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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 6e ch., 10 septembre 2020, n° 19/03063

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Allergan France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Conseillers :

Mme Gilly-Escoffier, Mme Vella

Avocat :

SELARL Lexenprovence Avocats

TGI Aix-En-Provence, du 28 janv. 2019

28 janvier 2019

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 avril 2015 Mme Dominique P. a bénéficié d'une intervention de pose de prothèses mammaires pratiquée par le docteur C. au sein de la Clinique Axium.

A la suite de douleurs au bras droit et de l'apparition d'une grosseur au niveau de la poitrine Mme P. a subi des mammographies le 10 novembre 2016 et le 23 janvier 2017 qui ont révélé une rupture de la prothèse.

Par ordonnances du 20 juillet 2010, du 23 novembre 2010 et du 15 octobre 2015, le juge des référés a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur M., au contradictoire du docteur C., puis à celui de la SASU Allergan France, producteur de la prothèse.

Cet expert a établi son rapport définitif le 6 juin 2016.

Par acte du 5 mai 2017 Mme P. a assigné devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la SASU Allergan France pour obtenir sur le fondement de l'article 1245 du code civil, subsidiairement sur celui de l'article 1231-1 du même code et encore plus subsidiairement sur le fondement de la responsabilité pour manquement à l'obligation de sécurité de la chose livrée et à l'obligation de renseignement, la réparation de son préjudice corporel.

Par jugement du 28 janvier 2019 cette juridiction a :

- déclaré non prescrite l'action de Mme P.,

- débouté Mme P. de l'ensemble de ses prétentions,

- débouté la SASU Allergan France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme P. aux dépens dont le coût de l'expertise judiciaire.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que :

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

- sur la prescription : le délai de prescription prévu par l'article 1245-16 du code civil n'a couru qu'à compter de l'intervention d'ablation de la prothèse ; en effet la première mammographie du 21 novembre 2006 n'a permis que de suspecter une rupture de prothèse sans pour autant l'établir et si la seconde mammographie a démontré cette rupture elle n'a pas permis à Mme P. d'en connaître la cause ni par conséquent l'existence le cas échéant d'un défaut de la prothèse ; en outre le rapport d'expertise établit que seule une intervention chirurgicale pour enlever la prothèse est de nature éventuellement à fixer la cause de la rupture,

- sur le caractère défectueux de la prothèse : celui-ci n'est pas démontré ; selon les pièces médicales produites la rupture de la prothèse a eu lieu 18 mois environ après son implantation soit à l'issue d'un délai anormalement court, la durée des prothèses avant rupture étant d'environ 7,6 ans selon une étude de l'ANSM ; cependant dans la mesure où les ruptures de prothèses peuvent être dues à d'autres causes que la défectuosité du produit la seule circonstance de la rupture précoce ne suffit pas à démontrer son caractère défectueux ; en outre l'expert a indiqué ne pas pouvoir être en mesure de conclure à une erreur de fabrication ; enfin Mme P. a reconnu en signant le devis avoir reçu avant l'intervention une note d'information rédigée par la Société française de chirurgie plastique et reconstructrice et cette note signalait les risques de rupture en cas de défectuosité du produit, de pression excessive sur la prothèse ou de traumatisme violent,

- sur le vice caché

- sur la prescription : seule l'ablation de la prothèse le 6 novembre 2014 a permis à Mme P. d'être certaine de la rupture de sorte que le délai pour agir a commencé à courir à cette date ;

L’assignation en référé du 23 juillet 2015 puis l'assignation au fond du 5 mai 2017 ont interrompu ce délai qui n'a recommencé à courir qu'après le dépôt du rapport d'expertise le 6 juin 2016,

- sur le vice caché : les pièces soumises aux débats ne caractérisent pas l'existence d'un vice,

- sur la violation de l'obligation de sécurité et le défaut d'information

Mme P. a été informée des risques d'éclatement de la prothèse par la note de la Société française de chirurgie plastique et reconstructrice lorsqu'elle a consenti à l'opération.

