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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 octobre 2020, n° 18/07228

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eurodesserts (Sté), Incopack (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Lallement , Me Regnier

T. com. Paris, du 7 févr. 2018

7 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société X a débuté en 1994 son activité de conseil et d'assistance dans le domaine commercial et marketing, négoce et distribution de produits alimentaires, sous la forme d'une SARL puis d’une SAS dont l'unique associé est M. Y.

Dès sa création, la société X a commencé à travailler pour la société Eurodesserts qui est une société de droit belge, spécialisée dans la production industrielle de desserts laitiers frais et longue conservation, en pots individuels.

En 2001, la société Eurodesserts a été achetée par la société Incopack, société de droit belge, exerçant l'activité de production des crèmes alimentaires en aérosol. La société Eurodesserts a alors formalisé ses relations avec la société X par la signature d'un contrat lui confiant la responsabilité du marketing et du développement des ventes de ses produits dans la zone sud Europe, notamment en France et en Italie, à l'exclusion de l'Espagne.

Par courriel du 16 juillet 2015, Mme Z, dirigeante du groupe des sociétés Eurodesserts et Incopack, a indiqué à la société X son intention de mettre fin à leur relation.

La société X a pris acte de la décision des sociétés Incopack et Eurodesserts, par courriel du 22 juillet 2015.

Par l'intermédiaire de son conseil, la société Eurodesserts a informé, le 1er septembre 2015, la société X de la résiliation effective du contrat au 30 juin 2016.

Par courrier de son conseil en date du 24 septembre 2015, la société X a pris acte de la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2016, et rappelé que la résiliation devait faire l'objet d'une indemnisation.

Faute d'accord entre les parties sur les modalités financières de la rupture, la société X a fait assigner, par acte d'huissier de justice du 23 novembre 2016, la société Eurodesserts et la société Incopack devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir, notamment, le paiement d'indemnités compensatrices de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Par jugement rendu le 7 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la SAS X a agi en qualité d'agent commercial des sociétés Incopack et Eurodesserts ;

- constaté la rupture des contrats d'agent commercial à l'initiative des sociétés Incopack et Eurodesserts ;

- condamné la société Incopack à verser à la SAS X la somme de 108 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture ;

- condamné la société Eurodesserts à payer à la SAS X la somme de 108 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice du fait de la rupture ;

- condamné les sociétés Incopack et Eurodesserts au paiement d'une somme de 2 500 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire des présentes décisions sous réserve qu'en cas d'appel, la SAS X fournisse la caution d'une banque, couvrant, en cas d'exigibilité de leur remboursement, et jusqu'à remboursement effectif, toutes les sommes versées en exécution du présent jugement, outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes ;

- condamné les sociétés Incopack et Eurodesserts aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 euros dont 16,55 euros TVA.

Par déclaration du 6 avril 2018, la société Eurodesserts et la société Incopack ont interjeté un appel total de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 décembre 2019, la société Eurodesserts et la société Incopack, appelantes, demandent à la cour de :

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article 1315 ancien du code civil,

Sur l'appel principal,

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté ;

- juger que la société X, dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Incopack, ne démontre pas qu'elle a exercé une activité relevant du statut d'agent commercial ;

- juger que la société X, dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Eurodesserts NV, ne démontre pas qu'elle a exercé une activité relevant du statut d'agent commercial ;

- juger que la société X, dans le cadre de ses relations contractuelles avec les sociétés Eurodesserts NV et Incopack ne détenait aucun pouvoir permanent de négociation ;

- juger que la société X, dans le cadre de ses relations contractuelles avec les sociétés Eurodesserts NV et Incopack ne démontre pas l'existence d'un mandat d'intérêt commun ;

- juger que si la qualification de mandat d'intérêt commun était retenue le préjudice ne peut être évalué à la somme de 108 000 euros contre la société Eurodesserts et à la somme de 128 417,88 euros contre la société Incopack ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a qualifié la relation contractuelle d'agence commerciale et a condamné les sociétés Eurodesserts NV et Incopack à verser chacune une indemnité de 108 000 euros à la société X ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a condamné les sociétés Incopack et Eurodesserts NV à verser chacune à la société X au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros ;

- débouter la société X de l'ensemble de ses demandes et notamment celles sur le mandat d'intérêt commun ;

Sur l'appel incident,

- juger que la société X ne démontrent pas que des opérations éventuellement conclues par les sociétés Incopack et Eurodesserts, après la cessation du contrat sont dues à son activité ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société X de sa demande fondée sur l'article L. 134-17 du code de commerce ;

