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Décisions

CJUE, gr. ch., 22 septembre 2020, n° C-724/18

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cali Apartments SCI, HX

Défendeur :

Procureur général près la cour d’appel de Paris, Ville de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenaerts

Présidents de chambre :

M. Bonichot, M. Arabadjiev, Mme Prechal, Mme Rossi, M. Jarukaitis

Vice-président :

Mme Silva de Lapuerta

Juges :

M. Juhász, M. Ilešič, M. Malenovský, M. Bay Larsen, M. Šváby (rapporteur), M. Piçarra

Avocat général :

M. Bobek

Avocats :

M. Spinosi, M. Steinberg,

CJUE n° C-724/18

22 septembre 2020

LA COUR (grande chambre),

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 1er, 2 ainsi que 9 à 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Cali Apartments SCI et HX au Procureur général près la cour d’appel de Paris et à la ville de Paris au sujet de la violation par ces personnes d’une réglementation nationale imposant une autorisation préalable pour l’exercice d’activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Les considérants 1, 7, 9, 27, 33, 59 et 60 de la directive 2006/123 se lisent comme suit :

« (1) La Communauté européenne vise à établir des liens toujours plus étroits entre les États et les peuples européens et à assurer le progrès économique et social. Conformément à l’article 14, paragraphe 2, du traité, le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des services est assurée. Conformément à l’article 43 du traité, la liberté d’établissement est assurée. L’article 49 du traité établit le droit à la prestation de services à l’intérieur de la Communauté. L’élimination des obstacles au développement des activités de services entre États membres est un moyen essentiel pour renforcer l’intégration entre les peuples européens et pour promouvoir le progrès économique et social équilibré et durable. En éliminant ces obstacles, il importe de veiller à ce que le développement des activités de services contribue à l’accomplissement de la mission visée à l’article 2 du traité, à savoir promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, l’égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie et la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres.

[...]

(7) La présente directive établit un cadre juridique général qui profite à une large variété de services tout en prenant en compte les particularités de chaque type d’activité ou de profession et de leur système de réglementation. Ce cadre repose sur une approche dynamique et sélective qui consiste à supprimer en priorité les obstacles qui peuvent l’être rapidement et, pour les autres, à lancer un processus d’évaluation, de consultation et d’harmonisation complémentaire sur des questions spécifiques, qui permettra, progressivement et de manière coordonnée, la modernisation des systèmes nationaux de réglementation des activités de services indispensable pour la réalisation d’un véritable marché intérieur des services d’ici 2010. Il convient de prévoir une combinaison équilibrée de mesures relatives à l’harmonisation ciblée, à la coopération administrative, à la disposition sur la libre prestation des services et à l’incitation à l’élaboration de codes de conduite sur certaines questions. Ladite coordination des régimes législatifs nationaux devrait assurer un degré élevé d’intégration juridique communautaire et un haut niveau de protection des objectifs d’intérêt général, en particulier la protection des consommateurs, qui est vitale afin d’établir une confiance entre les États membres. La présente directive tient également compte d’autres objectifs d’intérêt général, y compris la protection de l’environnement, la sécurité publique et la santé publique, ainsi que de la nécessité de se conformer au droit du travail.

[...]

(9) La présente directive s’applique exclusivement aux exigences qui affectent l’accès à une activité de service ou l’exercice d’une telle activité. Il s’ensuit qu’elle ne s’applique pas aux exigences telles que les règles de la circulation routière, la réglementation en matière d’aménagement ou de développement du territoire, la réglementation relative à l’aménagement des zones urbaines et rurales, les normes en matière de construction, ainsi que les sanctions administratives infligées en cas de non-respect de ces règles qui ne réglementent pas ou n’affectent pas spécifiquement l’activité de service, mais doivent être respectées par les prestataires dans l’exercice de leur activité économique, de la même façon que par des personnes agissant à titre privé.

[...]

(27) La présente directive ne devrait pas couvrir les services sociaux dans les domaines du logement, de l’aide à l’enfance et de l’aide aux familles et aux personnes dans le besoin qui sont assurés par l’État au niveau national, régional ou local, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État avec pour objectif d’assister les personnes qui se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin particulière en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité et ne devraient pas être affectés par la présente directive.

[...]

(33) Les services couverts par la présente directive concernent une grande variété d’activités en constante évolution parmi lesquelles on retrouve les services aux entreprises tels que les services de conseil en management et gestion, les services de certification et d’essai, de gestion des locaux et notamment d’entretien des bureaux, les services de publicité ou liés au recrutement ou encore les services des agents commerciaux. Les services couverts englobent également les services fournis à la fois aux entreprises et aux consommateurs, tels que les services de conseil juridique ou fiscal, les services liés à l’immobilier, comme les agences immobilières, ou à la construction, y compris les services des architectes, la distribution, l’organisation des foires commerciales, la location de voitures et les agences de voyage. Les services aux consommateurs sont également compris, notamment ceux dans le domaine du tourisme [...].

[...]

(59) L’autorisation devrait normalement permettre au prestataire d’accéder à l’activité de service ou d’exercer une telle activité sur l’ensemble du territoire national, à moins qu’une limite territoriale ne se justifie par une raison impérieuse d’intérêt général. Par exemple, la protection de l’environnement justifie l’exigence d’obtenir une autorisation individuelle pour chaque installation sur le territoire national. La présente disposition ne devrait pas affecter les compétences régionales ou locales en matière d’octroi d’une autorisation au sein des États membres.