Par déclaration du 21 février 2019 Mme P. a interjeté appel de cette décision en indiquant qu'il est limité aux chefs de jugements expressément critiqués dans l'annexe à la déclaration d'appel ; ce document annexe précise que l'appel tend à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux, sur la responsabilité en raison d'un vice caché, sur le manquement à l'obligation de sécurité et d'information, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens dont le coût de l'expertise judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme P. demande à la cour dans ses conclusions du 15 novembre 2019, en application des articles 1245, 1245-5, 1245-3 alinéas 1 et 2, 1245-10, 1245-8, 1646, 1643, 1231-1, 2226, 2240 et suivants et 1245 et suivants du code civil, de :

- la recevoir en son appel comme régulier en la forme et justifié au fond

- débouter la SASU Allergan France de l'ensemble de ses demandes

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions

À titre principal

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle ne rapporte pas la preuve de la défectuosité,

Statuant à nouveau

- constater le caractère défectueux de la prothèse,

- juger que la SASU Allergan France est responsable de son préjudice,

- dire que son droit à indemnisation est entier,

- condamner la SASU Allergan France à l'indemniser pour l'ensemble de ses préjudices,

À titre subsidiaire

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve du vice caché affectant la prothèse,

Statuant à nouveau

- constater le vice caché de la prothèse,

- juger que la SASU Allergan France est responsable de son préjudice,

- dire que son droit à indemnisation est entier,

- condamner la SASU Allergan France à l'indemniser pour l'ensemble de ses préjudices,

À titre infiniment subsidiaire

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve du manquement à l'obligation de sécurité de la prothèse et à l'obligation de renseignement,

Statuant à nouveau

- constater le manquement à l'obligation de sécurité de la prothèse et à l'obligation de renseignement,

- juger que la SASU Allergan France est responsable de son préjudice,

- dire que son droit à indemnisation est entier,

- condamner la SASU Allergan France à l'indemniser pour l'ensemble de ses préjudices,

En tout état de cause

- condamner la SASU Allergan France à lui verser en réparation de l'intégralité de ses préjudices la somme de 195 387,50 euros détaillée comme suit :

- dépenses de santés actuelles : 3 600 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 287,50 euros et 36 500 euros

- souffrances endurées 60 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 40 000 euros

- préjudice d'agrément : 10 000 euros

- préjudice sexuel : 25 000 euros

- préjudice moral : 10 000 euros

- préjudice d'anxiété : 10 000 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la SASU Allergan France conserverait à sa charge les frais exposés par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens dont le coût de l'expertise judiciaire,

- condamner la SASU Allergan France au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SASU Allergan France en tous les dépens comprenant les frais d'expertise,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel.

Elle soutient que :

Sur la prescription

- l'article 1245-16 du code civil fait courir le délai de prescription de trois ans à la date à laquelle le demandeur a eu, ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; ainsi la prescription ne peut courir tant que l'existence d'un défaut demeure douteuse,

- en l'espèce seule l'hypothèse d'une rupture de la prothèse a été retenue à l'issue des deux mammographies et l'expert M. a indiqué dans son premier rapport d'expertise du 6 janvier 2014 qu' « en cas de rupture confirmée » et « il existe une forte suspicion de rupture de la prothèse droite et cela depuis le 10 novembre 2006 »,

- seule l'intervention d'extraction de la prothèse du 6 novembre 2014 a permis de constater la rupture ; elle-même ne dispose d'aucune compétence médicale lui permettant de connaître le dommage et le défaut allégué,

- elle a agi moins d'un an après l'intervention chirurgicale d'explantation de la prothèse et ce par assignation en référé des 23 et 27 juillet 2015 étant rappelé que la demande en justice interrompt le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil,

- il est surprenant que la SASU Allergan France retienne comme point de départ de la prescription le 23 janvier 2007, date de la deuxième mammographie, alors qu'elle a soutenu dans un dire à l'expert du 4 novembre 2013que la rupture de la prothèse pouvait être soupçonnée mais non formellement reconnue et encore moins 18 mois après l'implantation,

- il résulte des articles 2226 et 1245-17 du code civil qu'elle peut également agir soit sur le fondement de la garantie des vices cachés mais dans le délai de l'article 1648 du code civil, soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle des fabricants pour manquement à l'obligation de sécurité ou à l'obligation de renseignement dans le délai décennal de l'article 2226 du code civil,

Sur la responsabilité

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Sur le mode de preuve

- selon la jurisprudence de la Cour de cassation la preuve du caractère défectueux du produit peut être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes,

- cette jurisprudence ne peut être limitée aux cas de dommages liés à une maladie,

Sur le défaut

- la responsabilité du producteur est engagée à la condition que le dommage ait été causé par un défaut du produit,

- il résulte de l'article 1245-3 du code civil qu'un produit est défectueux lorsqu'il risque de porter atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou psychique des individus, et il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation,

