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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 16 septembre 2020, n° 18/21903

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DPPM International (SAS)

Défendeur :

Modalohr (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Nancy, du 7 sept. 2018

7 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Lohr Industrie, spécialisée dans le domaine de la recherche, du développement et de la vente de système de transports terrestres a conçu et développé un système de transport combiné « rail-route » dénommé « Modalohr », permettant le transport ferroviaire de charges routières et notamment de semi-remorques.

Le 16 novembre 2000, la société Modalohr a été créée entre la société Lohr Industrie, M. Sébastien L. et M. Philippe M.

Suivant protocole d'accord du 18 décembre 2001, la société Lohr Industrie a concédé à la société Modalohr le droit exclusif de vendre des wagons Modalohr tels que décrits dans les dépôts de brevets de Lohr Industrie, pour une durée déterminée et fixe de 10 ans non renouvelable.

Le 7 juillet 2004, la société Modalohr et la société DPPM ont conclu une convention de collaboration par laquelle la première confie à la seconde une mission d'assistance dans le cadre de la commercialisation des wagons Modalohr et des systèmes au sol associés, pour une durée déterminée de 60 mois à compter de la signature.

Le 24 juin 2009, un avenant n°1 au contrat d'assistance entre Modalohr et DPPM a été signé prévoyant notamment que le contrat a été conclu en considération de la personne de M Philippe M. et de son exécution personnelle dudit contrat et qu'il expirera le 31 juillet 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 mai 2012, Modalhor a résilié la convention de collaboration avec effet au 18 janvier 2012.

Par jugement du 7 septembre 2018, le tribunal de commerce de Nancy :

Dit que les demandes de la société Modalohr ne sont pas prescrites et n'utilisent pas d'arguments contradictoires,

Par conséquent déboute M. M. et la société DPPM de leurs fins de non-recevoir ;

Déclare la société Modalohr mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

L'en déboute ;

Condamne la société Modalohr à payer à la société DPPM le solde de sa facture pour la somme de 4.399,78 euros et la somme de 11.680,31 euros majorés des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012 ;

Déclare irrecevables les autres de demandes de M. M. et de la société DPPM en application de la règle de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ;

Condamne la société Modalohr à payer à la société DPPM la somme de 5.000 euros et la somme de 5.000 euros à M. M. ;

Condamne la société M. aux dépens du présent jugement ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Le 8 octobre 2018 la société DPPM et M. M. ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions de la société DPPM et de M. M., appelants, déposées et notifiées le 20 mai 2020, il est demandé à la Cour de :

I. Sur l'appel principal de la société DPPM et de M. M.

Vu les dispositions des articles 1165, 1134, 1235 et 1376 du Code Civil,

Vu l'article L. 442-6 5° Code de Commerce

Vu les dispositions de l'article 64 du Code de Procédure Civile,

Recevant la société DPPM International et Monsieur M. en leur appel, les y déclarer bien fondés.

Déclarer la société Modalohr mal fondée en son appel incident, l'en débouter.

Ce faisant,

Confirmer la décision rendue par le Tribunal de Commerce de NANCY en ce qu'il a :

- déclaré la SAS Modalohr mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la SAS Modalohr ;

- condamné la SAS Modalohr à payer à la SAS DPPM International le solde de sa facture pour la somme de 4.399,78 euros et la somme de 11.680,31 euros majorées des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012 ;

- condamné la SAS Modalohr à payer à la SAS DPPM International la somme de 5.000 euros et la somme de 5.000,00 euros à Monsieur Philippe M. ;

- condamné la SAS MODALOHR aux dépens du présent jugement.

Infirmer la décision pour le surplus et jugeant à nouveau,

Déclarer les « autres » demandes de la société DPPM International et de Monsieur M. recevables et bien fondées.

Et jugeant à nouveau,

I. A TITRE PRINCIPAL

I.1. Les dommages et intérêts dues au titre de la résiliation avant l'arrivée du terme du contrat

Vu l'article 1134, et 1147 Code Civil,

Constater Dire et Juger que le contrat liant la société Modalohr et la société DPPM International est un contrat à durée déterminée.

Constater, Dire et Juger que la société Modalohr a rompu unilatéralement le contrat avant l'arrivée de son terme.

Dire et Juger que la société Modalohr a commis une faute en résiliant le contrat unilatéralement avant l'arrivée de son terme.

Condamner la société Modalohr à payer à la société DPPM International la somme de 1.024.250,00 euros à titre de dommages et intérêts.