En tout état de cause,

- condamner la société X à verser à chacune des sociétés Incopack et Eurodesserts NV la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL BDL Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 novembre 2019, la société X, intimée, demande à la cour de :

- dire et juger que la société X est recevable et bien fondée dans toutes ses prétentions, fins et conclusions ;

Vu les articles L. 134-1 et L. 134-12 al. 1er du code de commerce,

- confirmer le jugement de première instance et ce qu'il a dit et jugé que la société X agissait en qualité d'agent commercial des sociétés Incopack et Eurodesserts ;

- confirmer le jugement de première instance et ce qu'il a constaté la rupture des contrats d'agent commercial à l'initiative des sociétés Incopack et Eurodesserts.

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société X de sa demande au titre des commissions et condamner la société Incopack à verser à X la somme de 22 000 euros au titre des commissions sur les opérations conclues dans un délai raisonnable après la cessation du contrat d'agence et principalement dues à l'activité de X au cours du contrat d'agence ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société X de sa demande au titre des commissions et condamner la société Eurodesserts la somme de 27 000 euros au titre des commissions sur les opérations conclues dans un délai raisonnable après la cessation du contrat d'agence et principalement dues à l'activité de X au cours du contrat d'agence ;

- confirmer les condamnations prononcées au titre de l'indemnité de rupture à l'encontre des sociétés Incopack et Eurodesserts dans leur principe ;

- infirmer le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Incopack et condamner cette dernière au paiement d'une indemnité de 128 147,88 euros HT, aux lieux et place des 108 000 euros prononcés ;

- confirmer la condamnation au paiement de la somme de 108 000 euros prononcée à l'encontre de la société Eurodesserts ;

- enjoindre aux sociétés Incopack et Eurodesserts de communiquer à la société X un extrait de leurs documents comptables afin de lui permettre de vérifier le montant précis des commissions qui lui sont dues ;

Subsidiairement,

- constater que la société X était liée aux sociétés Incopack et Eurodesserts par un mandat d'intérêt commun.

En conséquence,

- condamner la société Incopack à payer à X la somme de 128 147,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture ;

- condamner la société Eurodesserts à payer à X la somme de 108 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice du fait de la rupture ;

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Incopack et Eurodesserts au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Incopack et Eurodesserts aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 septembre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample eX posé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et auX écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nature de la relation commerciale

Les appelantes critiquent le jugement de première instance en ce qu'il a qualifié la relation avec la société X de contrat d'agent commercial. Elles soutiennent que la société X n'avait aucune marge de manœuvre car elle devait obtenir leur accord préalable avant de faire sa proposition à des clients, que M. Y se contentait de transmettre des offres et ne disposait d'aucun pouvoir permanent de négociation au nom et pour le compte des sociétés Incopack et Eurodesserts.

La société X sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce ;

Le statut de l'agent commercial est régi par les articles L. 134-1 et suivants du commerce.

L'article L. 134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme : « un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. »

Ces dispositions légales sont issues de la transposition de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986.

L'article 3 de la Directive a défini les obligations de l'agent commercial comme suit :

« 1. Il doit, dans l'exercice de ses activités, veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi.

2. En particulier, il doit :

a) s'employer comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé ;

b) communiquer au commettant toute information nécessaire dont il dispose ;

c) se conformer aux instructions « raisonnables » données par le commettant. »

Il en résulte que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

De même, l'inscription de l'intermédiaire au registre spécial des agents commerciaux n'est une condition ni suffisante, ni nécessaire à la reconnaissance de ce statut.

En effet, le pouvoir de négocier de l'agent commercial ne saurait se limiter à celui de baisser les tarifs et de modifier les conditions générales de vente du mandant, puisque ainsi que le soutiennent à juste titre les intimés, la négociation dont est chargé l'agent commercial s'entend de l'ensemble des démarches, discussions et rencontres organisées par lui en vue de trouver des prospects et de les inciter à conclure un contrat avec le mandant, étant rappelé que l'essence de sa mission est de rechercher et procurer à ce dernier des nouveaux clients et de les fidéliser, tout en étant libre de l'organisation de ses modalités de travail et sachant que la clientèle ainsi constituée sera commune aux deux parties, mandant et agent, lequel peut d'ailleurs être en charge d'autres mandats (sauf exclusivité contractuelle). Il est rappelé en outre que la qualité de mandataire indépendant de l'agent commercial s'entend tout à la fois de ce qu'il exerce à ses risques et se trouve libre et autonome s'agissant de son organisation de travail, ce qui le différencie du simple mandataire.

