CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 septembre 2020, n° 17/13022
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Design By Perspectives (SARL)
Défendeur :
MLD (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Lallement, Me Potier, Me Boccon-Gibod, Me Buscail
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Design By Perspectives (ci-après société Design) est spécialisée dans l'ameublement et l'agencement pour les établissements de santé, hôtels et maisons de retraite.
La société MLD a été l'un des agents commerciaux de la société Design, à compter de 2009. Aucun contrat n'a été formalisé.
Par lettre du 29 août 2014, la société MLD a pris acte de la rupture des relations en en imputant la responsabilité à la société Design.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 septembre 2014, la société Design a contesté cette rupture et affirmé son souhait de continuer la collaboration.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2014, la société MLD a sollicité la transmission par la société Design du tableau récapitulatif de ses commissions.
Par acte du 10 novembre 2014, la société MLD a assigné en référé la société Design devant le président du tribunal de commerce de Meaux en vue d'obtenir la communication du tableau récapitulatif de ses commissions pour l'année 2014 ainsi que des éléments justificatifs afférents.
Par ordonnance du 30 janvier 2015, le président du tribunal de commerce de Meaux a enjoint, sous astreinte, à la société Design de produire un tableau récapitulatif à jour des commissions dues pour l'année 2014 et les pièces justificatives afférentes.
Par ordonnance du 23 octobre 2015, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 mai 2017, le juge des référés de Meaux a débouté la société MLD de sa demande liquidation de l'astreinte, estimant que la société Design avait produit dans les délais les documents demandés.
Par acte du 28 mai 2015, la société MLD a assigné la société Design devant le tribunal de commerce de Meaux en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 128 612 euros TTC au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial outre une somme de 17 961,97 euros au titre des commissions restant dues.
Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de commerce de Meaux a :
- reçu la société MLD en sa demande, au fond et l'a dite en partie fondée,
- dit que la société Design porte la responsabilité de la rupture du contrat,
- reçu la société Design en sa demande reconventionnelle, au fond l'a dite mal fondée et l'en a déboutée,
- condamné la société Design à payer à la société MLD la somme de 81 944 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat,
- dit que la société Design a retardé l'envoi des tableaux de commissions et l'a fait sous une forme invérifiable,
- condamné la société Design à payer à la société MLD la somme de 13 556,68 euros au titre des commissions dues,
- condamné la société Design à payer à la société MLD la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Design aux dépens.
Par déclaration du 28 juin 2017, la société Design a interjeté appel de ce jugement.
En exécution du jugement, la société MLD a fait pratiquer une saisie-attribution le 3 août 2017 entre les mains du Crédit Agricole pour le recouvrement d'une somme de 99 759,05 euros. Cette saisie a été fructueuse.
Par acte du 7 août 2017, la société Design a saisi le premier président de la cour d'appel de Paris aux fins d'être autorisée à consigner la somme de 95 500,68 euros due en exécution du jugement déféré.
Par ordonnance du 15 novembre 2017, la société Design a été autorisée à consigner cette somme.
Le 27 novembre 2017, la société Design a consigné une somme de 95 500,68 euros à la Caisse des dépôts et consignations.