I.2. Les dommages et intérêts dues au titre de l'absence de préavis

Vu l'article L. 442-6 5° Code de Commerce,

Constater, Dire Et Juger que la société Modalohr n'a pas respecté le moindre préavis.

Dire Et Juger que ce comportement constitue une rupture brutale des relations commerciales.

Condamner la société Modalohr à payer à la société DPPM International la somme de 270.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

II. A TITRE SUBSIDIAIRE

Vu l'article 1134, et 1147 code civil,

Constater, Dire Et Juger que le contrat liant la société Modalohr et la société DPPM International est un contrat à durée déterminée.

Constater Dire Et Juger que la société Modalohr a rompu unilatéralement le contrat, avant l'arrivée de son terme.

Dire et juger que la société Modalohr a commis une faute en résiliant le contrat unilatéralement avant l'arrivée de son terme.

Condamner la société Modalohr à payer à la société DPPM International la somme de 1.024.250,00 euros à titre de dommages et intérêts.

III. A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE

Vu l'article L. 442-6 5° code de commerce,

Constater, Dire Et Juger que la société Modalohr n'a pas respecté le moindre préavis.

Condamner la société Modalohr à payer à la société DPPM International la somme de 270.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

IV. Sur l'appel incident de la société Modalohr

Déclarer l'appel incident de la société Modalohr mal fondé.

En conséquence,

Déclarer irrecevable car prescrites, subsidiairement mal fondées, les demandes de la société Modalohr

et les Rejeter en toutes ces dispositions.

Confirmer la décision rendue par le Tribunal de Commerce de NANCY en ce qu'il a :

- déclaré la SAS Modalohr mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la SAS Modalohr ;

- condamné la SAS Modalohr à payer à la SAS DPPM International le solde de sa facture pour la somme de 4.399,78 euros et la somme de 11.680,31 euros majorées des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012 ;

- condamné la SAS Modalohr à payer à la SAS DPPM International la somme de 5.000,00 euros et la somme de 5.000,00 euros à Monsieur Philippe M. ;

- condamné la SAS Modalohr aux dépens du présent jugement ;

V. En tout état de cause

Condamner Modalohr au paiement d'une somme de 15.000,00 euros à la société DPPM International et de 15.000,00 euros à Monsieur M. au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile., ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence T.-B. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions de la société Modalohr déposées et notifiées le 29 mai 2020, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu le contrat de concession du 18 décembre 2001

Vu la convention d'assistance du 7 juillet 2004,

Vu l'avenant du 24 juin 2009 à la convention d'assistance,

Vu les articles 1134 et 1142 du Code Civil (ancienne rédaction),

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de Commerce,

Vu l'article 9 du CPC,

I. SUR APPEL PRINCIPAL DE DPPM ET M. M.

Confirmer la décision entreprise en tant qu'elle a déclarée irrecevables les demandes de Monsieur M. et de la Société DPPM International en application de la règle du non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles.

Pour le surplus,

Déclarer l'appel de Monsieur M. et de la Société DPPM International mal fondé.

En conséquence,

Rejeter l'intégralité de leurs fins, moyens et conclusions.

Les Debouter de l'ensemble de leurs demandes.

II. SUR APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE MODALOHR

Réformer la décision entreprise en tant qu'elle a :

- Déclaré la SAS Modalohr mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné Modalohr à payer à DPPM International le solde de sa facture pour 4 399,78 euros et la somme de 11 680 ,31 euros majorées des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012,

- Condamné Modalohr à payer à DPPM International la somme de 5 000 €, et 5 000 € à Monsieur M.,

- Condamné Modalohr aux dépens du jugement.

Statuant à nouveau :

Condamner la société DPPM et Monsieur M., conjointement et solidairement, ou à défaut in solidum, ou encore l'un à défaut de l'autre, à payer à la société Modalohr la somme de 729 560 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 13 juin 2014.

Condamner la société DPPM à payer à la Société Modalohr la somme de 95 866,88 euros avec intérêts légaux à compter de la date du paiement de cette somme en exécution de l'ordonnance de référé, subsidiairement à compter de l'assignation du 13 juin 2014, encore plus subsidiairement à compter de l'arrêt à intervenir.

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code Civil.

En tout état de cause :

Condamner DPPM et Monsieur M. conjointement et solidairement, à défaut in solidum, ou encore l'un à défaut de l'autre, à payer à la société Modalohr une indemnité de 30.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Les Condamner conjointement et solidairement, à défaut in solidum, ou encore l'un à défaut de l'autre, aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP G. B. en application de l'article 699 du CPC.

