CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 septembre 2020, n° 17/21056
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Leroy Merlin France (SA)
Défendeur :
All Services Prestations (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Legrand, Me Padellec, Me Lallement
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Leroy Merlin est spécialisée dans la commercialisation de produits de bricolage, de décoration et de jardinage par le biais d'un réseau de 130 magasins présents sur l'ensemble du territoire national et propose, à ce titre, un service de livraison des produits achetés à ses clients, via le service de transporteurs.
La société All Services Prestations, qui est une société spécialisée dans le transport de marchandises et de location de véhicule avec ou sans chauffeur, signe chaque année depuis 2004, avec la société Leroy Merlin, au travers de son établissement situé à Vallauris, un contrat de location de véhicule avec conducteur, afin d'assurer les livraisons de certaines marchandises pour cette dernière.
À la suite d'un changement de gérance du magasin Leroy Merlin de Vallauris fin 2014, la société All Services Prestations affirme avoir constaté une chute brutale de son activité avec ce magasin à compter du mois de janvier 2015, ce qui l'a amenée à faire intervenir la société Aviva, au titre de sa protection juridique.
La société Aviva a alors, par courrier en date du 6 juin 2016, sollicité de la société Leroy Merlin le paiement de dommages et intérêts, ce à quoi cette dernière s'est opposée par courrier de réponse en date du 21 juin 2016.
Les relations se seraient peu à peu dégradées, et, par courrier en date du 30 décembre 2016, la société Leroy Merlin aurait informé la société All Services Prestations de l'absence de renouvellement du contrat de location de véhicules avec conducteur.
Après une tentative de règlement amiable infructueuse, la société All Services Prestations, s'estimant victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, a, par acte en date du 28 décembre 2016, assigné la société Leroy Merlin devant le tribunal de commerce de Marseille, aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice.
Par jugement rendu le 6 novembre 2017, le tribunal de commerce de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce :
- constaté qu'il existait une relation commerciale établie entre la société ASP (société All Services Prestations) et la société Leroy Merlin ;
- constaté que la rupture de la relation commerciale établie a été brutale ;
- dit et jugé que la société ASP (société All Services Prestations) aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois ;
- condamné la société Leroy Merlin à payer à la société ASP (société All Services Prestations) la somme de 63 158,78 euros (soixante-trois mille cent cinquante-huit euros soixante-dix-huit centimes) au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et celle de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien 1154 du code civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, condamné la société Leroy Merlin aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncé par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 78,04 euros (soixante-dix-huit euros quatre centimes TTC) ;
Conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, ordonné pour le tout, l'exécution provisoire ;
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Par déclaration du 16 novembre 2017, la société Leroy Merlin a interjeté un appel partiel de cette décision en ce qu'elle a :
- constaté que la rupture de la relation commerciale établie a été brutale ;
- dit et jugé que la société ASP (société All Services Prestations) aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois ;
- condamné la société Leroy Merlin à payer à la société ASP (société All Services Prestations) la somme de 63 158,78 euros (soixante-trois mille cent cinquante-huit euros soixante-dix-huit centimes) au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et celle de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- prononcé la capitalisation des intérêts au taux légal ;
Conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, ordonné pour le tout, l'exécution provisoire ;
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 16 décembre 2019, la société Leroy Merlin, appelante, demande à la cour de :
Vu les dispositifs des articles 562, 564 550 et 909 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce applicable au cas d'espèce,
Vu la jurisprudence,
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
- déclarer la société Leroy Merlin France recevable et bien fondée en son appel ;
- déclarer la demande nouvelle de la société ASP formulée à hauteur de 10 000 euros en réparation d'un abus de dépendance économique irrecevable ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Constaté que la rupture de la relation commerciale établie a été brutale ;
Dit et jugé que la société ASP aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois ;
Condamné la société Leroy Merlin France à la société ASP la somme de 63 158,78 euros avec intérêts au taux légal ;
Condamné la société Leroy Merlin France à la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Prononcé la capitalisation des intérêts ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Rejeté les autres demandes ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- déclarer que la société All Service Prestations n'était pas en état de dépendance économique et qu'aucun abus n'est caractérisé de la part de la société Leroy Merlin France ;
- déclarer que la société Leroy Merlin France n'est pas à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales avec la société All Services Prestations ;
En conséquence,
- débouter la société All Services Prestations de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
À titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour considérait que la société Leroy Merlin France est à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales,