Par jugement du 14 décembre 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux a débouté la société Design de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution effectuée le 3 août 2017.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions du 4 septembre 2019, la société Design demande à la cour de :
Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,
Vu les articles 1231 et suivants du code civil,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
- dire et juger qu'elle ne peut être tenue pour responsable de la rupture de la relation avec son agent commercial, la société MLD ;
- dire et juger qu'en conséquence la rupture a été abusivement et unilatéralement décidée par la société MLD sans respecter de préavis ;
- constater qu'elle a subi un préjudice important lié à la perte soudaine de son agent commercial, la société MLD ;
En conséquence,
- condamner la société MLD à lui verser la somme de 53 278,20 euros au titre de dommages-intérêts pour rupture brutale du contrat d'agent commercial ;
- dire et juger qu'aucune commission ne reste due à la société MLD, et très subsidiairement sur ce point, ordonner une expertise comptable pour faire les comptes entre les parties ;
- condamner la société MLD à lui rembourser la somme de 99 759,05 euros qui a d'ores et déjà été réglée par cette dernière ;
- débouter la société MLD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
- ordonner la libération des fonds consignés auprès de la caisse des dépôts et consignations à son profit (n° de consignation 29/49/575 - catégorie 400) pour un montant de 95 500,68 euros ;
- condamner la société MLD à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société MLD aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL BDL Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de son appel, la société Design dément être à l'origine de la cessation des relations avec la société MLD. Elle soutient que la décision de cette dernière de rompre le contrat d'agent commercial ne lui est pas imputable et résulte d'une stratégie concertée avec un autre de ses agents commerciaux, la société B2M. Elle soutient que ces deux sociétés se sont entendues pour reprendre à leur compte l'activité qu'elles menaient jusqu'alors en tant qu'agents commerciaux et ont pris prétexte de difficultés informatiques qu'elle a rencontrées pendant l'été 2014 pour lui imputer la rupture des relations.
Elle fait tout d'abord valoir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée pour avoir proposé à son agent de conclure un contrat écrit. Elle observe que son souhait de formaliser les relations datait de 2012 et qu'aucune contrainte n'a été exercée à l'encontre de la société MLD qui a pu refuser à deux reprises la conclusion d'un contrat écrit. Elle ajoute que le projet de contrat ne modifiait aucunement les conditions d'exercice du mandat d'agent commercial. Elle prétend ainsi qu'aucune exclusivité territoriale n'a jamais été consentie à la société MLD. Elle affirme à cet égard que l'activité de ses agents commerciaux n'est pas sectorisée géographiquement mais par projet. Elle observe que la société MLD est dans l'incapacité de délimiter la zone géographique sur laquelle elle prétend avoir exercé une exclusivité. Elle soutient en outre que contrairement à ce qu'allègue la partie adverse, le projet de contrat ne modifiait pas les modalités de paiement des commissions puisqu'il a toujours été d'usage de ne régler les commissions qu'à la fin d'un projet. Elle ajoute que le projet de contrat ne modifiait ni le système de communication entre les parties ni l'accès au serveur de l'agent commercial.
Ensuite elle affirme que la coupure d'accès aux serveurs informatiques qui lui est reprochée ne résulte d'aucune action en représailles de sa part. Elle explique que le serveur nécessitait une opération de maintenance qui a été réalisée pendant la fermeture annuelle de l'entreprise du 31 juillet au 25 août. Elle fait valoir que cette coupure n'a eu lieu que sur quelques jours et que la société MLD pouvait tout à fait travailler sans accès au serveur dès lors qu'elle disposait d'une autre adresse de messagerie électronique et qu'elle pouvait lui demander une assistance pour l'établissement de devis ou solliciter de sa part l'envoi du tableau des commissions. Elle prétend avoir adressé à la société MLD les nouveaux codes d'accès aux serveurs dès le 28 août, soit antérieurement à sa lettre de rupture.
Elle considère que dans la mesure où elle n'est pas à l'origine de la cessation du mandat d'agent commercial, elle n'est redevable d'aucune indemnité.
En revanche, elle estime que la société MLD aurait dû respecter un préavis de trois mois, en application des dispositions de l'article L. 134-11 alinéa 3 du code de commerce, avant de cesser les relations. Elle revendique en conséquence une indemnité à ce titre. Elle affirme que le départ brutal de l'un de ses agents commerciaux l'a mise en difficulté pour répondre aux demandes de ses clients.
Elle estime avoir intégralement réglé les commissions dues à la société MLD au titre de l'exercice 2014 et dément avoir fait obstruction au calcul desdites commissions. Elle explique que les projets qui lui sont confiés par ses clients sont menés sur deux à trois ans entre le moment où la construction de l'établissement de soins est décidée et le moment où la livraison dudit établissement est effectuée. Or elle observe que la commission de l'agent commercial, calculée sur la marge réalisée, ne peut être déterminée qu'après paiement du marché par ses clients et règlement de ses fournisseurs.