SUR CE

Sur l'appel principal de DPPM et M. M.

- Sur la recevabilité des demandes de DPPM et M. M. : le cumul de la responsabilité délictuelle et contractuelle

Les appelants soutiennent à titre principal que le principe de non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle ne peut leur être opposé dès lors qu'ils visent des faits distincts :

- la responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, faute pour la société Modalhor d'avoir respecté la durée du contrat,

- la responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, pour non-respect du moindre préavis.

Mais le principe de non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle interdit d'invoquer de manière concomitante pour des faits et un préjudice identiques la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle d'une même personne.

Or, en l'espèce, ainsi que le fait valoir la société Modalhor les faits invoqués à l'appui des responsabilités contractuelle et délictuelle sont identiques, à savoir la rupture du contrat de commercialisation du 07 juillet 2004, prorogé par avenant du 24 juin 2009, avant l'arrivée de son terme.

En outre, la nature délictuelle de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce s'agissant d'un litige de droit interne est acquis en jurisprudence.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les autres demandes de M. M. et de la société DPPM en application de la règle de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle.

En revanche, devant la Cour, la société DPPM forme une demande subsidiaire tendant, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, à voir condamner la société Modalhor à lui verser des dommages-intérêts en raison de la rupture fautive du contrat avant l'arrivée de son terme.

Cette demande sur le seul fondement contractuel est recevable.

- Sur la rupture fautive du contrat

DDPM et M. soutiennent que Modalhor a commis une faute en rompant le contrat à durée déterminée avant l'arrivée de son terme.

Modalhor dénie toute rupture fautive en se prévalant, en premier lieu, de la caducité de la convention du 7 juillet 2004 par l'effet de l'arrivée du terme du contrat de concession du 18 décembre 2001 et de l'interdépendance des deux contrats, en second lieu et subsidiairement, de la stipulation au contrat litigieux d'une faculté de résiliation unilatérale à tout moment.

En l'espèce, sur l'interdépendance des contrats, le contrat de concession conclu le 18 novembre 2001 entre Lohr Industrie et Modalhor avait 'pour objet de définir les conditions générales dans lesquelles les Parties coopéreront pour la commercialisation du Produit' , lequel est défini comme tout véhicule ferroviaire et tout équipement des terminaux ferroviaires du Système Modhalor( (système de chargement, de déchargement et de transport ferroviaire de charges routières, décrit dans les dépôts de brevets énumérés à l'annexe 1 ainsi que ses perfectionnements futurs éventuels) à l'exception des véhicules ferroviaires destinés spécifiquement au transport d'automobiles, avec ou sans remorques, et des équipements des terminaux dédiés à ce transport. Ce contrat d'une durée de 10 ans, est arrivé à terme le 18 décembre 2011.

La convention de collaboration conclue le 7 juillet 2004 entre Modalhor et DPPM donne mission à cette dernière d'assister Modalhor dans le cadre de la commercialisation des produits et prestations techniques afférentes aux produits suivants ;

- wagons Modalhor,

- plateformes de chargement et de déchargement correspondant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 mai 2012, ayant pour objet la convention de collaboration DPPM/Modalhor du 7 juillet 2004, Modalhor a écrit à DPPM en ces termes :

« (...) Comme vous le savez, le Protocole signé entre LOHR INDUSTRIE et MODALHOR le 18 décembre 2001 a expiré, ce qui conduit pour cette dernière à la cessation de l'activité de commercialisation des wagons et systèmes au sol.

Cette cessation a vidé de toute substance la convention en objet.

En tant que de besoin, nous vous notifions sa résiliation avec effet au 18 janvier 2012 (...) ».

Au soutien de l'interdépendance de ces deux contrats, Modalhor fait valoir que ceux-ci concourent à la même opération économique de commercialisation des wagons Modalhor sous licence exclusive Lohr Industrie et que la relation commerciale Modalhor/DPPM est ainsi limitée à la seule mission d'assister Modalhor dans la commercialisation de ses produits concédée par le contrat Lohr Industrie / Modalhor.

Elle en déduit que dès l'instant où Modalhor a perdu son droit de commercialiser les produits Modalhor par l'arrivée du terme du contrat de concession, la mission d'assistance de DPPM a perdu de facto, son objet et sa substance, de sorte que ce contrat est devenu caduc.