- déclarer que la rupture invoquée par la société All Services Prestations n'est que partielle ;
- déclarer que la société All Services Prestations ne démontre pas son préjudice sur la période invoquée ;
En conséquence,
- débouter la société All Services Prestations de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considérait que la société All Services Prestations démontre un préjudice,
- déclarer que le préavis qu'aurait dû accorder la société Leroy Merlin France, eu égard aux faits de l'espèce, doit se limiter à 1 mois ;
En conséquence,
- débouter la société All Services Prestations de sa demande tendant à voir fixer le préavis à 12 mois ;
En toute hypothèse,
- déclarer que la société All Services Prestations est défaillante à démontrer sa perte de marge brute, ni même l'existence d'un préjudice ;
En conséquence,
- débouter la société All Services Prestations de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter la société All Services Prestations de sa demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 10 000 euros en réparation d'un prétendu préjudice en lien avec un abus de dépendance économique ;
- condamner la société All Services Prestations à payer à la société Leroy Merlin France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société All Services Prestations aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 10 décembre 2019, la société All Services
Prestations, intimée, demande à la cour de :
Vu les dispositions du code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
- débouter la société Leroy Merlin de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en date du 6 novembre 2017 en ce qu'il a :
Constaté que la rupture de la relation commerciale établie a été brutale ;
Dit et jugé que la société ASP (All Services Prestations) aurait dû bénéficier d'un préavis de 12 mois ;
Condamné la société Leroy Merlin à payer à la société ASP (All Services Prestations) la somme de 63 158,78 euros (soixante-trois mille cent cinquante-huit euros soixante-dix-huit centimes) au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et celle de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil), dit que les intérêts au taux légal se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux ;
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, condamné la société Leroy Merlin aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 78,04 euros (soixante-dix-huit euros quatre centimes TTC) ;
Conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ;
Y ajoutant,
- condamner la société Leroy Merlin à payer à la société ASP la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'abus de dépendance économique ;
- condamner la société Leroy Merlin à payer à la société ASP la somme de 7 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Leroy Merlin aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 décembre 2019.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre de la dépendance économique
La société Leroy Merlin invoque le caractère nouveau de la demande en ce qu'elle n'aurait pas été formée en première instance.
La société All Services Prestations fait valoir un état de dépendance économique dans la prise en compte du délai de préavis dans le cadre de la demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales tout en formant une demande autonome de dommages et intérêts au titre de la dépendance économique.
En application de l'article 564 du code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Il y a lieu de constater que la société All Services Prestations a formé une demande de dommages et intérêts de 10 000 euros qu'elle n'avait pas présenté en première instance au titre de la dépendance économique.
La société All Services Prestations développe dans sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales comme élément à prendre en considération dans le cadre de la fixation du préavis son état de dépendance tout en formant une demande distincte de dommages et intérêts. Cet élément développé à l'appui d'une demande déjà présentée en première instance au titre de la rupture brutale de la relation commerciale n'est donc pas une demande nouvelle, l'appelante pouvant solliciter des dommages et intérêts supplémentaires en appel.
Cette demande sera donc déclarée recevable.
Sur la demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale
La société Leroy Merlin fait valoir qu'aucune rupture brutale n'a été opérée par elle dans la mesure où elle souhaitait faire perdurer ses relations avec la société intimée, qu'elle n'a fait que réorganiser ses relations commerciales en rationalisant au niveau national ses process de livraison, que la société All Services prestations a décidé de se concentrer sur ses nouvelles activités et n'était plus en mesure d'assurer un service disponible, efficace et sans interruption, de sorte que cette dernière ne peut se prévaloir d'une baisse de son chiffre d'affaires et de l'intervention d'un nouveau prestataire comme constitutives d'une rupture brutale. Elle précise que la rupture est intervenue au regard d'éléments objectifs en ce qu'elle a demandé des informations quant à l'embauche d'un collaborateur par la société intimée, laquelle ne lui a apporté aucune réponse de sorte qu'elle était légitime à croire en une situation de travail dissimulé et de ne pas renouveler le contrat.
S'agissant de la durée du préavis, la société Leroy Merlin fait valoir qu'il ne doit pas excéder un mois, que pour déterminer la durée du préavis, les juges se réfèrent à la notion de délai raisonnable et suffisant, et donc à la durée de la relation à laquelle il est mis un terme, mais également à la nature des produits ou services concernés, que la fin des relations a représenté une perte d'environ 27 % du chiffre d'affaires de la société All Services Prestations, laquelle n'est pas excessive et s'explique également par le développement de ses nouvelles activités au détriment de la relation la liant à la société appelante.
