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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com., 30 septembre 2020, n° 19/00555

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Inter Centrale Immobilière (SARL)

Défendeur :

Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

M. Kheitmi, Mme Theuil-Dif

Avocats :

Me Benazdia, SCP VGR

T. com. Cusset, du 5 mars 2019

5 mars 2019

Faits et procédure - demandes et moyens des parties :

Suivant un acte sous seing privé du 23 juillet 2014, la SARL Inter Centrale Immobilière (la SARL Inter Centrale) a conclu avec la SA Banque Populaire du Massif Central (la Banque Populaire) une convention de compte professionnel.

La Banque Populaire, par lettre recommandée avec avis de réception du 17 mars 2017, a dénoncé une facilité de caisse qu'elle avait accordée à la SARL Inter Centrale, et l'a invitée à prendre toutes dispositions pour lui payer, à l'issue d'un délai de 60 jours, les sommes dont elle resterait débitrice.

Le 8 août 2017, la Banque Populaire a obtenu du président du tribunal de commerce de Cusset, le prononcé d'une ordonnance d'injonction de payer, portant sur la somme principale de 13 670,76 euros, au titre du solde débiteur du compte.

La SARL Inter Centrale a formé opposition à cette ordonnance, et le tribunal de commerce, par un jugement contradictoire du 5 mars 2019, a notamment :

- déclaré l'opposition recevable ;

- condamné la SARL Inter Centrale à payer à la Banque Populaire une somme de 13 670,76 euros au titre du solde débiteur du compte professionnel, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2017, et capitalisation des intérêts ;

- condamné la SARL Inter Centrale à payer à la Banque Populaire une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

- prononcé l'exécution provisoire.

La SARL Inter Centrale a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 19 mars 2019.

La SARL Inter Centrale demande à la cour de rejeter les demandes de la Banque Populaire. Elle fait valoir que la banque a mis fin brutalement à la convention de compte professionnel, alors qu'en application des articles L. 110-1 et L. 442-6 du code de commerce, elle se devait de respecter un préavis minimum de six mois, vu la disparité de poids économique entre les deux parties. La SARL Inter Centrale demande par suite que la Banque Populaire soit condamnée à lui payer, en réparation du préjudice causé par sa faute, une somme de 13 670,76 euros à titre de dommages et intérêts, et que compensation soit prononcée entre les dettes réciproques.

La SARL Inter Centrale conteste d'autre part la créance même de la Banque Populaire : la SARL Inter Centrale lui reproche d'avoir fixé unilatéralement les tarifs des divers prélèvements qu'elle a opérés sur son compte, abusant ainsi de sa position dominante.

La Banque Populaire conclut à la confirmation du jugement, et conteste les moyens de défense et les demandes présentés par les appelants. Elle expose que la convention de compte courant professionnel a donné lieu à une information sur les intérêts, frais divers et commissions qu'elle pratique, information donnée sous la forme initiale des conditions tarifaires indiquées dans un livret remis lors de la conclusion du contrat, puis au moyen des relevés de compte, que la SARL Inter Centrale n'a pas contestés après les avoir reçus.

La Banque Populaire conteste ensuite avoir commis une faute lors de la rupture, en déclarant qu'elle n'était tenue qu'au délai de 60 jours prévu à l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, et qu'elle a d'ailleurs adressé à la société titulaire du compte un avertissement par lettre du 22 février 2017.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mai 2020, et l'affaire a été retenue selon la procédure sans audience prévue à l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 4 avril et le 2 juillet 2019.

Motifs de la décision :

Sur la rupture :

Selon l'article L. 312-12 du code monétaire et financier, tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite, et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, délai qui ne peut être inférieur à soixante jours.

L'acte d'ouverture du compte en litige ne comporte aucune mention sur le délai de préavis, et renvoie d'ailleurs à des conditions générales, qu'aucune des deux parties ne verse aux débats ; il convient par suite de retenir le délai légal minimum de soixante jours ; ce délai constitue celui fixé en référence aux usages du commerce, prévu à l'article L. 442-6 I 5° ancien du code de commerce, invoqué par la SARL Inter Centrale, et relatif à la brusque rupture des relations commerciales établies.

La Banque Populaire était donc en droit, par application de l'article L. 312-12 du code monétaire et financier, de résilier le compte professionnel de la SARL Inter Centrale, à charge pour elle de respecter le délai de préavis de soixante jours ; sa responsabilité ne peut être engagée, si elle a rempli cette obligation, que dans le cas d'un abus de droit.

La banque, avant d'envoyer à la SARL Inter Centrale sa lettre de rupture du 17 mars 2017, lui avait adressé le 22 février 2017 une lettre pour l'informer d'un incident survenu dans l'utilisation d'une carte de crédit, pour lui faire connaître qu'elle n'acceptait pas qu'elle conserve l'usage de cette carte, et pour l'inviter à la lui restituer. La SARL Inter Centrale lui a répondu par lettre recommandée le 10 mars 2017, notamment pour se plaindre de prélèvements qu'elle estimait abusifs ; la Banque Populaire lui a alors notifié sa décision de rupture le 17 mars suivant.

Ces circonstances ne révèlent aucun abus de droit, d'autant que le compte de la SARL Inter Centrale, qui a fonctionné en position constamment débitrice entre le 10 août et le 30 décembre 2016, s'est de nouveau trouvé à découvert à partir du 8 février 2017, et que le débit s'est fortement aggravé dans le cours du mois de février, passant de 1 769,99 euros au 9 février 2017, à 14 326,68 euros au 8 mars 2017.

La demande de dommages et intérêts formée par la SARL Inter Centrale n'est donc pas fondée. Le tribunal l'a rejetée à bon droit.