(60) La présente directive, et en particulier les dispositions concernant les régimes d’autorisation et l’étendue territoriale d’une autorisation, ne devrait pas avoir d’incidence sur la répartition des compétences régionales ou locales au sein des États membres, y compris l’autonomie régionale ou locale et l’utilisation des langues officielles. »

4 L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. »

5 Aux termes de l’article 2 de ladite directive :

« 1. La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

2. La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes :

a) les services d’intérêt général non économiques ;

b) les services financiers [...]

c) les services et réseaux de communications électroniques ainsi que les ressources et services associés pour ce qui concerne les matières régies par les directives [2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive “accès”) (JO 2002, L 108, p. 7, 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive “autorisation”) (JO 2002, L 108, p. 21), 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive “cadre”) (JO 2002, L 108, p. 33, 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive “service universel”) (JO 2002, L 108, p. 51 et 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO 2002, L 201, p. 37)] ;

d) les services dans le domaine des transports [...]

e) les services des agences de travail intérimaire ;

f) les services de soins de santé [...]

g) les services audiovisuels [...]

h) les activités de jeux d’argent impliquant des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard [...]

i) les activités participant à l’exercice de l’autorité publique conformément à l’article 45 du traité ;

j) les services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État ;

k) les services de sécurité privée ;

l) les services fournis par les notaires et les huissiers de justice, nommés par les pouvoirs publics.

3. La présente directive ne s’applique pas en matière fiscale. »

6 Intitulé « Définitions », l’article 4 de la directive 2006/123 énonce :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “service”, toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 50 du traité ;

2) “prestataire”, toute personne physique ressortissante d’un État membre, ou toute personne morale visée à l’article 48 du traité et établie dans un État membre, qui offre ou fournit un service ;

[...]

6) “régime d’autorisation”, toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ;

7) “exigence”, toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ne sont pas en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive ;

8) “raisons impérieuses d’intérêt général”, des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de justice, qui incluent les justifications suivantes : l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique, la préservation de l’équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des destinataires de services et des travailleurs, la loyauté des transactions commerciales, la lutte contre la fraude, la protection de l’environnement et de l’environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la conservation du patrimoine national historique et artistique, des objectifs de politique sociale et des objectifs de politique culturelle ;

[...] »

7 Les articles 9 à 13 de la directive 2006/123 concernent les « [a]utorisations ».

8 L’article 9, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b) la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c) l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. »

9 L’article 10, paragraphes 1, 2 et 7, de ladite directive est libellé en ces termes :

« 1. Les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire.

2. Les critères visés au paragraphe 1 sont :

a) non discriminatoires ;

b) justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c) proportionnels à cet objectif d’intérêt général ;

d) clairs et non ambigus ;

e) objectifs ;

f) rendus publics à l’avance ;

g) transparents et accessibles. 

[...]

7. Le présent article ne remet pas en cause la répartition des compétences locales ou régionales des autorités de l’État membre compétentes pour délivrer les autorisations. »

10 L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/123 prévoit :

« Les procédures et formalités d’autorisation doivent être claires, rendues publiques à l’avance et propres à garantir aux parties concernées que leur demande sera traitée avec objectivité et impartialité. »

11 Les articles 14 et 15 de la directive 2006/123 concernent les « [e]xigences interdites ou soumises à évaluation ». L’article 14 de cette directive énumère les exigences auxquelles les États membres ne peuvent pas subordonner l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire. L’article 15 de ladite directive fait notamment obligation aux États membres d’examiner si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une ou de plusieurs des exigences qu’énumère le paragraphe 2 dudit article et de veiller, en ce cas, à ce que de telles exigences soient compatibles avec les conditions énumérées au paragraphe 3 de ce même article.

 Le droit français

 Le code du tourisme

12 L’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable au litige au principal (ci-après le « code du tourisme »), énonce :

« Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 décembre 1986. »

 Le code de la construction et de l’habitation

13 L’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation prévoit notamment que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées à l’article L. 631-7-1 de ce code, soumis à autorisation préalable et que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens de cet article L. 631-7.

14 L’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation dispose :

« L’autorisation préalable au changement d’usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d’arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

L’autorisation de changement d’usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu’il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l’exercice professionnel du bénéficiaire. Toutefois, lorsque l’autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne. Les locaux offerts en compensation sont mentionnés dans l’autorisation qui est publiée au fichier immobilier ou inscrite au livre foncier.

L’usage des locaux définis à l’article L. 631-7 n’est en aucun cas affecté par la prescription trentenaire prévue par l’article 2227 du code civil.

Pour l’application de l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. [...] »

15 Selon l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, aucune autorisation de changement d’usage n’est en revanche nécessaire lorsque le local constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi no 89-462, du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290, du 23 décembre 1986 (JORF du 8 juillet 1989, p. 8541), c’est-à-dire lorsque le logement est occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure soit par le loueur ou son conjoint, soit par une personne à charge.

16 L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable aux faits au principal, prévoit :

« Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros.

Cette amende est prononcée à la requête du ministère public par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé ; le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est située l’immeuble.

Le président du tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe. À l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile des locaux irrégulièrement transformés. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé l’immeuble.

Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires. »

 Le code général des collectivités territoriales

17 L’article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales prévoit que les comptes rendus des séances du conseil municipal sont affichés en mairie et mis en ligne sur le site Internet de la commune.

 Le règlement municipal adopté par le conseil de Paris

18 L’article 2 du règlement municipal fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations en application de la section 2 du chapitre 1er du titre III du livre VI du code de la construction et de l’habitation, adopté par le conseil de Paris dans sa séance des 15, 16 et 17 décembre 2008, se lit comme suit :

« I - La compensation consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un autre usage que l’habitation au 1er janvier 1970 ou ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme changeant leur destination postérieurement au 1er janvier 1970 et n’ayant pas déjà été utilisés à titre de compensation.