Mais, ainsi que le soutiennent les appelants, rien ne permet de dire à la lecture du contrat qui ne comporte aucune référence au contrat liant Lohr Industrie à Modalhor, que les produits commercialisés par cette dernière sous la marque Modalhor, dépendraient d'une autre société. Ce d'autant que l'objet social de Modalhor porte notamment sur la commercialisation de véhicules ferroviaires et que, propriétaire de la marque Modalhor, elle a la faculté de vendre sous le signe « Modalhor » d'autres wagons que ceux brevetés ou produits par Lohr Industrie.

Est indifférente à l'existence d'une interdépendance des contrats, la circonstance que M M. ait signé le contrat de concession en sa qualité de président de Modalhor, puis, tant la convention de collaboration du 7 juillet 2004 que l'avenant du 24 juin 2009 en sa qualité de président de DPPM, étant observé que M M. n'était plus ni le représentant légal de Modalhor après le 21 juin 2004, ni président du conseil de surveillance.

En outre, la signature de l'avenant le 24 juin 2009 par Modalhor pour une durée expirant le 31 juillet 2016 en connaissance de la limitation de ses droits au 18 décembre 2011, est dépourvue de sens.

Il s'en déduit que l'objet de la convention de collaboration a nécessairement un objet plus large que celui du protocole d'accord liant Lohr Industrie à Modalhor.

Modalhor échoue à établir l'interdépendance des deux contrats, de sorte que la cessation de l'un n'a pu entraîner la caducité de l'autre.

Sur le moyen subsidiaire pris de la faculté de résiliation unilatérale du contrat, Modalhor se prévaut de l'article 8 alinéa 2 de la convention de collaboration du 7 juillet 2004 conclue avec DPPM, lui permettant si bon lui semble de mettre fin au contrat moyennant un préavis d'un mois, dans les cas suivants :

- cessation d'activité pour quelque cause que ce soit,

- modification substantielle du capital de DPPM,

- disparition, faillite, fusion ou absorption de l'une des parties.

Elle soutient se trouver dans le cas d'une cessation d'activité.

Mais la circonstance que le contrat conclu avec Lohr Industrie soit parvenu à son terme ne peut suffire à justifier d'une cessation d'activité de Modalhor, alors que celle-ci est propriétaire de sa marque qu'elle appose sur les produits qu'elle commercialise.

Dès lors, Modalhor ne démontre pas qu'elle était en droit de rompre à effet du 18 janvier 2012 la convention de collaboration conclu avec DPPM le 7 juillet 2004 pour une période de 60 mois, laquelle aux termes de l'avenant du 24 juin 2009 , venait à son terme le 31 juillet 2016.

Est indifférente la circonstance que Modalhor n'ait jamais vendu de wagons autres que les wagons Modalhor, objet du contrat de concession conclu avec Lohr Industrie, en raison selon l'intéressée, de son incapacité de les acquérir avant de les revendre, Lohr Industrie ayant accepté de n'être payé qu'après encaissement par le client final. De même, est sans emport le fait que les bilans de Modalhor démontrent qu'à compter du terme du contrat de concession, Modalhor a cessé toute vente de wagons Modalhor, n'étant plus en mesure d'en assumer les commandes.

En effet, Modalhor avait, en tout état de cause, la faculté de vendre d'autres produits que ceux objet du droit exclusif de vendre concédé par Lohr Industrie, en particulier des véhicules ferroviaires.

Modalhor a donc commis une faute en rompant le contrat à durée déterminée avant l'arrivée de son terme.

Sur le préjudice

DPPM sollicite le paiement de l'honoraire fixe de 10 000 euros HT pendant 55 mois, à compter de la résiliation jusqu'au terme contractuel ainsi que de l'honoraire de résultat calculé sur la moyenne des années 2008 à 2011.

Modalhor s'y oppose en soutenant que, sauf clause pénale non stipulée en l'espèce, la résiliation fautive d'un contrat à exécution successive ne peut donner lieu qu'à des dommages-intérêts couvrant le seul préjudice réel et direct.

DPPM sollicite la réparation des conséquences de l'inexécution du contrat par Modalhor. S'agissant du préjudice résultant du manquement contractuel, le dommage prévisible est réparable. Il doit être la suite directe et immédiate de l'inexécution.

Au titre de l'honoraire fixe de 10 000 euros HT par mois, DPPM aurait dû percevoir le paiement de cette somme du 1er janvier 2012, date d'effet de la résiliation jusqu'au 31 juillet 2016, soit pendant 55 mois. (article 3 de l'avenant), soit la somme de 550 000 euros HT (660 000 euros TTC) dont elle a été privée en conséquence de la résiliation fautive du contrat.

