de cette cession, PirelliCSE est devenue Prysmian Cavi e Sistemi Energia Srl (ci-après « PrysmianCSE »), puis PrysmianCS.
8 Par lettre du 17 octobre 2008, ABB AB, une société établie en Suède, a fourni à la Commission européenne, dans le cadre d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), une série de déclarations et de documents relatifs à des pratiques commerciales restrictives dans ce secteur.
9 Par la suite, la Commission a procédé à une enquête.
10 Le mercredi 28 janvier 2009, les inspecteurs de la Commission (ci-après les « inspecteurs »), accompagnés d’un représentant de l’autorité italienne de la concurrence, se sont rendus dans les locaux des requérantes à Milan (Italie) afin de procéder à une inspection au titre de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 (ci-après l’« inspection en cause »), sur le fondement d’une décision du 9 janvier 2009 ordonnant à Prysmian ainsi qu’aux entreprises directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une telle inspection (ci-après la « décision d’inspection »). Selon l’article 1er, deuxième alinéa, de cette décision, « [l]’inspection [en cause pouvait] avoir lieu dans tous les locaux de l’entreprise ou de ses filiales, et en particulier dans les locaux situés à Viale Scarca 222, 20126 Milan, Italie ». Après avoir notifié cette décision aux requérantes et leur avoir remis une note explicative concernant les inspections, les inspecteurs ont contrôlé les ordinateurs de cinq employés, en présence des représentants et des avocats des requérantes.
11 Le deuxième jour de l’inspection en cause, à savoir le jeudi 29 janvier 2009, les inspecteurs ont informé les requérantes que celle-ci prendrait plus de temps que les trois jours initialement prévus. Les requérantes se sont déclarées prêtes soit à permettre l’accès à leurs locaux au cours du week-end, soit à ce que des scellés y soient apposés afin que l’inspection en cause reprenne la semaine suivante. Néanmoins, le troisième jour de celle-ci, à savoir le vendredi 30 janvier 2009, les inspecteurs ont décidé de faire une copie-image des disques durs des ordinateurs de trois des cinq employés initialement visés (ci-après les « ordinateurs en cause »), afin d’examiner l’information contenue dans ceux-ci dans les bureaux de la Commission à Bruxelles (Belgique).
12 Les requérantes ont fait observer que la méthode de contrôle suggérée par les inspecteurs était illégale. Après avoir été informées par les inspecteurs que toute opposition à la procédure de contrôle suggérée serait considérée comme une « non-collaboration », les requérantes se sont soumises à cette procédure, tout en se réservant le droit d’en contester la légalité en justice.
13 Les inspecteurs ont par la suite effectué des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause. Les copies-images des disques durs de deux ordinateurs ont été sauvegardées sur un support informatique d’enregistrement de données. La copie-image du disque dur du troisième ordinateur a été sauvegardée sur un ordinateur de la Commission. Cet ordinateur et le support informatique d’enregistrement de données en cause ont été placés dans des enveloppes scellées que les inspecteurs ont rapportées à Bruxelles.
14 Le 26 février 2009, les enveloppes scellées visées au point précédent ont été ouvertes en présence des avocats des requérantes dans les bureaux de la Commission. Les inspecteurs ont examiné les copies-images contenues dans ces enveloppes et imprimé sur papier les documents qu’ils ont considérés comme étant pertinents pour l’enquête. Une deuxième copie papier et une liste de ces documents ont été remises aux avocats des requérantes. Ces opérations se sont poursuivies le 27 février 2009 et se sont achevées le 2 mars 2009. Le bureau dans lequel elles ont eu lieu a été mis sous scellés à la fin de chaque journée de travail, en présence des avocats des requérantes, et rouvert le lendemain, toujours en leur présence. Au terme de ces opérations, la Commission a effacé, en présence des représentants des requérantes, les copies-images des disques durs qu’elle avait réalisées.
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2009 et enregistrée sous le numéro T‑140/09, les requérantes ont introduit un recours visant notamment à ce que le Tribunal annule la décision d’inspection et déclare illégale la décision de la Commission de prendre une copie-image des disques durs des ordinateurs en cause pour les contrôler ultérieurement dans ses bureaux à Bruxelles.
16 Par arrêt du 14 novembre 2012, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi Energia/Commission (T‑140/09, non publié, EU:T:2012:597), le Tribunal a partiellement annulé la décision d’inspection, pour autant qu’elle concernait des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains à haute tension et le matériel associé à ces autres câbles, et a rejeté le recours pour le surplus.
17 Dans ce contexte, à l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les requérantes et 24 autres sociétés, y compris Nexans France SAS ainsi que Silec Cable SAS, deux sociétés françaises, avaient participé à une entente (ci-après l’« entente »), constitutive d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »), dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins (ci-après l’« infraction en cause »).
18 Dans ladite décision, la Commission a considéré que l’entente revêtait deux configurations principales qui constituaient un ensemble composite, à savoir
– une configuration qui regroupait les entreprises européennes, généralement appelées « membres R », les entreprises japonaises, désignées en tant que « membres A », et les entreprises sud-coréennes, désignées en tant que « membres K », et qui permettait de réaliser l’objectif d’attribution de territoires et de clients entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens (ci-après la « configuration A/R »). Cette attribution se faisait selon un accord sur le « territoire national », en vertu duquel les producteurs japonais et sud-coréens s’abstenaient d’entrer en concurrence pour des projets se déroulant sur le « territoire national » des producteurs européens, tandis que ces derniers s’engageaient à rester en dehors des marchés du Japon et de la Corée du Sud. S’ajoutait à cela l’attribution de projets dans les « territoires d’exportation », à savoir le reste du monde, à l’exception, notamment, des États-Unis ;
– une configuration qui impliquait l’attribution de territoires et de clients par les producteurs européens pour des projets à réaliser à l’intérieur du territoire « national » européen ou attribués à des producteurs européens (ci-après la « configuration européenne »).
19 Selon la décision litigieuse, PrysmianCS a participé à l’entente du 18 février 1999 au 28 janvier 2009. La responsabilité de Pirelli a été retenue, en substance, en raison de l’exercice, en sa qualité de société mère, d’une influence déterminante sur PirelliCSE jusqu’au 28 juillet 2005. Prysmian a été reconnue responsable de l’infraction en cause en tant que société mère de PrysmianCS pour la période comprise entre le 29 juillet 2005 et le 28 janvier 2009. En outre, la Commission a tenu Goldman Sachs responsable de l’infraction en cause pour cette même période, au vu de ses liens avec Prysmian et, indirectement, PrysmianCSE.
20 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 et la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2).
21 En premier lieu, s’agissant du montant de base desdites amendes, la Commission a déterminé la valeur des ventes à prendre en compte. Elle a, ensuite, fixé la proportion de cette valeur des ventes reflétant la gravité de l’infraction en cause. À cet égard, la Commission a estimé que cette infraction, par sa nature, constituait l’une des restrictions de la concurrence les plus graves, ce qui justifiait l’application d’un coefficient de gravité de 15 %. Cette institution a en outre majoré ledit coefficient à concurrence de 2 % pour l’ensemble des destinataires de la décision litigieuse en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, couvrant, notamment, l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE).
22 Par ailleurs, la Commission a considéré que le comportement des entreprises européennes était plus préjudiciable à la concurrence que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la configuration A/R, les entreprises européennes avaient partagé entre elles les projets portant sur des câbles dans le cadre de la configuration européenne. Pour cette raison, elle a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à 19 % pour les entreprises européennes et à 17 % pour les autres entreprises. Le montant de base ainsi déterminé s’élevait, en ce qui concerne PrysmianCS, à 104 613 000 euros.
23 En second lieu, s’agissant des aménagements du montant de base des amendes, la Commission n’a pas constaté de circonstances aggravantes, ni de circonstances atténuantes en ce qui concerne les requérantes.
24 Aux termes de l’article 2, sous f) et g), de la décision litigieuse, la Commission a infligé, d’une part, une amende d’un montant de 67 310 000 euros à PrysmianCS, conjointement et solidairement avec Pirelli, pour ce qui est de la période allant du 18 février 1999 au 28 juillet 2005 et, d’autre part, une amende d’un montant de 37 303 000 euros à PrysmianCS, conjointement et solidairement avec Prysmian et Goldman Sachs, pour la période comprise entre le 29 juillet 2005 et le 28 janvier 2009.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2014, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle les concernait, et à la réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées.
26 Par deux ordonnances du 25 juin 2015, le Tribunal a autorisé l’intervention de Pirelli et de Goldman Sachs dans cette affaire, la première au soutien des conclusions de la Commission et la seconde au soutien des conclusions des requérantes.
27 Au soutien de leurs conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé neuf moyens devant le Tribunal, dont notamment le premier, tiré du caractère illégal de l’inspection en cause, le quatrième, pris de l’imputation à tort d’une responsabilité à l’encontre de PrysmianCS pour la période antérieure au 27 novembre 2001, le sixième, tiré de l’insuffisance de preuves de l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE, le septième, pris de la détermination erronée de la durée de l’infraction en cause, et le huitième, pris, en sa deuxième branche, de la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le calcul des amendes infligées. À l’appui de leurs conclusions visant à la réduction du montant des amendes qui leur avaient été infligées, les requérantes ont invoqué, outre les erreurs de la Commission visées par la demande d’annulation de la décision litigieuse, la durée excessive de la procédure administrative.
