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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 30 septembre 2020, n° 19/03062

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Société des Marchés de la Région Parisienne (SAS), Société des Marchés de France (SAS), Mandon (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ienne-Berthelot

Conseiller :

Avocat :

Me Mayer

TGI Bobigny, du 9 nov. 2018

9 novembre 2018

Le 9 novembre 2018 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de BOBIGNY a rendu, en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, une ordonnance autorisant des opérations de visite et saisie dans les locaux des sièges sociaux et/ou des établissements secondaires des entreprises suivantes ainsi que dans les locaux des entreprises des mêmes groupes qui seraient situés à la même adresse :

SAS LES FILS DE MADAME B..., SAS B... ET ASSOCIES et SA B... GESTION : <adresse>;

SAS LOMBARD ET GUERIN GESTION : <adresse> ;

SAS SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE (SOMAREP) : <adresse> ;

SADADOUN PERE ET FILS : <adresse> ;

SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES MARCHES COMMUNAUX (SEMACO) : <adresse> ;

SARL MARCHES PUBLICS J. CORDONNIER et SAS LOISEAU MARCHES : <adresse> ;

SA ENTREPRISE DE GESTION ET DE SERVICES (E.G.S.) : <adresse> ;

SARL LE COMPTOIR DES MARCHES : <adresse>.

L'ordonnance était accompagnée de 123 pièces annexées à la requête du Directeur régional adjoint des entreprises de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'île de France.

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée sur le fondement de l'article L. .  450-4 du Code de commerce au motif que les entreprises citées seraient présumées participer à une entente ayant pour objet et/ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, ce qui constitue une pratique prohibée aux termes des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.

Il résultait de l'ordonnance du JLD que dans le cadre de l'exploitation de leurs marchés forains, les collectivités peuvent conclure une convention de délégation de service public avec des sociétés gestionnaires de marchés d'approvisionnement alimentaires et spécialisés. A ce titre, les sociétés actives sur le secteur de la gestion de marchés d'approvisionnement , halles et foires sont chargées, pour le compte de la commune, du recrutement, de l'accueil, du placement des commerçants, de la perception des droits de place, de la prise en charge des opérations de manutention, de l'entretien des installations et du nettoyage, de la collecte et du traitement des déchets.

Dans sa requête, l'administration faisait état d'informations selon lesquelles les entreprises précitées auraient pris une part active à une ou plusieurs ententes visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse et se répartir les marchés, et ce en violation des dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE. Divers documents étaient produits à l'appui de la requête dont la consultation permettait de retenir les comportements dénoncés.

Il en résultait que l'administration faisait état de cas d'absence de réponse des sociétés dans la cadre des consultations, selon elle l'absence de réponse est considérée comme suspecte dans le mesure où elle a fortement amoindri les chances des collectivités d'obtenir une offre économiquement avantageuse, cette situation est interprétée par l'administration comme le résultat de comportements anticoncurrentiels rendus possibles par la faible intensité de la concurrence sur les consultations, certaines entreprises ayant ainsi bénéficié des pratiques sus-mentionnées. Certaines entreprises listées (SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE SOMAREP, Société des Marchés de France SOMADEF) apparaissent au coeur des pratiques relevées , il était vraisemblable que les documents utiles à l'apport de la preuve se trouvent dans leurs locaux.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le JLD de BOBIGNY a autorisé des visites domiciliaires au sein des locaux de plusieurs sociétés mises en cause par ordonnance du 9 novembre 2018.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées du 15 novembre 2018 (9H30) au 16 novembre 2018 (1H30), au <adresse>, dans les locaux occupés par les sociétés MANDON, SOMAREP et SOMADEF, suite à l'ordonnance sur commission rogatoire du 13 novembre 2018 du JLD de Paris , étant précisé que sur le PV du 15 novembre 2018 à 9h30, il est indiqué que "les sociétés SOMAREP, SOMADEF et SAS MANDON sont sises toutes les trois <adresse>", et ce en présence de Véronique X, assistante de direction pour le compte des trois sociétés, occupante des lieux.

A l'occasion de la visite domiciliaire du 15 novembre 2018, des fichiers informatiques comportant des documents ont été placés sous scellés définitifs et sous fermés provisoire :

- documents saisis et placés sous scellés définitifs de 1 à 3

- documents saisis et placés sous scellé fermé provisoire n° 4, le représentant des lieux ayant indiqué que les fichiers de messagerie saisis contenaient des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client au sens de le loi du 31/12/1971.

