CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 septembre 2020, n° 18/10181
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Massimo Dutti France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
EXPOSÉ DES FAITS
La société N. PARIS, créée en 2010, indique avoir pour activité la conception, la fabrication, la commercialisation de chaussures, en particulier de ballerines lancées en 2011 et distribuées sous la marque « Bagllerina » qui ont la particularité d'être dotées d'une semelle en cuir, de se plier en deux, et de pouvoir être rangées dans une pochette, qu'elle revendique avoir divulguées sous son nom pour la première fois le 29 janvier 2011.
Elle est titulaire d'un modèle de ballerines pliables déposé le 25 mars 2011 auprès de l'OMPI, enregistré sous le numéro DM/075898 désignant la France et l'Union Européenne.
Elle est également titulaire de deux dépôts et modèles français, enregistrés sous le numéro 20105158, en date du 14 octobre 2010.
Elle revendique également disposer de droits d'auteur sur ces ballerines.
La société MASSIMO DUTTI FRANCE (ci-dessous, la société MASSIMO DUTTI) est une société ayant pour activité l'exploitation de magasins de vente au détail de vêtements, de chaussures et d'accessoires de mode.
Ayant constaté la commercialisation par la société MASSIMO DUTTI d'un modèle de ballerines reprenant selon elle les caractéristiques des ballerines « Bagllerina », après avoir effectué une saisie-contrefaçon le 18 décembre 2015 au sein de ladite société, la société N. a assigné la société MASSIMO DUTTI le 18 janvier 2016 sur le fondement de la contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles enregistrés, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 6 avril 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que les demandes en nullité de modèles sont recevables,
- annulé les modèles français n°20105158-001 et n°20105158-002, et la partie française du modèle international n° DM/075898 pour défaut de caractère propre,
- dit que la décision sera transmise, une fois devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription aux registres national et international des modèles,
- déclaré en conséquence irrecevables les demandes de la société N. PARIS SAS sur le fondement de la contrefaçon des modèles,
- dit que la ballerine Bagllerina n'est pas protégeable par le droit d'auteur,
- débouté en conséquence la société N. PARIS SAS de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur ainsi que sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme,
- débouté la société MASSIMO DUTTI FRANCE de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société N. PARIS SAS à payer à la société MASSIMO DUTTI FRANCE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société N. PARIS SAS aux entiers dépens.
La société N. PARIS a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 mai 2018.
Par conclusions du 17 janvier 2019, elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 avril 2018 en ce qu'il a :
- dit que les demandes en nullité de modèles sont recevables
- annulé les modèles français n°20105158-001 e n°20105158-002, et la partie française du modèle international n° DM/075898 pour défaut de caractère propre
- déclaré irrecevable la société N. PARIS SAS de ses demandes en contrefaçon des modèles
- déclaré irrecevable la société N. PARIS SAS de ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur ainsi que le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme
- condamné la société N. PARIS SAS à payer à la société MASSIMO DUTTI FRANCE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société N. PARIS SAS aux entiers dépens
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 avril 2018 en ce qu'il a :
- débouté la société MASSIMO DUTTI FRANCE de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
STATUANT A NOUVEAU
A TITRE PRINCIPAL
- juger que la société N. PARIS SAS est recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur à l'encontre de la société MASSIMO DUTTI FRANCE, au titre de la commercialisation des modèles de ballerine référencés 8060/021/800 et 8061/021/902 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles de chaussures divulgués par la N. PARIS SAS ayant fait l'objet de l'enregistrement international n° DM/075898 et des dépôts de modèles français n°20105158 - 001 et n°20105158 - 002 ;
- juger que le modèle de ballerine BAGLLERINA INTEMPORELLE, (DAILY, GEORGOUS, IRRESISTIBLE, LIBERTY) revendiqué est original et digne de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur ;
