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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 15 septembre 2020, n° 19/09518

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Asus France (SARL)

Défendeur :

Sodexpo France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Conseillers :

Mme Schaller, Mme Aldebert

Avocat :

Asus Global Pte Ltd (LLP)

T. com. PARIS, du 29 mars 2019

29 mars 2019

FAITS ET PROCEDURE

Faits

1. La société singapourienne Asus Global PTE (ci-après la société « ASGL ») et la société ASUS France (désignées ensemble ci-après « les sociétés Asus ») sont les filiales du groupe taïwanais Asus qui fabrique et commercialise dans le monde entier, sous la marque éponyme, tous les produits touchant aux technologies de l'information et notamment des ordinateurs, tablettes, smartphones, composants et périphériques. La société ASGL vend les matériels neufs de la marque Asus à des grossistes nationaux qui revendent ensuite à des revendeurs locaux, et elle vend les pièces détachées à des prestataires techniques agréés. La société Asus France se présente comme une société qui ne fait pas de vente, mais de l'animation et de la promotion pour les produits Asus.

2. La société Sodexpo est une société française qui se présente comme ayant une activité de grossiste en matériel informatique, notamment à destination des DOM/TOM.

3. Un partenariat entre les sociétés Asus et Sodexpo a été envisagé fin 2014 pour l'achat par Sodexpo de certains matériels ASUS auprès de grossistes agréés du groupe ASUS, et leur revente par la société Sodexpo dans les DOM/TOM, moyennant commissionnement.

4. Un accord de confidentialité visant la mise en place dudit partenariat a été conclu le 7 novembre 2014 entre les sociétés Sodexpo et Asus France, cette dernière intervenant en tant que « représentant légal » de la société ASGL.

5. La société Sodexpo n'assurant pas de réparation après-vente, un partenariat pour le service après-vente des produits ASUS en Martinique, Guadeloupe et Guyane a été conclu entre les parties en mai 2015 mettant en rapport Sodexpo avec une entreprise tierce proposant ce service, CSD, et la société ASGL ouvrant à la société Sodexpo le 30 juin 2015 un compte dans ses livres permettant à cette dernière de commander directement les pièces détachées auprès de la société ASGL.

6. Fin février 2016, un contrat de partenariat d'une année, commençant le 1er janvier 2016 pour se finir le 31 décembre 2016, a été conclu entre les sociétés Sodexpo et ASGL. Ce contrat, portant sur les produits Asus de la catégorie « système » (ordinateurs portables, tablettes, ordinateurs de bureau de différentes gammes), garantissait à la société Sodexpo une rémunération sous forme de remises annuelles, sous condition d'atteinte d'objectifs de chiffres d'affaires et d'engagements de commandes en volumes auprès des quatre grossistes officiels désignés par ASGL, payées par avoirs via l'un de ces grossistes.

7. Par e-mail du 22 décembre 2016, la société Sodexpo était informée par M. C., « Commercial Business Manager » de la société Asus France, que pour des raisons de réorganisation stratégique, ce partenariat ne serait pas reconduit sur l'année 2017 ; il lui était alors proposé un autre partenariat portant sur la gamme de smartphone « Zenfone », que la société Sodexpo a refusé.

8. La société Sodexpo recevait par ailleurs notification par courriel du 5 janvier 2017 qu'elle n'était plus agréée pour commander des pièces détachées auprès de la société ASGL. Après sommation interpellative et mise en demeure infructueuse pour obtenir le rétablissement de l'accès aux pièces détachées, la société Sodexpo a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny à cette fin, les parties réglant finalement leur différend de manière amiable et la société ASGL autorisant de nouveau l'accès aux pièces détachées à compter du 30 janvier 2017.

Procédure

9. C'est dans ce contexte que la société Sodexpo, estimant que l'absence de poursuite du partenariat dans les conditions initialement conclues était constitutive d'une rupture brutale des relations commerciales, a assigné les sociétés Asus par actes des 6 et 8 mars 2017 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement de:

- 2 253 416 euros HT à titre d'indemnité de préavis (40 mois de marge brute) et de dommages et intérêts sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales

- 676 025 euros (1 an de marge brute) à titre de dommages et intérêts pour agissements abusifs et déloyaux,

- 526 315,24 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du stock des produits ASUS

- 500 euros par jour à titre d'astreinte à compter d'un mois après la décision en vue de publier un communiqué de presse

- 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

10. Par jugement du 29 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

11. Les sociétés Asus ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce du 29 mars 2019 par déclaration du 30 avril 2019. La mise en état pour l'instruction du dossier a été faite suivant le protocole relatif à la procédure devant la présente chambre en date du 7 février 2018, accepté par les parties conformément à son article 4.1. Le calendrier a été modifié pour tenir compte de la crise sanitaire et de l'échange tardif de nouvelles conclusions. La clôture a été reportée et prononcée le 29 juin 2020.