Les locaux proposés en compensation doivent cumulativement :

a) correspondre à des unités de logement, et être de qualité et de surface équivalentes à celles faisant l’objet du changement d’usage, les dossiers étant examinés en fonction de la qualité d’habitabilité des locaux. Les locaux apportés en compensation doivent répondre aux normes définies par le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent ;

b) être situés dans le même arrondissement que les locaux d’habitation faisant l’objet du changement d’usage.

Les surfaces sont calculées conformément à l’article R 111-2 du Code de la construction et de l’habitation.

II - Dans le secteur de compensation renforcée défini en annexe no 1, par dérogation au a) du I, les locaux proposés en compensation doivent représenter une surface double de celle faisant l’objet de la demande du changement d’usage, sauf si ces locaux sont transformés en logements locatifs sociaux faisant l’objet d’une convention conclue en application de l’article L. 351-2 du Code de la construction et de l’habitation d’une durée minimale de 20 ans.

Par dérogation au b) du I, la compensation en logements locatifs sociaux de locaux transformés dans le secteur de compensation renforcée peut être située dans l’ensemble de ce secteur. Toutefois, si les locaux transformés sont situés dans les 1er, 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème, 9ème arrondissements, où le déficit de logements par rapport à l’activité est particulièrement marqué, 50 % au plus de la surface transformée pourra être compensée en dehors de l’arrondissement de transformation.

Ces arrondissements sont caractérisés par un rapport entre le nombre d’emplois salariés et le nombre d’actifs résidents, tel que mesuré par l’INSEE, supérieur à la moyenne parisienne.

Lorsque la totalité de la compensation peut être proposée en dehors de l’arrondissement de transformation, le nombre de logements offerts en compensation doit être au minimum identique au nombre de logements supprimés.

Si des locaux sont transformés et compensés par un propriétaire identique au sein d’une même unité foncière, dans le cadre d’une rationalisation des surfaces d’habitation de cette unité, la surface minimale exigée, au titre de la compensation, correspond à la surface des locaux transformés. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

19 Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par le procureur de la République de cette juridiction, sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, a condamné Cali Apartments et HX, tous deux propriétaires d’un studio situé à Paris, au paiement d’une amende, respectivement, de 5 000 et 15 000 euros, et a ordonné le retour des biens en cause à leur usage d’habitation.

20 La ville de Paris était intervenue volontairement à l’instance.

21 Par deux arrêts des 19 mai et 15 juin 2017, la cour d’appel de Paris, saisie par Cali Apartments et HX, a retenu qu’il était établi que les studios en cause, qui avaient été proposés à la location sur un site Internet, avaient fait l’objet, sans autorisation préalable et de manière répétée, de locations de courte durée à l’usage d’une clientèle de passage, en violation des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. Elle a, sur le fondement de l’article L. 651-2 de ce code, dans sa rédaction applicable aux faits au principal, condamné, respectivement, Cali Apartments et HX au paiement d’une amende de 15 000 euros, dit que le produit de cette amende serait versé à la ville de Paris et ordonné le retour des locaux à un usage d’habitation.

22 Cali Apartments et HX ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre desdits arrêts au motif que ceux-ci ont violé le principe de primauté du droit de l’Union, en ce qu’ils n’ont pas établi que la restriction à la libre prestation de services résultant de la réglementation nationale en cause était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, que l’objectif poursuivi par cette réglementation ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante comme l’exige l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 et que la mise en œuvre de cette restriction ne dépend pas de critères répondant aux exigences de l’article 10 de cette directive.

23 Dans ce contexte, la Cour de cassation éprouve des doutes sur le point de savoir si l’activité de service visée à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable aux faits au principal, dont les prescriptions s’ajoutent au régime déclaratif prévu à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme pour la location de meublés de tourisme, relève du champ d’application de la directive 2006/123.

24 Dans l’affirmative, elle s’interroge également sur le point de savoir si cette réglementation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de cette directive, auquel s’applique la section 1 du chapitre III de celle-ci, ou de celle d’« exigence », au sens de l’article 4, point 7, de ladite directive, à laquelle s’applique la section 2 du chapitre III de celle-ci.

25 Enfin, dans l’hypothèse où ladite réglementation relèverait de la notion de « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, elle se demande si une telle réglementation est conforme à cette directive, eu égard à son objectif qui est de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, notamment en régulant les dysfonctionnements du marché, de protéger les propriétaires et les locataires et de permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires, le logement étant un bien de première nécessité et le droit à un logement décent constituant un objectif protégé par la Constitution française.

26 Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, qui sont formulées dans des termes identiques dans les affaires C‑724/18 et C‑727/18 :

« 1) La directive 2006/123 [...] eu égard à la définition de son objet et de son champ d’application par ses articles 1er et 2, s’applique-t‑elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?

2) En cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, constitue-t‑elle un régime d’autorisation de l’activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 [...] ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 [de cette directive] ?

Dans l’hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123 [...] sont applicables :

3) L’article 9, sous b), de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d’intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ?

4) Dans l’affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l’objectif poursuivi ?

5) L’article 10, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive [2006/123] s’oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation “de manière répétée”, “pour de courtes durées”, à une “clientèle de passage qui n’y élit pas domicile” ?

6) L’article 10, paragraphe 2, sous d) à g), de la directive [2006/123] s’oppose-t-il à un régime d’autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l’autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ? »

27 Par décision du président de la Cour du 18 décembre 2018, les affaires C‑724/18 et C‑727/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

28 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er et 2 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens que cette directive s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.

29 L’article 1er de la directive 2006/123 dispose en substance, à son paragraphe 1, que cette directive vise à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.

30 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/123, celle-ci s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre. L’article 2, paragraphe 2, de cette directive exclut toutefois une série d’activités de son champ d’application. L’article 2, paragraphe 3, de ladite directive précise que celle-ci ne s’applique pas en matière fiscale.