28 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.
29 S’agissant du premier moyen des requérantes, le Tribunal a considéré que, premièrement, et contrairement à ce qu’avaient soutenu les requérantes, il ne ressortait pas de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 que le pouvoir de la Commission de prendre ou d’obtenir copie ou extrait des livres et des documents professionnels d’une entreprise faisant l’objet d’une inspection se limitait aux livres et aux documents professionnels qu’elle avait déjà contrôlés. Une telle interprétation pourrait d’ailleurs nuire à l’effet utile de l’article 20, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, dans la mesure où, dans certaines circonstances, le contrôle des livres et des documents professionnels de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection peut nécessiter la réalisation préalable de copies desdits livres ou documents professionnels ou être simplifié, comme en l’espèce, par cette réalisation. Selon le Tribunal, dès lors que la réalisation des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre du logiciel d’investigation informatique, utilisé par la Commission pour pouvoir effectuer une recherche par mots clés dans les données contenues dans ces ordinateurs, dont l’objet était de rechercher les informations pertinentes pour l’enquête, la réalisation de ces copies relevait des pouvoirs prévus à l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003.
30 Deuxièmement, le Tribunal a constaté que, contrairement à ce qu’avaient soutenu les requérantes, les inspecteurs n’avaient pas versé directement au dossier d’instruction les documents contenus dans les copies-images des disques durs des ordinateurs en cause sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection.
31 Troisièmement, le Tribunal a jugé que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 n’établit pas que le contrôle des livres et documents professionnels des entreprises soumises à l’inspection s’effectue exclusivement dans les locaux de celles-ci si, comme en l’espèce, ladite inspection n’a pas pu être achevée dans le laps de temps initialement prévu. Il obligerait uniquement la Commission à offrir, lors du contrôle des documents dans ses locaux, les mêmes garanties à l’égard des entreprises faisant l’objet de l’inspection que celles qui s’imposent à cette institution lors d’un contrôle sur place, ce qui aurait été le cas en l’espèce.
32 Quatrièmement, la Commission n’aurait pas non plus violé la portée de la décision d’inspection, étant donné que cette dernière n’excluait pas la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection dans ses locaux, à Bruxelles, et que les requérantes n’avaient pas fait valoir que la durée de l’inspection en cause avait dépassé un délai raisonnable.
33 En ce qui concerne le quatrième moyen des requérantes, le Tribunal a jugé que c’est à bon droit que la Commission avait considéré que la responsabilité découlant du comportement infractionnel de PirelliCS jusqu’au 27 novembre 2001 avait été transmise à PirelliCSE en vertu du principe de continuité économique et que cette responsabilité incombait donc à PrysmianCS. S’agissant de l’argument des requérantes fondé sur une violation du principe d’égalité de traitement, le Tribunal a considéré que celui-ci devait se concilier avec le principe de légalité, en vertu duquel nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. Selon le Tribunal, il s’ensuivait que, même à supposer que la Commission aurait commis une éventuelle illégalité en ne retenant pas la responsabilité de Nexans France et de Silec Cable, en vertu du principe de continuité économique, une telle illégalité éventuelle, dont il ne serait pas saisi dans le cadre du recours formé par les requérantes, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard de ces dernières.
34 S’agissant du sixième moyen des requérantes, le Tribunal a jugé que celles-ci n’avaient pas établi que la Commission n’avait pas valablement démontré l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE.
35 En ce qui concerne le septième moyen des requérantes, le Tribunal a décidé que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que le début de l’infraction en cause avait été déterminé par une réunion ayant eu lieu le 18 février 1999.
36 S’agissant de la deuxième branche du huitième moyen des requérantes, le Tribunal a jugé que le fait que, comme le prétendaient celles-ci, la participation des entreprises japonaises à l’infraction en cause avait été semblable à celle des entreprises européennes quant à la participation dans la configuration européenne de l’entente, même à le supposer avéré, n’était pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la répartition des projets au sein de l’EEE constituait un élément supplémentaire qui méritait d’être sanctionné par une majoration du coefficient de gravité. En outre, l’argument des requérantes selon lequel la Commission avait commis une erreur d’appréciation à cet égard serait sans conséquence quant à l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement à l’égard des requérantes. En effet, bien qu’un tel argument, à le supposer fondé, soit de nature à justifier l’augmentation de l’amende infligée aux entreprises japonaises, le principe d’égalité de traitement ne saurait fonder aucun droit à l’application non discriminatoire d’un traitement illégal.
37 Enfin, le Tribunal a rejeté la demande des requérantes de réduire le montant des amendes qui leur avaient été infligées.
Les conclusions des parties devant la Cour
38 Les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit à leurs conclusions en première instance, et
– de condamner la Commission aux dépens.
39 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes aux dépens de l’instance.
40 Pirelli demande à la Cour :
– de rejeter le deuxième moyen des requérantes ;
– de confirmer l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette le quatrième moyen invoqué par les requérantes en première instance, et
– de condamner les requérantes aux dépens qu’elle a exposés.
Sur le pourvoi
41 Au soutien de leur pourvoi, les requérantes invoquent cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Le deuxième moyen est pris d’une violation des principes de la responsabilité personnelle, de sécurité juridique et de l’égalité de traitement ainsi que de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste commise par le Tribunal en qualifiant l’infraction en cause d’infraction unique et continue. Le quatrième moyen est pris d’erreurs de droit commises dans l’appréciation de la délimitation de la durée de l’infraction. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement concernant la fixation du coefficient de gravité.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
42 Par leur premier moyen, qui vise les points 50 à 53, 58, 60 et 62 à 68 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que ce dernier est entaché d’erreurs de droit relatives à l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003, en ce que le Tribunal a confirmé que la Commission avait le droit, d’une part, de réaliser des copies-images de disques durs des ordinateurs en cause sans avoir procédé au préalable à un examen de la nature des documents qui se trouvaient sur ces disques durs et de leur pertinence pour l’inspection en cause et, d’autre part, de poursuivre cette dernière dans ses locaux, à Bruxelles.
43 En ce qui concerne la réalisation de copies-images de disques durs, il ressortirait du libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 que, lorsqu’elle accède aux locaux d’une entreprise, la Commission devrait tout d’abord contrôler les documents professionnels afin d’apprécier leur pertinence pour l’enquête et ce ne serait qu’après avoir procédé à un tel contrôle qu’elle pourrait prendre copie de « ces livres ou documents », c’est-à-dire les documents qu’elle a contrôlés.
44 En outre, le règlement no 1/2003 préciserait que la Commission ne peut contrôler et copier que des livres et des documents professionnels. Bien que les ordinateurs des dirigeants d’une entreprise puissent être qualifiés de « professionnels », tous les fichiers, les données et les logiciels qu’ils contiennent ne le seraient pas nécessairement. Partant, en prenant une copie-image des disques durs des ordinateurs en cause, la Commission aurait inévitablement copié également des fichiers et des données à caractère personnel et aurait donc commis une violation flagrante de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003.
45 La note explicative sur les inspections, visée au point 10 du présent arrêt, ne constituerait pas une base légale suffisante pour justifier une telle pratique. Conformément au principe de légalité, toute procédure impliquant la copie d’ensembles de données devrait être régie par un acte émanant du législateur de l’Union ou, à tout le moins, adopté par la Commission en vertu de pouvoirs expressément délégués par ce législateur.
46 Il en irait de même s’agissant du lieu où la Commission est habilitée à procéder à son contrôle. La portée géographique des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés par l’article 20 du règlement no 1/2003 serait clairement limitée aux locaux des entreprises concernées, comme le démontrerait le libellé de l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement. En outre, il ressortirait de l’article 21 dudit règlement que ce n’est qu’à titre d’exception que la Commission peut exercer ses pouvoirs d’inspection dans d’autres locaux, lorsqu’un acte de droit de l’Union l’y autorise expressément. En l’espèce, l’article 20, paragraphe 1, du même règlement et la décision d’inspection, qui en aurait repris le contenu, auraient donc interdit à la Commission de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux, à Bruxelles. Par conséquent, l’interprétation de l’article 20 du règlement no 1/2003 retenue par le Tribunal serait contraire à la portée de ce règlement ainsi qu’aux principes de légalité et de sécurité juridique.
47 Le fait que l’examen des documents dans les locaux de la Commission à Bruxelles aurait bénéficié des mêmes garanties que celles qui s’imposent à cette institution lors d’un contrôle sur place ne remettrait pas en cause l’existence d’une violation du règlement no 1/2003 commise par celle-ci du fait d’avoir poursuivi l’inspection en cause dans ses locaux, à Bruxelles.
48 La Commission soutient que le premier moyen est irrecevable, dans la mesure où il ne constitue qu’une simple réitération des arguments déjà avancés dans la procédure en première instance et vise à amener la Cour à réexaminer les arguments que les requérantes ont soumis au Tribunal. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que ce moyen est inopérant, ou à tout le moins non fondé, car il repose sur une lecture partielle de l’arrêt attaqué, qui ne tient pas compte des constatations principales du Tribunal figurant aux points 50 et 56 de cet arrêt.