II PRETENTIONS DES PARTIES

12. Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 12 juin 2020, les sociétés Asus demandent à la Cour, au visa des articles L.442-6, I 5° du code de commerce, 1240 du code civil et 31 du code de procédure civile, en substance :

Après avoir dit que la société Asus France était tierce à la relation commerciale litigieuse et que la société Sodexpo était dépourvue d'intérêt à agir contre Asus France,

A titre principal,

- d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de rejeter l'ensemble des demandes de la société Sodexpo;

A titre subsidiaire,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé la durée de la relation commerciale entre les parties à 25 mois, la durée du préavis à 10 mois et l'indemnisation de la société Sodexpo à la somme de 508 000 € et de rejeter de l'ensemble des demandes de la société Sodexpo.

A titre très subsidiaire,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Asus à payer à la société Sodexpo la somme de 508 000 € au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de limiter le montant de leur condamnation à deux mois de préavis maximum, soit à hauteur de 16 510 € tout au plus.

En toute hypothèse,

- de rejeter l'ensemble des demandes d'appel incident et reconventionnelles de la société Sodexpo et de la condamner à payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du CPC

13. Aux termes de ses conclusions en réponse et d'appel incident communiquées par voie électronique le 23 juin 2020, la société Sodexpo demande en substance à la Cour, au visa des articles L.442-6-I-5° du code de commerce et 1240 du code civil, notamment :

- de juger irrecevable et mal fondé l'appel des sociétés Asus,

- de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés appelantes,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé l'action de la société Sodexpo contre la société Asus France recevable et retenu l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales qui avait duré 25 mois avec les deux sociétés Asus et jugé qu'un préavis de 10 mois aurait dû être accordé à la société Sodexpo,

- d'infirmer le jugement pour le surplus et de condamner in solidum les sociétés Asus au paiement des sommes de :

700 000 € HT à titre d'indemnité de préavis et de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale des relations commerciales, avec capitalisation des intérêts

300 000 € à titre de dommages et intérêts pour agissements déloyaux et abusifs,

526 315,24 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte du stock des produits ASUS,

200 000 € en réparation de l'atteinte à son image et à sa crédibilité commerciale,

- d'ordonner la publication sous astreinte dans trois journaux nationaux d'un communiqué aux termes duquel les sociétés Asus reconnaissent que la rupture de la relation contractuelle est une décision unilatérale non imputable à la société Sodexpo.

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 30 000 euros pour le temps passé par les cadres dirigeants à suivre ce procès et 100 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

III - MOYENS DES PARTIES ET MOTIFS DE LA DECISION

A / Sur la mise hors de cause de la société Asus France

14. Les sociétés Asus font valoir que la société Sodexpo n'a pas d'intérêt à agir contre la société Asus France et demandent sa mise hors de cause au motif que cette dernière n'a pas été partie à la relation commerciale nouée entre les sociétés ASGL et Sodexpo. Elles font ainsi valoir que :

- Asus France n'a aucune activité de vente ou de service après-vente, tel qu'ils ressort de son objet social mentionné sur son Kbis et que son site internet ne propose qu'un lien vers le site de vente en ligne exploité par la société de droit allemand Arvato GmbH;

- le contrat de partenariat a été conclu pour l'année 2016 par Sodexpo avec la seule société ASGL, personne morale distincte de la société Asus France.

- l'accord de confidentialité conclu le 12 novembre 2014 avec la société Sodexpo a été signé par la société Asus France au nom et pour le compte de la société ASGL, en préalable au contrat de partenariat;

- la société Asus France n'est intervenue qu'en qualité d'intermédiaire de la société ASGL pour faciliter les négociations sur les remises conditionnelles et inconditionnelles octroyées indirectement, sous conditions, par la société ASGL ;

- aucun échange commercial n'a eu lieu directement entre les sociétés Sodexpo et Asus France ;

- les commandes de pièces détachées étaient faites par la société Sodexpo directement auprès de la société ASGL, qui émettait seule les factures et recevait les paiements ;

- les sociétés Asus France et ASGL ne forment pas une « entité économique unique », notion qui au demeurant ne s'applique pas en matière de responsabilité civile délictuelle;

- une prédominance de la société Asus France dans les échanges de courriels ne peut suffire à fonder une responsabilité in solidum de celle-ci avec la société ASGL.

15. En réponse, la société Sodexpo, après avoir souligné que l'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile est indépendant du bien-fondé des demandes, fait valoir que:

- la société Asus France a prédominé dans les relations d'affaires, ce qui est établi par les correspondances échangées entre les parties entre 2014 et 2017 ; elle a administré la relation de bout en bout, d'abord en proposant le partenariat en 2014 puis en proposant un partenariat sur d'autres produits Asus ;

- c'est la société Asus France qui donnait des instructions directement à la société Sodexpo et lui fixait des objectifs de ventes, lui octroyait des conditions tarifaires préférentielles, pilotait la politique commerciale et tarifaire des produits ASUS dans les DOM/TOM, organisait avec la société Sodexpo les promotions sur certains produits ;

- l'accord de confidentialité du 12 novembre 2014, portant sur les négociations en cours, a été conclu avec la société Asus France ;

- l'interlocuteur privilégié de la société Sodexpo était Monsieur Benjamin C. qui exerçait la fonction de Directeur des ventes (« Sales Manager ») au sein de la société Asus France ; c'est lui qui a transmis à la société Sodexpo un barème des prix pour le dernier trimestre 2014, pour « permettre de démarrer notre partenariat »;