Une date était fixée ultérieurement par l'administration en vue de l'ouverture du scellé fermé provisoire n° 4 (21 janvier 2019).

Il ressort du procès-verbal de constitution des scellés définitifs du 21 janvier 2019 (9H30-17H30) que le 21 janvier 2019, dans les locaux des sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON, en présence du représentant de l'occupant des lieux et de l'OPJ, le scellé fermé provisoire n° 4 a été brisé.

Les opérations d'expurgation ont été effectuées par une première équipe concernant les documents relevant de la protection accordée selon le tableau renseigné par les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON, les enquêteurs ont aussi procédé à l'expurgation de certains documents (listés de la page 5 à 9 du PV) qui ne figuraient pas sur le tableau initial mais à la demande de l'occupant des lieux (Jérémie D..., directeur juridique). Deux documents n'ont pu être localisés.

Les opérations d'expurgation ont été effectuées par une seconde équipe concernant les documents relevant de la protection accordée selon le tableau renseigné par les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON , en présence de la représentante de l'occupant des lieux Véronique X.

Les 2 disques durs TRANSCEND et le disque dur initial ayant servi au scellé fermé provisoire n° 4 lors des opérations du 15 novembre 2018 ont été mis sous scellé fermé provisoire n° 1.

- Il résulte du PV du 22 janvier 2019 (9H-18H30), que le scellé fermé provisoire n° 1 constitué précédemment a été déclaré intact et les opérations d'expurgation se sont poursuivies selon l'organisation de 3 équipes. Les enquêteurs ont également procédé à l'expurgation de documents qui ne figuraient pas dans le tableau initial renseigné par les sociétés à la demande de l'occupant des lieux, certains documents n'ont pu être localisés.

Les inspecteurs ont constaté que certains fichiers identifiés par les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON n'ont pu être localisés dans le scellé fermé provisoire dans la mesure où ces fichiers ont fait l'objet d'un scellé définitif lors des opérations du 15 novembre 2019 (liste page 14 et 15 du PV). A l'issue des opérations un scellé fermé provisoire n° 2 a été constitué.

- Il résulte du PV du 23 janvier 2019 (9H30-16H40) que le scellé fermé provisoire n° 2 constitué précédemment a été déclaré intact en présence de l'occupant des lieux (Jérémie D..., directeur juridique) et de l'OPJ, que les enquêteurs ont reconstitué les fichiers conteneurs sécurisés interdisant tout ajout, retrait ou modification de leur contenu, qu'ils ont établi un inventaire et copié sur le support d'origine en substitution de leur version non expurgée, qu'ils ont effectué la saisie du support contenant les fichiers conservé après expurgation et placé sous scellé n° 4, que l'occupant des lieux a signé le procès-verbal.

Le 1er février 2019, les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visites et saisies effectuées le 15 novembre 2018 en application de l'ordonnance du JLD de BOBIGNY du 9 novembre 2018 (déclaration de recours du 1er février 2019 au TGI de Bobigny parvenue à la Cour d'appel le 11 février 2019).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 13 novembre 2019, puis renvoyée à l'audience du 24 juin 2020, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 30 septembre 2020.

Par conclusions enregistrées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 12 novembre 2019, et conclusions n° 2 parvenues le 19 juin 2020 à la Cour d'appel de Paris, soutenues à l'audience du 24 juin 2020, les requérantes font valoir:

I Rappel des faits et de la procédure

Les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON ont pour activité la conception, la réalisation et l'exploitation des marchés. Elles gèrent pour le compte des municipalités les marchés, les brocantes et les fêtes foraines. Leur siège social est situé <adresse>.

Par ordonnance du 9 novembre 2018, le JLD de BOBIGNY a autorisé la DIRECCTE à procéder, dans les locaux de la société SOMAREP ainsi que dans les locaux des sociétés du même groupe situées à la même adresse, à des visites et saisies sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements prohibés par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE, relevés dans le secteur de la gestion des marchés d'approvisionnement, halles et foires ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés.

Le 15 novembre 2018, les inspecteurs de la DGCCRF et de la DIRECCTE se présentaient dans les locaux des sociétés SOMAREP, SAS MANDON et SAS SOMADEF.

Les enquêteurs devaient effectuer une saisie de documents et supports d'information inventorié dans un état. Compte tenu de la présence dans les fichiers de messageries électroniques de documents protégés par le secret de la correspondance, les inspecteurs devaient procéder à la mise sous scellé provisoire des fichiers de messageries retenus en vue d'être saisis. Ce scellé était intitulé « scellé provisoire n° 4 ».

