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Décisions

CJUE, 6e ch., 8 octobre 2020, n° C-641/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EU

Défendeur :

PE Digital GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Toader, faisant fonction de président de chambre

Juges :

M. Safjan (rapporteur) , M. Jääskinen

Avocat général :

M. Saugmandsgaard Øe

Avocats :

M. Meier-Bading, M. Rohnke

CJUE n° C-641/19

8 octobre 2020

LA COUR (sixième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 11, de l’article 14, paragraphe 3, ainsi que de l’article 16, sous m), de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EU, en tant que consommateur, à PE Digital GmbH au sujet du montant dû à cette dernière à la suite de l’exercice, par EU, du droit de se rétracter du contrat conclu avec cette société.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Les considérants 4, 19 et 50 de la directive 2011/83 énoncent :

« (4) [...] L’harmonisation de certains aspects des contrats de consommation à distance [...] est nécessaire pour promouvoir un véritable marché intérieur des consommateurs offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.

[...]

(19) Par contenu numérique, on entend les données qui sont produites et fournies sous une forme numérique, comme les programmes informatiques, les applications, les jeux, la musique, les vidéos ou les textes, que l’accès à ces données ait lieu au moyen du téléchargement ou du streaming, depuis un support matériel ou par tout autre moyen. Les contrats de fourniture de contenu numérique devraient relever du champ d’application de la présente directive. [...] [L]es contrats relatifs à des contenus numériques non fournis sur un support matériel ne devraient être qualifiés, aux fins de la présente directive, ni comme contrats de vente ni comme contrats de service. Pour de tels contrats, le consommateur devrait avoir un droit de rétractation, à moins qu’il n’ait donné son accord pour débuter l’exécution du contrat pendant la période de rétractation et n’ait reconnu perdre en conséquence le droit de se rétracter du contrat. [...]

[...]

(50) D’une part, le consommateur devrait pouvoir jouir de son droit de rétractation, même s’il a demandé la prestation de services avant l’expiration du délai de rétractation. D’autre part, si le consommateur exerce son droit de rétractation, le professionnel devrait avoir l’assurance d’être convenablement rémunéré pour le service qu’il a fourni. Le calcul du montant approprié devrait reposer sur le prix convenu dans le contrat à moins que le consommateur ne démontre que le prix total est lui-même disproportionné, auquel cas le montant à payer doit être calculé sur la base de la valeur marchande du service fourni. La valeur marchande devrait se définir en comparant le prix d’un service équivalent fourni par d’autres professionnels au moment de la conclusion du contrat. C’est pourquoi le consommateur devrait demander la prestation de services avant l’expiration du délai de rétractation en formulant cette demande de manière expresse et, dans le cas de contrats hors établissement, sur un support durable. De même, le professionnel devrait, en utilisant un support durable, informer le consommateur de toute obligation quant au paiement des coûts proportionnels correspondant au service déjà fourni. [...] »

4 Aux termes de l’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

6) “contrat de service”, tout contrat autre qu’un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci ;

[...]

11) “contenu numérique”, des données produites et fournies sous forme numérique ;

[...] »

5 L’article 7 de ladite directive, intitulé « Obligations formelles concernant les contrats hors établissement », prévoit, à son paragraphe 3 :

« Lorsqu’un consommateur veut que la prestation d’un service ou la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ou de chauffage urbain commence pendant le délai de rétractation prévu à l’article 9, paragraphe 2, le professionnel exige du consommateur qu’il en fasse la demande expresse sur un support durable. »

6 L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit de rétractation », dispose, à son paragraphe 1 :

« En dehors des cas où les exceptions prévues à l’article 16 s’appliquent, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans encourir d’autres coûts que ceux prévus à l’article 13, paragraphe 2, et à l’article 14. »

7 L’article 14 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations du consommateur en cas de rétractation », prévoit :

« [...]

3. Lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation après avoir présenté une demande conformément à l’article 7, paragraphe 3, ou à l’article 8, paragraphe 8, il paie au professionnel un montant qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat. Le montant proportionnel à payer par le consommateur au professionnel est calculé sur la base du prix total convenu dans le contrat. Si le prix total est excessif, le montant approprié est calculé sur la base de la valeur marchande de ce qui a été fourni.