Appréciation de la Cour
49 S’agissant de la recevabilité du premier moyen, il convient de relever que, par ce moyen, les requérantes contestent l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 par le Tribunal. Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union donnée par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service, C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 15 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le premier moyen est recevable.
50 Quant au fond, il convient de relever d’emblée que, certes, les requérantes ne contestent pas les constatations du Tribunal, figurant aux points 50 et 56 de l’arrêt attaqué. Selon ces constatations, d’une part, la réalisation d’une copie-image des disques durs des ordinateurs en cause, dans le cadre de l’utilisation du logiciel d’investigation informatique de la Commission, constituait, en substance, une étape intermédiaire destinée à permettre aux inspecteurs de rechercher des documents pertinents pour l’inspection en cause. D’autre part, il ressort desdites constatations que, en l’espèce, la Commission n’avait pas versé directement au dossier d’instruction les documents contenus dans ces copies-images sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de cette inspection. Cependant, le fait que les requérantes n’ont pas contesté ces mêmes constatations du Tribunal n’implique pas, contrairement à ce que la Commission fait valoir, que le premier moyen est inopérant en ce qui concerne les arguments des requérantes dirigés contre les motifs de l’arrêt attaqué selon lesquels la Commission avait le droit de prendre des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause. En effet, lesdites constatations ne suffisent pas, en tant que telles, à établir que la Commission avait le pouvoir d’effectuer de telles copies.
51 Il est donc nécessaire d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré que l’article 20, paragraphe 2, sous b) ou c), du règlement no 1/2003 donne à la Commission le pouvoir de prendre de telles copies-images et de poursuivre son inspection dans ses locaux, à Bruxelles.
52 En premier lieu, s’agissant de la préparation des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause, il convient de relever qu’il ressort tant du libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 que de son contexte que, en autorisant la Commission, par cette disposition, à « prendre ou obtenir » sous quelque forme que ce soit copie ou extrait des livres ainsi que des autres documents professionnels mentionnés à l’article 20, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, le législateur de l’Union a visé les éléments de preuve que la Commission est en droit de se procurer afin de les verser au dossier et, le cas échéant, de les utiliser dans le cadre d’une procédure ayant pour objet de sanctionner des infractions au droit de la concurrence de l’Union. Il doit donc s’agir de documents couverts par l’objet de l’inspection, ce qui présuppose que la Commission a vérifié au préalable que tel était le cas (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 58).
53 Il s’ensuit que le Tribunal ne pouvait se fonder sur l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 pour juger que la Commission était en droit d’effectuer des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause.
54 Toutefois, l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003, auquel le Tribunal se réfère également et qui autorise la Commission à contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support, de l’entreprise ou de l’association d’entreprises visée par l’inspection, fournit une base juridique à la réalisation de telles copies (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 60).
55 En effet, il convient de relever, premièrement, que, en se limitant à cet égard à autoriser la Commission à procéder à un tel contrôle, sans spécifier plus en détail le pouvoir ainsi octroyé à la Commission, le législateur de l’Union a accordé une certaine marge d’appréciation à cette institution en ce qui concerne les modalités concrètes du contrôle auquel elle peut procéder.
56 La Commission peut donc, selon les circonstances, décider d’effectuer le contrôle des données contenues sur le support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection sur la base non pas de l’original, mais d’une copie de ces données. En effet, tant dans le cas où elle examine les données originales que dans celui où elle analyse la copie de ces données, il s’agit des mêmes données qui font l’objet du contrôle effectué par la Commission.
57 Ainsi, le droit de la Commission de réaliser une copie-image d’un disque dur d’un ordinateur, en tant qu’étape intermédiaire dans le cadre de l’examen des données figurant sur ce support, ne constitue pas une prérogative supplémentaire accordée à la Commission, mais, ainsi que le Tribunal l’a constaté à bon droit au point 53 de l’arrêt attaqué, fait partie du pouvoir de contrôle que l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 met à la disposition de cette institution.
58 Deuxièmement, s’il est, certes, de jurisprudence constante que les pouvoirs de vérification dont la Commission est investie en matière de concurrence sont bien délimités (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 31 ainsi que jurisprudence citée), cela ne signifie pas pour autant que les dispositions qui confèrent les pouvoirs de vérification à ladite institution doivent être interprétées de manière restrictive, même s’il y a lieu, dans cette perspective, de veiller à ce que lesdits pouvoirs ne violent pas les droits des entreprises concernées. Or, ces droits sont garantis lorsque, comme en l’espèce, la Commission copie des données, certes, sans examen préalable, mais vérifie ensuite, dans le strict respect des droits de la défense de l’entreprise concernée, si ces données sont pertinentes pour l’objet de l’inspection, avant de verser au dossier les documents jugés pertinents à cet égard et d’effacer les autres données copiées.
59 Partant, le droit de la Commission de procéder à la réalisation de telles copies n’affecte ni les garanties procédurales prévues par le règlement no 1/2003 ni les autres droits de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection, à condition que la Commission, après avoir complété son examen, ne verse au dossier que des documents qui sont pertinents au regard de l’objet de l’inspection. Ainsi que le Tribunal l’a constaté au point 56 de l’arrêt attaqué, tel était le cas en l’espèce.
60 Troisièmement, ainsi qu’il ressort des constatations factuelles du Tribunal au point 49 de l’arrêt attaqué, la Commission utilise un logiciel d’investigation informatique qui nécessite une étape préalable appelée « indexation », laquelle prend généralement un temps considérable. Il en va de même s’agissant de l’étape suivante de ce processus de traitement de l’information, au cours de laquelle la Commission procède à l’examen de ces données, comme le démontrent d’ailleurs les faits d’espèce. Il est donc dans l’intérêt non seulement de la Commission, mais aussi de l’entreprise concernée, que cette institution se fonde, pour effectuer son contrôle, sur une copie de ces données, permettant ainsi à cette entreprise de continuer d’utiliser les données originales ainsi que les supports sur lesquels elles se trouvent dès que cette copie a été réalisée et, partant, de réduire l’ingérence dans le fonctionnement de cette entreprise causée par l’inspection effectuée par la Commission.
61 Dans ces conditions, les arguments des requérantes visant la préparation des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause et fondés sur le libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 et sur l’économie générale de l’article 20, paragraphe 2, de ce règlement doivent être rejetés.
62 En second lieu, s’agissant de la décision de la Commission de poursuivre l’examen des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause dans ses locaux, à Bruxelles, il convient de relever que, certes, il ressort tant du libellé que de l’économie de l’article 20 du règlement no 1/2003 qu’une inspection doit débuter, et devrait, en principe, se poursuivre, comme l’énonce l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement, « auprès des entreprises et associations d’entreprises », et que c’est pour cette raison que, d’une part, l’article 20, paragraphe 2, sous a), dudit règlement autorise la Commission à « accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport » de ces dernières et, d’autre part, l’article 20, paragraphe 3, du même règlement oblige la Commission à aviser, en temps utile avant l’inspection, l’autorité de concurrence de l’État membre « sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée ». C’est également pour cette raison que, en l’espèce, la décision d’inspection obligeait Prysmian à se soumettre à une inspection « dans tous [ses] locaux » et ceux de ses filiales.
63 Toutefois, comme le Tribunal l’a relevé, à bon droit, au point 58 de l’arrêt attaqué, l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 n’établit pas, comme les requérantes le prétendent, que le contrôle des livres et des documents professionnels des entreprises soumises à l’inspection s’effectue exclusivement dans leurs locaux, en toutes circonstances (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 78).
64 Il en va de même de la décision d’inspection, qui s’est limitée à prévoir que l’inspection en cause pouvait avoir lieu dans tous les locaux des requérantes.
65 En effet, la poursuite d’un tel contrôle dans les locaux de la Commission ne constitue pas, en tant que tel, et par rapport à un contrôle effectué dans les locaux mêmes des entreprises faisant l’objet d’une inspection, une atteinte supplémentaire aux droits de ces dernières, qui nécessiterait qu’une telle possibilité, pour la Commission, soit expressément prévue, sans qu’elle puisse être implicitement déduite des pouvoirs conférés à cette institution par l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003. Le fait que, dans certains cas, la possibilité de poursuivre le contrôle dans les locaux de la Commission ne serait pas indispensable pour permettre à la Commission d’effectuer celui-ci ne signifie pas qu’une telle possibilité soit exclue en toutes circonstances (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 80).
66 En effet, des raisons légitimes peuvent amener la Commission, également dans l’intérêt des entreprises concernées, à décider de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, l’inspection des données qu’elle a récoltées au sein de l’entreprise concernée. À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 60 du présent arrêt, que le temps nécessaire pour le traitement des données électroniques peut s’avérer considérable. Or, contraindre la Commission à effectuer le traitement de telles données exclusivement sur les lieux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, lorsqu’il s’agit de données particulièrement volumineuses, pourrait avoir pour conséquence de prolonger de manière importante la durée de la présence des inspecteurs sur les lieux de cette entreprise, ce qui serait susceptible de nuire à l’efficacité de l’inspection et d’augmenter inutilement l’ingérence dans le fonctionnement de ladite entreprise en raison de l’inspection (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 81).