- l'objet social de la société Asus France comprend le marketing, qui s'entend notamment de la promotion des ventes et de la politique des prix et des produits ;

- les messages de la société Asus France établissent qu'elle intervenait non seulement dans les ventes mais également dans les prestations de service après-vente (« SAV ») ;

- la société Sodexpo a pu légitimement croire que les deux sociétés du groupe Asus avec lesquelles elle était en relation continue et de confiance, ne formaient qu'une seule et même entité ;

16. La société Sodexpo fait valoir en conclusion que la société Asus France s'étant constamment immiscée dans la relation commerciale, a créé une apparence trompeuse d'unité avec la filiale singapourienne, de sorte que les sociétés Asus France et ASGL sont apparues sous la forme d'une seule entité économique et juridique et doivent en conséquence être jugées co-responsables de la rupture brutale de la relation commerciale nouée avec la société Sodexpo.

Sur ce,

17. Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, et est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

18. En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la relation commerciale avec la société Sodexpo a été mise en place, négociée et exécutée par la société Asus France, et notamment par un de ses salariés, Monsieur C., tant pour les ventes de produits Asus que pour le SAV, ce qui est de nature à créer pour la société Sodexpo une apparence propre à lui permettre de croire légitimement les deux sociétés Asus partenaires de la relation commerciale en cause, de sorte que la société Sodexpo a bien un intérêt à la mettre en cause.

19. Il apparaît en effet que M. Benjamin C., « B2B sales manager» au sein de la société Asus France, a été l'interlocuteur privilégié de la société Sodexpo pour la mise en place du partenariat portant dès 2015 sur la promotion et la revente de produits Asus dans les DOM/TOM. Ainsi, les courriels adressés par ce responsable des ventes de la société Asus France à la société Sodexpo les 10 octobre, 7 et 17 novembre et 12 décembre 2014 établissent que la rencontre et les premières discussions relatives au partenariat Asus ont été menées par ce dernier. Celui-ci a donné à la société Sodexpo un accès à la liste de prix mensuels, des préconisations de commande Q4.2014, annonçant la possibilité de travailler sur des volumes plus conséquents pour le premier trimestre 2015, les procédures et conditions du SAV et annoncé travailler sur le contrat de partenariat, tout en communiquant l'accord de confidentialité du 7 novembre 2014.

20. Il est également établi par les courriels adressés à la société Sodexpo par M. C. au cours de l'année 2015 que, sur cette année précisément, la société Sodexpo a bénéficié de prix spécifiques auprès des grossistes agréés par le groupe Asus dans le cadre d'un partenariat, non formalisé dans un contrat écrit, développé avec la société Asus France, par l'intermédiaire de son directeur des ventes - «B2B Sales Manager», qui notamment transmettait les offres promotionnelles à la société Sodexpo, lui demandait les positionnements de commandes et reportings de stocks hebdomadaires et intervenait auprès des grossistes référents, sans qu'à aucun moment elle n'affirme agir au nom et pour le compte de la société ASGL. La société Sodexpo a également eu pour interlocuteur à partir du 14 septembre 2015 M. Montgomery Simo, «key account manager » de la société Asus France, présenté comme «nouveau contact commercial dédié».

21. C'est encore la société Asus France qui a transmis à la société Sodexpo le contrat de partenariat, pour l'année 2016 présentant la société ASGL comme partie contractante, lui a fixé ses objectifs pour l'année 2016 (emails des 16 février et 23 mars 2016) et qui a notifié par courriel du 22 décembre 2016 un changement de stratégie et la proposition de travailler sur d'autres produits (la gamme de smartphones zenfone) ainsi que le déréférencement pour les pièces détachées par email du 5 janvier 2017.

22. Les échanges avec la société ASGL se sont quant à eux limités à l'accord de confidentialité, dans lequel elle apparaît représentée par la société Asus France, et le contrat de partenariat pour l'année 2016, dont au demeurant elle ne communique pas d'exemplaire signé, ainsi qu'aux factures portant sur la vente de pièces détachées.

23. Par ailleurs, la référence faite par les sociétés appelantes à l'objet social de la société Asus France pour contester sa mise en cause n'est pas pertinente au regard des faits ci-dessus évoqués, de la preuve rapportée par la société Sodexpo que la société Asus France disposait d'une équipe commerciale et d'une équipe SAV et alors qu'il résulte d'une décision de la Commission européenne du 24 juillet 2018 (2018/C 338/08) que la société Asus France a pu mettre en œuvre des pratiques visant à restreindre la capacité des détaillants de déterminer leurs prix de vente de manière indépendante, les gestionnaires de comptes étant fréquemment en contact avec les détaillants alors qu'aucune relation de type fournisseur-client n'existe entre eux.

24. Il ressort de ces éléments que l'intervention active et quasi exclusive de la société Asus France et son immixtion dans la mise en place, l'exécution et le développement du partenariat avec la société Sodexpo pour la distribution de produits ASUS dans les DOM/TOM ont été de nature à créer pour la société Sodexpo une apparence propre à lui permettre de croire légitimement les deux sociétés partenaires de la relation commerciale en cause.