- juger que la société N. PARIS SAS est bien fondée à agir en contrefaçon de droits d'auteur à l'encontre de la société MASSIMO DUTTI FRANCE, au titre de la commercialisation des modèles de ballerine référencés 8060/021/800 et 8061/021/902 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles de chaussures divulgués par la N. PARIS SAS ayant fait l'objet de l'enregistrement international n° DM/075898 et des dépôts de modèles français n°20105158 - 001 et n° 20105158 - 002 ;
- juger que la société N. PARIS SAS est recevable à agir en contrefaçon des droits à titre de modèles enregistrés à l'encontre de la société MASSIMO DUTTI 8060/021/800 et 8061/021/902 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles de chaussures divulgués par la N. PARIS SAS ayant fait l'objet de l'enregistrement international n°DM/075898 et des dépôts de modèles français n°20105158 et n°20105158 - 002 ;
- déclarer irrecevables, pour défaut de droit d'agir, les actions en nullité de modèles enregistrés introduites par la société MASSIMO DUTTI FRANCE après l'expiration du délai de prescription;
- En toute hypothèse, débouter la société MASSIMO DUTTI FRANCE de ses demandes de nullité des modèles ayant fait l'objet de l'enregistrement international n°DM/075898 et des dépôts de modèles français n°20105158 - 001 et n°20105158 - 002 ;
- juger que les modèles ayant fait l'objet de l'enregistrement international n° DM/075898 et des dépôts de modèles français n°20105158 et n°20105158 - 002 sont nouveaux et dotés d'un caractère propre ;
- juger que la société N. PARIS SAS est bien fondée à agir en contrefaçon de droits à titre de modèles enregistrés à l'encontre de la société MASSIMO DUTTI FRANCE, au titre de la commercialisation des modèles de ballerine référencés 8060/021/800 et 8061/021/902 reproduisant les caractéristiques essentielles des modèles de chaussures divulgués par la N. PARIS SAS ayant fait l'objet de l'enregistrement international n° DM/075898.
En conséquence,
- condamner la société MASSIMO DUTTI FRANCE à verser à la société N. PARIS SAS la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles enregistrés ;
- condamner la société MASSIMO DUTTI FRANCE à verser à la société N. PARIS SAS la somme de 30 000 euros, sauf à paraître, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles enregistrés ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- juger que la société N. PARIS SAS est recevable et bien fondée à agir en concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de la société MASSIMO DUTTI FRANCE
En conséquence :
- condamner la société MASSIMO DUTTI FRANCE à verser à la société N. PARIS SAS la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du faire des actes de concurrence déloyale ;
- condamner la société MASSIMO DUTTI FRANCE à verser à la société N. PARIS SAS la somme de 30 000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence parasitaire ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- faire interdiction à la société MASSIMO DUTTI FRANCE d'importer et de commercialiser les modèles litigieux ou tout modèle qui constituerait une contrefaçon des modèles revendiqués par la demanderesse, et ce sous une astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée ;
- ordonner à la société MASSIMO DUTTI FRANCE de rappeler des circuits commerciaux tous les exemplaires invendus des modèles litigieux en vue de leur destruction, au frais de la société MASSIMO DUTTI FRANCE et sous le contrôle d'un Huissier de Justice, dès la date de signification du jugement à intervenir, sous une astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée ;
- ordonner la publication de l'intégralité du dispositif de l'arrêt à intervenir, ainsi que d'extraits de la motivation de cet arrêt qui seront choisis par l'appelante :
- dans cinq journaux ou publications aux choix de l'appelante et aux frais avancés supportés par l'intimée sur simple présentation des devis justificatifs, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 8 000, 00 euros H.T., soit la somme totale de 40 000,00 euros H.T. ;
- sur la partie immédiatement accessible de la page d'accueil du site accessible à l'adresse <www.massimodutti.com> (ou à toute autre adresse qui pourrait lui être substituée) en caractères de taille 12 de couleur noire sur fond blanc, sur une surface égale à au moins 50% de la surface de la page d'accueil, dans la partie supérieure de celle-ci au sein d'un encadré parfaitement visible, comportant en titre l'intitulé « Publication judiciaire », et ce pendant une durée de trois mois à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
- condamner la société MASSIMO DUTTI à verser à la société MASSIMO DUTTI à verser à la société N. PARIS la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société MASSIMO DUTTI aux entiers dépens.