- selon l'article 1245-10 du code civil la qualification du caractère défectueux du produit mis en circulation entraîne une responsabilité de plein droit du producteur,

- faute de rapporter la preuve d'une cause exonératoire, tels la faute de la victime ou le fait d'un tiers la responsabilité de la SASU Allergan France est entière,

- le dossier médical révèle qu'il n'y a pas de preuve écrite de ce qu'elle aurait été éclairée sur les risques d'éclatement de la prothèse mammaire ni sur les contres indications ; ainsi le document intitulé « consentement libre et éclairé » signé le 9 février 2005 par lequel elle reconnaît avoir été informée des risques graves y compris vitaux particuliers liés à l'intervention chirurgicale ne fait pas état des risques d'éclatement, le devis concernant l'acte à visée esthétique ne comporte pas plus cette information, enfin le document d'information sur les implants mammaires édité par la Société française de chirurgie plastique qui est le seul à relater précisément les possibles risques de dégonflement et d'éclatement de la prothèse lui a été présenté comme une simple fiche d'information dont la signature n'était pas indispensable de sorte que son attention n'a pas été effectivement attirée sur les risques encourus ; ainsi rien ne permet d'affirmer qu'elle a été correctement informée,

- le rapport d'expertise permet d'établir des présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux de la prothèse ; en effet, selon l'expert, la rupture de la prothèse s'est située au 10 novembre 2016 soit seulement 18 mois après l'intervention chirurgicale, la rupture prothétique à 18 mois de l'intervention est anormale, cette rupture peut être liée soit à un traumatisme très important soit à un défaut de fabrication soit à une piqûre accidentelle lors de la pose, mais il a écarté une telle faute du docteur C.,

- l'expert a précisé que la prothèse droite présentait une destruction totale comme cela se voyait autrefois avec les prothèses de première génération dont les enveloppes péri-prothétiques étaient conçues particulièrement fines avec à l'intérieur un gel plus liquide et que le défaut de fabrication conduisant à une imperfection de la prothèse paraît tout à fait possible dès lors qu'il est parfaitement imaginable qu'une prothèse imparfaite puisse passer entre les mailles du filet du fait d'une erreur humaine,

- le rapport d'expertise fait état du compte rendu opératoire d'explantation qui précise que la prothèse apparaît comme un magma difforme ressemblant à du gel de Silicone, que l'enveloppe n'est pas individualisable témoignant d'une destruction complète avec fonte,

- ainsi si l'expert ne se prononce pas sur la cause exacte de la rupture il met en avant le caractère anormal de la rupture et il est manifeste que cette prothèse n'offrait pas la sécurité à laquelle elle pouvait s'attendre,

- l'expert a par ailleurs précisé que le Laboratoire national d'essai n'est pas capable par l'examen de la prothèse explantée de dire quel type d'erreur aurait pu être commise et a parfaitement daté la rupture, qu'il situe au 10 novembre 2006,

- la circonstance que la SASU Allergan France ait respecté les normes de la mise en circulation est indifférente car le respect des normes constitue une obligation minimale du producteur et ne le dispense pas de prendre des mesures de protection supplémentaires pour assurer la sécurité des utilisateurs,

- il y a un lien de causalité direct et exclusif entre la défaillance de la prothèse et les suites compliquées qu'elle a présentées ; ainsi la défectuosité de la prothèse l'a amenée à devoir vivre durant huit ans avec une poitrine déformée du côté droit et de subir d'importantes douleurs l'empêchant de porter tout objet,

Sur la responsabilité pour vice caché

- le simple critère de l'anormalité de la rupture 18 mois après la pause d'un implant suffit à démontrer l'existence d'un vice affectant la prothèse,

- le fait qu'elle ait été informée sur le risque de rupture n'est pas de nature à supprimer le caractère caché du vice,

Sur la responsabilité pour manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation de renseignement

- en sa qualité de vendeur des prothèses la SASU Allergan France était tenue de l'informer des risques de rupture,

- il n'y a pas de preuve écrite de ce qu'elle aurait été éclairée sur les risques d'éclatement ni sur les contre-indications,

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé plus tôt à une intervention d'extraction de la prothèse car elle n'avait pas les moyens financiers nécessaires, elle ignorait si elle pourrait bénéficier d'un remboursement de la part de la sécurité sociale et elle était dans un état réel de fragilité et de dépression et incapable de prendre une décision aussi importante qu'une nouvelle intervention chirurgicale et ce sans garantie de réussite,