25. La société Asus France a par conséquent qualité à défendre, étant rappelé que la Cour n'est pas liée par l'ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce de Bobigny du 11 avril 2017, une ordonnance de référé n'ayant pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, en vertu de l'article 488 alinéa 1er du code de procédure civile.

26. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré l'action de la société Sodexpo recevable à l'encontre de la société Asus France et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

B / Sur la demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales en application de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce

27. Les sociétés Asus font valoir :

A titre principal,

- qu'il faut distinguer la relation tirée de l'achat des pièces détachées de celle relative aux conditions tarifaires, qui représentent deux courants d'affaires distincts ;

- que la relation commerciale entre les sociétés ASGL et Sodexpo portant sur les remises conditionnelles et inconditionnelles pour l'achat de matériels ASUS ne peut être qualifiée de relation commerciale établie au motif que cette relation n'a existé que dans le cadre du contrat de partenariat conclu pour l'année 2016, d'une durée déterminée d'un an non renouvelée et que ne peut entrer dans le champ de cette relation l'achat par la société Sodexpo de produits ASUS auprès de partenaires grossistes ;

-qu'en novembre 2014, Sodexpo a acheté des produits Asus auprès de grossistes partenaires sans avoir d'échanges commerciaux directement avec ASGL ;

Elles font également valoir :

- qu'elles n'ont pas rompu ladite relation dans la mesure où par courriel du 22 décembre 2016, elles évoquaient, non pas la fin de tout partenariat, mais la possibilité d'un nouveau partenariat portant sur des produits différents du premier ;

Que la société Sodexpo a continué à acheter des matériels Asus auprès des grossistes revendeurs après 2017 ;

- que la relation commerciale relative à l'achat de pièces détachées auprès de la société ASGL, qui a commencé le 30 juin 2015, n'a pas cessé, le compte de la société Sodexpo étant toujours ouvert. Elles précisent par ailleurs que les prestations de réparation des produits ASUS ne sont pas effectuées par la société Sodexpo mais par le prestataire tiers agréé des sociétés Asus.

A titre subsidiaire,

- Elles contestent les durées de relation commerciale et de préavis retenues par le tribunal de commerce. Elles font valoir que la relation commerciale a duré tout au plus 18 et non 25 mois, son point de départ devant être fixé au 30 juin 2015, jour de l'ouverture du compte de la société Sodexpo dans les livres de la société ASGL permettant l'achat de pièces détachées, et non au 17 novembre 2014, comme retenu par le tribunal de commerce, en l'absence de flux financier entre les sociétés partenaires à cette date. Elles soutiennent que le délai de préavis aurait dû être fixé à 2 et non 10 mois. Elles contestent la dépendance économique alléguée par la société Sodexpo en faisant valoir que le chiffre d'affaires réalisé par la société Sodexpo ne correspond qu'aux remises obtenues par cette dernière pour l'atteinte de ses objectifs, soit 2%, que le chiffre d'affaire de 40 % annoncé par la société Sodexpo n'est pas établi, que le non renouvellement du partenariat pour l'année 2017 n'a fait baisser le chiffre d'affaires de Sodexpo que de 19% et que la société Sodexpo a fait 4 fois le bénéfice réalisé avec le groupe Asus sur 2017 et 2018. Elles ajoutent que la société Sodexpo ne disposait pas d'une exclusivité d'approvisionnement, que les produits Asus étaient facilement substituables et que la société Sodexpo n'établit pas les difficultés qu'elle aurait eu à se reconvertir. Elles contestent que les relations avec la société ASGL ait eu l'importance financière alléguée par la société Sodexpo et font valoir que celle-ci n'établit pas avoir fait des investissements spécifiques, ni avoir été contrainte de constituer un stock de produits ASUS.

- Elles contestent de plus la méthode d'évaluation et la période de référence retenues par le tribunal de commerce pour arrêter le montant de l'indemnité allouée à la société Sodexpo. Elles font valoir qu'il aurait fallu prendre en compte la marge sur coûts variables et non la seule marge brute et exclure du calcul l'année 2014. Elles ajoutent que les données chiffrées produites par la société Sodexpo sont contestables. Elles soutiennent que la société Sodexpo n'établit pas le taux de marge annoncé, de 10,05 %, et font valoir à titre subsidiaire, que ce taux ne pouvait excéder 2%. Les sociétés Asus contestent également le montant des gains manqués arrêté par la société Sodexpo à hauteur de 700 000 €. Elles ajoutent à titre infiniment subsidiaire que l'indemnité de rupture ne saurait être supérieure à la somme de 16 510€ en application d'un taux de marge de 2% du montant réel des achats de produits ASUS par la société Sodexpo en 2016, ramenée à 2 mois de préavis.