67 En outre, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 60 de l’arrêt attaqué, les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir, lors du contrôle des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause, effectué dans les locaux de cette dernière à Bruxelles, agi autrement que si ce contrôle s’était déroulé dans les locaux des requérantes. En effet, les requérantes ne contestent pas que le contrôle effectué par la Commission dans ses locaux à Bruxelles s’est déroulé dans le strict respect de leurs droits de la défense, la Commission ayant garanti, pendant toute la durée de l’inspection en cause, la protection des données concernées et n’ayant versé au dossier que les documents dont elle s’était auparavant assurée qu’ils étaient pertinents aux fins de cette inspection.
68 L’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 selon laquelle la Commission peut, le cas échéant, poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, le contrôle qu’elle a valablement entamé dans ceux de l’entreprise ou de l’association d’entreprises faisant l’objet de l’inspection n’est pas remis en cause par l’argument des requérantes selon lequel ce n’est qu’à titre d’exception que l’article 21 de ce règlement permet à la Commission d’exercer ses pouvoirs d’inspection « dans d’autres locaux ». En effet, cet article 21 concerne une situation totalement différente de celle visée à l’article 20 dudit règlement, à savoir la possibilité, pour la Commission, d’effectuer des inspections dans des locaux autres que les locaux professionnels de l’entreprise concernée, tels que le domicile ou les moyens de transport des membres du personnel de celle-ci, dès lors qu’il existe un soupçon raisonnable qu’y sont conservés des livres ou d’autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 101 ou 102 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 85).
69 L’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 visée au point précédent n’est pas non plus remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel une telle interprétation donnerait à la Commission la possibilité de procéder à des inspections à distance ou d’enjoindre les entreprises concernées de lui transmettre des copies de disques durs entiers, pour autant qu’elle accorde les garanties appropriées. En effet, la possibilité pour la Commission de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, le contrôle qu’elle a entamé dans ceux de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection n’a aucune incidence sur la question de savoir si cette institution est en droit, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003, de procéder à des mesures d’investigation telles qu’envisagées par les requérantes. Il convient de relever, à cet égard, que le fait que la Commission poursuit une inspection dans ses propres locaux signifie qu’il s’agit de la continuation d’une seule et même inspection, entamée dans les locaux d’une telle entreprise, et non d’un nouveau contrôle, auprès d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 84).
70 Il y a lieu cependant de préciser que la Commission ne peut user de la possibilité, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003, de poursuivre, dans ses locaux à Bruxelles, son contrôle des livres et des autres documents professionnels de l’entreprise faisant l’objet de l’inspection, que lorsqu’elle peut légitimement considérer qu’il est justifié de le faire dans l’intérêt de l’efficacité de l’inspection ou pour éviter une ingérence excessive dans le fonctionnement de l’entreprise concernée (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 87).
71 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits constatés par le Tribunal, rappelé en substance aux points 10 à 14 du présent arrêt, les inspecteurs ont passé trois jours au total dans les locaux des requérantes, soit du 28 au 30 janvier 2009. Ils ont réalisé des copies-images des disques durs des ordinateurs en cause et les ont sauvegardées sur un support informatique d’enregistrement de données ainsi que sur un ordinateur de la Commission. Ce support et cet ordinateur ont été placés dans des enveloppes scellées et rapportés dans les bureaux de la Commission à Bruxelles. Par la suite, l’examen des données rapportées à Bruxelles, en présence des représentants des requérantes, a duré trois jours ouvrables, soit du 26 février au 2 mars 2009, ce qui implique que, au moment où la Commission a décidé de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles, il restait un volume particulièrement important de données numériques à traiter.
72 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’illégalité en décidant de poursuivre l’inspection en cause dans ses locaux à Bruxelles. En effet, eu égard aux éléments factuels constatés par le Tribunal, la Commission pouvait légitimement considérer qu’il était justifié de poursuivre cette inspection dans ses locaux à Bruxelles, évitant ainsi de prolonger la durée de la présence des inspecteurs dans les locaux des requérantes, dans l’intérêt de l’efficacité de l’inspection et pour éviter une ingérence excessive dans le fonctionnement de ces entreprises (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 89).
73 Enfin, ainsi qu’il ressort du point 65 du présent arrêt, la possibilité, pour la Commission, de continuer son contrôle des livres et des autres documents professionnels d’une entreprise, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003, dans ses locaux à Bruxelles est subordonnée au constat qu’une telle continuation n’entraîne aucune violation des droits de la défense et ne constitue pas une atteinte supplémentaire aux droits des entreprises concernées, par rapport à celle qui est inhérente à la réalisation d’une inspection dans les locaux de celles-ci. Or, une telle atteinte devrait être constatée si la poursuite de ce contrôle dans les locaux de la Commission à Bruxelles entraînait pour l’entreprise faisant l’objet de l’inspection des coûts supplémentaires, nés du seul fait de cette poursuite. Il s’ensuit que, lorsque cette dernière est susceptible de donner lieu à de tels coûts supplémentaires, la Commission ne peut y procéder qu’à condition qu’elle accepte de rembourser ces coûts lorsqu’une demande dûment motivée lui est présentée en ce sens par l’entreprise concernée (arrêt du 16 juillet 2020, Nexans France et Nexans/Commission, C‑606/18 P, EU:C:2020:571, point 90).
74 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen
75 Par leur deuxième moyen, qui vise les points 130 à 140 et 144 à 148 de l’arrêt attaqué et qui est divisé en trois branches, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit en ayant confirmé le bien-fondé de la décision litigieuse qui a tenu PrysmianCS responsable de l’infraction en cause pour toute la durée de celle-ci, soit du 18 février 1999 au 27 janvier 2009, en dépit du fait qu’elle n’aurait été établie que le 27 novembre 2001.
Sur la première branche
– Argumentation des parties
76 Par la première branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé les principes de responsabilité personnelle et de sécurité juridique.
77 Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que, en principe, c’est à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise ayant participé à l’infraction au droit de la concurrence de l’Union au moment où cette dernière a été commise qu’il incombe de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de cette entreprise a été placée sous la responsabilité d’une autre personne physique ou morale. Seules des circonstances exceptionnelles pourraient justifier des dérogations à ce principe général, au service de l’effet utile et de l’effet dissuasif des règles de la concurrence de l’Union. Dans ces cas, la responsabilité pourrait être imputée à cette autre personne physique ou morale, conformément au principe de continuité économique. Il résulterait également de la jurisprudence de la Cour que ces circonstances seraient réunies lorsque la personne physique ou morale ayant commis l’infraction a cessé d’exister, juridiquement ou économiquement, et qu’un lien structurel existe entre l’exploitant initial et le nouvel exploitant, qui applique, par conséquent, les mêmes directives commerciales.
78 En l’espèce, le Tribunal aurait donc tout d’abord dû identifier, du point de vue du droit national des sociétés pertinent, l’exploitant initial de PrysmianCS, à savoir Pirelli, qui aurait absorbé PirelliCS. Or, le Tribunal aurait omis de procéder à un tel examen et aurait appliqué le principe de continuité économique en tant que simple alternative au principe de la responsabilité personnelle des entités juridiques, comme le démontrerait le fait qu’il a rejeté, comme étant sans conséquence, la possibilité que la Commission ait commis une erreur de droit en considérant PirelliCSE comme le successeur en droit de PirelliCS. Il s’agirait là d’une erreur de droit manifeste, qui aurait eu pour effet de reconnaître, contrairement au principe de sécurité juridique, à la Commission un pouvoir discrétionnaire absolu, lui permettant de déterminer l’entité juridique qui peut se voir infliger une amende dans le cadre d’un transfert d’actifs intragroupe.
79 La Commission soutient que le deuxième moyen est irrecevable, dans la mesure où les requérantes se bornent à réitérer devant la Cour des arguments qu’elles ont déjà soulevés devant le Tribunal. Les requérantes demanderaient en effet à la Cour de réexaminer les éléments de preuve qui auraient déjà été examinés par le Tribunal.
80 À titre subsidiaire, le deuxième moyen serait non fondé.
81 Pirelli soutient que le principe de continuité économique trouve à s’appliquer non seulement lorsque l’exploitant initial, qui a commis l’infraction, a cessé d’exister, mais également lorsque celui-ci n’exerce plus d’activité économique sur le marché pertinent. En l’espèce, et à la suite de la scission intervenue au cours de l’année 2001, PirelliCS serait devenue une société écran et PirelliCSE serait devenue son seul successeur économique et juridique. Le fait que la société mère d’origine, Pirelli, existait toujours au moment de l’adoption de la décision litigieuse ne changerait rien à cette analyse. Pirelli ajoute que, en tout état de cause, elle n’aurait pas échappé à sa responsabilité pour l’infraction en cause, mais aurait été tenue conjointement et solidairement responsable de celle-ci avec PrysmianCS, pour la période comprise entre le 18 février 1999 et le 28 juillet 2005.