En l'espèce, aux fins de démontrer la réalité des missions accomplies par la société X pour les sociétés appelantes, c'est-à-dire l'exercice effectif de l'activité de M. Y, unique associé de sa SAS, les parties versent aux débats de nombreux emails échangés sur la période de 2001 à 2016 entre M. Y et les dirigeants successifs des sociétés appelantes, ces derniers étant les mêmes pour les deux sociétés : M. Z jusqu'en 2014 puis sa fille Mme Z à compter de fin 2014 qui lui a succédé après son décès.

Il ressort de la lecture de ces multiples échanges (pièces 3 à 12 et 14 de Eurodesserts et Incopack ; et pièces 26 à 33 et 36, 37 40 à 46, 54 à 56 de X) que M. Y, unique associé de la société X, organisait de manière autonome son travail, que son nom aux côtés de « Eurodesserts » ou « Incopack » était mentionné au bas des courriels adressés aux clients de ces dernières, qu'il avait la compétence et l'autorité suffisante pour conduire de manière permanente au nom de ses mandantes les discussions commerciales notamment avec les grands distributeurs tels qu'Auchan, Carrefour ou Casino, ou avec des donneurs d'ordre tel que Yoplait. Or, le pouvoir de négocier est essentiel pour caractériser le statut de l'agent commercial.

Il ressort également de l'analyse de ces mêmes échanges que si M. A... exerçant dans le cadre de la SAS X ne disposait pas du pouvoir de faire varier de façon totalement autonome et indépendante les tarifs ou les conditions de vente du mandant, cependant, comme l'ont relevé pertinemment les juges du tribunal de commerce, cela ne peut suffire à écarter le statut d'agent commercial, le mandant pouvant fixer un cadre de négociation concernant les prix, et l'agent garder le pouvoir de négociation.

Cette position des premiers juges a été confirmée par l'avis de la CJUE du 4 juin 2020, C-828/18, Trendsetteuse SARL c. DCA SARL, selon lequel il n'est pas nécessaire pour une personne de disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial.

En l'espèce, le fait que le mandataire assurait la conduite de réunions portant sur la détermination des prix avec les clients et la proposition de vente de prestations et de produits dans le cadre du mandat permet de caractériser le statut d'agent commercial de ce dernier, même si l'accord sur les prix et prestations nécessitait l'accord préalable du mandant.

Par conséquent, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a jugé que la société X devait bénéficier du statut d'agent commercial dans sa relation avec les sociétés Eurodesserts et Incopack.

Sur les sommes dues à la suite de la rupture de la relation commerciale

- les indemnités compensatrices :

Les sociétés Eurodesserts et Incopack réfutant le statut d'agent commercial à la société X demande l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer une indemnité compensatrice prévue par les dispositions régissant la rupture du contrat d'agent commercial.

La société X, quant à elle, interjette un appel partiel sur le quantum alloué pour la rupture avec la société Incopack, en estimant que l'indemnité doit être portée à hauteur de 128 147,88 euros (2 années de commissions sur la base des commissions calculées sur la base de 3 dernières années de 2013, 2014 et 2015) et demande la confirmation sur l'indemnité de la rupture avec la société Eurodesserts.

Sur le quantum des indemnités :

L'article L. 134-12 al. 1er du code de commerce prévoit que « En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ».

En principe, en cas de rupture du contrat, l'agent a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette règle est d'ordre public.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

Or, en l'espèce, compte tenu de la très longue durée de la mission d'agence commerciale qui a débuté en 1994 pour la société Eurodesserts et en 2001 pour la société Incopack (soit plus de 20 ans pour la première et plus de 15 ans pour la seconde), et en l'absence de faute de société X, il n'existe pas de raison de s'écarter de cet usage.

Le préjudice a donc été justement évalué à deux années de commissions par les premiers juges, cette indemnisation compensant la perte de clientèle pour société X.

Sur la base des tableaux de « commissions Incopack et Eurodesserts » de 2013 à 2016 attestés par l'expert-comptable de la société X en pièce 25, ces chiffres n'étant pas contestés de façon pertinente par les appelantes, il convient de fixer les indemnités dues, en prenant en compte les moyennes des trois dernières années de commissions versées par la société Incopack à la société X qui ont été de 45 344,19 euros (90.688,38 /2) sur les 6 derniers mois de 2013, de 48 272,40 euros sur 12 mois en 2014, de 53 261 euros sur 12 mois en 2015 et de 30 595,08 euros sur les 6 premiers mois de 2016 soit une moyenne mensuelle de 4 929,80 euros. L'indemnité due par Incopack doit donc être fixée comme suit : 24 mois X 4 929,80 euros = 118 315 euros.