28. En réponse, la société Sodexpo indique :

- qu'il existait une relation commerciale établie de 25 mois, démontrée par les correspondances échangées entre les parties et les pièces comptables attestant de l'évolution positive du chiffre d'affaires réalisé par la société Sodexpo avec les produits ASUS (40% de son chiffre d'affaires) ; elle ajoute que le caractère établi de la relation a été reconnu par les sociétés Asus dans leurs écritures, même si c'est pour une durée moindre, et que la relation à prendre en compte doit inclure les achats de matériels effectués auprès des grossistes agréés du groupe Asus dans la mesure où la société Sodexpo ne pouvait bénéficier des conditions commerciales avantageuses octroyées par la société Asus France qu'en se fournissant auprès desdits grossistes;

- que le circuit de distribution ainsi créé et complété par une accès direct au « hub » de pièces détachées situé à Singapour faisait bénéficier Sodexpo d'une exclusivité de fait dans les TOM ;

- que les sociétés Asus ont fait naître la croyance légitime qu'elle pouvait anticiper pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires avec elles et qu'elle pouvait espérer l'exclusivité de la distribution Asus sur les DOM/TOM ;

- que la relation a été rompue sans préavis et sans griefs à son égard, de manière déloyale, soudaine, imprévisible, et brutale, par la notification, par courriel du 22 décembre 2016, de l'absence de poursuite du partenariat pour l'année 2017, puis par courriel du 5 janvier 2017, par l'annonce du retrait d'agrément pour l'achat de pièces détachées, alors que la nature et la progression de ses relations commerciales avec les sociétés appelantes l'autorisaient à anticiper pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires; elle rappelle à cet égard que la société Asus France évoquait dans une correspondance du 19 septembre 2016, soit 3 mois avant le courriel de rupture, une exclusivité pour l'année 2017, et exigeait des commandes de sa part deux mois avant la rupture;

- que rien ne laissait entrevoir une telle rupture ;

- que la proposition de la société Asus France d'un partenariat dédié à la gamme de smartphones « Zenfone » pour 2017, produit qu'elle présente comme marginal dans les gammes de produits ASUS et insignifiant sur le marché mondial de smartphones, n'avait pour but que de faire diversion et que cette proposition constituait une modification substantielle des conditions contractuelles altérant l'intérêt et l'équilibre économique du contrat ;

- que la durée du préavis ne saurait être estimée à moins de 10 mois au regard de la durée de la relation commerciale de 25 mois, qui a commencé le 17 novembre 2014, date de la proposition de partenariat notifiée par la société Asus France, pour être interrompue le 22 décembre 2016, de l'importance financière de la relation et de l'état de dépendance économique (40% de son chiffre d'affaires en 2016 sur un montant global de 15 000 000 €, Asus étant par ailleurs leader sur un marché restreint à forte concurrence) et du temps nécessaire à sa réorganisation; elle souligne qu'elle a participé activement au développement de la marque ASUS dans les DOM/TOM, en procédant à l'installation d'un réseau de distribution et de solutions SAV spécifiquement dédié à ce partenariat; elle estime que les sociétés Asus l'ont délibérément trompée en l'assurant d'une poursuite en 2017 du partenariat « exclusif sur les DOM/TOM » et ont détourné son savoir-faire et son expérience sur ce marché dans les DOM/TOM. Elle ajoute que la possibilité de poursuivre ses achats auprès de grossistes agréés n'a plus d'intérêt en l'absence de conditions tarifaires spéciales car elle n'est plus compétitive, ses clients pouvant alors se fournir aux mêmes tarifs auprès desdits grossistes.

Elle fait valoir un gain manqué de 700 000 € HT sur 10 mois et non de 508 800 € tel qu'arrêté par le tribunal de commerce qui n'a pas pris en compte la rapidité de la croissance du chiffre d'affaires, par application d'un taux de marge de 10,05% sur un chiffre d'affaires estimé à 8 000 000 € pour 2017, la perte à considérer devant être la perte de marge brute calculée sur l'année ayant précédé la chute de chiffre d'affaires constatée.

Elle indique que cette rupture unilatérale, à effet immédiat, sans préavis, sans aucun grief, a été particulièrement vexatoire et brutale.

Elle conteste avoir pu se réorganiser dans un temps plus court et relève que l'état de dépendance économique doit être pris en compte pour le calcul de la durée du préavis, ainsi que la nature du marché en cause, dont elle a été écartée. En réalité, la disparition brutale de la distribution des PC de la marque Asus a représenté pour Sodexpo une perte brutale d'un atout commercial majeur tant à l'égard de ses clients que de ses autres fournisseurs.

Sur ce,

29. L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose qu'« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...) 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) ».

Sur l'existence d'une relation commerciale établie

30. La notion de relation commerciale établie suppose, même en l'absence de convention écrite, et même si elle a été brève, l'existence d'une relation d'affaires qui s'inscrit dans la durée, la continuité et avec une certaine intensité, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour un avenir, même bref, une certaine pérennité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, la relation commerciale établie s'entendant d'échanges commerciaux conclus entre les parties. Une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie.

31. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et des faits ci-dessus rappelés que la société Sodexpo est entrée en relations d'affaires avec les sociétés Asus dès le 7 novembre 2014, que cette relation s'est d'abord développée sur la base d'échanges informels de courriels et d'avantages commerciaux divers accordés à la société Sodexpo par les sociétés Asus si elle se fournissait en matériel ASUS auprès de ses quatre grossistes agréés pour les revendre dans les DOM/TOM, le principe de rémunération du partenariat étant admis sous forme de remises consenties à la demande des sociétés Asus par les grossistes revendeurs.