82 Selon Pirelli, la première branche du deuxième moyen est donc inopérante et, en tout état de cause, non fondée.
– Appréciation de la Cour
83 Conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 49 du présent arrêt, étant donné que la première branche du deuxième moyen critique un point de droit examiné par le Tribunal, le moyen, en cette branche, doit, contrairement à ce que la Commission fait valoir, être considéré comme recevable, un tel point de droit pouvant faire l’objet d’une nouvelle discussion au stade du pourvoi.
84 Il y a lieu toutefois de relever que l’argumentation soulevée par les requérantes à l’appui de la première branche de leur deuxième moyen repose sur une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour en la matière.
85 Certes, cette dernière a eu l’occasion de préciser, s’agissant de la question de savoir dans quelles circonstances une entité qui n’est pas l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union peut néanmoins être sanctionnée pour celle-ci, que relève d’une telle hypothèse la situation dans laquelle l’entité ayant commis l’infraction a cessé d’exister juridiquement ou économiquement, dès lors qu’une sanction infligée à une entreprise qui n’exerce plus d’activités économiques risque d’être dépourvue d’effet dissuasif. Si, en revanche, l’entité ayant commis l’infraction continue tant à exister juridiquement qu’à exercer des activités économiques, la Commission est, en principe, tenue d’infliger l’amende en cause à cette entité (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 144 et 145).
86 Or, il résulte également de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’une entité ayant commis une infraction au droit de la concurrence de l’Union fait l’objet d’un changement juridique ou organisationnel, ce changement n’a pas nécessairement pour effet de créer une nouvelle entité dégagée de la responsabilité des comportements infractionnels imputables à l’entité qui l’a précédée en droit, pour autant, du moins, que, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entités. En effet, si des entreprises pouvaient échapper à des sanctions par le simple fait que leur identité a été modifiée par suite de restructurations, de cessions ou d’autres changements juridiques ou organisationnels, l’objectif de réprimer les comportements contraires au droit de la concurrence de l’Union et d’en prévenir le renouvellement au moyen de sanctions dissuasives serait compromis (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
87 La Cour a ainsi jugé que, lorsque deux entités constituent une même entité économique, le fait que l’entité ayant commis l’infraction existe encore n’empêche pas, en soi, que soit sanctionnée l’entité à laquelle elle a transféré ses activités économiques, en particulier lorsque ces entités ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 41 ainsi que jurisprudence citée).
88 C’est sur le fondement de cette jurisprudence et des éléments de fait soumis à son appréciation souveraine que le Tribunal a confirmé, aux points 130 à 133 de l’arrêt attaqué, que PirelliCSE devait être regardée comme l’entité ayant succédé économiquement à PirelliCS à partir du 27 novembre 2001 et que la Commission avait considéré, à juste titre, en vertu du principe de continuité économique, que la responsabilité pour la participation de PirelliCS à l’infraction en cause avait été transmise à PirelliCSE.
89 Or, les requérantes ne contestent pas que les conditions visées au point 87 du présent arrêt étaient remplies en l’espèce.
90 Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que le Tribunal a jugé que la Commission était en droit de considérer PirelliCSE comme étant le successeur économique de PirelliCS.
91 En outre, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 140 de l’arrêt attaqué, que, même à considérer que la Commission aurait commis une erreur en considérant PirelliCSE comme le successeur juridique de PirelliCS, ce constat serait sans conséquence aux fins d’imputer à la première de ces sociétés la responsabilité pour la participation directe à l’infraction en cause avant le 27 novembre 2001, dès lors que, en tout état de cause, la Commission avait constaté, à juste titre, que PirelliCSE était le successeur économique de PirelliCS.
92 De surcroît, s’agissant de l’argument des requérantes visant l’effet utile et l’effet dissuasif des règles de la concurrence de l’Union, il convient de rappeler que, dans la décision litigieuse, la Commission a également retenu la responsabilité de Pirelli pour l’infraction en cause, en sa qualité de société mère de Pirelli CS et de PirelliCSE, pendant la période allant du 18 février 1999 au 28 juillet 2005.
93 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
Sur la deuxième branche
– Argumentation des parties
94 Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans le cadre de l’application du principe d’égalité de traitement en l’espèce. Nexans France et Silec Cable se seraient trouvées dans des situations comparables à celle de PrysmianCS, ayant été créées à la suite de restructurations internes, afin de reprendre une activité existante impliquant les employés et les actifs qui auraient été concernés par les pratiques collusoires liées à l’entente, en vue d’être cédées à des tiers. Or, le principe de continuité économique n’aurait été appliqué qu’à l’égard de PrysmianCS.
95 Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que la Commission, quand elle adopte, pour une entente, une méthode spécifique en vue de la détermination de la responsabilité des sociétés mères pour les infractions commises par leurs filiales, devrait, sauf circonstances particulières, appliquer les mêmes critères méthodologiques à l’égard de toutes ces sociétés mères. Cette jurisprudence trouverait aussi à s’appliquer lorsque la Commission décide de tenir l’un des destinataires de sa décision responsable sur le fondement du principe de continuité économique, sans pour autant soumettre d’autres destinataires de celle-ci au même traitement. En effet, si la Commission jouit d’un certain pouvoir d’appréciation s’agissant de l’application de ce principe pour imputer la responsabilité aux sociétés mères, elle ne serait toutefois pas tenue de l’appliquer.
96 En revanche, lorsque cette institution décide d’appliquer ledit principe, elle serait tenue de le faire à l’égard des autres entreprises impliquées dans l’entente qui se trouvaient dans des situations comparables. En l’espèce, le Tribunal aurait donc commis une erreur en estimant que la décision de la Commission de ne pas appliquer le principe de continuité économique à d’autres destinataires de la décision litigieuse que PrysmianCS n’était pas illégale.
97 Partant, la référence faite par le Tribunal, aux points 145 et 146 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence de la Cour selon laquelle le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui, serait dénuée de pertinence.
98 La Commission soutient que le deuxième moyen est irrecevable pour les raisons déjà exposées au point 79 du présent arrêt et, à titre subsidiaire, non fondé.
99 Pirelli fait valoir que la deuxième branche de ce moyen n’est pas fondée.
– Appréciation de la Cour
100 Conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 49 du présent arrêt, la deuxième branche du deuxième moyen visant un point de droit examiné par le Tribunal, le moyen, en cette branche, doit, contrairement à ce que la Commission fait valoir, être considéré comme recevable, un tel point de droit pouvant faire l’objet d’une nouvelle discussion au stade du pourvoi.
101 Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51).
102 En l’espèce, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé ce principe en confirmant la décision de la Commission de tenir PrysmianCS responsable de l’infraction en cause pour une période antérieure à sa constitution, en s’appuyant sur le principe de continuité économique, alors que la Commission n’a pas appliqué ce principe à l’égard de Nexans France et de Silec Cable, deux entreprises se trouvant, selon les requérantes, dans une situation comparable à celle de PrysmianCS.
103 À l’appui de cette branche, les requérantes avancent, en substance, deux arguments.
104 D’une part, les requérantes invoquent la jurisprudence de la Cour issue notamment de l’arrêt du 18 juillet 2013, Dow Chemical e.a./Commission (C‑499/11 P, EU:C:2013:482), dans le cadre duquel elle a jugé, au point 50 de cet arrêt, que la Commission, quand elle adopte, à l’égard d’une entente, une méthode spécifique pour la détermination de la responsabilité des sociétés mères visées pour les infractions de leurs filiales, doit, sauf circonstances particulières, se fonder sur les mêmes critères dans le cas de toutes ces sociétés mères.
105 S’agissant de cet argument, il convient de rappeler que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une situation où il ressortait de la décision de la Commission que celle-ci avait choisi, s’agissant de l’imputation de la responsabilité d’une infraction commise par une filiale à une société mère, une méthode spécifique pour déterminer la responsabilité des sociétés mères en cause qu’elle devait, par conséquent, appliquer à toutes les entreprises concernées par cette infraction (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, points 50, 53 ainsi que 59). Or, même à supposer que cette jurisprudence puisse être transposée à l’imputation de la responsabilité d’une infraction sur le fondement du principe de continuité économique, il y a lieu de constater que les requérantes restent en défaut de démontrer que la Commission avait choisi d’appliquer une méthode concernant l’application de ce principe qui s’écarterait des règles générales. Partant, il ne ressort pas de la décision litigieuse qu’une méthode spécifique aurait dû être suivie pour toutes les entreprises impliquées dans l’infraction en cause.
106 Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement s’appuyer sur la jurisprudence mentionnée au point 104 du présent arrêt pour établir que le principe d’égalité a été violé en l’espèce.
107 D’autre part, les requérantes font valoir que, dès lors que la Commission avait choisi de se fonder sur le principe de continuité économique pour établir la responsabilité de PrysmianCS pour la période antérieure à sa constitution, elle aurait dû appliquer la même méthode à Nexans France et à Silec Cable. Ainsi, les requérantes soutiennent effectivement, comme Pirelli le fait valoir à juste titre, que la décision litigieuse est entachée d’une illégalité s’agissant de ces deux sociétés.
108 Or, comme le Tribunal l’a relevé, à bon droit, au point 146 de l’arrêt attaqué, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 58 ainsi que jurisprudence citée).
109 Les requérantes ne sauraient donc se fonder sur une illégalité éventuelle commise par la Commission envers Nexans France et Silec Cable pour remettre en question l’arrêt attaqué sur ce point.
