Livv
Décisions

Cass. com., 30 septembre 2020, n° 18-25.204

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Xerox (Sasu)

Défendeur :

Espace Info Com (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Richard, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Paris, Pôle 5 ch. 4, du 12 sept. 2018

12 septembre 2018

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2018), la société Xerox fabrique des machines d'impression qu'elle distribue notamment par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires exclusifs, qui concluent avec leurs clients, utilisateurs finaux des produits de marque Xerox, des contrats, dits « PagePack », de maintenance assurée en sous-traitance par la société Xerox.   

2. Des difficultés étant survenues lors de l'exécution du contrat conclu avec l'un de ces concessionnaires, la société Espace Info Com (la société EIC), la société Xerox l'a assignée en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat et a demandé le paiement de factures émises en application des conditions générales de ce contrat autorisant la société Xerox à cesser l'intégralité des prestations de maintenance au titre de tous les contrats « PagePack » conclus avec son concessionnaire en cas de défaut de paiement d'une seule facture afférente à l'un de ses contrats et de réclamer le paiement des prestations de maintenance même inexécutées. La société EIC a formé une demande reconventionnelle en réparation du préjudice causé par des faits de dénigrement imputés à la société Xerox. En cause d'appel, la société EIC a demandé l'annulation notamment de l'article 15-5 des conditions générales du contrat sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branche, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

4. La société Xerox fait grief à l'arrêt de dire que l'article 15.5 des conditions générales du contrat « PagePack » constitue une infraction à l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, que cette clause est inopposable à la société EIC et, en conséquence, de rejeter ses demandes en paiement de factures de sous-traitance de maintenance à hauteur de 99 750 euros et 165 294 euros, outre l'indemnité forfaitaire des frais de recouvrement relative à ces factures, alors « qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'en décidant néanmoins que l'article 15.5 des conditions générales "PagePack" créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, de sorte qu'il convenait de le déclarer inopposable à la société EIC, bien qu'en présence d'un tel déséquilibre significatif, seule une action en réparation soit ouverte à celui qui prétend en avoir été la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, III, du code de commerce. »

Réponse de la Cour  

5. La partie victime d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, est fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s'agissant d’une clause illicite qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte.

6. C'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui a retenu, par les motifs vainement critiqués par les cinq premières branches du moyen, que la clause litigieuse créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au détriment des concessionnaires, a rejeté les demandes en paiement de la société Xerox fondées sur cette clause.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. La société Xerox fait grief à l'arrêt de juger qu'elle a dénigré la société EIC et de la condamner, en conséquence, à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts alors : « 1°) que hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ; qu'en décidant néanmoins que la société Xerox avait dénigré la société EIC en divulguant à l'ensemble des clients de cette dernière sous contrat Xerox les difficultés qu'elle rencontrait pour obtenir le paiement de ses prestations de maintenance, bien que de tels propos aient été dirigés à l'encontre de la société EIC, à l'exclusion de ses produits ou de ses services, de sorte que, à les supposer fautifs, ils mettaient en cause son honneur ou sa considération et relevaient de l'action en diffamation et non de l'action en concurrence déloyale par dénigrement, la cour d'appel a violé l'article 29 de loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 ; 2°) que, subsidiairement, seule la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la société Xerox avait dénigré la société EIC, qu'elle avait divulgué à l'ensemble des clients de cette dernière sous contrat Xerox les difficultés qu'elle rencontrait pour obtenir le paiement de ses prestations de maintenance et que cette pratique, qui excédait l'information nécessaire des partenaires, l'avait discréditée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette information avait été rendue légitime compte tenu de l'obligation pour la société Xerox, en sa qualité de sous-traitant des prestations de maintenance, d'informer l'utilisateur final des produits Xerox de la résiliation des contrats de maintenance et des raisons qui l'avaient contrainte à ne plus réaliser ces prestations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

9. L'arrêt constate que la société Xerox a divulgué à l'ensemble des clients sous contrat avec la société EIC les difficultés de paiement qu'elle rencontrait avec cette dernière dans le cadre des contrats de sous-traitance par une lettre circulaire du 18 janvier 2016, rédigée en ces termes : « vous avez conclu avec la société EIC un contrat d'entretien de votre équipement de marque Xerox (...) ; (...) Xerox intervenait en effet en qualité de sous-traitant de la société EIC (...). Malheureusement, bien que clairement informée qu'à défaut de paiement, Xerox serait contrainte de cesser ses prestations, la société EIC ne s'est pas acquittée des sommes dues à Xerox pour ses prestations. Nous avons donc le regret de vous informer que nous avons dès lors été contraints d'arrêter définitivement nos prestations de maintenance. »  

10. En l'état de ces constatations sur le message litigieux imputant à faute à la société EIC l'impossibilité d'exécuter les prestations de maintenance promises par celle-ci à ses clients, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a relevé que cette communication excédait l'information nécessaire des clients utilisateurs des matériels de la société Xerox et a ainsi procédé à la recherche prétendument omise, en a déduit qu'elle jetait le discrédit sur les services rendus par la société EIC et était ainsi constitutive d'une pratique de dénigrement.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.