Sur son préjudice

- le tribunal à sous-évalué son préjudice,

- elle a subi durant plusieurs années des douleurs importantes à type de brûlures et un dégonflement de sa poitrine à droite ce qui était manifestement inesthétique elle n'a pas pu en raison des douleurs et de la gêne pratiquer une unité sportive ou ludique,

- elle conserve une asymétrie mammaire modérée,

- elle est fondée à solliciter au titre des dépenses de santé avant consolidation le remboursement du prix de l'intervention,

- son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur une base journalière de 25 euros,

- son préjudice sexuel est lié à l'appréhension à ce qu'on la touche au sein droit ce qui a été constaté par l'expert qui a relevé un geste de défense,

- son préjudice moral résulte de ce que son complexe physique initial lié à l'aspect de sa poitrine a été décuplé et ses relations sociales et conjugales en ont été affectées,

- le préjudice d'anxiété est avéré car elle a vécu dans l'angoisse de développer une anomalie liée à la rupture de la prothèse et à la prolifération dans son corps du liquide qu'elle contenait, notamment l'angoisse de développer un cancer.

La SASU Allergan France demande à la cour dans ses conclusions du 13 janvier 2020, en application des articles 1245 et suivants 1641 et 1648 du code civil, L. 6322-2 du code de la santé publique et 696 et 700 du code de procédure civile, de :

À titre liminaire

- constater la prescription de l'action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux,

- constater la prescription de l'action en garantie des vices cachés,

En conséquence

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré non prescrites les actions de Mme P. prises sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et sur le fondement de la garantie des vices cachés et donc rejeter les actions de Mme P.,

À titre principal

- constater l'absence de preuve du caractère défectueux de la prothèse droite,

- constater l'absence de vices cachés de la prothèse droite,

En conséquence

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme P. de sa demande tendant à engager sa responsabilité sur le fondement des produits défectueux et donc la débouter de sa demande sur ce fondement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme P. de sa demande tendant à engager sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés et donc la débouter de sa demande sur ce fondement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme P. aux dépens dont le coût de l'expertise judiciaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme P. au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

' à titre subsidiaire

- retenir un partage de responsabilité avec Mme P. par conséquent un partage de la totalité des préjudices à hauteur de 80 % pour Mme P. et de 20 % pour elle-même,

- constater le caractère manifestement disproportionné du montant des sommes demandées au titre des préjudices prétendument subis par Mme P. et les réduire à de plus justes proportions.

Elle fait valoir que :

Sur la prescription

Sur l'action pour produit défectueux

- Mme P. devait agir dans le délai de trois ans mentionnés par l'article 1245-16 du code civil,

- Mme P. a eu connaissance de l'identité du fabricant au jour de l'implantation des prothèses soit le 18 avril 2005 ainsi que cela figure sur les cartes patients qui lui ont été remises par le chirurgien et sur la facture de fourniture des prothèses,

- Mme P. a eu connaissance du dommage à l'issue de la mammographie du 10 novembre 2006 concluant à une suspicion de la rupture prothétique à droite et du défaut allégué depuis la mammographie du 23 janvier 2007 qui a confirmé la rupture de la prothèse et ceci est d'autant plus évident que le docteur C. a recommandé lors de la visite médicale du 6 février 2007 une explantation de la prothèse ; en outre l'expert a indiqué dans son premier rapport d'expertise qu'une première mammographie a fait craindre une rupture prothétique à droite confirmée par une mammographie numérisée du 23 janvier 2007 et Mme P. a rappelé ce défaut de rupture de la prothèse dans deux lettres du 2 avril 2007 et du 27 juillet 2007,

- le délai de prescription court à compter de la connaissance du défaut et non de la connaissance de la cause du défaut ; en l'espèce le défaut a bien été la rupture de la prothèse,

Sur l'action en garantie des vices cachés

- le délai de prescription de deux ans visés à l'article 1648 du code civil court à compter de la découverte du vice,

- Mme P. a connu le vice à la suite de la seconde mammographie du 23 janvier 2007 qui a confirmé la rupture de la prothèse,

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Sur l'absence de preuve de l'existence d'un défaut du produit

- selon l'article 1245-8 du code civil le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage,

- la possibilité de rupture des prothèses mammaires était un risque connu par le chirurgien qui en a informé Mme P. et lui a remis un devis détaillé qu'elle a signé le 9 février 2005 par lequel elle reconnaît avoir reçu un document de consentement éclairé édité par la SOFCPRE et la fiche d'information de la Société française de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique qui énonce au titre des complications envisageables une rupture et un dégonflement à la suite d'une altération de l'enveloppe de la prothèse pouvant résulter d'un traumatisme violent, d'un défaut de fabrication ou de l'ancienneté de la prothèse,