Enfin elle revendique le remboursement de la somme de 99 759,05 euros saisie en exécution du jugement du 30 mai 2017 en cas d'infirmation de ce jugement.
En tout état de cause, elle sollicite la restitution de la somme de 95 500,68 euros qu'elle a consignée à la caisse des dépôts et consignations au titre de l'exécution provisoire dudit jugement.
Dans ses dernières conclusions du 11 septembre 2019, la société MLD demande à la cour de :
Vu les articles 1134 ancien et suivants du code civil,
Vu les articles 1315 et 1240 du code civil,
Vu les articles L. 134-4 et suivants du code de commerce,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Design ;
- la déclarer recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes ;
Y faisant droit,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a :
Dit et jugé que la société Design était responsable de la cessation de ses relations avec la société MLD ;
Dit et jugé que cette rupture était fautive et justifiait l'allocation d'une indemnité de cessation du contrat ;
Dit et jugé que la société Design avait fautivement retardé la communication des éléments lui permettant de calculer le solde des commissions lui étant encore dues ;
Dit et jugé que la société Design avait manipulé le mode de calcul des commissions dues et les avait présentées sous un format inexploitable et invérifiable ;
Condamné la société Design à lui payer au titre des commissions dues, la somme de 13 556,68 euros TTC ;
Rejeté toutes les demandes de la société Design ;
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a, sur le quantum, condamné la société Design à lui régler une somme de 91 944 euros TTC au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial ;
Statuant à nouveau,
- condamner la société Design à lui régler une somme de 163 888 euros TTC au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial ;
- débouter la société Design de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société Design à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société MLD soutient que la société Design est à l'origine de la rupture des relations. Elle affirme que celle-ci a voulu modifier unilatéralement les conditions d'exercice du mandat en lui adressant à la fin du mois de mai 2014 un nouveau contrat qui supprimait l'exclusivité territoriale dont elle bénéficiait, qui lui fermait l'accès aux informations relatives aux ventes conclues par son intermédiaire et qui différait le versement de ses commissions ; conditions qu'elle a refusées. Elle ajoute s'être trouvée quelque temps après, à compter de la fin du mois de juillet 2014, dans l'impossibilité d'exercer son mandat d'agent commercial en raison de la suppression de l'accès à sa messagerie électronique, au logiciel de gestion de son mandant ainsi qu'aux fichiers partagés. Elle explique n'avoir reçu aucune réponse aux nombreuses demandes d'explication adressées à la société Design et avoir été contrainte, dans ces conditions, de prendre acte de la rupture des relations.
Elle critique le jugement entrepris en ce qu'il ne lui a pas alloué une indemnité conforme à l'usage, soit deux années de commissions calculées sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice du contrat.
Par ailleurs, elle dénonce l'obstruction faite par la société Design pour lui communiquer des informations fiables et justifiées en vue de calculer ses commissions pour l'année 2014.
Pour s'opposer aux demandes de la société Design, elle soutient que l'article L.442-6, I,5° du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer lorsqu'un texte spécial régit les conditions de la rupture du lien contractuel pour une activité spécifique ; ce qui est le cas pour les relations entre un agent commercial et son mandant.
Elle s'oppose à la demande formulée au titre de l'indemnité de préavis dans la mesure où la rupture est imputable à la société Design. Elle dénie par ailleurs l'existence du préjudice allégué par l'appelante.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2019.
MOTIFS
Sur l'indemnité de rupture :
Sur le principe de l'indemnité :
L'article L134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
En l'espèce, la société Design prétend que la cessation du contrat résulte de l'initiative de son agent ; ce que conteste la société MLD.