Par conclusions du 17 octobre 2019 la société MASSIMO DUTTI demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 6 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Paris, sauf en ce qu'il a débouté la société MASSIMO DUTTI FRANCE de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,
Y ajoutant,
- condamner la société N. PARIS au paiement de la somme de 20 000 euros pour saisie et procédure abusives,
En toute hypothèse,
- débouter la société N. PARIS de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société N. PARIS au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société N. PARIS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jeanne B. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 29 octobre 2019.
MOTIVATION
Sur les modèles
Sur la recevabilité de la demande de nullité des modèles
La société N. PARIS soutient que le délai de prescription de l'action en nullité d'un dessin et modèle est de cinq ans à compter de la publication du dépôt, qu'il a commencé à courir le 10 décembre 2010 pour les modèles français et le 30 septembre 2011 pour le modèle international, de sorte que la demande en nullité présentée reconventionnellement par la société MASSIMO DUTTI le 16 novembre 2016 est trop tardive. Elle ajoute que l'exception permettant de soulever une nullité de manière perpétuelle relève du droit des contrats, et est inapplicable en l'espèce.
La société MASSIMO DUTTI soutient que le délai de prescription de cinq ans s'applique à une demande en nullité formulée dans le cadre d'une action principale, et non lorsqu'il s'agit d'une demande formulée par voie d'exception dans le cadre d'une demande au fond.
Sur ce
C'est à bon droit que le jugement a retenu que la demande en nullité d'un modèle par voie d'exception comme moyen de défense n'était pas soumise à prescription de sorte que la demande reconventionnelle formée par la société MASSIMO DUTTI n'était pas prescrite.
L'adage « quae temporalia... » selon lequel l'exception de nullité, à la différence de l'action en nullité, est perpétuelle, ne voit pas son application limitée au seul droit civil des contrats, cette exception pouvant être mise en œuvre pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas été exécuté, mais aussi pour soulever reconventionnellement la nullité d'un modèle dont la contrefaçon est alléguée.
La société MASSIMO DUTTI est donc recevable à solliciter reconventionnellement la nullité du modèle que la société N. PARIS lui reproche d'avoir contrefait, quand bien même cette nullité est soulevée plus de cinq ans, soit le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil, après la publication du dépôt du modèle.
Sur la validité des modèles
La titularité de la société N. PARIS sur les modèles n'est pas discutée.
La société N. PARIS souligne n'avoir jamais revendiqué la protection du caractère pliable de ses modèles, et soutient que la surpiqûre sur le pourtour de la semelle est une caractéristique esthétique et non fonctionnelle. Elle précise que seule une antériorité de toute pièce est destructrice de nouveauté, et conteste le caractère probant des pièces versées par l'intimée, qui ne présentent pas la même combinaison de caractéristiques que les siennes.
Elle ajoute que les produits qui lui sont opposés donnent à l'utilisateur averti une impression d'ensemble différente de celle de ses modèles, dont elle précise les caractéristiques essentielles soit une « forme générale, aux lignes et contours de leurs décolletés ronds, de leurs talons, mais aussi à la découpe de leur semelle plate en deux parties, et le décor de celles-ci ».
La société MASSIMO DUTTI analyse les modèles ayant fait l'objet d'un dépôt et la combinaison des caractéristiques revendiquées par l'appelante, en relevant que la faible qualité des photographies du dépôt français ne permet pas de distinguer la forme dont la protection est sollicitée, rendant les demandes présentées sur ces modèles irrecevables ou, subsidiairement, devant être limitées aux seules caractéristiques visibles sur les représentations du dépôt.