32. La relation commerciale s'est ensuite formalisée par l'ouverture le 30 juin 2015 d'un compte dans les livres de la société ASGL pour la fourniture de pièces détachées permettant de faire assurer les prestations de SAV avec fourniture directe des pièces détachées et par la conclusion d'un contrat de partenariat en février 2016 portant sur des remises conditionnelles et inconditionnelles pour la revente de certains produits Asus concernant l'année 2016.

33. A cet égard, les sociétés Asus sont mal fondées à faire valoir l'existence de deux flux d'affaires distincts, l'un concernant la vente de pièces détachées, l'autre celle de produits de marque Asus, alors que ces opérations participent d'une même relation d'affaires, l'achat par Sodexpo de pièces détachées pour assurer les prestations de SAV dans les DOM/TOM apparaissant comme le complément nécessaire de son activité de revente de produits Asus compte tenu de l'existence de garanties contractuelles et légales de vente et des spécificités géographiques du marché.

34. Cette coopération portant sur l'octroi par les sociétés Asus de remises conditionnelles et inconditionnelles était fondée sur l'obligation pour la société Sodexpo de s'approvisionner auprès des grossistes référents expressément désignés par les sociétés Asus, les remises étant payées par un avoir via l'un d'eux, de sorte que l'analyse de l'ampleur de la relation commerciale doit prendre en compte cette contrainte spécifique.

35. A cet égard, il apparaît que le partenariat de la société Sodexpo avec les sociétés Asus s'est développé de manière rapide et exponentielle, les ventes de la société Sodexpo sur les matériels de marque Asus passant grâce audit partenariat, de néant à 187 697,08 € pour celles réalisées fin 2014, à 2 267 044,11 € pour l'année 2015, puis 6 066 768,38€ pour l'année 2016, la société Sodexpo bénéficiant par ailleurs dès 2016 d'une exclusivité telle qu'il ressort du courriel de la société Asus France du 19 septembre 2016.

36. Il résulte de ces éléments que les parties ont noué une relation commerciale stable et durable depuis le 7 novembre 2014 et que la société Sodexpo pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec les sociétés Asus, de sorte que l'existence d'une relation commerciale établie est bien caractérisée en l'espèce.

37. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur le caractère brutal de la rupture

38. Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis. Il est constant que la brutalité de la rupture résulte soit de l'absence de tout préavis écrit, soit d'un délai de préavis trop court, même notifié par écrit, mais ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.

39. En l'espèce, l'annonce par les sociétés Asus, par courriel du 22 décembre 2016, de l'absence de reconduite du partenariat pour l'année 2017 et de la proposition d'un nouveau partenariat portant sur la gamme de smartphones « Zenfone », dont le caractère marginal dans les ventes de smartphones toutes marques confondues et dans les matériels Asus est établi, suivie de l'annonce par email du 5 janvier 2017 de la rupture d'agrément de la société Sodexpo pour l'achat de pièces détachées, s'analysent en une rupture par écrit d'une relation commerciale établie avec un préavis écrit de 7 jours.

40. Or le délai de préavis doit tenir compte de la durée des relations commerciales, même brèves et doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

41. En l'espèce, la relation commerciale a commencé le 7 novembre 2014, date à laquelle des préconisations de commande pour le quatrième trimestre ont été envoyées, avec la précision selon laquelle « les volumes proposés sont assez légers mais cela doit nous permettre de commencer simplement et rapidement sur Q4 ». Il y a été mis fin par courriel du 22 décembre 2016 à effet au 1er janvier 2017. La relation commerciale aura ainsi duré 25 mois.

42. Il ressort des éléments produits par la société Sodexpo, suffisamment probants nonobstant les objections des sociétés Asus, que les ventes de produits Asus ont été en constante progression, représentant près de 15% du total des ventes réalisées par la société Sodexpo en 2015 puis 40% en 2016, dépassant de 29 % les objectifs fixés dans le contrat de partenariat, la société Sodexpo anticipant par ailleurs pour l'année 2017 un chiffre d'affaires de 8 million d'euros (soit plus de 50% de son chiffres d'affaires pour 2016). La marque Asus constituait ainsi au moment de la rupture de la relation commerciale, une part importante des ventes réalisées par la société Sodexpo dans les DOM/TOM, étant par ailleurs établi que la société Sodexpo a enregistré en 2017 une perte de 19,09% de son chiffre d'affaires.

43. Il ressort également des documents produits aux débats que la marque Asus jouit d'une forte notoriété, représentant notamment 7% du marché mondial du PC en 2016 et n'était pas ou très peu distribuée dans les DOM/TOM avant la mise en place du partenariat avec la société Sodexpo.