Il est constant que par lettre du 29 août 2014, la société MLD a pris acte de la rupture du mandat d'agent commercial qui lui était confié par la société Design en ces termes :
« Christophe,
Faisant suite à notre entretien téléphonique d'hier, je prends acte de ta volonté de mettre un terme à notre collaboration.
Cette décision s'illustre d'ailleurs par le fait que depuis le 25 juillet 2014 il m'est impossible d'accéder d'une part à mes emails et d'autre part au logiciel de gestion.
Ces deux serveurs étant parfaitement indépendants, il ne peut évidemment pas s'agir d'un problème informatique mais d'une action délibérée de ta part.
Aussi, je te saurai gré de bien vouloir me transmettre dès à présent le bilan des affaires pour lesquelles je n'ai pas encore émis de facture afin de pouvoir calculer leur montant exact. »
Il est établi que ce courrier a fait suite à plusieurs messages téléphoniques et électroniques ainsi que des minimessages demeurés sans réponse de la part de la société Design à propos d'une impossibilité de la société MLD d'accéder à sa messagerie électronique et au serveur de la société Design :
- Courriel du 5 août 2014 de X, gérant de la société MLD, à Z, assistante achat et logistique de la société Design, avec copie à Christophe Janssoone, gérant de la société Design, au sujet de l'accès à l'informatique :
« Cette situation est inacceptable.
Le serveur mail n'a aucun lien avec le logiciel clé et le TSE en général.
Nous sommes bloqués depuis le 25 juillet sans aucun moyen de communiquer avec nos clients ni même de donner suite aux devis en cours.
Nous avons, A (gérant de la société B2M) et moi même tenté de joindre Y près d'une centaine fois sans succès et cela exactement au moment où nous commencions à vouloir discuter le contrat d'agent commercial que Perspectives a voulu nous faire signer.
Ces méthodes insupportables ne sont pas dignes d'une entreprise sérieuse. »
- minimessage du 26 août 2014 de M. X à Y « Nous sommes maintenant le 26 août, il m'est maintenant impossible de travailler depuis plus d'un mois. Que comptes-tu faire ? »
- minimessage du 27 août 2014 de M. X à Y « Les dossiers en cours ont été réglés par les clients. Il m'est impossible de connaître les marges et d'effectuer la facturation correspondante ce qui met mon entreprise en péril. Merci de me transmettre les informations dès aujourd'hui. »
- Courriel du 27 août 2014 adressé par M. X à Y :
« Christophe,
Nous sommes le 27 aout et je suis depuis maintenant plus d'un mois dans l'incapacité d'exercer la moindre activité pour le compte de Perspectives, mes accès au serveur mail et au logiciel de gestion étant bloqués par tes soins.
Malgré mes différentes relances par mail, sms et téléphone, il est impossible d'échanger avec toi.
Je ne comprends pas où tu souhaites en venir mais ce blocage met en en péril mon activité et risque de me forcer à déposer le bilan.
Merci de me contacter dans la journée pour obtenir une explication de ta part. »
Il n'est par ailleurs pas contesté que l'accès au logiciel de gestion « CLE » de la société Design permettait notamment à l'agent commercial de créer de nouveaux clients, des devis, des bons de commande, d'accéder à la base de données de fournisseurs et de suivre l'avancement des affaires en cours. En outre, les fichiers partagés sur le serveur contenaient notamment le tableau des commissions permettant de suivre les affaires en cours, les informations sur les fournisseurs, les plaquettes…
Pour expliquer l'absence de réponse apportée à ces demandes répétées de la part de son agent, la société Design se contente d'expliquer qu'elle a entrepris une opération de maintenance sur son serveur et que l'entreprise était fermée du 31 juillet au 25 août 2014.