Cette somme est due au titre de la réparation du préjudice.

Au titre de l'honoraire de résultat, les commissions étaient fixées à 0,5% du montant HT des sommes effectivement encaissées par Modalhor pour les ventes de wagons, des dispositifs d'ouverture au sol et leurs pièces détachées (article 3 de l'avenant),

Selon les factures produites par DPPM (pièces 63 à 66), le montant de ses commissions s'est élevé à la somme de :

- au titre de l'exercice 2007 : 114 303,80 euros TTC

- au titre de l'exercice 2008 : 20 395,65 euros TTC

- au titre de l'exercice 2009 : 147 478,07 euros TTC

- au titre de l'exercice 2010-2011 : 100 266, 66 euros TTC

Soit la somme totale de 382 444,18 euros TTC.

Mais les honoraires prévisibles sur les 55 mois du contrat qui aurait dû se poursuivre en l'absence de rupture fautive, ne peuvent être évalués mathématiquement sur la moyenne des sommes perçues au regard des aléas liés à l'activité commerciale.

Au vu de ces éléments, il convient d'évaluer à 150 000 euros la somme prévisible due au titre de l'honoraire de résultat.

La marge brute ne peut être prise en compte s'agissant de la réparation d'une rupture fautive du contrat et non d'une rupture brutale.

Modalhor est ainsi condamnée à payer à DPPM la somme de 810 000 euros (660 000 euros + 150 000 euros) à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal.

La demande relative à la responsabilité contractuelle de Modalhor étant retenue, il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Sur l'appel incident de Modalhor

- Sur les manquements de M M. et de DPPM à leurs obligations de non-concurrence et de loyauté

Sur la prescription des demandes

C'est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit que les demandes de Modalhor présentées à l'encontre de DPPM et de M M. n'étaient pas prescrites. En effet, c'est la candidature concurrente présentée par M M. en sa qualité de représentant légal de la société Opticapital dans le cadre du projet de concession de service d'autoroute ferroviaire axe atlantique (AFAA) réalisée le 25 juin 2009 qui est reprochée par Modalhor et non la création de la société Opticapital en 2007 par M M.. Ainsi l'assignation délivrée le 13 juin 2014 par Modalhor est intervenue dans le délai de cinq ans dont elle disposait pour agir.

Sur le bien-fondé des demandes

Modalohr soutient que M. M. et la société DPPM ont manqué à leurs obligations de non-concurrence et de loyauté. Elle fait valoir à cet égard qu'alors qu'elle avait posé sa candidature au grand projet d'Autoroute Ferroviaire Axe Atlantique (AFAA) à travers celle de la Société Lorry Rail dont elle était par ailleurs actionnaire, M. M., sous couvert d'une société Opticapital qu'il avait constituée, a postulé au même appel d'offres, en concurrence directe avec elle, en assurant la promotion d'un wagon concurrent fabriqué par M. Maxime L. sous la dénomination Wagon AFR (Arbel Fauvet Rail). Elle dit que soit directement, soit indirectement au travers d'Opticapital, M. M. et DPPM ont commis des actes de concurrence qui lui ont été dommageables, violant leurs engagements contractuels, faisant grief à M M. d'avoir concurrencé la candidature de Lorry Rail/Modalohr sur l'attribution du marché AFAA.

 

En l'espèce, Opticapital dont M. Mangeard est l'associé, a candidaté le 25 juin 2009 à l'avis d'appel à la concurrence ou avis d'appel à manifestation d'intérêt. La candidature d'Opticapital défendait les intérêts de Modhalor « représentant de l'industriel Lohr Industrie, dont les matériels sont utilisés sur les deux premières autoroutes ferroviaires en service (AFA et LORRY RAIL) » mais aussi de « AFR, dont le nouveau wagon en projet pourrait être susceptible d'être utilisé pour ce type de projets à plus ou moins court terme, en fonction du cahier des charges, de l'appel d'offres qui sera fourni et de l'évolution économique de la société et de l'avancement du processus d'homologation et de production industrielle » (page 4 de sa candidature)

Certes la convention de collaboration du 7 juillet 2004 conclue entre Modalhor et DPPM comportait une clause expresse de non-concurrence (article 10) et par l'avenant du 24 juin 2009, Monsieur M., tant à titre personnel qu'en qualité de dirigeant de DPPM, a souscrit une obligation de non-concurrence et de loyauté renforcée (articles 2 et 6), cet avenant stipulant notamment que les prestations confiées à DPPM seront exécutées personnellement et exclusivement par M M. pour le compte de DPPM.