4. Le consommateur n’est redevable d’aucun coût :

a) pour la prestation de services ou pour la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ou de chauffage urbain, en tout ou partie, pendant le délai de rétractation, lorsque :

i) le professionnel a omis de fournir les informations visées à l’article 6, paragraphe 1, points h) ou j) ; ou

ii) lorsque le consommateur n’a pas expressément demandé que l’exécution commence pendant le délai de rétractation en application de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 8, paragraphe 8 ; ou

b) pour la fourniture, en tout ou partie, d’un contenu numérique qui n’est pas fourni sur un support matériel, lorsque :

i) le consommateur n’a pas donné son accord préalable exprès pour que l’exécution commence avant la fin du délai de quatorze jours visé à l’article 9 ; ou

ii) le consommateur n’a pas reconnu perdre son droit de rétractation en donnant son accord ; ou

iii) le professionnel a omis de fournir une confirmation conformément à l’article 7, paragraphe 2, ou à l’article 8, paragraphe 7. 

[...] »

8 Aux termes de l’article 16 de cette directive, intitulé « Exceptions au droit de rétractation » :

« Les États membres ne prévoient pas le droit de rétractation énoncé aux articles 9 à 15 pour ce qui est des contrats à distance et des contrats hors établissement en ce qui concerne ce qui suit :

[...]

m) la fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel si l’exécution a commencé avec l’accord préalable exprès du consommateur, lequel a également reconnu qu’il perdra ainsi son droit de rétractation. »

 Le droit allemand

9 L’article 312f, paragraphe 3, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, ci-après le « BGB ») définit le contenu numérique comme « les données ne se trouvant pas sur un support matériel, qui sont produites et fournies sous forme numérique ».

10 L’article 356 du BGB, intitulé « Droit de rétractation en matière de contrats hors établissement et de contrats à distance », dispose, à son paragraphe 5 :

« S’agissant d’un contrat portant sur la fourniture d’un contenu numérique qui ne se trouve pas sur un support matériel, le droit de rétractation s’éteint également si le professionnel a commencé à exécuter le contrat, alors que le consommateur

1. a donné son accord exprès pour que le professionnel commence à exécuter le contrat avant la fin du délai de rétractation, et

2. qu’il a confirmé avoir pris connaissance du fait que, en donnant son accord, il perd son droit de rétractation au moment de l’exécution du contrat. »

11 L’article 357 du BGB énonce, à ses paragraphes 8 et 9 :

« (8) Lorsque le consommateur se rétracte d’un contrat de prestation de services ou de fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité portant sur des quantités non déterminées ou sur un volume non délimité ou de fourniture de chauffage urbain, le consommateur doit verser une indemnité compensatrice pour la prestation fournie jusqu’à la rétractation, lorsque le consommateur a expressément exigé du professionnel qu’il commence à exécuter la prestation avant la fin du délai de rétractation. Le droit résultant de la première phrase n’existe que si le professionnel a informé le consommateur dans les règles, conformément à l’article 246a, première section, paragraphe 2, première phrase, points 1 à 3, de l’Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch (loi d’introduction au code civil). S’agissant de contrats hors établissement, le droit résultant de la première phrase n’existe que si le consommateur a transmis son souhait, au sens de la première phrase, sur un support durable. Lors du calcul de l’indemnité compensatrice, il convient de se fonder sur le prix total convenu. Si le prix total convenu est excessivement élevé, il convient de calculer l’indemnité compensatrice en se fondant sur la valeur marchande de la prestation fournie.

(9) Si le consommateur se rétracte d’un contrat portant sur la fourniture de contenu numérique ne se trouvant pas sur un support matériel, il n’est pas tenu de verser une indemnité compensatrice. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 PE Digital, société dont le siège se trouve en Allemagne, exploite le site Internet de rencontres « Parship » (www.parship.de). Elle propose à ses utilisateurs deux types d’adhésion, à savoir l’adhésion de base gratuite, qui permet de contacter d’autres utilisateurs de manière très restreinte et l’adhésion dite « premium », payante, pour une durée de 6, 12 ou 24 mois. Cette dernière adhésion permet aux utilisateurs de prendre contact, pendant la durée de leur adhésion, avec tous les autres adhérents « premium », à savoir plus de 186 000 utilisateurs en Allemagne, et d’échanger des informations et des images avec ceux-ci.

13 L’adhésion « premium » comprend notamment la garantie dite « de contact », qui assure l’établissement d’un certain nombre de contacts avec d’autres utilisateurs. Est ainsi considérée comme un contact toute réponse lue par l’utilisateur concerné, qui fait suite à un message qu’il a envoyé, ainsi que tout message reçu par cet utilisateur, à la suite duquel il a lu et échangé au moins deux messages avec un autre utilisateur.