Elle soutient que la société N. PARIS revendique la protection d'une ballerine pliable, - soit une caractéristique connue-, présentant une surpiqûre sur la semelle, -laquelle n'a que pour fonction de fixer la semelle à la chaussure, et n'est donc pas une caractéristique protégeable.
Elle affirme que dès les années 1930/1940 des chaussons de danse ont été retravaillés afin qu'ils soient portés dans la rue, fait état d'un modèle créé en 1956 par la société REPETTO et des modèles LP Shoes de 2006 et Yosi Samra de 2009 qui privent de nouveauté le modèle de la société N. PARIS. Elle déclare que ces éléments sont de nature à priver les dépôts revendiqués de tout caractère individuel.
Sur ce
L'article L511-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que
« Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ».
L'article L512-4 précise que
« Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle ».
Enfin, l'article L511-8 indique que
« N'est pas susceptible de protection : 1° L'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit... ».
L'article 106 bis du règlement communautaire n°6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires prévoit que ce règlement est applicable aux dessins et modèles déposés au registre international tenu par le bureau international de l'OMPI et désignant la Communauté.
L'article 6, alinéa 1er, de ce règlement prévoit notamment que
« Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public ».
Son article 8 précise notamment que
« Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposés par sa fonction technique ».
En l'espèce, la société N. PARIS fonde sa demande sur le modèle international portant sur des « ballerines pliables » enregistré le 25 mars 2011 sous la référence DM/075 898 visant l'Union Européenne, et sur les modèles français déposés le 14 octobre 2010 sous les références 20105158-001 et 20105158-002, dont les objets respectifs sont « ballerine pliable, modèle extérieur - Avec nœuds » et « ballerine pliable, modèle extérieur - sans nœuds ».
Comme relevé par le tribunal, c'est la représentation du modèle telle qu'elle apparaît sur le certificat de dépôt qui fixe l'étendue des droits.
La cour observe que les photographies jointes aux dépôts français telles que versées aux débats sont de très mauvaise qualité et peu lisibles, alors qu'il revient au titulaire de droits sur les modèles, qui invoque la protection à cet égard, de fournir un exemplaire des dépôts des modèles permettant à la cour d'apprécier les caractéristiques qui conféreraient au modèle une impression visuelle d'ensemble différente suscitée chez l'observateur averti de l'impression visuelle d'ensemble produite par tout autre modèle déjà divulgué.
Ainsi, les surpiqûres sur le pourtour des deux parties de la semelle, dont la société N. PARIS soutient qu'elles n'ont pas un caractère fonctionnel, ne sont pas visibles sur les dépôts français.
La société N. PARIS (ses conclusions p. 22) revendique « la combinaison des caractéristiques des modèles revendiqués et enregistrés, qui tiennent :
- non seulement à leur forme générale,
- aux lignes et contours de leurs décolletés ronds, de leurs talons,
- mais aussi à la découpe de leur semelle plate en deux parties, et le décor de celle-ci ».
Cependant, le modèle déposé le 26 octobre 2006 sous la référence 065016-001 par la société LP SHOES porte sur une ballerine ayant la même forme générale que le modèle revendiqué par la société N. PARIS, aux lignes et contours de leurs décolletés ronds, et ayant aussi une semelle plate en deux parties, soit la combinaison des caractéristiques revendiquées par la société N. PARIS.
Si la société N. PARIS soutient que les deux modèles présentent des différences, celui de la société LP SHOES présente bien, contrairement à ses affirmations, un décolleté rond, la même forme générale inspirée d'un chausson de danse, une semelle en deux parties présentant des surpiqûres comme les modèles de l'appelante.
Il ressort des photographies jointes au dépôt du modèle international de la société N. PARIS que son modèle de ballerine présente également une bande de tissu sur le pourtour intérieur de la chaussure, et la largeur de cette bande de tissu, qui constitue un élément répandu afin de renforcer le bord de la chaussure, n'est pas de nature à changer l'impression d'ensemble produite par les modèles.