La décision de premiers juges sera infirmée sur le quantum de l'indemnité compensatrice due par la société Incopack.

Concernant la société Eurodesserts, il ressort de ce même tableau attesté par l'expert-comptable de la société X qu'une commission mensuelle fixe de 4 500 euros a été versée sur la même période de 2013 à 2016. L'indemnité pour 24 mois est donc de 108 000 euros telle que les premiers juges l'avait fixée pour compenser la perte de clientèle due à la rupture de la relation commerciale.

- les commissions restant dues :

La société X interjette un appel incident sur le rejet de sa demande en paiement des commissions prévues par l'article L. 134-7 du code de commerce. A cet effet, elle fait valoir que la période de 6 mois à prendre en compte débute au 30 juin 2016, soit à compter de la rupture effective et non à compter du délai des 6 mois de préavis ayant précédé la rupture. A ce titre, la société X sollicite la somme de 22 000 euros pour les contrats Incopack / Auchan, Davigel, Casino et Blini, et pour les contrats Eurodesserts/ Yoplait France et UK, et Aldi France la somme de 27 000 (soit 4 500 euros de commissions fixes conformément à l'accord entre les parties).

Les sociétés Eurodesserts et Incopack demandent la confirmation du jugement sur ce point en faisant valoir que la société X ne justifie ni du délai raisonnable de 6 mois, ni du fait que les opérations éventuellement conclues, après la cessation du contrat sont dues à son activité.

Sur ce ;

L'article L. 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

L'article L. 134-7 du code de commerce qui consacre le droit de suite ou le principe des commissions récurrentes dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

L'article R.134-3 du même code précise que le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises ; que ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ; et que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l'espèce, il ressort du courrier officiel de rupture que celle-ci est intervenue effectivement au 30 juin 2016 concernant le contrat liant la société X à la société Eurodesserts et il ressort de l'email de Mme Z en date du 16 juillet 2015 informant M. A... de son intention de rompre leur relation commerciale qu'elle souhaitait que cette rupture intervienne au même moment pour les deux sociétés qu'elle dirige soit Eurodesserts et Incopack.

S'agissant de contrats annuels passés avec les distributeurs ou donneurs d'ordre, il convient de confirmer qu'un délai de 6 mois est un délai raisonnable au sens de l'article L. 134-7 du code de commerce, cette période de 6 mois commence à courir à compter de la cessation du contrat soit à compter du 30 juin 2016 pour la relation tant avec la société Eurodesserts que la société Incopack : le délai à prendre en compte est donc jusqu'au 30 décembre 2016.

A l'appui de ses demandes, la société X affirme que les affaires logiquement conclues par ses mandantes dans ce délai sont « censées » être les suivantes pour la société Incopack : contrats Auchan, Davigel, Casino et Blini, et produit à l'appui de sa demande en pièce 49 un tableau prévisionnel. Cependant, cette seule pièce ne démontre pas précisément pour chacun de ses contrats que les commissions lui sont dues conformément à l'article L. 134-7 soit parce que l'opération était principalement due à son activité au cours du contrat d'agence soit parce que l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Quant à sa demande à l'encontre de la société Eurodesserts, la société X se contente de calculer sur la période de 6 mois après la cessation du contrat la commission fixe mensuelle de 4 500 euros qui était perçue en cours de contrat, sans plus d'explication.

Par conséquent, la société X échoue à justifier son droit aux commissions récurrentes ou droit de suite pour la période suivant la cessation de la relation avec les sociétés Incopack et Eurodesserts.

La décision de première instance sera donc confirmée sur ce point.

Sur les frais et dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé dans sa décision sur les frais et dépens de première instance.

Les sociétés Eurodesserts et Incopack, succombant au principal dans leur appel, supporteront in solidum les entiers dépens et participeront en outre à hauteur de la somme globale de 5 000 euros aux frais irrépétibles que la société X a dû engager dans le cadre de cet appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, excepté sur le quantum de l'indemnité compensatrice due par la société Incopack,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

CONDAMNE la société Incopack à payer à la société X la somme de 118 315 euros au titre de l'indemnisation compensatrice de rupture prévue à l'article L. 134-12 alinéa 1er du code de commerce,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum les sociétés Eurodesserts et Incopack à payer à la société X la somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Eurodesserts et Incopack aux entiers dépens de l'appel.