14 En moyenne, 31,3 messages sont envoyés et reçus au cours de la première semaine de la période d’adhésion « premium », 8,9 messages au cours de la deuxième semaine, 6,1 messages au cours de la troisième semaine, 5,1 messages au cours de la quatrième semaine et moins de 5 messages à compter de la cinquième semaine.

15 Chaque adhérent bénéficie, immédiatement après son inscription, de la communication automatique d’une sélection de propositions de rencontres dans le même Land, établie à partir d’un test de personnalité d’une durée d’environ 30 minutes portant sur les qualités, les habitudes et les centres d’intérêt pertinents en matière de rencontres. Dans le cadre d’une adhésion « premium » d’une durée de 12 mois, cette sélection correspond déjà à environ la moitié de toutes les propositions de rencontres reçues par l’adhérent pendant la durée du contrat conclu. L’algorithme relatif au test de personnalité a été créé et développé sous la direction d’un psychologue diplômé. Les adhérents « premium » reçoivent le résultat de ce test réalisé par ordinateur, prenant la forme d’un « rapport d’évaluation de la personnalité » de 50 pages, que les adhérents « de base » peuvent acquérir contre paiement, à titre de prestation partielle.

16 Le 4 novembre 2018, EU, en tant que consommateur, a conclu avec PE Digital un contrat d’adhésion « premium » pour une durée de 12 mois, au prix de 523,95 euros (ci-après le « contrat en cause »). Ce prix était plus que deux fois plus élevé que celui que PE Digital facturait à certains de ses autres utilisateurs pour un contrat de même durée conclu au cours de la même année. PE Digital a, conformément aux exigences figurant à l’article 246a, première section, paragraphe 2, première phrase, points 1 et 3, de la loi d’introduction au code civil, informé EU de son droit de rétractation et cette dernière a confirmé à PE Digital qu’elle devait commencer à fournir la prestation prévue par ledit contrat avant l’expiration du délai de rétractation.

17 EU s’étant rétractée du contrat en cause le 8 novembre 2018, PE Digital lui a facturé un montant total de 392,96 euros à titre d’indemnité compensatrice.

18 Par un recours introduit devant l’Amtsgericht Hamburg (tribunal de district de Hambourg, Allemagne), EU a demandé le remboursement de l’intégralité des versements effectués en faveur de PE Digital.

19 Se fondant sur le document d’orientation de la Commission européenne concernant la directive 2011/83 établi au mois de juin 2014, en particulier sur le point 6.5.1. de celui-ci, relatif à l’article 14, paragraphe 3, de cette directive, la juridiction de renvoi estime que, lorsque la prestation globale comporte des prestations partielles distinctes, qui, conformément au contrat, ne sont pas toutes fournies simultanément, il convient de tenir compte de la durée de chacune de ces prestations partielles pour le calcul du montant de la rémunération due au professionnel.

20 S’agissant du calcul du « montant qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où [le consommateur] a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat », au sens de l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, la juridiction de renvoi envisage de tenir compte non seulement de la prestation que le professionnel a fournie, mais également de la valeur de la prestation réalisée, dont a bénéficié le consommateur.

21 Selon la juridiction de renvoi, la rémunération que le consommateur est tenu de payer au professionnel en cas de rétractation du contrat conclu, conformément à l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 et à l’article 357, paragraphe 8, du BGB, doit être calculée, en premier lieu, en établissant une distinction entre les différentes prestations partielles prévues par le contrat. En deuxième lieu, il conviendrait de définir le prix des différentes prestations partielles en tenant compte de leur valeur pour le consommateur moyen, compte tenu de l’objectif dudit contrat, en ayant recours aux statistiques relatives au comportement des consommateurs. En troisième lieu, il conviendrait de calculer les éléments du montant à payer pour les différentes prestations partielles, au regard, d’une part, du volume des prestations partielles déjà fournies et, d’autre part, de la valeur des prestations réalisées. En quatrième lieu, l’addition des montants ainsi calculés aboutirait à la somme totale due par le consommateur.

22 À cet égard, la transmission du rapport d’évaluation de la personnalité au début de l’exécution du contrat en cause pourrait néanmoins être qualifiée, en tant que prestation partielle distincte, de fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel, ce qui entraînerait l’application des dispositions dérogatoires figurant à l’article 14, paragraphe 4, sous b), ii), et à l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, de même qu’à l’article 356, paragraphe 5, et à l’article 357, paragraphe 9, du BGB.

23 Cependant, cette interprétation conduirait à refuser au consommateur le droit de se rétracter et porterait, ainsi, atteinte à ses droits.