S'agissant de la réparation du préjudice prétendument subi, la société Leroy Merlin soutient que la société All Services Prestations ne rapporte pas la preuve de son préjudice, que la jurisprudence rappelle que le critère d'évaluation du préjudice est celui de la perte de marge brute que la victime de la rupture brutale aurait réalisé pendant la durée du préavis, qu'il convient pour le calcul de prendre en compte les charges supportées par la société dans le cadre de la réalisation de son activité, que la société All Services Prestation a sollicité le paiement d'une indemnité correspondant à 12 mois de préavis, basée sur une marge commerciale qui correspondait en réalité à son chiffre d'affaires, qu'elle produit à ce titre une attestation de son expert-comptable qui fait état d'une perte de marge brute équivalent à 90 % de son chiffre d'affaires, sans tenir compte d'aucune autre charge, de sorte qu'elle ne peut être jugée comme étant probante. En outre, elle rappelle que la baisse de chiffre d'affaires de la société All Services Prestations a été causée également par le choix délibéré de la société All Services Prestations de privilégier ses autres activités.
La société All Services Prestations réplique qu'elle a vu son chiffre d'affaire diminuer de façon très importante depuis le début de l'année 2015, qu'elle n'a pas été informée d'un changement de prestataire par la société appelante. Elle précise que la société Leroy Merlin ne l'a pas mise en mesure de se mettre en concurrence sur sa nouvelle politique, que son argument basé sur ses nouvelles activités n'est pas opérant, que le courrier envoyé afin d'obtenir une justification quant à l'embauche d'un salarié ne suffit pas à justifier la rupture.
La société All Services Prestations ajoute qu'elle est fondée à solliciter un préavis égal à 12 mois, la relation ayant duré plus de 10 ans, que le chiffre d'affaires est passé de 72 228,00 euros à 10 880,14 euros, que plusieurs investissements ont été réalisés dans le cadre de cette relation, qu'elle est dans une situation de dépendance économique à l'égard de la société Leroy Merlin, que l'activité de la société All Services Prestations rendait le développement d'une clientèle ainsi que la réorganisation de son activité, difficiles au regard de son caractère très concurrentiel, que le délai de préavis doit être fonction du volume d'affaires et de sa progression, des investissements effectués, du temps nécessaire pour remédier à la réorganisation résultant de la rupture.
La société All Services Prestations sollicite de la part de la société Leroy Merlin le paiement d'une somme de 63 158,79 euros en réparation de son préjudice aux motifs que sa marge brute a connu une chute de 83 % entre les exercices 2011/2012 et 2015/2016, laquelle a été déterminée par son expert-comptable.
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose que « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale du préavis déterminée, en référence aux usages du commerce [...]
En 2004, la société All Services Prestations justifie avoir signé avec la société Leroy Merlin un contrat de location d'un véhicule avec conducteur pour une durée d'une année sans reconduction tacite. Chaque année, les parties signaient un nouveau contrat, avec réévaluation des tarifs de livraison.
La société Leroy Merlin ne conteste ni l'ancienneté ni la régularité de la relation commerciale qui doit être qualifiée d'établie en ce qu'elle a débuté en 2004 et s'est poursuivie durant plusieurs années.
La société Leroy Merlin expose avoir fait appel à compter de 2015 à un second prestataire compte tenu :
- d'une part du développement d'autres activités par la société All Services Prestations, et de l'indisponibilité de son seul salarié,
- d'autre part, du refus de son prestataire de développer les nouveaux créneaux de livraisons sollicités.
La société All Services Prestations justifie au vu de l'attestation de M. X, expert-comptable, en date du 31 août 2017 qu'elle a réalisé entre 2007 et 2014, un chiffre d'affaires annuel moyen de 65 708 euros. Sur l'exercice d'octobre 2014 à septembre 2015, son chiffre d'affaires s'est élevé à 47 750 euros.
Au vu du bilan établi pour l'exercice du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016, le chiffre d'affaires réalisé est le suivant :
Prestations Livraisons 12 717 euros
Prestations Limousine 19 708 euros
Prestations Snack - I. DOLLE 23 123 euros
Soit un total de 55 548 euros »
L'expert-comptable a distingué l'activité exercée avec la société Leroy Merlin de celles relevant d'autres partenaires commerciaux.
Si pour le bilan d'octobre 2014 à septembre 2015, la diminution du chiffre d'affaires de la société All Services Prestations n'est pas conséquente, pour l'exercice suivant, l'activité est réduite à néant et est moins importante que ses deux activités annexes.
Si ces chiffres rapportent la preuve que la société All Services Prestations exerçait deux autres activités à compter de l'exercice 2015, ce qui a correspondu à sa diminution d'activité avec la société Leroy Merlin, celle-ci ne rapporte pas la preuve que la société All Services Prestations ne se serait pour autant pas rendu disponible pour les livraisons dans les termes du contrat qui exigeait la mise à disposition d'un camion avec chauffeur.
Il n'est donc pas démontré que contrairement à ce que soutient la société Leroy Merlin, l’activité de livraisons a été négligée pour favoriser les autres activités exercées.