Les opérations d'expurgation des messages couverts par le secret de la correspondance avocat-client étaient réalisées le 21 janvier 2019 dans les locaux des sociétés. Les enquêteurs de la DGCCRF devaient en présence de l'occupant des lieux procéder à l'ouverture du scellé provisoire n° 4 et à l'expurgation des documents relevant de la protection accordée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971. Les opérations devaient donner lieu à deux incidents :

- les enquêteurs refusaient de procéder à l'expurgation de plusieurs documents aux motifs qu'ils ne relevaient pas de la protection accordée par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

- des fichiers identifiés par les requérantes comme étant couverts par le secret de correspondance accordé par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 n'ont pu être localisés dans le scellé fermé provisoire car ils avaient fait l'objet d'un scellé définitif lors de l'opération de saisie du 15 novembre 2018.

Les enquêteurs de la DIRECCTE ont dressé un PV de constitution des scellés définitifs le 23 janvier 2019 à 16H40.

Les sociétés SOMAREP, MANDON et SOMADEF ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies du 15 novembre 2018.

II Discussion

1°) Les dispositions légales applicables en la matière

Il résulte des articles L. 450-4 du code de commerce, 56 du code de procédure pénale et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ainsi que d'une jurisprudence constante que les pièces et documents couverts par le secret professionnel ne peuvent pas être valablement saisis.

Sur le plan européen, l'article 8 de la CESDH accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients.

Il est soutenu que le principe en matière d'enquête pénale ou administrative est que les enquêteurs peuvent saisir tous les documents utiles à la manifestation de la vérité ou entrant dans le champ de l'enquête en matière de concurrence.

Cependant, lorsque des enquêteurs saisissent des documents papiers ou des messages électroniques échangés entre un avocat et son client, le principe de la libre défense, garanti par la confidentialité des documents échangés entre un avocat et son client, limite le pouvoir des enquêteurs de saisir les documents utiles à la manifestation de la vérité.

Il appartient donc au Premier président de la Cour d'appel de PARIS de vérifier si, dans le cadre de opérations de visite et saisie du 15 novembre 2018, il a été porte atteinte ou non au secret des correspondances entre avocat et client.

Si tel est le cas, la saisie des fichiers doit être déclarée nulle. L'atteinte au secret de correspondances entre avocat et clients intervient dès que le document est saisi. Selon la Cour de cassation, l'atteinte n'est pas qu'éventuelle à ce stade et ne nécessite pas pour être caractérisée, que les informations confidentielles soient ensuite révélées à autrui ou exploitées. C'est pourquoi la saisie doit être déclarée nulle.

2°) La saisie par les enquêteurs de fichiers et correspondances avocat-client au sein des locaux des sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON le 15 novembre 2018.

La question du secret de la correspondance entre avocat et client s'est posée lors des opérations de saisie.

Le représentant des sociétés a indiqué aux enquêteurs que les fichiers de messagerie saisis contenaient des documents protégés par le secret de la correspondance. Les enquêteurs ont procédé à la mise sous scellé provisoire de messageries retenues en vue de la saisie « scellé provisoire n° 4 ».

Les opérations d'expurgation des messages (toutes les correspondances couvertes par le secret de la correspondance avocat-client issue de la Loi du 31/12/1971) étaient fixées au 21 janvier 2019. Le directeur juridique des sociétés a adressé deux mails aux enquêteurs de la DGCCRF comportant la liste des documents et correspondances protégés.

Il est indiqué que pendant les opérations d'expurgation des messages couverts par le secret professionnel qui se sont déroulées le 21 janvier 2019, deux incidents se sont produits :

a. Le refus par les enquêteurs de procéder à l'expurgation de correspondances avocat-client

Les requérantes produisent un listing de documents échangés entre Maître Laurent MAYER à partir de son adresse e-mail professionnelle ([email protected]) et la société MANDON ([email protected]), qui, d'après elles, auraient dû bénéficier de la protection accordée aux documents concernés par le secret avocat-client mais que les enquêteurs n'ont pas voulu expurger.

b. Le refus par les enquêteurs de procéder à l'expurgation de correspondances avocat-client contenues dans le scellé définitif, il est argué que lors des opérations d'expurgation du 21 janvier 2019, les fichiers constitués d'échanges entre Maître Paul AKAR et la société SOMAREP, contenus dans le tableau adressé les 26 décembre 2018 et 3 janvier 2019 par M. D... aux enquêteurs de la DGCCRF, n'ont pu être localisés dans le scellé fermé provisoire dans la mesure où en réalité ils avaient fait l'objet d'un scellé définitif lors de l'opération de visite et saisie du 15 novembre 2018.