Il en est de même de la languette située à l'arrière du modèle LP SHOES, des plus courantes puisqu'elle a pour fonction d'aider l'utilisatrice à rentrer son pied dans la chaussure.
Il sera à titre surabondant relevé que les surpiqûres présentes sur la semelle ont un caractère fonctionnel en ce qu'il s'agit d'un moyen banal de fixer une semelle de chaussure, n'ont pas le même emplacement ou la même position sur les différentes photographies illustrant le modèle international de la société N. PARIS, et sont difficilement visibles sur les modèles français, de sorte que cette société ne peut soutenir qu'elles participent au décor de la semelle pour souligner une différence avec le modèle LP SHOES, qui présente également sous sa semelle en deux parties une surpiqûre suivant le pourtour de chacune d'elles.
Au vu de ce qui précède, l'impression visuelle d'ensemble donnée par les modèles de la société N. PARIS n'est pas différente pour l'observateur averti de celle produite par le modèle de la société LP SHOES divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement.
Les modèles français ne disposent donc pas d'un caractère propre, et le modèle international ne présente pas de caractère individuel.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé les modèles français et la partie française du modèle international, et déclaré les demandes de la société N. PARIS en contrefaçon de modèles irrecevables.
Sur le droit d'auteur
Sur la présomption de titularité de la société N. PARIS
La société N. PARIS prétend bénéficier de la présomption de titularité sur ses ballerines, ayant divulgué sous son nom le 29 janvier 2011 une collection de trois modèles, comme l'établissent divers éléments versés au débat tels que revues de presse, échantillons de factures, catalogues, et ayant déposé sous son nom ses modèles à l'INPI et à l'OMPI. Elle ajoute que les arguments de la société MASSIMO DUTTI, selon lesquels ces divers éléments de preuve sont en partie illisibles ou sont de simples pages libres de catalogues, démontrent sa mauvaise foi.
La société MASSIMO DUTTI soutient que la présomption de titularité revendiquée par l'appelante suppose non pas la preuve d'une divulgation mais d'une exploitation, à savoir des actes de commercialisation sous son nom, d'un modèle identifiable, à une date incontestable, et que, étant dans l'impossibilité de justifier une telle exploitation, la société N. PARIS est irrecevable à solliciter le bénéfice de cette présomption.
Sur ce
L'article L113-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre a été divulguée ».
La présomption de titularité des droits posée par l'article L113-1 bénéficie à la personne morale qui, en l'absence de revendication de l'auteur, commercialise sous son nom sans équivoque une oeuvre. Il appartient à cette personne morale d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation. Il lui incombe aussi d'établir que les caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique sont identiques à celle dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.
En l'espèce, la société N. PARIS justifie avoir déposé sous son nom les deux modèles français le 14 octobre 2010, publiés le 10 décembre 2010, ainsi que le modèle international déposé le 25 mars 2011 et publié le 30 septembre 2011.
Elle justifie également de nombreuses publications dans des revues comme ELLE, VOTRE BEBE... parues en mai et juin 2011 établissant la présentation au public, sous son nom, des ballerines sur lesquelles elle revendique des droits d'auteur. D'autres articles dans des revues du mois de janvier 2011 (STRATEGIE, FEMME ACTUELLE, DAILY CONSO...) - articles figurant dans la revue de presse de l'appelante et sur des impressions papier des sites internet correspondant- avaient également présenté au public les ballerines pliables de la société N. PARIS.
La société N. PARIS verse enfin plusieurs factures des mois de janvier, février et mars 2011 faisant état de la commercialisation auprès de revendeurs de ses produits sous les références DAILY, GORGEOUS et LIBERTY, la consultation des catalogues établissant qu'il s'agit des différentes coupes (standard, avec lacet, échancré) de ses ballerines.
Il ressort de ces pièces, concordantes entre elles, que la société N. PARIS a bien commercialisé sous son nom ses modèles de ballerines à compter du mois de janvier 2011, de sorte qu'elle bénéficie de la présomption de titularité de droits d'auteur.