31 L’article 4, point 1, de la directive 2006/123 définit la notion de « service » aux fins de cette directive.

32 Il convient donc de déterminer si une activité de mise en location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel, relève de la notion de « service », au sens de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123, et, dans l’affirmative, si ledit service n’est pas néanmoins exclu du champ d’application de cette directive en vertu de l’article 2 de celle-ci et si une réglementation nationale telle que celle décrite au point 28 du présent arrêt n’est pas elle-même exclue dudit champ d’application.

33 S’agissant, tout d’abord, de la qualification de l’activité concernée, il ressort de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123 qu’on entend par « service », aux fins de cette directive, toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 57 TFUE.

34 En l’occurrence, une activité de mise en location d’un bien immobilier, telle que décrite au point 28 du présent arrêt, réalisée par une personne morale ou par une personne physique à titre individuel, relève de la notion de « service », au sens de l’article 4, point 1, de la directive 2006/123.

35 À cet égard, le considérant 33 de cette directive énonce d’ailleurs que celle-ci s’applique à une grande variété d’activités en constante évolution, parmi lesquelles les services liés à l’immobilier ainsi que ceux dans le domaine du tourisme. Or, ainsi que l’a indiqué la juridiction de renvoi, la réglementation en cause au principal complète une réglementation préexistante contenue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable aux faits au principal.

36 S’agissant, ensuite, du point de savoir si un tel service est néanmoins exclu du champ d’application de la directive 2006/123 au titre de l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, il doit être relevé qu’aucun élément du dossier dont la Cour dispose ne permet de considérer que ce service puisse relever de l’une ou de l’autre des activités exclues par cette disposition, ce que, d’ailleurs, la juridiction de renvoi n’envisage pas elle-même. Du reste, la situation à l’origine des présentes affaires ne relève pas de la matière fiscale, au sens de l’article 2, paragraphe 3, de cette directive.

37 Pour autant, le gouvernement allemand fait valoir que la réglementation en cause au principal régit non pas un service, mais le changement d’usage de locaux destinés à l’habitation et que, de ce fait, elle est susceptible de s’appliquer notamment à des tels changements à des fins de logement des sans-abris ou des réfugiés, alors même que ces dernières activités, à caractère non économique, sont expressément exclues du champ d’application de la directive 2006/123 en vertu de son article 2, paragraphe 2, sous j), lu conjointement avec le considérant 27 de celle-ci.

38 Toutefois, une telle possibilité, qui n’a été ni évoquée ni confirmée par la juridiction de renvoi ou le gouvernement français, s’avère non seulement hypothétique, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, mais est également insusceptible en tant que telle d’exclure du champ d’application de la directive 2006/123 une réglementation telle que celle en cause au principal qui s’applique à des activités dont la qualification de « service », au sens de l’article 4, point 1, de cette directive, est avérée, ainsi que cela a été relevé au point 34 du présent arrêt.

39 En effet, le seul fait qu’une réglementation nationale soit applicable à l’accès à une activité ou à l’exercice d’une activité, exclue du champ d’application de la directive 2006/123, telle que celles visées à l’article 2, paragraphe 2, sous j), de celle-ci, ne saurait impliquer que cette même réglementation soit exclue du champ d’application de cette directive alors même qu’elle régit d’autres activités qui, pour leur part, ne font pas l’objet de l’une des exclusions visées à l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive, sauf à compromettre l’effet utile de cette dernière et à remettre en cause l’objectif, visé à ses considérants 1 et 7, d’établissement d’un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation d’une large variété de services est assurée.

40 S’agissant, enfin, du point de savoir si une telle réglementation s’avère néanmoins exclue du champ d’application de la directive 2006/123 lue à la lumière du considérant 9 de celle-ci, la Cour a eu l’occasion de préciser que, conformément à ce considérant, aux termes duquel sont exclues dudit champ d’application, notamment, « les exigences telles que [...] la réglementation en matière d’aménagement ou de développement du territoire [et] la réglementation relative à l’aménagement des zones urbaines et rurales », ladite directive n’a pas vocation à s’appliquer à des exigences qui ne peuvent pas être regardées comme étant constitutives de restrictions à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre ces derniers, dès lors qu’elles ne réglementent pas ou n’affectent pas spécifiquement l’accès à une activité de service ou son exercice, mais doivent être observées par les prestataires dans l’exercice de leur activité économique, de la même façon que par des personnes agissant à titre privé (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 123).

41 Il s’ensuit que seules entrent dans le champ d’application de la directive 2006/123 les formalités administratives, les exigences et, partant, les réglementations des États membres qui régissent spécifiquement l’accès à une activité de service ou à une catégorie particulière de services, et l’exercice de celle-ci, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec l’article 4, point 1, de ladite directive.

42 En l’occurrence, il convient de constater que, même si la réglementation en cause au principal vise à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables et peut, à ce titre, être considérée comme relevant du domaine de l’aménagement ou du développement du territoire et, en particulier, du domaine de l’aménagement des zones urbaines, il n’en demeure pas moins qu’elle vise non pas toute personne indistinctement, mais, plus spécifiquement, celles qui envisagent de fournir certains types de services, tels que ceux relatifs à la location de biens immobiliers meublés à usage d’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées (voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 124).

43 Ainsi que cela ressort des décisions de renvoi et des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, la mise en location contre rémunération d’un bien immobilier non meublé tout comme celle, pour une période cumulée de moins de 4 mois par an, d’un bien immobilier meublé constituant la résidence principale du loueur, notamment, ne sont pas soumises à cette réglementation.