- Mme P. ne justifie pas que son consentement aurait pu être altéré car elle ne verse aux débats aucun certificat médical ni aucune prescription pouvant attester d'une dépression en 2005,

- en toute hypothèse l'obligation d'information pèse sur le chirurgien et non sur le fabricant,

Sur l'absence de cause à l'origine de la rupture de la prothèse

- la défectuosité de la prothèse ne peut être déduite de sa seule rupture et il s'agit d'un risque connu et dont Mme P. a été informée,

- la rupture de la prothèse peut avoir plusieurs causes notamment un remplissage insuffisant ou excessif de l'implant, la lésion même minime de l'enveloppe, due à des instruments chirurgicaux, la réalisation d'activités physiques intenses, une pression excessive exercée sur le sein lors d'une mammographie, un défaut de la soudure, un traumatisme violent ou encore la durée de vie de l'implant qui est la cause majeure de rupture,

- l'expert a été très réservé sur la possibilité de prouver l'existence d'un défaut en indiquant que par expérience il savait que le Laboratoire national d'essai rendait rarement un compte rendu permettant d'affirmer l'erreur dans le processus de production et il a précisé que si Mme P. voulait poursuivre la procédure de la recherche d'un défaut de fabrication il convenait de procéder à l'explantation des prothèses en présence d'un médecin expert en chirurgie esthétique et de prendre l'avis sapiteur de ce laboratoire ; or Mme P. a ignoré ces recommandations et les constatations du médecin qui a explanté les prothèses sont exemptes de toute considération relative à une absence de conformité ; enfin les photos produites par Mme P. ne permettent pas d'établir la cause de la rupture,

- ainsi le rapport d'expertise ne permet pas de déterminer la cause de la rupture et Mme P. ne rapporte pas la preuve que cette rupture est due à un défaut de fabrication,

Sur l'absence de preuve d'un lien de causalité entre le dommage et le prétendu défaut

- la cause de la rupture n'étant pas connue, sa responsabilité ne peut être engagée,

- Mme P. ne peut légitimement invoquer la décision prise par l'ANSM le 2 avril 2019 qui concerne seulement les fabricants commercialisant des prothèses mammaires macro texturées alors que les prothèses dont elle a bénéficié sont des prothèses micro texturées,

- la jurisprudence de la Cour de cassation permettant de rapporter la preuve du caractère défectueux du produit par des présomptions graves, précises et concordantes ne concerne que les dommages consécutifs à une maladie ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- de même la jurisprudence de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et de la cour d'appel de Nîmes sur les prothèses PIP ne peut être étendue au cas d'espèce,

Sur la garantie des vices cachés

Cette garantie suppose que le vice ait été caché,

- en l'espèce Mme P. a été informée de l'imprévisibilité de la durée de vie de la prothèse par les documents qui lui ont été remis avant l'intervention,

Sur l'existence d'un vice

- il ne peut être affirmé que la rupture précoce est anormale car la durée de vie de l'implant ne peut être garantie,

- en outre la rupture ne peut pas caractériser la défectuosité compte-tenu des multiples causes possibles de rupture,

Sur le partage de responsabilité

- Mme P. a décidé de ne pas suivre les recommandations du docteur C. lors de la consultation du 6 février 2007,

- elle invoque des difficultés financières alors que le courrier du chirurgien en date du 29 mars 2007 démontre que de nombreuses remises lui ont été proposées tant par celui-ci que par la clinique afin que les prothèses soient enlevées rapidement,

- Mme P. a attendu huit ans pour procéder à l'explantation et a ainsi grandement contribué à l'aggravation des dommages dont elle se plaint,

- d'ailleurs lors du premier rapport d'expertise soit le 6 janvier 2014 l'expert a précisé qu'attendre plus longtemps conduirait à des préjudices plus importants et qu'il faudrait alors considérer Mme P. comme l'artisan de son propre dommage,

Sur le préjudice

- sur le remboursement du coût de l'intervention initiale : la demande n'est pas justifiée car la mise en place des prothèses a été effectuée à l'initiative de Mme P. et à visée esthétique,

- sur le déficit fonctionnel temporaire partiel : Mme P. n'a jamais indiqué au cours de la procédure avoir dû interrompre des activités professionnelles et les attestations de ses proches sur l'arrêt de toutes ses activités du fait des douleurs ont manifestement été établies pour les besoins de la cause,