44. Si ces éléments ne permettent pas de caractériser un état de dépendance économique, aucune exclusivité d'approvisionnement n'étant notamment imposée à la société Sodexpo, et si la société Sodexpo ne justifie pas des investissements déployés allégués, les éléments ci-dessus rapportés établissent toutefois, au regard de la durée de la relation commerciale, du volume d'affaires en constante progression, de l'annonce de l'octroi d'une exclusivité sur ses produits par Asus, de la notoriété et du positionnement de la marque sur le marché mondial des portables, et de la perte d'un marché que la société Sodexpo a contribué à créer sur les DOM/TOM, qu'un préavis de 7 jours était insuffisant pour redéployer son activité, de sorte que la brutalité de la rupture est bien caractérisée en l'espèce et que l'application d'un préavis de 6 mois apparait comme nécessaire mais suffisant pour trouver une solution de remplacement.

45.Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur le préjudice subi du fait de la rupture brutale

46. Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge brute que la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé.

47. En l'espèce c'est à tort que le tribunal de commerce a calculé le préjudice de la société Sodexpo en prenant pour base de calcul le chiffre d'affaires réalisé par Sodexpo sur les ventes Asus et en appliquant le taux de marge sur coût variable (évalué à 10,05% pour 2016 par l'expert-comptable de la société Sodexpo) aux ventes Asus pour 2016.

48. En effet, comme le précise dans sa note du 16 mars 2020 l'expert de la société Sodexpo, M. M., dans la mesure où la société Sodexpo n'achetait pas les matériels de marque Asus, hors pièces détachées, directement aux sociétés Asus mais par l'intermédiaire des quatre grossistes référents nommément désignés par les sociétés Asus, la marge brute réalisée par la société Sodexpo sur la base de laquelle doit être calculée son indemnisation n'est pas la marge réalisée sur son chiffre d'affaires relatif aux ventes de matériels Asus achetés aux grossistes ni la marge sur coûts variables réalisée sur les ventes Asus, comme le soutient à tort la société Sodexpo, mais correspond aux remises accordées par les sociétés Asus à Sodexpo en application du partenariat, par l'entremise des quatres grossistes référents, soit aux remises de 2% prévues par le partenariat entre les sociétés Asus et la société Sodexpo, qui est la base de la relation commerciale établie, dont la rupture brutale ouvre droit à indemnisation.

49. Il convient dès lors de prendre pour référence la moyenne mensuelle des remises dues en application du contrat, réalisées sur les ventes de matériels Asus achetés aux grossistes, cette marge étant reconnue par les sociétés Asus elles-mêmes, à hauteur de la somme moyenne mensuelle de 8 255 € (puisqu'elles reconnaissent dans leurs écritures une somme de 16 510 € pour deux mois).

50. L'indemnisation due à la société Sodexpo pour le préavis suite à la rupture brutale et correspondant à ladite marge sur six mois est dès lors de 6 X 8255 soit 49 530 €.

51. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur le quantum du préjudice.

C/ Sur les autres demandes de la société Sodexpo

Sur le détournement du savoir-faire

52. La société Sodexpo fait valoir que les sociétés Asus ont détourné son savoir-faire, aboutissant à un pillage de son fonds de commerce, par captation du marché et de la clientèle des DOM-TOM, lui causant un manque à gagner à hauteur de 300.000 €, ne faisant pas double emploi avec l'indemnisation demandée au titre de la rupture brutale.

53. En réponse, les sociétés Asus font valoir que cette demande fait double emploi avec la demande d'indemnisation du préavis non accordé et soutiennent que la société Sodexpo ne justifie pas du « pillage de fonds de commerce » allégué et de la réalité de son préjudice.

Sur ce,

54. La société Sodexpo ne justifie pas d'agissements fautifs des sociétés Asus constitutifs d'un détournement de savoir-faire ni d'un préjudice distinct découlant de la brutalité de la rupture de la relation commerciale. Le jugement entrepris, qui a rejeté cette demande, sera en conséquence confirmé.

Sur la demande de remboursement du stock pour 526 315,24 €

55. La société Sodexpo fait valoir que les sociétés Asus ont imposé peu avant la rupture, la constitution de stocks en demandant des commandes fermes fin octobre et début novembre 2016 pour des livraisons programmées en décembre 2016 et janvier 2017. Elle précise détenir à ce jour un stock d'une valeur de 526 315,24 €, qu'elle n'a pu écouler du fait de la rupture des relations commerciales.

56. En réponse, les sociétés Asus font valoir que la société Sodexpo a encore accès aux pièces détachées, qu'elle ne justifie pas de l'état de son stock, qu'elle peut vendre ses matériels neufs et que sa valeur du stock n'est pas démontrée.

Sur ce,

57. La société Sodexpo manque à établir l'impossibilité à laquelle elle aurait été confrontée pour la vente du stock invoqué du fait de la rupture de la relation commerciale, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a jamais cessé d'avoir accès aux pièces détachées dès le 30 janvier 2017 et manque en tout état de cause à établir l'état réel du stock, se fondant sur un listing interne non certifié et arrêté au 31 janvier 2017. Le jugement entrepris, qui a rejeté cette demande, sera en conséquence confirmé.

Sur l'atteinte à l'image et à la crédibilité commerciale de la société Sodexpo

58. La société Sodexpo fait valoir que la brutalité de la rupture a généré un préjudice d'image compte tenu de la position de leader du groupe Asus, dont elle demande réparation par la publication d'un communiqué de presse dans trois journaux nationaux et le paiement d'une indemnité à hauteur de 200 000 €, précisant que selon son expert, M. Alain M., en résiliant brutalement le partenariat, les sociétés Asus auraient réalisé une économie de 840 000 € par an à compter du 1er janvier 2017.