Cette difficulté a d'ailleurs fait l'objet d'une mention expresse en page 14 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs.

En conclusion, il est demandé de :

- prononcer la nullité de la saisie des correspondances entre Maître Laurent MAYER, avocat (adresse : [email protected]) et la société MANDON (adresse : [email protected]) et listés en pages 2 et 3 du procès-verbal de constitution des scellés définitifs du 23 janvier 2019 ;

- en conséquence, ordonner l'extraction des correspondances entre Maître Laurent MAYER, avocat (adresse : [email protected]) et la société MANDON (adresse: [email protected]) des scellés définitifs et en ordonner la restitution à la société MANDON;

- prononcer la nullité de la saisie des correspondances entre Maître Paul AKAR, avocat et a société SOMAREP et listés en page 14 et 15 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs du 23 janvier 2019 et d'en ordonner la restitution à la société SOMAREP;

- en conséquence, ordonner l'extraction des correspondances entre Maître Paul AKAR, avocat et la société SOMAREP et listés en page 14 et 15 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs du 23 janvier 2019 et d'en ordonner la restitution à la société SOMAREP;

- condamner M. H... de l'Economie et des Finances à payer à la société MANDON, la société SOMAREP et la société SOMADEF la somme de 1 500 chacune en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réplique déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 4 mars 2020, soutenues à l'audience du 24 juin 2020 H... de l'Économie soutient :

1°) Sur le prétendu refus par les enquêteurs de procéder à l'expurgation du scellé fermé provisoire de correspondances avocat-client.

Il est fait valoir que les documents, dont les requérantes contestent la non-expurgation du scellé fermé provisoire au motif qu'y apparaissent les adresses professionnelles de Maître A... et de M. D..., directeur général des sociétés visitées, sont en réalité des simples accusés de réception ou de lecture de correspondances, dépourvus de tout contenu relatif au domaine du conseil ou de la défense, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constitution de scellés définitifs (pages 2 et 3) et de l'examen de leur contenu concret.

Selon la jurisprudence nationale et communautaire, la protection accordée au secret professionnel de l'avocat n'est pas absolue, seules étant couvertes les échanges entre un avocat et un client ou entre un avocat et ses confrères concernant l'exercice des droits de la défense et l'activité de conseil.

En l'espèce, l'expurgation sollicitée non seulement n'était pas juridiquement nécessaire mais aurait eu pour seul effet de rallonger inutilement le processus d'expurgation.

Il est demandé donc de rejeter ce moyen.

2°) Sur la contestation de la saisie de correspondances avec des avocats au sein des scellés fermés.

Il est d'abord précisé que lors des opérations de visite et saisie du 15 novembre 2018, l'occupant des lieux, alors qu'il avait pris connaissance des documents que l'administration se proposait de saisir, n'a ni contesté la saisie desdits fichiers, ni sollicité leur mise sous scellés fermés provisoires.

Ces fichiers ont donc été placés sous scellés fermés définitifs.

Cependant, leur analyse révélant clairement qu'ils sont dépourvus de lien avec la problématique de l'enquête, H... ne s'oppose pas à l'annulation de leur saisie.

En conclusion, il est demandé de :

Dire et juger mal fondées les sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON dans toutes leurs demandes et les en débouter ;

- donner acte à l'administration de ce que celle-ci ne s'oppose pas à la restitution par destruction de la saisie des correspondances avocat-client présentes au sein des scellés fermés définitifs (pages 14 et 15 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs) et de son engagement à n'en faire aucun usage ;

- condamner lesdites sociétés aux entiers dépens.

Par avis du 2 juin 2020, la Ministère public soutient :

I Sur le refus par les enquêteurs d'éliminer lors de la constitution des scellés définitifs des messages placés sous scellés provisoires qui auraient été couverts par le secret des correspondances avocats-clients ou par le secret professionnel.

Les requérantes demandent le retrait des scellés définitifs des documents listés en page 2 et 3 du PV de constitution de scellés définitifs, au motifs que ces documents sont couverts par le secret des échanges entre un avocat et son client (adresses mail professionnelles de Maitre Laurent A... et d' Yves D...).