Sur le caractère protégeable au titre du droit d'auteur
La société N. fait état de l'individualité et de l'originalité qui caractérisent ses ballerines. Elle souligne la combinaison des différents éléments qui en font des créations intellectuelles propres, à savoir :
- une forme générale de chaussures légères pour femme, inspirées du chausson de danse,
- à l'avant un bout rond, un décolleté rond sur le dessus assorti ou non à l'avant d'un petit lacet avec un noeud formant deux boucles, selon les modèles, la présence sur le pourtour extérieur d'une petite surpiqûre extérieure, le décolleté étant élastique ou non suivants les modèles,
- sur le dessous, la semelle plate est à l'arrière en deux parties : la 1ère à l'avant étant décorée sur son pourtour d'une 1ère surpiqûre continue très visible s'arrêtant peu avant la section de la semelle ; en partie inférieure une 2ème surpiqûre un peu plus courte ;la 2ème partie de la semelle est décorée de deux surpiqûres, au milieu et à l'arrière, dont l'une est apposée jusqu'au talon plat en forme de goutte,
- le premier modèle étant beige et l'autre noir.
Elle affirme que cette combinaison ne se retrouve dans aucun autre modèle de ballerine, et est devenue son image de marque. Elle conteste le fait que les surpiqûres seraient fonctionnelles, et affirme que ce caractère fonctionnel ne peut être présumé.
La société MASSIMO DUTTI soutient que la société N. PARIS se contente de procéder à une simple description des modèles qu'elle revendique et procède à la définition unique d'une pluralité de modèles de ballerines, sans jamais expliquer en quoi elle aurait 'revisité' le modèle de ballerine ni en quoi les choix opérés seraient le reflet de la personnalité de l'auteur. Elle ajoute que la société N. PARIS n'explicite pas en quoi les surpiqûres, qui ne seraient selon elle pas fonctionnelles, seraient la manifestation d'un effort créatif de cet auteur.
Selon elle, la société N. PARIS fait une description d'une ballerine classique avec une semelle en deux parties, et d'éléments qui ne révèlent aucune originalité au vu des modèles antérieurs, ce qui montre l'absence de tout choix arbitraire de la société N. PARIS et la banalité du modèle revendiqué.
Sur ce
Selon l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
L'article L.112-1 du même code protège par le droit d'auteur « toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination », pourvu qu'elles soient des créations originales.
Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.
Lorsque la protection est contestée en défense, l'originalité doit être explicitée et démontrée par celui qui se prétend auteur.
Comme précédemment indiqué, la société N. PARIS présente ses ballerines comme inspirées des chaussons de danse ayant un bout rond à l'avant, avec sur certains modèles à l'avant un décolleté rond assorti ou non d'un petit lacet avec un nœud formant deux boucles, le pourtour du décolleté présentant une surpiqûre extérieure, et une surpiqûre apparaissant sous chacune des deux parties de la semelle, le talon étant plat en forme de goûte, et le premier modèle étant beige alors que le second est noir.
Il s'agit cependant là d'une description objective des ballerines en question, sans aucune indication sur les choix créatifs réalisés par leur auteur l'ayant amené à réaliser ces ballerines sous cette forme et avec ses caractéristiques. La société N. PARIS procède par affirmation en indiquant qu'il s'agit de modèles de ballerines revisitées et présentant une combinaison inédite de caractéristiques, mais n'explique en quoi cette combinaison révélerait l'expression de la sensibilité du créateur, alors qu'il résulte des pièces produites par la société MASSIMO DUTTI que des modèles de ballerines inspirés de chaussons de danse étaient connus depuis de nombreuses années, certains modèles antérieurs présentant également une semelle pliable.