59. En réponse, les sociétés Asus notent que ce poste de préjudice est passé de 30 000 € à 200 000€ sans justification. Elles soutiennent l'absence de preuve de l'atteinte à l'image et s'opposent à toute publication.

Sur ce,

60. Au regard de la notoriété de la marque Asus et du développement de sa distribution dans les DOM/TOM grâce au partenariat développé par la société Sodexpo, la brutalité de la rupture a nécessairement causé à la société Sodexpo un préjudice d'image distinct de l'indemnisation du préavis non respecté, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 30 000 €. Il n'apparaît pas utile d'ordonner une publication dans un journal national, la société Sodexpo étant libre de porter la présente décision à la connaissance du marché sur tout support adapté.

Sur l'indemnisation du temps consacré par l'un des principaux cadres de la société Sodexpo dans le suivi du litige

61. La société Sodexpo fait valoir que l'implication de son cadre, M. H., dans le traitement de ce litige, au détriment de ses autres tâches d'administration et de développement de l'activité de la société, doit donner lieu à une réparation financière d'un montant de 30 000 €.

62. En réponse, les sociétés Asus soulignent que ledit cadre n'est pas le dirigeant de la société Sodexpo et estiment qu'il n'y a pas de lien entre les primes auxquelles se réfèrent la société Sodexpo pour le calcul de son préjudice et la présente affaire.

Sur ce,

63. La société Sodexpo n'établit pas la qualité de M. H., ni l'investissement allégué de ce dernier dans le traitement du présent contentieux et ses conséquences sur l'activité de la société. La société Sodexpo ne prouve pas plus le lien entre l'attestation de primes exceptionnelles octroyées à ce dernier, sur laquelle elle fonde sa prétention, et le présent contentieux. Il convient en conséquence de débouter la société Sodexpo de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

64. La société Sodexpo demande la condamnation in solidum des sociétés Asus pour procédure abusive en application des articles 1240 code civil, à la somme de 100,000 €.

65. Les sociétés Asus font valoir en réponse qu'elles n'ont fait qu'user des voies de droit ouverte alors que le jugement de première instance est en décalage avec la jurisprudence actuelle et qu'elles ne peuvent être soupçonnées d'avoir voulu mettre la société Sodexpo en difficulté financière dès lors que cette dernière a déjà perçu en exécution du jugement la somme de 543 285,13 €.

Sur ce,

66. L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.

67. En l'espèce, la société Sodexpo sera déboutée de sa demande à ce titre, à défaut pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque faute de la part des sociétés Asus et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense, alors par ailleurs que le jugement entrepris sera partiellement infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

68. La société Sodexpo demande la condamnation des sociétés Asus à lui verser la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

69. Les sociétés Asus demandent la condamnation de la société Sodexpo à leur verser chacune la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil et le rejet de la demande de la société Sodexpo de remboursement dans le cadre des dépens des frais de saisies et des honoraires de l'expert M. Alain M.

Sur ce,

70. Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le tribunal de commerce.

71. A hauteur de cour, l'équité commande de condamner in solidum les sociétés Asus à payer à la société Sodexpo la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'appel.

IV- PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

1. Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 mars 2019 en ce qu'il a :

- jugé recevable l'action de la société Sodexpo contre la société Asus France,

- jugé établie une relation commerciale de 25 mois entre les sociétés Asus France et Global PTE LTD d'une part et la société Sodexpo d'autre part,

- jugé brutale la rupture de cette relation commerciale,

- condamné in solidum les sociétés Asus France et Global PTE LTD à indemniser la société Sodexpo de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre ces sociétés,

- débouté la société Sodexpo de ses autres demandes portant sur l'indemnisation d'un détournement allégué de savoir-faire et de sa demande de remboursement du stock,

- condamné in solidum les sociétés Asus France et Asus Global PTE LTD à payer 25 000 € à la société Sodexpo au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

2. Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

3. Dit que la société Sodexpo était fondée à bénéficier d'un préavis de rupture de 6 mois,

4. Condamne in solidum les sociétés Asus France et Asus Global PTE LTD à indemniser la société Sodexpo de son préjudice né de la rupture brutale de leurs relations commerciales établies ayant duré 25 mois à hauteur de 49 530 € ;

5. Dit que les intérêts échus dus pour une année au moins à compter de l'assignation produiront intérêt au taux légal en application de l'article 1343-2 du code civil ;

6. Condamne in solidum les sociétés Asus France et Asus Global PTE LTD à indemniser la société Sodexpo de son préjudice né de l'atteinte à l'image et à la crédibilité commerciale de la société Sodexpo à hauteur de 30 000 € ;

7. Déboute la société Sodexpo de sa demande d'indemnisation du temps consacré par Monsieur H. dans le suivi du litige ;

8. Déboute la société Sodexpo de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

9. Condamne les sociétés Asus France et Asus Global PTE LTD à payer à la société Sodexpo la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

10. Condamne in solidum les sociétés Asus France et Asus Global PTE LTD aux entiers dépens de l'appel.