Or il convient de relever que la société Design verse aux débats un devis du 16 juillet 2014 de la société Synchrone, prestataire informatique, relatif à des travaux informatiques sur son réseau. Il en ressort que les travaux concernant les messageries électroniques devaient être réalisés le 18 juillet 2014 et que le surplus des travaux devait se tenir du 21 au 25 juillet 2014. L'attestation de Jean-Marie Genevard, informaticien, confirme que les travaux se sont déroulés la semaine du 21 au 25 juillet 2014. Ainsi rien n'explique que l'accès au serveur et à la messagerie électronique ait été rendu impossible pour la société MLD postérieurement au 25 juillet 2014. Il résulte en outre des propres pièces de la société Design que les nouveaux codes d'accès au serveur n'auraient été délivrés, au mieux, à la société MLD que le 28 août 2014, soit plus d'un mois après la fin des travaux, étant observé que la société MLD conteste la transmission-même desdits codes d'accès.
La société Design ne saurait invoquer sa fermeture annuelle estivale pour exclure toute faute de sa part alors qu'il lui appartenait de mettre son agent commercial en mesure d'exécuter son mandat à tout moment et, au titre de son obligation de loyauté, de répondre à ses demandes d'explications répétées.
Il sera enfin relevé que cette attitude de mauvaise foi de la part de la société Design a fait suite à un refus de la part de son agent commercial d'accepter les conditions du contrat d'agent commercial transmis au mois de mai 2014. En outre, la thèse de la société Design selon laquelle la société MLD se serait concertée avec la société B2M pour la concurrencer tout en lui faisant payer une indemnité de cessation de relations n'est aucunement démontrée étant précisé que l'attestation peu circonstanciée de B, agent commercial de la société Design, selon laquelle X lui aurait annoncé son intention de quitter la société Design dès le mois de juin 2014 n'est corroborée par aucun autre élément probatoire.
Dans ces conditions, il sera retenu que la rupture du mandat d'agent commercial est imputable à la société Design.
Sur le quantum de l'indemnité :
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
Or, en l'espèce, compte tenu de la durée de moins de six années de la mission d'agence commerciale, de l'absence d'investissements spécifiques, de l'absence de clause de non-concurrence après la cessation d'activité pour le compte de la société Design et de la poursuite d'une activité avec la société B2M immédiatement après la cessation du mandat, le préjudice financier résultant de la rupture du contrat d'agent commercial a justement été évalué par les premiers juges à une somme de 81.944 euros correspondant à une année de commissions calculée sur la base de la moyenne des commissions perçues les trois dernières années (58 604 euros TTC en 2011 + 96 134 euros TTC en 2012 + 91 094 euros TTC en 2013). Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les commissions restantes dues :
L'article L. 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.
L'article L. 134-7 du code de commerce indique que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.
L'article L. 134-9 du même code prévoit que la commission est acquise dès que le mandant a exécuté l'opération ou devrait l'avoir exécutée en vertu de l'accord conclu avec le tiers ou bien encore dès que le tiers a exécuté l'opération. La commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l'opération ou devrait l'avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part. Elle est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise.
L'article R.134-3 du même code précise que le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises ; que ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ; et que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
En l'espèce, la société MLD réclame le paiement d'une somme de 13 556,68 euros correspondant à :
- une facture n° 18.11.14 du 18 novembre 2014 d'un montant de 24 657,74 euros TTC, déduction faite d'un paiement de 11 101,06 euros intervenu le 18 septembre 2015.
La société Design soutient qu'elle a réglé la totalité des sommes dues à la société MLD et invoque une erreur de calcul sur les commissions de l'année 2013 et des factures de fournisseurs à déduire des sommes réclamées.
Il résulte d'un procès-verbal d'huissier que le 13 février 2015, la société Design a remis à la société MLD un tableau de commissions pour l'année 2014 en format Excel ainsi que les justificatifs des factures de vente 2014 reçus de ses fournisseurs à la date du 13 février 2015.
Selon ces documents, le solde des commissions dues à la société MLD s'élevait à un montant de 17 961,97 euros TTC. La société MLD a ainsi établi une nouvelle facture n° 13 02 15 du 13 février 2015 d'un montant de 17 961,97 euros TTC et émis un avoir de 24 657,74 euros TTC sur la facture n° 18.11.14 du 18 novembre 2014.