La plupart des ballerines existant antérieurement, mises en avant par la société MASSIMO DUTTI, évoquent des chaussons de danse, présentent la même forme générale de chaussures légères, avec un bout rond à l'avant, un décolleté rond, certaines comme le modèle Repetto de 1956 avec un lacet sur le devant avec un noeud formant deux boucles, et une surpiqûre extérieure sur tout le pourtour du décolleté extérieur peut être observée sur la plupart des modèles opposés comme le chausson Repetto de 1956 ; presque toutes les ballerines ont une semelle à talon plat, plusieurs modèles antérieurs présentaient une semelle en deux parties, dont le modèle de LP SHOES sur lequel des surpiqûres figurent sur chacune des deux parties de la semelle.
Il en résulte que les éléments revendiqués par la société N. PARIS comme de nature à établir l'originalité de ses modèles sont en eux-mêmes courants, et que leur combinaison ne permet pas de révéler un quelconque choix esthétique révélateur de l'expression de la sensibilité de l'auteur.
La détermination des emplacements mêmes de la surpiqûre sur chacune des deux parties de la semelle ne suffit pas à révéler l'effort créatif effectué par l'auteur, ce d'autant que la société N. PARIS n'explique pas en quoi cette surpiqûre serait révélatrice de ses choix arbitraires.
La cour observe du reste que la société N. PARIS ne produit pas d'attestation de son créateur, ou d'un employé ayant créé les modèles de ballerine en cause, expliquant les partis pris esthétiques qu'il aurait suivis pour parvenir à leur création. Il est par ailleurs indifférent que les ballerines de la société N. PARIS aient été remarquées par les professionnels de la chaussure, ou qu'elles seraient devenues l'image de marque de l'appelante.
Au vu de ce qui précède, les éléments fournis par la société N. PARIS sont insuffisants à expliciter les choix créatifs que révéleraient les ballerines en cause, et cette société ne démontre pas que la combinaison des éléments les composant est originale.
Le jugement sera donc confirmé, sauf à préciser que l'absence d'originalité n'est pas une cause d'irrecevabilité mais de mal fondé de la demande présentée sur le droit d'auteur.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
La société N. PARIS dénonce l'existence d'un risque de confusion entre ses ballerines et celles de l'intimée compte tenu des ressemblances entre les produits en cause et leur présentation à la vente, de la notoriété de ses ballerines, et de la reprise des caractéristiques du concept lié à ses modèles (nom, coffret de vente). Elle soutient que la reprise de l'ensemble des caractéristiques de ses produits crée la confusion, ce d'autant que ses ballerines « Bagllerina » bénéficient d'une notoriété, et que leur concept d'une ballerine de cuir liable et transportable se retrouve entièrement dans celle commercialisée par la société N. PARIS sous un nom approchant, « Bailarina ».
Au titre du parasitisme, elle avance que la commercialisation des produits par la société MASSIMO DUTTI crée un risque de confusion sur l'origine commerciale des produits et que ce faisant, l'intimée a cherché à se placer dans le sillage du succès des modèles Bagllerina et d'en bénéficier à moindre frais. Elle fait état de l'importance de ses investissements et de ses efforts de communication qui donnent à la Bagllerina une valeur économique, dont la société MASSIMO DUTTI a indûment profité en reprenant son concept.
La société MASSIMO DUTTI soutient que la société N. PARIS ne justifie pas d'actes de vente après 2011, de sorte qu'aucun risque de confusion ne peut exister entre les modèles litigieux pour l'année 2015, que les pièces versées par l'appelante ne sauraient établir la reconnaissance de ses modèles. Elle souligne qu'il existe sur le marché plusieurs modèles de ballerines pliables divulgués pour certains antérieurement à ceux de la société N. PARIS. Elle ajoute que l'appelante ne rapporte pas la preuve de l'utilisation du nom BAILARINA pour les modèles MASSIMO DUTTI, ni de leur offre à la vente dans un coffret noir contenant les ballerines, comme les modèles bagllerina, cet argument étant nouveau en cause d'appel.