44 Dès lors, dans la mesure où ladite réglementation régit l’accès à certaines formes spécifiques d’activités de location de biens immobiliers et l’exercice de ces activités, elle ne constitue pas une réglementation indistinctement applicable en matière d’aménagement ou de développement du territoire ou d’aménagement des zones urbaines et rurales, et, partant, elle ne saurait échapper au champ d’application de la directive 2006/123.

45 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 1er et 2 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens que cette directive s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.

 Sur la deuxième question

46 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens du point 6 de cet article, ou de celle d’« exigence », au sens du point 7 dudit article.

47 En vertu de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, un « régime d’autorisation » est défini comme toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice.

48 Pour sa part, l’article 4, point 7, de cette directive définit la notion d’« exigence » comme toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou d’autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique.

49 Un « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, se distingue ainsi d’une « exigence », au sens de l’article 4, point 7, de cette directive, en ce qu’il implique une démarche de la part du prestataire de service ainsi qu’un acte formel par lequel les autorités compétentes autorisent l’activité de ce prestataire (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 115).

50 En l’occurrence, il découle des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, lus conjointement, que les personnes propriétaires d’un local situé dans une commune de plus de 200 000 habitants et souhaitant le louer meublé de manière répétée et pour de courtes durées, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile sont, en principe et sous peine des sanctions prévues à l’article L. 651-2 de ce code, tenues d’obtenir une autorisation préalable de changement d’usage délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé ce local, cette autorisation pouvant être subordonnée à une compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

51 Ainsi, une telle réglementation impose aux personnes souhaitant fournir un tel service de location immobilière de se soumettre à une procédure qui a pour effet de les obliger à effectuer une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir de cette dernière un acte formel leur permettant d’accéder à cette activité de service et de l’exercer.

52 Partant, elle doit être regardée comme établissant un « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, qui doit être conforme aux exigences figurant à la section 1 du chapitre III de cette directive (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2019, Kirschstein, C‑393/17, EU:C:2019:563, point 64), et non pas comme une « exigence », au sens de l’article 4, point 7, de ladite directive.

53 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 4 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens du point 6 de cet article.

 Sur les troisième à sixième questions

 Remarques liminaires

54 Par ses troisième à sixième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la section 1 du chapitre III de la directive 2006/123, et plus particulièrement l’article 9, paragraphe 1, sous b), ainsi que l’article 10, paragraphe 2, sous d) à g), de cette directive, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes dont les autorités locales déterminent, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

55 À cet égard, il convient, d’une part, de relever, à l’instar de la juridiction de renvoi ainsi que de M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, que le chapitre III de la directive 2006/123, et en particulier la section 1 de celui-ci, est applicable aux faits au principal.

56 Il est en effet de jurisprudence constante que ce chapitre s’applique même aux situations purement internes, à savoir celles dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (arrêts du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 110 ; du 4 juillet 2019, Commission/Allemagne, C‑377/17, EU:C:2019:562, point 58, ainsi que du 4 juillet 2019, Kirschstein, C‑393/17, EU:C:2019:563, point 24).

57 D’autre part, il ressort de la section 1 du chapitre III de la directive 2006/123 que la conformité d’un régime national d’autorisation aux exigences prévues par celle-ci suppose, notamment, qu’un tel régime, par nature restrictif de la libre prestation du service concerné, satisfasse aux conditions énoncées à l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, à savoir être non discriminatoire, justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionné, mais également que les critères d’octroi des autorisations prévues par ce régime soient conformes à l’article 10, paragraphe 2, de ladite directive, à savoir qu’ils soient non discriminatoires, justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnels à cet objectif d’intérêt général, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance ainsi que transparents et accessibles.

58 Il en découle que l’appréciation de la conformité d’une réglementation d’un État membre établissant un tel régime d’autorisation aux deux articles visés au point précédent, lesquels énoncent des obligations claires, précises et inconditionnelles qui leur confèrent un effet direct (voir par analogie, concernant l’article 15 de la directive 2006/123, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 130), suppose d’apprécier séparément et successivement, d’abord, le caractère justifié du principe même de l’établissement de ce régime, puis les critères d’octroi des autorisations prévues par celui-ci.

59 S’agissant d’une réglementation d’un État membre par laquelle le législateur national charge certaines autorités locales de mettre en œuvre un « régime d’autorisation », au sens de l’article 4, point 6, de la directive 2006/123, en fixant les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations prévues par ce régime, il appartient aux juridictions nationales, d’une part, d’apprécier la conformité à l’article 9 de cette directive du recours par le législateur national à un tel dispositif et, d’autre part, de vérifier si les critères énoncés par ce législateur et encadrant l’octroi de ces autorisations par les autorités locales ainsi que la mise en œuvre effective de ceux-ci par les autorités locales dont les mesures sont contestées sont conformes aux exigences prévues à l’article 10 de ladite directive.

60 En l’occurrence, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 9 et de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 en lien non pas avec la réglementation adoptée par la ville de Paris, mais uniquement avec la réglementation nationale, découlant des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, qui impose à certaines autorités locales d’adopter un régime d’autorisation pour les activités de service concernées et qui encadre les conditions d’octroi par celles-ci des autorisations prévues par ce régime.

61 À la lumière de ces éléments, il convient donc de répondre, en premier lieu, aux troisième et quatrième questions relatives à la conformité à l’article 9 de la directive 2006/123 d’une réglementation nationale chargeant certaines autorités locales de mettre en œuvre un régime d’autorisation préalable des activités de service concernées et, en second lieu, aux cinquième et sixième questions relatives à la conformité à l’article 10 de cette directive des critères énoncés par une telle réglementation et encadrant les conditions d’octroi par ces autorités locales des autorisations prévues par ce régime.

  Sur les troisième et quatrièmes questions

62 Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi.