A défaut pour la société MLD, qui a reçu de son mandant les pièces justificatives permettant l'établissement du tableau de commissions remis le 13 février 2015, d'établir le caractère erroné de ce tableau, le solde de commissions figurant à cette date sur ce tableau sera retenu.
Il appartient ensuite à la société Design de justifier des erreurs de calculs qu'elle allègue au titre de l'année 2013 ou encore des factures de fournisseurs reçues postérieurement au 13 février 2015 pour affirmer que le solde annoncé au 13 février 2015 était erroné.
Or la société Design ne rapporte pas cette preuve à l'exception de deux factures versées aux débats correspondant au dossier A+Santé : facture Garantpose du 18 avril 2015 pour un montant de 82 euros HT et facture Am Deco du 11 juin 2015 pour un montant de 1.670 euros HT, ce qui équivaut à 727 euros de commission indue au titre de ce dossier [(1 670 euros + 82 euros) x 41,5 %].
En conséquence, il convient de fixer à 6 133,90 euros TTC le solde de commissions dû par la société Design à la société MLD (17 961,97 euros, 11 101,06 euros, 727 euros). Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Design
Au soutien de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, la société Design invoque d'une part, une rupture brutale des relations et le non-respect d'un préavis par son agent et d'autre part, une concurrence déloyale de celui-ci.
A titre liminaire sur le préjudice résultant de la rupture brutale des relations, il sera rappelé que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ne s'appliquent pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant, la durée de préavis devant être respectée à cette occasion étant fixée par l'article L. 134-11 du code de commerce.
Cet article prévoit que lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
En outre, il ne peut être alloué une indemnité de préavis au mandant auquel est imputée la rupture du contrat d'agent commercial, quand bien même il n'aurait commis aucune faute grave.
En l'espèce, la société Design est mal fondée à se prévaloir de l'inexécution d'un préavis par la société MLD pour revendiquer une indemnité de préavis dès lors que la rupture du contrat d'agent commercial lui est imputable.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Design de sa demande de ce chef.
Par ailleurs, en ce qui concerne les actes de concurrence déloyale, il convient de relever que les faits invoqués concernent la société B2M et non la société MLD.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts de la société Design sera écartée.
Sur la demande de restitution des sommes saisies
La société Design demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Toutefois le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, étant précisé que les sommes devant être restituées porteront intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Design de ce chef.
Sur la demande au titre de la somme consignée à la Caisse des dépôts et consignations
Il est établi que parallèlement à la saisie d'une somme de 99 759,05 euros effectuée le 3 août 2017 par la société MLD en exécution du jugement entrepris, la société Design a consigné la somme de 95 500,68 euros le 27 novembre 2017 à la Caisse des dépôts et consignations pour garantir l'exécution du même jugement.
En l'absence d'éléments suffisants sur les comptes entre les parties, il apparaît prématuré d'ordonner la libération au profit de la société Design des fonds consignés auprès de la caisse des dépôts et consignations pour un montant de 95 500,68 euros. Ce chef de demande sera donc rejeté.
En cas de difficulté d'exécution du présent arrêt, il appartiendra aux parties de saisir le juge de l'exécution.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Design succombe à l'instance d'appel.
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
La société Design sera condamnée à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par la société BDL Avocats selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à régler à la société Design une somme de 3 000 euros supplémentaire en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement sauf en ce qui concerne le montant des commissions dues par la société Design By Perspectives ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Design By Perspectives à régler à la société MLD une somme de 6 133,90 euros TTC au titre du solde de commissions dû ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Design By Perspectives de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une concurrence déloyale et de sa demande de libération des fonds consignés auprès de la caisse des dépôts et consignations pour un montant de 95 500,68 euros ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
CONDAMNE la société Design By Perspectives à régler à la société MLD une somme supplémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Design By Perspectives à supporter les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par la société BDL Avocats selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.