Elle relève, s'agissant du grief de parasitisme, que l'expert-comptable de la société N. fait état, pour les exercices de 2011 à 2017, de frais de recherches, frais de marque, frais de collection, publicité, salon, ... sans identifier clairement les modèles particuliers ni les investissements propres. Elle en déduit que la société N. PARIS ne peut donc lui reprocher de tenter de profiter d'une quelconque valeur économique et des prétendus investissements, sauf à se voir reconnaître un monopole sur un genre.
Sur ce
La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.
En l'espèce, il ressort des pièces versées et des développements qui précèdent que des chaussures de type ballerine inspirées des chaussons de danse étaient régulièrement proposées à la vente bien avant celles de la société N. PARIS, et que certains modèles antérieurs présentaient aussi une semelle pliable ou en deux parties, avec des surpiqûres apparaissant sur les deux parties de cette semelle.
La cour observe que le talon des ballerines de l'appelante est en forme de goutte d'eau, caractéristique qu'elle revendique, alors que la forme du talon des ballerines proposées à la vente par la société MASSIMO DUTTI est différente et suit les contours de la semelle avant de s'arrêter suivant une ligne transversale à la semelle, cette différence entre les deux formes de talon excluant le risque de confusion entre les deux ballerines.
Le fait pour la société MASSIMO DUTTI de commercialiser ses ballerines sous le nom « BAILARINA », qui figure sur l'étiquette autocollante apposée sur la boîte constituant la pièce 21 de l'appelante, ne saurait non plus révéler le détournement du concept des ballerines « BAGLLERINA » de la société N. PARIS, la cour observant que le terme BAILARINA est très proche de « ballerine » et qu'il signifie « danseuse » en langue espagnole, évoquant ainsi la danse et le chausson de danse dont sont inspirées les ballerines.
Enfin, la vente de chaussures dans un coffret cartonné de couleur noire ne peut établir un comportement déloyal de l'intimée, alors que la société N. PARIS ne justifie pas avoir elle-même distribué ses produits dans un tel conditionnement -ses documents publicitaires montrant un coffret blanc- ; au surplus, un coffret noir est un conditionnement répandu pour ce type de produits.
Aussi, et alors que la société N. PARIS ne peut revendiquer un monopole sur le concept de la ballerine pliable, qui existait auparavant, il convient de la débouter de sa demande au titre de la concurrence déloyale.
S'agissant du parasitisme, si la société N. PARIS produit une attestation de son expert-comptable chiffrant ses investissements réalisés au cours des exercices 2011 à 2017, il convient de relever l'imprécision de ce document, puisqu'il paraît porter sur l'ensemble de l'activité de l'appelante sans identifier les frais en lien avec le modèle de ballerines « Bagllerina », outre le fait que les exercices 2016 à 2017 sont postérieurs aux faits pour lesquels la société N. PARIS a assigné le 18 janvier 2016 la société MASSIMO DUTTI.
Par ailleurs, les ballerines pliables existant déjà, et en l'absence de risque de confusion entre les produits en cause, la volonté de la société MASSIMO DUTTI de chercher à se placer dans le sillage de la société N. PARIS afin de profiter indûment de ses investissements n'est pas démontrée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.
Il convient aussi de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société N. PARIS de ses demandes subsidiaires.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus.
En l'espèce, la société MASSIMO DUTTI ne démontre pas que les saisies effectuées par la société N. PARIS, la procédure et l'appel interjeté par cette société ont été abusifs.
Il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté la société MASSIMO DUTTI de sa demande reconventionnelle.
Sur les autres demandes
Les condamnations aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile prononcées en première instance seront confirmées.
La société N. PARIS succombant en son appel, elle sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement d'une somme de 4 000 euros aux intimés, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que l'absence d'originalité de l'oeuvre est une cause de débouté et non d'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de droit d'auteur,
Y ajoutant,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société N. PARIS à payer à la société MASSIMO DUTTI la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne la société N. PARIS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jeanne B., avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.