La substance de ces mails (inventaire en page 2 et 3 du PV des scellés définitifs) montre qu'il ne s'agit que d'accusés réception ou de lecture de correspondances, sans lien avec la défense des requérantes dans les procédures ici concernées, dans le respect de la jurisprudence européenne des droits de l'Homme , qui limite la protection aux « correspondances échangées dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client » émanant d'avocats indépendants non liés au client par un rapport d'emploi (CJCE 18-5-82, Tpice Azko Nobel Chemicals LTD 17-09-2007)

La demande des requérantes concernant ces scellés ne peut donc être accueillie.

II Sur la présence dans les scellés fermés définitif constitués sur les lieux de fichiers numériques identifiés par les requérantes comme contenant des éléments couverts par le secret des correspondances avocats-clients.

L'administration ne conteste pas que ces scellés définitifs soient couverts par le secret protégé mais explique que, ayant été constitués le jour même des opérations, seule la Cour d'appel et en mesure d'en décider l'ouverture et l'expurgation. La Cour ordonnera en conséquence la restitution des pièces (page 13 du PV des scellés définitifs) correspondant à la pièce 10 déposée par les requérantes, au constat de surcroit, que ces pièces sont sans lien avec l'enquête ayant conduit le JLD à donner son autorisation de visite et saisie.

Ainsi il est requis que soit ordonné la restitution par expurgation des scellés définitifs des messages couverts par le secret des correspondances avocats-clients, visés par la pièce n° 10 déposée par les requérantes et le rejet du surplus des demandes.

A l'audience du 24 juin 2020, le Ministère public modifie oralement son avis écrit sur les modalités d’expurgation, eu égard au fait que le fichier contenant les pièces protégées par le secret de correspondance « avocat-client » est insécable. Il est rappelé qu'en effet la Cour de cassation considère ces fichiers informatiques comme insécables et que leur intégrité doit être préservée., la Cour ne pourra donc prononcer l'annulation de la saisie mais seulement ordonner une interdiction d'utiliser ces messages en procédure.

SUR CE

1- Sur la saisie par les enquêteurs de fichiers et correspondances avocat-client au sein des locaux des sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON le 15 novembre 2018 :

Le refus par les enquêteurs de procéder à l'expurgation de correspondances avocat-client.

Les requérantes rappellent que la réunion en vue de l'expurgation de pièces du scellé provisoire n° 4 a été fixée au 21 janvier 2019, les requérantes produisent en page 11 de leurs conclusions un listing de documents échangés entre Maître Laurent MAYER à partir de son adresse e-mail professionnelle ([email protected]) et la société MANDON ([email protected]), qui, d'après elles, auraient dû bénéficier de la protection accordée au secret avocat-client mais que les enquêteurs n'ont pas voulu expurger, estimant que les documents listés ne relevaient pas de la protection accordée par l'article 66-5 de la Loi du 31/12/1971.

Il convient de rappeler le principe selon lequel les pièces couvertes par le secret professionnel d'avocats ne sont pas saisissables, mais selon la jurisprudence (la jurisprudence européenne a limité la protection aux « correspondances échangées dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client »- CJCE 18-5-82 et TPICE Azko Nobel Chemicals LTD 17-09-2007) seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères, en effet le secret professionnel d'avocat n'est pas général. Le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie. En ce qui concerne les opérations de saisie du 15 novembre 2018 et les opérations d'expurgation du 21 au 23 janvier 2019, il ressort du listing reproduit par les requérantes en page 11 de leurs conclusions qu'il s'agit en ce qui concerne les mails échangés d'accusés réception ou de lecture de correspondances dépourvus de tout contenu relatif au domaine du conseil ou de la défense.

De plus, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de secret professionnel, concernant l'exigence de verser aux débats les pièces contestées afin que le Premier président saisi d'un recours contre le déroulement des opérations, puisse exercer son contrôle in concreto, qu'en l'espèce il n'a été versé par les requérantes aucune pièce dont la saisie porterait atteinte au secret professionnel de l'avocat. Ainsi, c'est à bon droit que les enquêteurs ont refusé de procéder à l'expurgation des pièces sus mentionnées.

Ce moyen sera rejeté.