63 En application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123, les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation qu’à la condition que celui-ci soit non discriminatoire à l’égard du prestataire visé, mais également qu’il soit justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et, enfin, que l’objectif poursuivi par ce régime ne puisse pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

64 D’emblée, il convient de relever que les troisième et quatrième questions portent exclusivement sur les deuxième et troisième conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123.

65 S’agissant, en premier lieu, de la condition prévue audit article 9, paragraphe 1, sous b), il ressort des demandes de décision préjudicielle que l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation vise à établir un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location, avec pour objectifs de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, notamment en régulant les dysfonctionnements du marché, de protéger les propriétaires et les locataires et de permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires, dans la mesure où le logement est un bien de première nécessité et le droit à un logement décent constitue un objectif protégé par la Constitution française.

66 Or, un objectif tel que celui poursuivi par cette réglementation nationale constitue une raison impérieuse d’intérêt général au sens du droit de l’Union et en particulier de la directive 2006/123.

67 En effet, l’article 4, point 8, de la directive 2006/123 prévoit que les raisons impérieuses d’intérêt général dont les États membres sont en droit de se prévaloir sont des raisons reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour, qui incluent notamment les justifications relatives à la protection de l’environnement urbain (arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C‑360/15 et C‑31/16, EU:C:2018:44, point 135), ainsi que des objectifs de politique sociale.

68 De surcroît, la Cour a déjà reconnu que des exigences relatives à la politique du logement social et tendant à lutter contre la pression foncière, tout particulièrement lorsqu’un marché spécifique connaît une pénurie structurelle de logement et une densité de population particulièrement élevée, peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er octobre 2009, Woningstichting Sint Servatius, C‑567/07, EU:C:2009:593, point 30, ainsi que du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, points 50 à 52).

69 Dès lors, et compte tenu des éléments fournis par la juridiction de renvoi ainsi que de l’étude transmise à la Cour par le gouvernement français et confirmée par la ville de Paris, mettant en évidence le fait que l’activité de location de locaux meublés de courte durée a un effet inflationniste significatif sur le niveau des loyers en particulier à Paris, mais également dans d’autres villes françaises, tout particulièrement lorsqu’elle émane de loueurs proposant à la location deux logements entiers ou plus, ou un logement entier plus de 120 jours par an, il y a lieu de considérer qu’une réglementation telle que celle en cause au principal est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

70 S’agissant, en second lieu, de la condition prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/123, il ressort, en substance, des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, lus conjointement, que, dans les communes françaises de plus de 200 000 habitants ainsi que dans celles de trois départements limitrophes de Paris, l’activité de location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées, requiert, sauf exception, une autorisation de changement d’usage délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble concerné.

71 Une telle réglementation nationale s’avère, tout d’abord, matériellement circonscrite à une activité spécifique de location de biens immobiliers destinés à l’habitation.

72 Dans le même sens, et en vertu de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, ladite réglementation exclut de son champ d’application les logements qui constituent la résidence principale du loueur, la location de ceux-ci n’emportant pas de conséquences sur le marché locatif de longue durée, en l’absence de nécessité pour ledit loueur d’établir sa résidence principale dans un autre lieu d’habitation.

73 Ensuite, cette même réglementation procède à l’établissement d’un régime d’autorisation qui est non pas d’application générale, mais de portée géographique restreinte, visant un nombre limité de communes densément peuplées connaissant, ainsi que cela ressort de plusieurs documents fournis à la Cour par le gouvernement français, dont l’étude visée au point 69 du présent arrêt, des tensions sur le marché de la location de locaux à usage d’habitation à la suite du développement de la location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées.

74 Enfin, et ainsi que le fait valoir la ville de Paris dans ses observations écrites, le recours à un système déclaratif assorti de sanctions s’avérerait insusceptible de poursuivre efficacement l’objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location à long terme. En effet, en habilitant les autorités locales à n’intervenir qu’a posteriori, un tel système ne permettrait pas de freiner immédiatement et efficacement la poursuite du mouvement de transformation rapide qui crée cette pénurie.

75 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

 Sur les cinquième et sixième questions

76 Par ses cinquième et sixième questions, qu’il y a lieu de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d’objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

77 Conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2006/123, les régimes d’autorisation visés à l’article 9, paragraphe 1, de cette directive doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. Aux termes de l’article 10, paragraphe 2, de ladite directive, ces critères doivent notamment être justifiés par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnels à cet objectif d’intérêt général, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance et, enfin, transparents et accessibles.

78 À cet égard, il importe de rappeler que, s’il appartient au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer s’il est, en l’occurrence, satisfait à ces exigences, la Cour, appelée à fournir à celui-ci des réponses utiles dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente pour donner des indications, sur la base du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre au juge national de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, SEGRO et Horváth, C‑52/16 et C‑113/16, EU:C:2018:157, point 79).

79 Dans cette perspective, et s’agissant, en premier lieu, de l’exigence, visée à l’article 10, paragraphe 2, sous b), de la directive 2006/123, tenant au caractère justifié des critères d’autorisation par une raison impérieuse d’intérêt général, il y a lieu de relever que, en ce qu’ils encadrent les modalités de détermination au niveau local des conditions d’octroi des autorisations prévues par un régime adopté au niveau national s’avérant justifié par une telle raison, ainsi que cela ressort des points 65 à 69 du présent arrêt, les critères établis par une réglementation telle que celle visée au point 76 de cet arrêt doivent, en principe, être considérés comme justifiés par cette même raison.

80 Il doit en aller tout particulièrement ainsi lorsque, à l’instar de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le législateur national a veillé à imposer aux autorités locales la poursuite d’une telle raison dans la mise en œuvre concrète de la réglementation nationale, en insistant sur l’objectif de mixité sociale et sur la nécessité de prendre en considération, aux fins de cette mise en œuvre, les caractéristiques des marchés de locaux d’habitation ainsi que celle de ne pas aggraver la pénurie de logements.