Sur le montant des sommes dues :

La convention de compte professionnel, conclue entre les parties le 23 juillet 2014, comportait en première page une stipulation d'intérêts ainsi rédigée : « Sauf convention particulière, la facilité de caisse que la BPMC peut éventuellement être amenée à consentir donnera lieu à la perception d'intérêts, calculés trimestriellement aux taux de base de la banque (actuellement de 7,90 %) majorés de 10,50 points (soit, à la date de la présente convention, 18,40 %), intérêts auxquels peuvent s'ajouter divers frais et commissions». Il était indiqué dans la suite de l'acte : « le client déclare avoir pris connaissance et accepter sans réserve l'intégralité des conditions régissant la convention de compte courant, ainsi que le livret des conditions tarifaires en vigueur à ce jour. [...] Le client accepte expressément et sans réserve que l'information sur la modification de la présente convention de compte lui soit communiquée par la BPMC via une mention sur ses relevés de compte périodiques ».

En application de ces clauses contractuelles, la Banque Populaire était fondée à appliquer à la SARL Inter Centrale des intérêts ou agios, ainsi que des frais et commissions, pourvu qu'ils soient fixés selon ses tarifs, et que les modifications des tarifs soient portées à la connaissance de la société titulaire du compte, au moyen des relevés de compte qui lui étaient envoyés.

La Banque Populaire verse aux débats les tarifs de ses opérations et services, applicables successivement au 1er janvier 2016, au 8 décembre 2016 et au 1er mai 2017 (pièces n° 9 à 11) ; elle produit aussi la liste des opérations (liste des écritures) enregistrées sur le compte de la SARL Inter Centrale (compte n° 408 218 654 21), entre le 15 janvier 2016 et le 7 juillet 2017.

La liste des opérations mentionne au débit le prélèvement d'agios pour chaque trimestre, de commissions diverses, de cotisations (« Cotis Freq Pro Classique », « Commiss Plafond Carte »), et de frais de rejet de prélèvement. La SARL Inter Centrale conteste en particulier les frais de rejet de prélèvement, et les « commissions d'intervention », ou des « commissions - frais ECFS », appliquées par exemple le 4 août 2016 pour 410 euros, et le 2 septembre 2016 pour 470 euros.

Le tarif des opérations et services, établi à effet du 1er janvier 2016, prévoit en pages 15, 16 et 17 le prélèvement de commissions « Fréquence PRO Classique », et de commissions d'intervention d'un montant de 10,20 euros par opération. Il indique d'autre part que le taux des intérêts décomptés sur les découverts s'établit à 10,50 % (taux de base nominal), majoré de 3 % en cas de dépassement (page 18 du tarif).

La SARL Inter Centrale ne conteste pas que les intérêts qu'a appliqués la banque au solde débiteur de son compte ont été calculés conformément aux tarifs ; elle ne conteste pas non plus qu'elle a reçu des relevés périodiques de son compte, pour la période écoulée entre l'ouverture et la clôture du compte, de sorte que la réception de ces relevés sans protestation ni réserve a emporté reconnaissance, de la part de cette société, de sa dette d'intérêts contractuels, et que la Banque Populaire est bien fondée en sa demande en paiement de ces intérêts contractuels.

Sur les frais et commissions : les cotisations « Fréquence Pro Classique » sont dûment prévues aux tarifs, en page 15, et les sommes débitées à ce titre apparaissent conformes au tarif en vigueur : 69 euros en janvier et en avril et 2016 ; les tarifs prévoient aussi en page 6 le prélèvement de « commissions de compte », fixées à « 0,15 % du mouvement avec un minimum de 9,90 euros par trimestre » ; ces « commissions de compte » apparaissent donc fondées en leur principe ; elles figurent sur la liste des écritures, au début de chaque trimestre (102,29 euros débités à ce titre le 14 janvier 2016, 38,24 euros le 14 avril suivant, 35,64 euros le 13 juillet 2016, etc.) ; le montant de ces commissions n'a fait l'objet d'aucune contestation de la SARL Inter Centrale, au moment où elle a reçu les relevés de compte ; il convient d'admettre que cette absence de contestation vaut acquiescement sur le montant des dites commissions, dont la Banque Populaire est fondée à demander paiement.

Les tarifs produits par la banque prévoient en outre des « commissions d'intervention », appliquées à hauteur de 10,20 euros par opération, et ce pour chaque opération « entraînant une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier » (page 17 des tarifs). La SARL Inter Centrale n'a pas non plus contesté le montant de commissions, lorsqu'elle a reçu les relevés de compte ; elle n'a formulé de contestation que par sa lettre du 10 mars 2017 déjà citée ; l'absence de contestation à la réception des relevés de compte doit, comme pour les intérêts et pour les commissions de compte, s'analyser en un acquiescement sur les sommes débitées à ce titre par la banque.

Les autres frais et commissions (« commissions plafond carte », frais de rejet de prélèvement et de saisie-arrêt) sont eux aussi prévus par les tarifs (en page 17 pour les frais de saisie), ne sont pas contestés de manière précise par la SARL Inter Centrale, et ne l'ont pas été à la réception des relevés de compte.

La demande en paiement de la Banque Populaire apparaît donc entièrement fondée, et le jugement sera confirmé, en ce qu'il a fait droit à la principale demande en paiement de la banque.

Le jugement n'est pas contesté en ses autres dispositions, relatives à la capitalisation des intérêts, et aux frais d'instance ; il convient de le confirmer intégralement.

Il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chacune des parties la charge des frais d'instance irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Condamne la SARL Inter Centrale Immobilière aux dépens d'appel ;

Rejette le surplus des demandes.