- sur les souffrances endurées : si les douleurs avaient été du niveau qu'elle invoque Mme P. aurait fait procéder à l'enlèvement des prothèses bien plus tôt ; la reprise chirurgicale n'a justifié une hospitalisation que durant trois jours ;

Mme P. ne justifie pas avoir consulté un médecin psychiatre ou avoir bénéficié d'une prescription pour traiter une dépression,

- sur le préjudice esthétique temporaire : l'expert l'a estimé nul en précisant que les seins qu'il a examinés avant l'explantation étaient de forme normale et globalement harmonieux,

- sur le préjudice d'agrément : Mme P. ne justifie pas de la pratique antérieure d'une activité spécifique,

- sur le préjudice sexuel : l'expert l'a estimé nul en relevant que Mme P. a indiqué que le désir et la satisfaction étaient intacts et n'a jamais fait état dans le cadre des expertises d'une appréhension à ce qu'on la touche au sein droit,

- sur le préjudice moral : il n'est pas caractérisé distinctement des souffrances endurées, étant précisé que le défaut éventuel d'information sur la prise en charge financière par la sécurité sociale ne peut lui être imputé, subsidiairement, elle offre 10 000 euros à ce titre,

- sur le préjudice d'anxiété : la décision de retrait prise par l'ANSM n'a concerné que les prothèses macro texturées et aucun document médical sur l'existence d'un tel préjudice n'a été communiqué.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Selon l'article 1386-17 du code civil devenu l'article 1245-16 de ce code, à la suite de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'action en réparation des dommages causés par le défaut d'un produit se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

En l'espèce, il est mentionné dans le rapport d'expertise du docteur Joël M. en date du 6 janvier 2014 que l'intervention d'implantation de prothèses mammaires a été pratiquée par le docteur C. le 18 juin 2005, que le 21 novembre 2006 Mme P. s'est plainte d'un dégonflement du sein droit, que le 21 novembre 2006 une mammographie a été effectuée dont le compte-rendu a évoqué une possible rupture de prothèse à droite, qu'une mammographie numérisée qui a été demandée a été réalisée le 6 février 2007 dont l'interprétation a fait état d'une rupture de la prothèse et qu'à la suite de ce dernier examen le docteur C. a proposé à Mme P. de changer les prothèses selon un devis en date du 22 février 2007.

Il en résulte que c'est au 6 février 2007 que Mme P. a eu connaissance du dommage.

L'expert a précisé que les causes de rupture des prothèses mammaires sont l'usure due à l'ancienneté (cause la plus fréquente), un traumatisme très violent, un défaut de fabrication, ou une piqûre accidentelle par le chirurgien lors de la pose, qu'en toute hypothèse la rupture d'une prothèse en gel de silicone, ce qui est le cas des prothèses posées sur Mme P., à 18 mois de la mise en place doit être considérée comme anormale.

Ce technicien a ajouté que les soins donnés par le docteur C. ont été conformes aux données acquises de la science et exclusifs d'une négligence, inattention ou maladresse et notamment que la rupture de la prothèse ne peut lui être imputée car l'existence d'un siliconome au pôle supérieur, à distance du site de fermeture de la loge prothétique qui est à l'opposé, n'est pas en faveur d'une piqûre inopinée.

Il a indiqué que si les prothèses fabriquées par la SASU Allergan France répondent à un cahier des charges précis sous la surveillance de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), et que si elles sont réputées offrir toutes les garanties de sécurité, un défaut de fabrication isolé de la prothèse est possible et qu'une défaillance humaine lors du contrôle qualité a pu se produire.

En outre l'expert a précisé qu'il ne pouvait conclure faute d'examen des prothèses après explantation.

Il ressort du rapport du docteur M. en date du 6 juin 2016 que l'opération d'explantation des prothèses a eu lieu le 6 novembre 2014 ; ce n'est donc qu'à cette date que Mme P. a connue ou aurait dû connaître le défaut des prothèses.

Son action engagée le 5 mai 2017 n'est donc pas prescrite au regard du texte précité.

Sur le fond

Sur la responsabilité

Selon les articles 1386-1 et 1386-4 du code civil devenu les articles 1245 et 1245-3 de ce code le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit lorsque celui-ci n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, ce qui est apprécié en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Par ailleurs l'article 1382 du code civil, d'application générale, autorise la preuve par présomptions lorsqu'elles sont précises, graves et concordantes.