110 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.
Sur la troisième branche
– Argumentation des parties
111 Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l’article 296 TFUE en omettant de se prononcer sur leur grief tiré du caractère exceptionnel du principe de continuité économique et en appuyant son rejet des première et deuxième branches du quatrième moyen, invoqué en première instance par les requérantes, sur le fondement de motifs contradictoires.
112 La Commission soutient que le deuxième moyen est irrecevable pour les raisons déjà exposées au point 79 du présent arrêt et, à titre subsidiaire, non fondé. La troisième branche serait d’ailleurs inopérante car elle ne fournirait pas de base autonome permettant d’annuler l’arrêt attaqué.
– Appréciation de la Cour
113 Étant donné que le moyen, en cette branche, est tiré d’un vice de motivation de l’arrêt attaqué et, partant, de la violation d’une obligation légale mise à charge du juge de l’Union, il doit, contrairement à ce que la Commission fait valoir, être considéré comme recevable.
114 Quant au fond, il convient de relever, d’une part, que le Tribunal, après avoir démontré que l’approche suivie par la Commission dans la décision litigieuse s’agissant de l’application du principe de continuité économique était conforme à la jurisprudence de la Cour, n’était pas obligé de répondre spécifiquement à l’argument des requérantes tiré du caractère prétendument exceptionnel d’une telle application. D’autre part, les requérantes n’ont pas précisé en quoi la motivation fournie par le Tribunal à cet égard aurait été intrinsèquement contradictoire ou illogique.
115 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, par conséquent, ce moyen dans son ensemble comme étant non fondés.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
116 Par leur troisième moyen, qui vise les points 169 à 186 de l’arrêt attaqué, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur manifeste s’agissant de la qualification de l’infraction en cause en tant qu’infraction unique et continue. En effet, le Tribunal aurait confirmé que la Commission avait produit suffisamment d’éléments précis permettant de démontrer l’existence des trois éléments constitutifs de l’entente, sans toutefois se prononcer sur le principal argument avancé par les requérantes en première instance, selon lequel la Commission n’avait pas établi qu’il s’agissait, en l’espèce, d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE.
117 Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que trois conditions doivent être remplies pour imputer à une entreprise la responsabilité de sa participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan général ayant un objet anticoncurrentiel commun, la contribution de l’entreprise à ce plan et sa connaissance de la contribution anticoncurrentielle des autres participants. Or, le Tribunal aurait, à tort, confirmé la décision litigieuse sans apprécier si l’existence d’un accord sur le « territoire national », à le supposer démontré, suffisait à établir un lien entre les éléments de preuve réunis qui concernaient des situations et des accords très disparates, afin de démontrer à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique et continue. À cet égard, la liste des éléments de preuve, résumée aux points 172 et 173 de l’arrêt attaqué, ne démontrerait nullement l’existence d’un lien entre les deux configurations de l’entente et l’accord allégué sur le « territoire national ».
118 Le Tribunal aurait notamment dénaturé les éléments de preuve relatifs à l’accord sur le « territoire national » ainsi que l’argument des requérantes selon lequel cette notion était inopérante et vide de sens, dans la mesure où les producteurs asiatiques de câbles électriques ne montraient aucun intérêt à entrer sur les marchés des producteurs européens et inversement.
119 Au point 180 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré qu’un accord qui vise à protéger les producteurs européens, sur leur territoire de l’Union, d’une concurrence réelle ou potentielle provenant des autres producteurs étrangers serait susceptible de restreindre la concurrence, à moins qu’il n’existe des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché européen excluant toute concurrence potentielle de la part de ces producteurs étrangers. Or, par ces considérations, le Tribunal n’aurait pas répondu à l’argument avancé par les requérantes dans leur requête introductive d’instance, selon lequel la Commission avait étendu le champ d’application de la coopération à l’exportation à l’ensemble du territoire de l’Union par le biais d’un accord sur le « territoire national », alors que l’application d’un tel accord n’avait jamais fait l’objet de discussions lors des réunions tenues dans le cadre de la configuration A/R de l’entente, et cela notamment du fait qu’il n’aurait pas été intéressant, d’un point de vue stratégique, pour les producteurs asiatiques, de participer aux appels d’offres visant des projets à réaliser sur le territoire de l’Union.
120 Contrairement à ce que le Tribunal aurait indiqué au point 183 de l’arrêt attaqué, les requérantes auraient fait valoir non pas que la participation des producteurs japonais et sud-coréens au marché dans l’EEE était « impossible techniquement », mais que, de manière générale, aucune raison d’ordre économique n’aurait justifié un investissement aussi important. Partant, le Tribunal aurait dénaturé les explications fournies par les requérantes à cet égard.
121 La Commission soutient que le troisième moyen est irrecevable. En effet, par ce moyen, les requérantes réitéreraient des arguments déjà avancés dans la procédure en première instance et viseraient à amener la Cour à réexaminer ces arguments. En outre, les requérantes n’auraient pas respecté l’obligation mise à leur charge par l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, dès lors qu’elles n’auraient pas mis en évidence les passages spécifiques de l’arrêt attaqué qui démontreraient à suffisance de droit que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve.
122 À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que ce moyen est non fondé, étant donné que le Tribunal ne se serait pas contenté d’entériner la qualification de l’infraction en cause retenue par la Commission, mais aurait examiné les nombreux éléments de preuve versés au dossier et en particulier les échanges sur l’attribution des projets européens, prouvant qu’ils faisaient partie d’une infraction unique et continue qui couvrait les deux configurations de l’entente.
Appréciation de la Cour
123 En ce qui concerne la recevabilité du troisième moyen, il y a lieu de constater, d’une part, que, contrairement à ce que la Commission fait valoir, les passages spécifiques de l’arrêt attaqué qui sont visés par le troisième moyen des requérantes ressortent avec suffisamment de clarté du pourvoi.
124 D’autre part, il convient de relever que, à l’appui de ce moyen, les requérantes avancent deux arguments distincts. Par le premier de ceux-ci, elles font valoir que le Tribunal a omis de se prononcer sur la question de savoir si la Commission avait établi que l’infraction en cause constituait une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Le second argument est, quant à lui, tiré de ce que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve relatifs à l’accord sur le « territoire national ».
125 Tandis que, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 49 du présent arrêt, le premier de ces arguments concerne un point de droit examiné par le Tribunal, qui peut être de nouveau discuté dans le cadre d’un pourvoi, il en va autrement du second argument.
126 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
127 Certes, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé des éléments de preuve relatifs à l’accord sur le « territoire national ». Il y a toutefois lieu de relever que les requérantes n’ont pas identifié les éléments de preuve qui auraient ainsi été dénaturés, ni, a fortiori, établi qu’une telle dénaturation peut être reprochée au Tribunal. En effet, en ce qui concerne le seul élément de preuve spécifique qui est mentionné dans ce contexte, les requérantes se contentent de soutenir qu’il confirmerait leur position.
128 Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes visant l’appréciation des éléments de preuve concernant l’accord sur le « territoire national » doit être considérée comme irrecevable.
129 S’agissant de l’argument tiré d’une prétendue dénaturation de l’un de leurs arguments qui devrait être déduite du point 183 de l’arrêt attaqué, celui-ci repose sur une lecture partielle de cet arrêt. En effet, à ce point dudit arrêt, le Tribunal a considéré que, contrairement à ce qu’avaient fait valoir les requérantes, la participation des producteurs asiatiques dans des projets au sein de l’EEE « n’était ni impossible techniquement ni économiquement non viable ». À supposer même que le Tribunal ait commis une erreur en considérant que les requérantes s’étaient fondées sur l’impossibilité technique d’une entrée sur ce marché par les producteurs asiatiques, il n’en reste pas moins que cette juridiction a également fait référence à l’argument des requérantes selon lequel l’absence de ces producteurs de l’EEE était due à des considérations d’ordre économique. Dans ces circonstances, les requérantes n’ont pas établi que la prétendue erreur du Tribunal serait susceptible de remettre en cause la conclusion à laquelle ce dernier est parvenu.
130 Sur le fond, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, pour démontrer qu’une entreprise a participé à une infraction unique au droit de la concurrence de l’Union, il doit être établi que cette entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 172 et jurisprudence citée).
131 En réponse à une question de la Cour lors de l’audience, invitant les requérantes à préciser à quel endroit de leur requête en première instance elles auraient fait valoir que la Commission n’avait pas démontré que l’infraction en cause remplissait les conditions qui sont nécessaires, selon la jurisprudence citée au point précédent, afin de la qualifier d’infraction unique et continue, elles ont cité le point 110 de cette requête. Or, ce point ne fait référence ni aux conditions précitées ni à ladite jurisprudence. Il en résulte que, devant le Tribunal, les requérantes n’ont pas soulevé, de manière suffisamment claire, l’argument selon lequel la Commission n’avait pas établi que l’infraction en cause remplissait toutes les conditions qui sont nécessaires pour être qualifiée d’infraction unique et continue.