81 S’agissant, en deuxième lieu, de l’exigence de proportionnalité, visée à l’article 10, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/123, il ressort des décisions de renvoi telles qu’éclairées par les observations écrites concordantes des parties et des autres intéressés ayant pris part à la présente procédure que le débat porte essentiellement sur la faculté reconnue aux communes françaises concernées, à l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, d’assortir l’exigence d’autorisation préalable prévue à l’article L. 631-7 de ce code d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, dont le quantum est défini par leur conseil municipal.

82 À cet égard, il convient d’emblée de relever qu’une telle réglementation est apte à garantir l’adéquation du régime d’autorisation qu’elle institue aux circonstances spécifiques de chacune des communes concernées, dont les autorités locales ont une connaissance privilégiée.

83 En effet, elle réserve à ces autorités locales la compétence pour fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations prévues par ce régime. En particulier, l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation leur permet, mais ne les contraint pas, de conditionner la délivrance d’une autorisation préalable à une obligation de compensation, tout en prévoyant, d’une part, que les autorités locales qui font le choix d’imposer une telle obligation veillent à l’adéquation stricte de celle-ci à la situation propre non pas de la commune concernée prise dans son ensemble, mais de chaque quartier ou, le cas échéant, arrondissement de celle-ci, et, d’autre part, que le quantum de cette compensation soit déterminé au regard de l’objectif de mixité sociale et en fonction, notamment, des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.

84 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 133 de ses conclusions, le recours à une telle obligation de compensation qu’autorise ainsi cette réglementation nationale à l’attention des communes soumises à une pression foncière particulière découlant d’une augmentation importante de la surface immobilière dédiée à la location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage au détriment de la location de locaux d’habitation à long terme à une clientèle y établissant sa résidence constitue, en principe, un instrument adéquat de poursuite des objectifs de mixité sociale de l’habitat sur son territoire, d’offre suffisante de logements et de maintien des loyers à un niveau abordable.

85 Il en va notamment ainsi lorsque l’obligation de compensation concernée contribue à maintenir une surface au moins constante de locaux à usage d’habitation sur le marché de la location à long terme et, de ce fait, participe à l’objectif du maintien de prix abordables sur ce marché en luttant contre l’inflation des loyers, ainsi que le gouvernement français l’a fait valoir lors de l’audience devant la Cour.

86 Toutefois, la faculté reconnue par la réglementation nationale aux autorités locales concernées de recourir, en sus du régime d’autorisation préalable imposée par cette réglementation, à une obligation de compensation telle que celle évoquée au point 81 du présent arrêt ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif.

87 Aux fins de cette appréciation, il appartient au juge national de vérifier, à la lumière de l’ensemble des éléments à sa disposition, tout d’abord, si cette faculté répond effectivement à une pénurie de logements destinés à la location de longue durée, constatée sur les territoires concernés.

88 À cet effet, sont particulièrement pertinentes des études ou d’autres analyses objectives mettant en évidence le fait que l’obligation de compensation permet aux autorités locales de répondre à une situation où la demande de logements destinés à l’habitation résidentielle à des conditions économiques acceptables peinait à être satisfaite en raison notamment du développement de la location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées.

89 Il revient, ensuite, à la juridiction nationale de s’assurer que la faculté reconnue, par la réglementation nationale en cause au principal, aux autorités locales concernées de déterminer le quantum de l’obligation de compensation qu’elles ont fait le choix d’imposer s’avère non seulement adaptée à la situation du marché locatif des communes concernées, mais également compatible avec l’exercice de l’activité de location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées.

90 Concernant, premièrement, l’adéquation de ce quantum à la situation du marché locatif des communes concernées, cette faculté constitue un indice fort du caractère adapté de l’obligation de compensation autorisée par la réglementation nationale en cause au principal, à condition que l’usage de ladite faculté soit conditionné par la prise en considération des différences objectives de situation entre les territoires concernés et, partant, permette de tenir compte des spécificités propres de chaque commune, voire de chaque quartier ou arrondissement de celle-ci.

91 Concernant, deuxièmement, la compatibilité du quantum de l’obligation de compensation ainsi autorisée avec l’exercice de l’activité de location de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuée de manière répétée et pour de courtes durées, il importe de l’apprécier en prenant en considération, notamment, la sur-rentabilité généralement constatée de cette activité par rapport à la location de locaux destinés à l’habitation résidentielle.

92 Par ailleurs, il convient de relever que l’obligation de compensation que l’autorité locale concernée aurait fait le choix d’imposer ne prive pas, en général, le propriétaire d’un bien destiné à la location d’en retirer les fruits, dès lors qu’il dispose en principe de la faculté de louer celui-ci non pas en tant que local meublé à l’usage d’une clientèle de passage, mais en tant que local à l’usage d’une clientèle y établissant sa résidence, activité certes moins rentable, mais à laquelle ne s’applique pas cette obligation.

93 Enfin, la juridiction nationale doit prendre en considération les modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée.

94 En particulier, il lui appartient de tenir compte du fait que cette obligation est susceptible d’être satisfaite non seulement par la transformation en habitation d’autres locaux détenus par la personne concernée et ayant un autre usage, mais également par d’autres mécanismes de compensation, comme, notamment, l’achat par celle-ci de droits auprès d’autres propriétaires, contribuant au maintien du parc de logement de longue durée. Ces mécanismes doivent toutefois répondre à des conditions de marché raisonnables, transparentes et accessibles.