En l'espèce, il est acquis aux débats que la prothèse droite en gel siliconé posée chez Mme P. s'est rompue au bout de 18 mois de son implantation ; si le risque de rupture d'une prothèse de ce type est connu et a été signalé à Mme P. avant l'intervention, le délai dans lequel le dommage est survenu est totalement anormal ainsi que retenu par l'expert et mis en évidence par l'étude de l'ANSM dans son rapport de mai 2014, notamment en page 20 de ce document (longévité minimale 6 ans et longévité moyenne 10 ans).

En outre les constatations de l'expert quant à l'endroit du sein droit où s'est développé le siliconome permettent d'écarter l'hypothèse d'une effraction de la prothèse droite lors de l'intervention d'implantation en particulier lors de la fermeture de l'incision, ce qui est confirmé par son examen des photographies de cet implant prises lors de son explantation.

En effet l'expert a noté dans son rapport du 6 juin 2016, en page 4, que le cliché de la prothèse a révélé un magma informe ressemblant à du gel de silicone, qu'ainsi l'enveloppe en silicone solide n'était pas individualisable témoignant d'une destruction complète de la prothèse avec fonte de son enveloppe et en page 6, que contrairement à la prothèse gauche, la prothèse droite était dans un état de destruction totale « comme cela se voyait autrefois avec les prothèses de première génération, dont les enveloppes péri-prothétiques étaient conçues particulièrement fines avec à l'intérieur un gel plus liquide » ; il a ajouté que cet état spectaculaire de défectuosité ne peut en aucun cas résulter d'un quelconque manquement du chirurgien, ce qu'il a réaffirmé en page 9 en précisant que l'état de la prothèse lors de l'explantation ne peut en aucun cas être attribué à une lésion de l'enveloppe par un instrument chirurgical.

Il est au surplus mentionné dans le rapport du 6 janvier 2014 que Mme P. s'est plainte auprès de l'expert de douleurs continues ayant débuté 6 mois après l'intervention, irradiant vers le sternum, à types de brûlures permanentes, et qu'elle n'a pas signalé de pratique sportive particulière antérieurement à la mise en place des prothèses ; ces douleurs excluent que Mme P. ait pratiqué une activité sportive ou autre susceptible de les augmenter ou d'entraîner des traumatismes au niveau du thorax ; enfin Mme P. n'a jamais signalé lors de son parcours de santé après l'implantation des prothèses l'existence d'un choc ou d'un traumatisme violent au niveau de la poitrine ; la SASU Allergan France n'apporte aucune preuve contraire sur ces différents points.

L'ensemble des données qui précèdent constituent des présomptions grave, précises et concordantes que la prothèse droite implantée le 18 juin 2005 était affectée d'un défaut, notamment au niveau de son enveloppe et n'a ainsi pas présenté la sécurité à laquelle Mme P. pouvait s'attendre ce qui a entraîné sa rupture prématurée.

La circonstance que la prothèse soit en conformité avec les normes de mise en circulation est indifférente au regard des textes précités, d'autant que cela n'exclut pas un défaut de fabrication isolé non perçu lors du contrôle qualité.

Les rapports d'expertise établissent le lien de causalité direct et certain entre le défaut de la prothèse droite et les conséquences dommageables qui en ont résulté pour Mme P..

La responsabilité de plein droit de la SASU Allergan France est donc engagée en application des textes précités.

Compte tenu des observations de l'expert sur l'état de la prothèse explantée il ne peut être reproché à Mme P. de n'avoir pas sollicité l'analyse du Laboratoire national d'essai et ce d'autant que l'expert a précisé que celui-ci 'rend rarement un compte rendu permettant d'affirmer l'erreur dans le processus de fabrication'.

Mme P. qui ne pouvait être tenue de subir une intervention chirurgicale d'explantation dans l'intérêt du SASU Allergan France et qui avait déjà subi des douleurs importantes ne peut être considérée comme fautive pour avoir différé cette intervention.

La SASU Allergan France doit donc être condamnée à indemniser Mme P. de son entier préjudice.

Sur la réparation

L'expert a conclu ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 6 novembre 2014 au 9 novembre 2014

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 9 novembre 2014 au 21 novembre 2014

- souffrances endurées 3,5/7

- préjudice esthétique temporaire : nul

- consolidation au 21 novembre 2014

- déficit fonctionnel permanent : nul

- préjudice esthétique permanent : nul

- préjudice d'agrément : nul

- préjudice sexuel : nul.