La société Leroy Merlin ne démontre pas davantage qu'elle a associé la société All Services Prestations à l'évolution de ses modes de livraison et qu'elle lui a fait des propositions concrètes pour qu'elle participe aux nouvelles prestations mises en place. Elle ne justifie pas non plus lui avoir adressé un seul courrier sollicitant de sa part une disponibilité plus importante avec notamment l'ouverture de nouveaux créneaux horaires.
Il ne peut donc être retenu l'indisponibilité de la société All Services Prestations pour justifier de la diminution de son chiffre d'affaires à compter de l'exercice d'octobre 2015.
Par courrier recommandé du 30 décembre 2016, avec avis de réception, la société Leroy Merlin a informé son cocontractant de l'absence de renouvellement du contrat de location de véhicule avec chauffeur à son échéance du 29 janvier 2017. Cependant, ce non-renouvellement est intervenu fin décembre 2016 alors que la chute brutale du chiffre d'affaires a été constatée sur l'exercice du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 soit antérieurement. De plus, ce seul courrier sollicitant des informations sur le statut de l'employé conduisant le camion assurant les livraisons, et n'ayant donné lieu à aucune réponse est insuffisant pour justifier la rupture des relations aux torts exclusifs de la société All Services Prestations, sans préavis.
Le fait que la société All Services Prestations ait réussi à diversifier son activité postérieurement à la rupture des relations n'a pas être pris en considération, et ne dispensait pas la société Leroy Merlin d'accorder à son cocontractant un préavis dès lors qu'elle réduisait de manière drastique les prestations confiées.
La société All Services Prestations invoque son état de dépendance économique par rapport à la société Leroy Merlin ce que conteste celle-ci.
Si la société Leroy Merlin a exigé pour ses prestations, ce qui était justifié par leur volume, la mise à disposition d'un camion avec chauffeur, aucune clause d'exclusivité ne liait les deux sociétés et la société All Services Prestations était donc en mesure de développer d'autres activités, ce qu'elle a d'ailleurs fait à compter de 2014.
Il ne sera donc pas tenu compte d'un état de dépendance.
A compter du 1er octobre 2015, la rupture brutale est intervenue en ce que le recours de la société Leroy Merlin à un nouveau prestataire a entraîné un chiffre d'affaires limité avec la société All Services Prestations.
A compter de cette date, la société Leroy Merlin, devait accorder à la société All Services Prestations un préavis pour lui permettre de réorganiser son activité.
Les relations ayant duré de 2004 à 2015, compte tenu de leur régularité et du volume d'activité il sera accordé à la société All Services Prestations un préavis de 6 mois.
Il sera pris en compte pour calculer le préjudice, la marge brute réalisée durant les trois années complètes de 2013 à 2015, sans déduction de la marge partielle réalisée en 2016 puisque si durant cette année 2016, la société Leroy Merlin a confié quelques prestations à la société All Services Prestations, ce gain compensera la perte déjà intervenue au cours de l'exercice arrêté au 30/09/2015.
L'expert-comptable de la société All Services Prestations a déduit du chiffre d'affaires les frais d'exploitation ; si le pourcentage de marge brute équivalente est élevé, il est attesté par l'expert-comptable de la société All Services Prestations et n'est contredit par aucun document pertinent versé par la société Leroy Merlin.
Au cours de l'exercice arrêté au 30/09/2013, la marge brute constatée s'est élevée à 65 964,64 euros.
Au cours de l'exercice arrêté au 30/09/2014, la marge brute constatée s'est élevée à 58 291,74 euros.
Au cours de l'exercice arrêté au 30/09/2015, la marge brute constatée s'est élevée à 41 878,67 euros.
La marge brute moyenne annuelle durant les trois dernières années de 2013 à 2015 s'est élevée à 55 378 euros soit 27 689 euros pour six mois.
La société Leroy Merlin devra verser à la société All Services Prestations la somme de 27 689 euros à titre de dommages et intérêts pour l'indemniser de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Cette somme de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
La société All Services Prestations sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la dépendance économique qui n'a pas été retenue.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement en ce que le tribunal a jugé que la société All Services Prestations aurait dû bénéficier d'un préavis de la société Leroy Merlin de 12 mois et a condamné la société Leroy Merlin à lui payer la somme de 63 158,18 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
FIXE le préavis dont devait bénéficier la société All Services Prestations à six mois,
CONDAMNE la société Leroy Merlin à payer à la société All Services Prestations la somme de 27 689 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi pour rupture brutale de la relation commerciale établie, avec intérêts an taux légal à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
DÉCLARE recevable la demande de la société All Services Prestations de dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros au titre de la dépendance économique, mais non fondée,
DÉBOUTE la société All Services Prestations de sa demande de dommages et intérêts au titre de la dépendance économique,
DIT que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel,
REJETTE toute autre demande,
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.