95 S’agissant, en troisième lieu, des exigences de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité, prévues à l’article 10, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2006/123, et visées par les cinquième et sixième questions préjudicielles, il ressort des décisions de renvoi ainsi que des débats intervenus devant la Cour que Cali Apartments et HX reprochent essentiellement à la réglementation nationale en cause au principal d’être fondée sur une notion ambigüe et difficilement compréhensible issue de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à savoir celle de « location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ».

96 À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que les exigences de clarté et de non-ambiguïté visées à l’article 10, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 renvoient à la nécessité de rendre les conditions d’autorisation aisément compréhensibles par tous en évitant toute ambivalence dans le libellé de celles-ci (arrêt du 26 septembre 2018, Van Gennip e.a., C‑137/17, EU:C:2018:771, point 85). Quant à l’exigence d’objectivité prescrite à l’article 10, paragraphe 2, sous e), de cette directive, elle vise à ce que les demandes d’autorisation soient appréciées sur la base de leurs mérites propres, afin de garantir aux parties concernées que leur demande sera traitée avec objectivité et impartialité, ainsi que l’exige, d’ailleurs, l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive (voir, par analogie, arrêt du 1er juin 1999, Konle, C‑302/97, EU:C:1999:271, point 44).

97 Il importe également de relever que l’article 10, paragraphe 7, ainsi que les considérants 59 et 60 de la directive 2006/123 énoncent que celle-ci, et en particulier son article 10, ne remet pas en cause la répartition des compétences locales ou régionales des autorités de l’État membre compétentes pour délivrer les autorisations.

98 Ainsi, s’agissant d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui institue un régime d’autorisation préalable, spécifique à certaines communes, pour les activités de « location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », tout en conférant aux autorités locales concernées le pouvoir de fixer les conditions de délivrance de l’autorisation requise, de prévoir une obligation de compensation et de déterminer le quantum de cette obligation éventuelle en fonction, notamment, des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, le fait que cette notion ne soit pas définie par cette réglementation nationale, notamment, par des seuils chiffrés, ne constitue pas, en soi, un élément de nature à démontrer une méconnaissance des exigences de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité énoncées à l’article 10, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2006/123.

99 En revanche, il importe, aux fins de cette disposition, de vérifier si, à défaut d’indication suffisante dans la réglementation nationale, les autorités locales concernées ont précisé les termes correspondant à la notion en cause d’une manière claire, non ambiguë et objective, de sorte que la compréhension de cette notion ne laisse pas place au doute quant au champ d’application des conditions et des obligations ainsi arrêtées par ces autorités locales et que ces dernières ne puissent pas faire une application arbitraire de cette même notion.

100 Une telle vérification est essentielle compte tenu tout particulièrement du fait que la question de la clarté de la notion en cause se pose dans le cadre d’une procédure à laquelle devrait s’appliquer le principe général du droit de l’Union de légalité des délits et des peines (arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C‑303/05, EU:C:2007:261, point 49).

101 La juridiction de renvoi s’interroge également sur la clarté et l’objectivité suffisantes de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation en ce qu’il prévoit que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et fixées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, sont déterminées au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.

102 À cet égard, il importe de relever que le fait que le législateur national se limite à encadrer les modalités de détermination par une autorité locale des conditions d’octroi des autorisations prévues par un régime en renvoyant aux objectifs que cette autorité doit prendre en considération ne saurait, en principe, conduire à considérer que ces conditions sont insuffisamment claires et objectives, tout particulièrement si la réglementation nationale en cause fixe non seulement les finalités devant être poursuivies par les autorités locales concernées, mais également les éléments objectifs en fonction desquels ces autorités doivent déterminer ces conditions d’octroi.

103 En effet, et sous réserve de l’appréciation de la juridiction de renvoi, des conditions de cette nature présentent un degré suffisant de précision et de clarté, et sont à même d’éviter tout risque d’arbitraire dans leur mise en œuvre.

104 S’agissant, en quatrième et dernier lieu, des exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité des conditions d’octroi des autorisations, prévues à l’article 10, paragraphe 2, sous f) et g), de la directive 2006/123, et visées par la sixième question préjudicielle, il ressort des décisions de renvoi que Cali Apartments et HX reprochent à la réglementation nationale en cause au principal de ne pas satisfaire à ces exigences au motif que les conditions de délivrance de ces autorisations ainsi que le quantum des compensations sont déterminés non pas par la loi, mais par les conseils municipaux de chacune des communes concernées.

105 Toutefois, eu égard à ce qui a été relevé au point 97 du présent arrêt, il importe, dans un contexte réglementaire tel que celui décrit au point 98 de cet arrêt, de vérifier, aux fins de l’article 10, paragraphe 2, sous f) et g), de la directive 2006/123, si tout propriétaire souhaitant louer un local meublé à usage d’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile est en mesure de prendre pleinement connaissance des conditions de délivrance d’une autorisation et de l’éventuelle obligation de compensation prévues par les autorités locales concernées, préalablement à son engagement dans les activités de location en cause.

106 À cet égard, la juridiction de renvoi indique, que, en application de l’article L. 2121-25 du code général des collectivités territoriales, les comptes-rendus des séances du conseil municipal sont affichés en mairie et mis en ligne sur le site Internet de la commune concernée.

107 Une telle mesure de publicité suffit à satisfaire aux exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité requises à l’article 10, paragraphe 2, sous f) et g), de la directive 2006/123, dans la mesure où elle permet efficacement à toute personne intéressée d’être informée immédiatement de l’existence d’une réglementation susceptible d’affecter l’accès à l’activité concernée ou l’exercice de celle-ci.

108 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux cinquième et sixième questions que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d’objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, pour autant que ces conditions d’octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.

 Sur les dépens

109 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1) Les articles 1er et 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens que cette directive s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.

2) L’article 4 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens du point 6 de cet article.

3) L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

4) L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d’objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, pour autant que ces conditions d’octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.