Si l'expert a estimé le préjudice esthétique temporaire nul il a précisé dans son rapport du 6 janvier 2014 que l'examen de Mme P. montrait que le sein gauche était plus bombé dans le segment II que le sein droit ce qui confirme les plaintes de Mme P. sur le dégonflement du sein droit (pages 10 et 5 du rapport) ; ces éléments caractérisent l'existence d'un préjudice esthétique temporaire en lien direct et certain avec le défaut de la prothèse.

Aucun élément ne vient étayer l'existence d'un préjudice sexuel après la consolidation étant rappelé que le préjudice sexuel temporaire est inclus dans l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire.

L'évaluation du préjudice subi par Mme P. sera faite sur la base des conclusions de l'expert avec l'amendement précisé au sujet du préjudice esthétique temporaire.

- Dépenses de santé actuelles /

Mme P. sollicite à ce titre le remboursement du coût de l'intervention initiale ; cette dépense ne peut être mise à la charge de la SASU Allergan France dans la mesure où Mme P. est indemnisée du préjudice consécutif au défaut de la prothèse et où l'expert a précisé qu'elle n'a rien eu à débourser car la sécurité sociale a pris en charge tous les frais de l'intervention et la SASU Allergan France a fourni gracieusement les nouvelles prothèses.

- Déficit fonctionnel temporaire 262,50 euros

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 750 euros par mois, soit 25 euros par jour ainsi que sollicité par Mme P. eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- 100 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 4 jours

- 162,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 13 jours.

Soit au total 262,50 euros.

- Souffrances endurées10 000 euros

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, de l'hospitalisation, de l'intervention chirurgicale, des examens et soins ; évalué à 3,5/7 par l'expert, il justifie une indemnité de 10 000 euros.

- Préjudice esthétique temporaire3 000 euros

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Il doit être évalué à la somme de 3 000 euros.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme P. ne justifie pas qu'elle s'adonnait, avant les faits, à une activité de cette nature, étant rappelé qu'elle a déclaré à l'expert ne pas avoir eu de pratique sportive particulière ; elle doit donc être déboutée de toute demande à ce titre.

- Préjudice sexuel

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Ce poste de dommage n'étant pas établi aucune somme ne sera alloué à ce titre.

- Préjudice moral

Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l'origine desdites souffrances ; Mme P. invoque que son complexe physique initial a été aggravé par l'aspect de sa poitrine mais ce chef de dommage a été réparé au titre du préjudice esthétique temporaire et l'altération du niveau de ses relations sociales et conjugales a été réparé par le déficit fonctionnel temporaire ; ne justifiant pas d'un préjudice distinct Mme P. doit être déboutée de sa demande.

- Préjudice d'anxiété

Mme P. ne démontre pas avoir craint de développer une maladie liée à la rupture de la prothèse ; aucune anxiété particulière sur ce point n'est mentionnée ni ne ressort des deux rapports d'expertise notamment au niveau des doléances de Mme P. et il doit être rappelé que celle-ci a attendu le mois de novembre 2014 pour faire réaliser l'intervention d'explantation des prothèses ce qui vient en contradiction avec une crainte de voir se développer une pathologie liée à la présence de gel siliconé dans son organisme ; aucune indemnisation ne peut intervenir à ce titre.

Le préjudice corporel global subi par Mme P. s'établit ainsi à la somme de 13 262,50 euros.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

La SASU Allergan France qui succombe pour l'essentiel dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens de première instance dont le coût des expertises médicales et d'appel.

L'équité commande d'allouer à Mme P. une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et devant la cour et le rejet de la demande de la SASU Allergan France formulée au même titre.

L'arrêt n'étant pas susceptible d'un recours suspensif, la demande d'exécution provisoire est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement,

Hormis sur la prescription de l'action fondée sur la responsabilité des produits défectueux

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la SASU Allergan France à indemniser Mme P. du préjudice consécutif au défaut de la prothèse en gel siliconé droite implantée le 18 juin 2005,

- Evalue le préjudice subi par Mme P. à la somme de 13 262,50 euros,

- Condamne la SASU Allergan France à payer à Mme P. les sommes de

13 262,50 euros en réparation de son préjudice consécutif au défaut de la prothèse en gel siliconé droite implantée le 18 juin 2005

4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

- Déboute la SASU Allergan France de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés,

- Condamne la SASU Allergan France aux dépens de première instance dont le coût des expertises médicales et d'appel.