2- Sur la saisie par les enquêteurs de fichiers et correspondances avocat-client au sein des locaux des sociétés SOMAREP, SOMADEF et MANDON le 15 novembre 2018 :

Le refus par les enquêteurs de procéder à l'expurgation de correspondances avocat-client contenues dans le scellé définitif

Les requérantes précisent que lors des opérations d'expurgation du 21 janvier 2019, les fichiers constitués d'échanges entre Maître Paul AKAR et la société SOMAREP, contenus dans le tableau adressé les 26 décembre 2018 et 3 janvier 2019 par M. D... aux enquêteurs de la DGCCRF, n'ont pu être localisés dans le scellé fermé provisoire dans la mesure où ils avaient fait l'objet d'un scellé définitif lors de l'opération de visite et saisie du 15 novembre 2018.

Il résulte en effet de la lecture du procès-verbal du 15 novembre 2018 que le représentant des lieux a indiqué que les fichiers de messageries saisis contenaient des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client, il a donc été procédé à la mise sous scellé fermé provisoire des fichiers de messagerie retenus (page 3 du PV), les autres pièces saisies ont été placées sous scellés définitifs, aucune autre demande de constitution de scellé provisoire n'a été sollicitée par les représentants de l'occupant des lieux au cours des opérations.

Les requérantes ont fait parvenir un tableau indiquant des fichiers constitués d'échanges entre la société SOMAREP et un avocat. Lors des opérations d'expurgation des 21, 22 et 23 janvier 2019, les agents de l'administration ont précisé au PV qu'ils ne parvenaient pas à localiser lesdits fichiers dans le scellé fermé provisoire, et que ces fichiers avaient fait l'objet d'un scellé définitif le 15 novembre 2018 (mention expresse en page 14 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs et liste des documents en page 14 et 15).

C'est donc à bon droit que les enquêteurs ont refusé de procéder à l'expurgation desdits fichiers, ceux-ci étant contenus dans le scellé définitif et ne pouvant bénéficier de la procédure d’expurgation, alors que les représentants de l'occupant des lieux avaient la possibilité au cours des opérations du 15 novembre de solliciter la constitution d'un scellé fermé provisoire pour ces fichiers.

Les requérantes demandent à la Cour d'appel de procéder à la nullité de la saisie des correspondances entre la société SOMAREP et Maitre AKAR listés en page 14 et 15 du PV de constitution de scellés définitifs du 23 janvier 2019 et d'en ordonner la restitution à la société SOMAREP.

Il convient de rappeler que le secret professionnel d'avocat n'est pas général, que la Cour doit être en mesure de vérifier si les pièces saisies constituent des documents protégés par le secret de la correspondance avocat-client, que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de secret professionnel, exige de verser aux débats les pièces contestées afin que le Premier président saisi d'un recours contre le déroulement des opérations, puisse exercer son contrôle in concreto, qu'en l'espèce il n'a pas été versé par les requérantes lesdites pièces dont la saisie porterait atteinte au secret professionnel de l'avocat.

Ce moyen sera rejeté.

3) Sur la proposition du Ministre de l'économie de restituer les documents saisis et placés au sein des scellés fermés définitifs (pages 14 et 15 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs).

Selon le ministre de l'économie, l'analyse de ces documents révèle clairement qu'ils sont dépourvus de lien avec la problématique de l'enquête, et ne s'oppose pas à l'annulation de leur saisie.

Il sollicite auprès de la Cour de donner acte à l'administration de ce que celle-ci ne s'oppose pas à la restitution par destruction de la saisie des correspondances avocat-client présentes au sein des scellés fermés définitifs (pages 14 et 15 du procès-verbal de constitution de scellés définitifs) et de son engagement à n'en faire aucun usage.

Il convient d'y faire droit.

Ainsi le procès-verbal de visite et de saisie du 15 novembre 2018 (suivi des procès-verbaux d'expurgation des 21, 22 et 23 janvier 2019) effectué dans les locaux des sociétés requérantes sera confirmé dans toutes ses dispositions.

La proposition de restitution des documents et fichiers informatiques saisis sus mentionnés et de n'en faire aucun usage présentée par le ministre de l'économie sera reçue.

Enfin aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

- Déclarons régulières les opérations de visite et saisies effectuées le 15 novembre 2018, <adresse>, dans les locaux occupés par les sociétés SOMAREP, SOMADEF et SAS MANDON ;

- Donnons acte à l'administration (DIRECCTE) de ce que celle-ci ne s'oppose pas à la restitution par destruction de la saisie des correspondances avocat-client présentes au sein des scellés fermés définitifs (pages 14 et 15 du procès-verbal de constitution des scellés définitifs) et de son engagement à n'en faire aucun usage ;

- Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés requérantes.