132 Par ailleurs, il convient de relever que, dans le cadre du sixième moyen soulevé en première instance, les requérantes faisaient valoir que la Commission n’avait pas démontré, à suffisance de droit, l’existence de l’accord sur le « territoire national » qui, selon cette institution, constituait l’élément-clé de l’entente et que, par conséquent, celle-ci n’avait pas établi que les requérantes avaient pris part à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE couvrant l’intégralité du territoire de l’EEE.
133 Or, au point 174 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, sur la base des appréciations factuelles figurant aux points 170 à 173 de cet arrêt, que la Commission avait prouvé, à suffisance de droit, l’existence dudit accord. Il convient de rappeler à cet égard que, dans la mesure où l’argumentation des requérantes vise à remettre en cause cette appréciation, elle doit être rejetée comme étant irrecevable, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour visée au point 126 du présent arrêt.
134 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le quatrième moyen
135 Par leur quatrième moyen, qui vise les points 199 à 217 de l’arrêt attaqué et qui comporte quatre branches, les requérantes soutiennent que le constat du Tribunal, selon lequel la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que le point de départ de l’infraction en cause correspondait à une réunion ayant eu lieu le 18 février 1999, est entaché d’erreurs de droit.
Sur la première branche
– Argumentation des parties
136 Par la première branche de ce moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir statué ultra petita et d’avoir violé leurs droits de la défense en ayant appuyé son constat sur une motivation visant le Super Tension Cables Export Agreement (accord sur l’exportation de câbles à très haute tension, ci-après l’« accord STEA »), qui concernait les câbles électriques souterrains, la Sub-marine Cable Export Association (Association pour l’exportation de câbles sous-marins, ci-après la « SMEA ») et la prétendue convention non écrite entre les producteurs européens, japonais et sud-coréens par laquelle ces trois groupes de producteurs s’engageaient à ne pas se faire concurrence dans leurs « territoires nationaux » respectifs et qui aurait accompagné ces arrangements (ci-après la « convention non écrite »).
137 Le recours porté devant le Tribunal par les requérantes n’aurait concerné que la prétendue infraction au droit de la concurrence de l’Union, commise entre les années 1999 et 2009, qui avait été constatée dans la décision litigieuse. En qualifiant l’accord STEA, la SMEA et la convention non écrite, qui auraient pris fin en 1997, d’accords anticoncurrentiels, le Tribunal se serait donc prononcé sur des questions qui ne faisaient pas partie de l’objet du litige, tel que circonscrit dans la requête introductive d’instance. En outre, ni l’accord STEA, ni la SMEA, ni la convention non écrite n’auraient jamais été considérés contraires à l’article 101 TFUE dans le cadre de la procédure administrative ayant abouti à la décision litigieuse. Les requérantes n’auraient donc jamais eu la possibilité de contester formellement un tel constat d’illégalité retenu contre elles. A fortiori, les requérantes n’auraient pas été en mesure d’exercer effectivement leurs droits de la défense à cet égard au cours de la procédure devant le Tribunal.
138 La Commission soutient que le quatrième moyen est irrecevable, puisque, par ce moyen, les requérantes réitéreraient des arguments déjà débattus au cours de la procédure en première instance et viseraient à amener la Cour à réexaminer ceux-ci.
139 À titre subsidiaire, ce moyen serait inopérant, dès lors qu’il serait fondé sur l’interprétation prétendument erronée de l’accord STEA et de la SMEA, bien que ces derniers n’aient été mentionnés dans la décision litigieuse que pour décrire le contexte dans lequel l’entente avait débuté. Il s’ensuivrait que, à supposer même que le quatrième moyen devait être accueilli, cela ne constituerait pas une raison suffisante pour juger que le Tribunal a commis une erreur en confirmant la date du début de l’infraction en cause retenue par la Commission. Selon la Commission, le quatrième moyen est en tout état de cause non fondé.
– Appréciation de la Cour
140 Par la première branche du quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir statué ultra petita et d’avoir violé leurs droits de la défense. Contrairement à ce que la Commission a fait valoir, cette branche concerne donc un point de droit concernant les considérations du Tribunal, qui peut être discuté dans le cadre d’un pourvoi, et doit donc, dès lors, être déclarée recevable.
141 Quant au fond, il convient de constater, en premier lieu, qu’il ressort de l’arrêt attaqué que c’est dans le cadre de l’examen de la question de savoir si c’est à bon droit que la Commission avait fixé le début de l’infraction en cause à la date du 18 février 1999 que le Tribunal a pris en compte, au point 201 de l’arrêt attaqué, les constats opérés par la Commission au considérant 64 de la décision litigieuse et visant l’accord STEA, la SMEA ainsi que la convention non écrite et qu’il a relevé, au point 202 de cet arrêt, que l’entente reproduisait le schéma décrit par cette institution en ce qui concerne ces arrangements l’ayant précédé. C’est dans le cadre du même examen que le Tribunal a ajouté, au point 203 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait fourni des preuves, que les requérantes ne contestaient pas valablement au moyen d’éléments concrets, desquelles il ressortait, d’une part, que les producteurs de câbles électriques ayant conclu ces accords étaient conscients de leur caractère illégal et, d’autre part, qu’ils avaient envisagé une réorganisation de ces accords à l’avenir.
142 Or, à l’issue de cet examen, le Tribunal n’a aucunement statué ultra petita. En effet, la décision que le Tribunal a prise à cette issue, à savoir écarter la contestation, par les requérantes, de la fixation du début de l’infraction en cause à la date du 18 février 1999, était conforme à la demande qui lui avait été soumise à cet effet par la Commission.
143 En second lieu, il convient de constater que le Tribunal n’a pas non plus violé les droits de la défense des requérantes à cet égard. D’une part, comme la Commission l’a relevé à juste titre, les éléments figurant au considérant 64 de la décision litigieuse se trouvaient déjà dans la communication des griefs que les requérantes ont eu la possibilité de contester dans le cadre de la procédure administrative devant la Commission. D’autre part, il ressort du considérant 506 de la décision litigieuse, auquel le Tribunal a fait référence au point 199 de l’arrêt attaqué, que, pour évaluer les preuves relatives à la réunion du 18 février 1999, la Commission avait pris en compte le comportement des parties concernées avant cette date qui, selon cette institution, démontrait que les entreprises en cause envisageaient de réintroduire les arrangements précédents. Or, cette remarque ne pouvait être comprise que comme une référence aux arrangements décrits au considérant 64 de la décision litigieuse. Dans ces circonstances, les requérantes devaient s’attendre à ce que le Tribunal prenne également en compte ce contexte.
144 Au vu de ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée comme non fondée.
Sur les deuxième et troisième branches
– Argumentation des parties
145 Par la deuxième branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve produits devant lui et a appliqué un critère juridique erroné dans le cadre de son analyse, ce qui l’a conduit à qualifier, à tort, l’accord STEA, la SMEA et la convention non écrite d’« accords anticoncurrentiels » affectant le commerce entre États membres. En effet, le Tribunal se serait fondé à cet égard, à tort, sur les constats figurant au considérant 64 de la décision litigieuse, sans vérifier si ceux-ci étaient étayés par des éléments de preuve. De plus, il serait manifestement erroné d’affirmer que les requérantes n’avaient jamais contredit ni contesté les constats opérés par la Commission au considérant 64 de la décision litigieuse.
146 Par la troisième branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent que la qualification erronée de l’accord STEA et de la SMEA ainsi que de la convention non écrite d’« accords anticoncurrentiels », visée par la deuxième branche de ce moyen, a totalement faussé l’analyse, par le Tribunal, du contexte dans lequel l’infraction en cause avait débuté et a irrémédiablement affecté la confirmation par ce dernier de la conclusion de la Commission, dans la décision litigieuse, selon laquelle la prétendue entente avait débuté le 18 février 1999.
147 En effet, étant donné que la plupart des éléments de preuve sur lesquels la Commission aurait fondé cette conclusion, et auxquels le Tribunal aurait eu égard aux points 200 à 206 de l’arrêt attaqué, auraient porté sur les arrangements relatifs aux « territoires d’exportation », ces éléments de preuve n’auraient pas dû être pris en considération pour établir la date de début d’une infraction impliquant un accord sur le « territoire national » produisant des effets dans l’EEE.
148 Cette interprétation erronée du contexte factuel aurait, en outre, conduit le Tribunal à procéder à une analyse faussée des notes de la réunion du 18 février 1999, c’est-à-dire du premier document contenant des références minimales et discutables à la règle du « territoire national ». Or, ces notes suggèreraient clairement que les participants à cette réunion n’étaient pas convenus des principales caractéristiques des accords à venir.
149 Il ressortirait du point 210 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a interprété ces notes comme une simple confirmation de discussions antérieures. Or, ce point de l’arrêt attaqué contiendrait, de ce fait, deux affirmations erronées. D’une part, aucun élément de preuve ne relierait le prétendu accord sur le « territoire national » à l’accord STEA et à la SMEA. D’autre part, la discussion décrite au point 204 de l’arrêt attaqué, qui, selon le Tribunal, confirmerait l’existence d’un tel accord, aurait en réalité porté sur la répartition des projets dans les « territoires d’exportation ».