Et il est indifférent que :

- les faits reprochés à M M. et DPPM dans le cadre de la concession du service de la future autoroute ferroviaire atlantique soient l'œuvre de la société Opticapital dont M M. est l'associé ;

- Modalhor oppose non sa propre candidature à ce projet mais celle de Lorry Rail à laquelle elle devait fournir les wagons et dont elle est actionnaire ;

En effet, l'avenant stipule (article 6) que pendant toute la durée du contrat DPPM d'une part et M M. tant à titre de représentant légal de DPPM qu'à titre personnel ne pourront s'intéresser directement ou indirectement :

- à des activités concurrentes à celles de Modalhor dans le domaine du transport combiné rail route (le Domaine),

- à la fabrication, au développement, à la promotion, ou à la distribution de tous produits dans ce Domaine des produits conçus, développés et fabriqués par Modalhor ainsi qu'aux services associés

et ajoute :

M M. et DDPM s'interdisent également dans ce Domaine tout agissement de nature à nuire aux intérêts de Modalhor, de Lohr Industrie et des sociétés qu'elles contrôlent au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

Mais force est de constater, outre que cette candidature qui s'est limitée à l'avis d'appel à la concurrence n'a pas été poursuivie au stade de l'appel d'offres, qu'un projet de pacte d'associés avait été envisagé avec la société Opticapital en 2007 (pièce 34 DPPM), que la candidature litigieuse n'a pas fait l'objet d'une protestation de Modalhor au titre de la violation par DPPM et/ou M M. de leurs obligations contractuelles de non- concurrence et de loyauté , Modalhor ayant continué à régler les commissions prévues au contrat pendant plus de deux ans après les faits litigieux, que cette candidature n'a pas davantage été invoquée comme motif de rupture contractuelle de la convention de collaboration aux termes de la lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mai 2012 et n'est pas invoquée autrement dans la présente procédure qu'au titre de l'obtention de dommages-intérêts.

Il s'en déduit que la preuve d'un manquement suffisamment grave tant de M M. que de DPPM à leurs obligations contractuelles susceptibles de donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts n'est pas établi. Ce d'autant que la candidature de Lorry Rail a pu se poursuivre.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

- Sur la commission proportionnelle sur la vente du 13 décembre 2010

Modalhor soutient qu'aucune somme n'est due au titre de cette vente à DPPM en ce que ni M M., ni DPPM n'ont contribué à sa réalisation et que DPPM ne bénéficiait d'aucune exclusivité de vente.

Mais, le tribunal a justement retenu que les missions confiées à DPPM (article 2 . 1 de la convention du 7 juillet 2004) sont rémunérées par des honoraires fixés à 0,5 % du montant HT des sommes effectivement encaissées par Modalhor pour les ventes de wagons, des dispositifs d'ouverture au sol, et leurs pièces détachées, sans que leur versement soit conditionné à une participation directe à une vente identifiée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement formulée au titre de la vente du 13 décembre 2010 par Modalhor et en ce qu'il a condamné cette dernière à verser à DPPM le solde restant dû à ce titre de 4 399,78 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012.

- Sur les frais de mission

Modalhor sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à DPPM la somme de 11 680,31 euros au titre de ses frais de mission en l'absence de justificatifs autres que ses propres factures, outre qu'une facture de 3 467,74 euros du 21 mai 2012 concerne une période postérieure à la date d'expiration des conventions pendant laquelle aucune activité n'a plus été réalisée.

Selon l'article 6.2 du contrat, les frais de mission sont remboursables à la condition expresse qu'ils soient justifiés par des pièces comptables.

Or la production de factures que DPPM a elle-même établies est insuffisante à cet égard.

Dès lors, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné Modalhor à payer à DPPM la somme de 11 680,31 euros au titre de ses frais de mission.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Modalhor qui succombe pour l'essentiel est condamnée aux dépens et à verser, en sus des sommes allouées à ce titre par le premier juge, la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M M. et la même somme à DPPM.

Elle est déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Modalhor à payer à la SAS DPPM International la somme de 11 680,31 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2012 ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

DÉBOUTE la SAS DPPM International de sa demande en paiement de la somme de 11 680,31 euros ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Modalhor à payer à la SAS DPPM la somme de la somme de 810 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture fautive du contrat ;

CONDAMNE la SAS Modalhor aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de M T.-B. dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile et à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 7 000 euros chacun à la SAS DPPM et à M Philippe M. ;

REJETTE toute autre demande.