150 Le Tribunal aurait, en outre, commis une erreur méthodologique fondamentale en écartant, au point 213 de l’arrêt attaqué, la nécessité d’apprécier une à une les discussions ayant eu lieu lors de réunions postérieures au 18 février 1999, contrairement à ce qu’il aurait lui-même indiqué au même point de cet arrêt.
151 En outre, le Tribunal aurait dénaturé les arguments des requérantes en considérant, au point 213 de l’arrêt attaqué, que, contrairement à ce qu’elles faisaient valoir, la valeur probante des notes de la réunion du 18 février 1999 n’aurait pas été affaiblie par le fait qu’elles avaient été interprétées plusieurs années plus tard « par leur auteur, sur la base, selon elles, des “souvenirs lointains” ». En réalité, les requérantes auraient fait valoir que ces notes n’avaient pas été expliquées à la Commission par leur auteur, mais par d’autres employés de l’entreprise en cause, sans aucune aide de cet auteur.
152 Le Tribunal aurait donc systématiquement dénaturé les éléments de preuve soumis à son appréciation, en faisant référence sans distinction à des éléments de fait et à des événements sans rapport entre eux dont les effets sur le commerce entre États membres n’auraient pas été démontrés.
– Appréciation de la Cour
153 Par ces deux branches du quatrième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes critiquent l’appréciation, par le Tribunal, des éléments de preuve invoqués par la Commission au soutien de son constat selon lequel la réunion ayant eu lieu le 18 février 1999 marquait le début de l’infraction en cause.
154 Il convient de relever à cet égard que le Tribunal a examiné ces éléments de preuve aux points 199 à 214 de l’arrêt attaqué. Dans ce cadre, le Tribunal s’est d’abord penché, aux points 199 à 206 de cet arrêt, sur le contexte de la réunion du 18 février 1999. Le Tribunal a ensuite examiné, aux points 207 à 214, les éléments de preuve concernant plus spécifiquement cette réunion.
155 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 126 du présent arrêt, l’appréciation des éléments de preuve effectuée par le Tribunal ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
156 Bien que les requérantes fassent état d’une dénaturation systématique des éléments de preuve par le Tribunal à cet égard, elles ne font référence, en ce qui concerne les considérations du Tribunal figurant aux points 207 à 214 de l’arrêt attaqué, qu’à un seul de ces points, à savoir le point 210 de cet arrêt, où le Tribunal a jugé que les notes de la réunion du 18 février 1999 « confirm[aient] » que, au moment où lesdites notes ont été adoptées, les entreprises présentes à cette réunion étaient convenues du principe même de partage des marchés concernés.
157 Les requérantes soutiennent, d’une part, que le libellé de ce point démontre que le Tribunal a interprété les notes de la réunion du 18 février 1999 comme une simple confirmation de discussions antérieures. Or, outre le fait que cet argument ne trouve aucun appui dans les motifs figurant au point 210 de l’arrêt attaqué, celui-ci n’est pas, en tout état de cause, susceptible de démontrer que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve.
158 En ce qui concerne, d’autre part, l’argument des requérantes selon lequel lesdites notes suggéreraient clairement que les entreprises ayant participé à la réunion du 18 février 1999 n’étaient pas convenues des principales caractéristiques des accords à venir, il suffit de rappeler que le Tribunal a considéré, tout en reconnaissant, au point 208 de l’arrêt attaqué, que certains aspects discutés à l’occasion de cette réunion n’avaient pas débouché sur un accord, qu’il ressortait des notes de cette réunion que les entreprises qui y avaient participé étaient convenues du principe même de partage des marchés concernés. Les requérantes n’ayant pas remis en question cette appréciation, ledit argument est donc inopérant.
159 En ce qui concerne le point 213 de l’arrêt attaqué, à supposer même que les notes de la réunion du 18 février 1999 n’aient pas été expliquées à la Commission « par leur auteur », cette circonstance ne sert, en tout état de cause, pas de fondement à la conclusion à laquelle le Tribunal est arrivé à cet égard, de telle sorte, qu’un tel argument, fût-il fondé, devrait être déclaré inopérant.
160 Enfin, s’agissant de l’erreur méthodologique prétendument commise par le Tribunal, à savoir le fait, pour celui-ci, de ne pas avoir pris en compte les discussions ayant eu lieu lors de réunions postérieures au 18 février 1999, contrairement à ce qu’il aurait lui-même indiqué au point 213 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que, au même point, le Tribunal a relevé que, pour arriver à la conclusion selon laquelle l’infraction en cause avait débuté à la date de la réunion du 18 février 1999, la Commission avait également pris en compte le comportement des entreprises concernées postérieur à cette réunion.
161 Étant donné que les motifs figurant aux points 207 à 214 de l’arrêt attaqué constituent, à eux seuls, un fondement valable et suffisant à la décision du Tribunal selon laquelle la Commission était en droit de considérer que l’infraction en cause avait débuté à la date de la réunion du 18 février 1999, d’éventuelles erreurs commises par le Tribunal dans le cadre de son appréciation du contexte de l’entente, aux points 199 à 206 de l’arrêt attaqué, fussent-elles fondées, ne sauraient remettre en cause cette décision, de telle sorte que les arguments soulevés à ce propos par les requérantes doivent être écartés comme inopérants.
162 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième branches du quatrième moyen comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
Sur la quatrième branche
– Argumentation des parties
163 Par la quatrième branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que les erreurs visées par les autres branches de ce moyen, et en particulier la référence faite par le Tribunal à des éléments de fait et de preuve sans conséquence sur sa décision de fixer la date de début de l’infraction en cause à celle de la réunion du 18 février 1999, aboutissent à une motivation incohérente, en violation de l’obligation qui incombe au Tribunal de motiver sa décision en vertu de l’article 296 TFUE.
– Appréciation de la Cour
164 S’agissant de cette branche, il suffit de relever que les requérantes n’ont aucunement précisé les prétendues incohérences auxquelles elles font référence dans ce contexte, de telle sorte que le moyen en cette branche doit être déclaré irrecevable. En tout état de cause, il convient de relever que le Tribunal a motivé sa décision à suffisance de droit.
165 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Sur le cinquième moyen
Argumentation des parties
166 Par leur cinquième moyen, qui vise les points 251 à 254 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal une violation du principe d’égalité de traitement dans le cadre de la détermination du coefficient de gravité.
167 Les requérantes soutiennent que, devant le Tribunal, elles avaient fait valoir que les producteurs asiatiques étaient autant impliqués dans la configuration européenne de l’entente que les producteurs européens. La réponse du Tribunal, aux points 251 et 253 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la thèse des requérantes, même à la supposer avérée, ne serait pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la répartition des projets, au sein de l’EEE, constituait un élément supplémentaire qui méritait d’être sanctionné par un pourcentage additionnel au titre de la gravité de l’infraction et que la configuration européenne de l’entente avait renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la configuration A/R de cette entente, serait manifestement contradictoire.
168 En outre, comme l’aurait reconnu la Commission dans la décision litigieuse, la configuration A/R de l’entente aurait été subordonnée au plan global de l’entente et le fait d’adhérer à l’accord sur le « territoire national » aurait équivalu, pour les producteurs asiatiques, à s’abstenir de soumissionner aux projets européens. Partant, même si les producteurs asiatiques n’avaient pas activement participé à la répartition de projets dans l’EEE, ils y auraient contribué à un degré comparable à celui des producteurs européens.
169 Dans ces circonstances, il aurait été illogique et discriminatoire d’augmenter le coefficient de gravité de 2 %, s’agissant des requérantes, ainsi que des autres producteurs européens, au titre de leur prétendue participation exclusive à la configuration européenne. Le bien-fondé de cet argument serait confirmé par l’arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission (C‑180/16 P, EU:C:2017:520), portant sur une entente qui aurait présenté une structure très semblable à la structure en cause en l’espèce.
170 La Commission fait valoir que le cinquième moyen est irrecevable au motif qu’il tendrait à obtenir une nouvelle appréciation des éléments de preuve présentés devant le Tribunal. À titre subsidiaire, ce moyen devrait être rejeté comme non fondé.
Appréciation de la Cour
171 Le cinquième moyen portant sur une question de droit, il doit être considéré comme recevable.
172 Sur le fond, il convient de relever que les requérantes se limitent, à cet égard, à critiquer le raisonnement du Tribunal figurant aux points 251 à 253 de l’arrêt attaqué. Or, aux points 256 et 257 de ce dernier, le Tribunal a précisé, en substance, que, à supposer même que la Commission ait commis une erreur s’agissant de la participation des producteurs asiatiques à la configuration européenne de l’entente, une telle erreur serait de nature à justifier un coefficient de gravité plus élevé à charge des producteurs asiatiques, mais ne saurait fonder un droit à « l’application non discriminatoire d’un traitement illégal ».
173 Cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour visée au point 108 du présent arrêt que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui.
174 Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.
175 Par conséquent, aucun des moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son ensemble.
Sur les dépens
176 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
177 Prysmian et PrysmianCS ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.
178 En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supportera ses propres dépens.
179 Pirelli ayant participé à la procédure devant la Cour, il y a lieu de décider, dans les circonstances de l’espèce, qu’elle supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Prysmian SpA et Prysmian Cavi e Sistemi Srl sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) Pirelli & C. SpA supporte ses propres dépens.