24 Par ailleurs, en se référant à l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, lu à la lumière du considérant 50 de celle-ci, la juridiction de renvoi estime qu’un prix total qui est le double de celui facturé à d’autres utilisateurs, pour la même prestation, n’est pas « excessif », au sens de cette disposition, tant qu’il n’atteint pas la valeur marchande du service fourni ou s’il ne la dépasse que de peu.

25 Dans ces conditions, l’Amtsgericht Hamburg (tribunal de district de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83[...] doit-il, au regard du considérant 50 de la même directive, être interprété en ce sens que le “montant” devant être versé par le consommateur, “qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat”, doit, s’agissant d’un contrat, en vertu du contenu duquel ce n’est pas une prestation unique qui est due, mais une prestation globale composée de plusieurs prestations partielles, être uniquement calculé au prorata temporis, lorsque le consommateur a certes payé pour la prestation globale au prorata temporis mais que les prestations partielles ne sont pas toutes fournies avec la même rapidité ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 en ce sens que le “montant” devant être versé par le consommateur, “qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat”, doit également être uniquement calculé au prorata temporis, lorsqu’une prestation (partielle) a certes été fournie de manière continue, mais qu’elle a, au début du contrat, une valeur plus importante ou moindre pour le consommateur ?

3) Convient-il d’interpréter l’article 2, point 11, de la directive 2011/83 et l’article 2, point 1, de la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, [relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques (JO 2019, L 136, p. 1),] en ce sens que peuvent également constituer un “contenu numérique”, au sens de l’article 2, point 11, de la directive 2011/83 et de l’article 2, point 1, de la directive 2019/770, les fichiers qui sont fournis en tant que prestation partielle dans le cadre d’une prestation globale fournie surtout en tant que “service numérique”, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2019/770, ce qui aurait pour conséquence que le professionnel pourrait, en vertu de l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, obtenir l’extinction du droit de rétractation pour ce qui concerne la prestation partielle, alors que le consommateur pourrait, si le professionnel ne parvenait pas à obtenir cette extinction, se rétracter de la totalité du contrat, sans devoir, du fait de l’article 14, paragraphe 4, sous b), ii), de la directive 2011/83, verser une rémunération pour cette prestation partielle ?

4) L’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 doit-il, au regard du considérant 50 de cette directive, être interprété en ce sens que le prix total convenu pour une prestation de services est “excessif”, au sens de l’article 14, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive 2011/83, lorsqu’il est considérablement plus élevé que le prix total convenu avec un autre consommateur pour une prestation de services ayant le même contenu, fournie par le même professionnel en vertu d’un contrat de même durée et cela dans le cadre de conditions également identiques par ailleurs ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

26 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer le montant proportionnel à payer par le consommateur au professionnel lorsque ce consommateur a expressément demandé que l’exécution du contrat conclu commence pendant le délai de rétractation et se rétracte de ce contrat, il convient de tenir compte du prix convenu dans ledit contrat pour l’ensemble des prestations prévues par celui-ci et de calculer le montant dû prorata temporis, ou s’il y a lieu de prendre en compte la circonstance que l’une des prestations faisant l’objet du contrat a été fournie au consommateur dans son intégralité avant la rétractation de celui-ci.

27 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, lorsque le consommateur ayant demandé au professionnel que l’exécution du contrat commence avant l’écoulement du délai de rétractation exerce son droit de rétractation dans ce contexte, il est tenu de payer à ce professionnel « un montant qui est proportionnel à ce qui a été fourni jusqu’au moment où il a informé le professionnel de l’exercice du droit de rétractation par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat ». Cette disposition précise également que « le montant proportionnel à payer [...] est calculé sur la base du prix total convenu dans le contrat ».

28 Le montant proportionnel qui doit être payé par le consommateur conformément à l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 doit être calculé, en principe, en tenant compte de toutes les prestations qui font l’objet du contrat, à savoir la prestation principale et les prestations accessoires nécessaires pour assurer cette prestation principale. En effet, lorsque les parties au contrat prévoient un prix pour les prestations fournies, ce prix correspond, en principe, à l’ensemble de ces prestations, tant principale qu’accessoires.

29 C’est uniquement dans le cas où le contrat prévoit expressément qu’une ou plusieurs des prestations sont fournies intégralement dès le début de l’exécution du contrat, de manière distincte, à un prix devant être acquitté séparément, que le consommateur peut décider utilement s’il doit expressément demander, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2011/83, que le professionnel commence à exécuter la prestation de services pendant le délai d’exercice du droit de rétractation. C’est donc seulement dans un tel cas qu’il convient de tenir compte de l’intégralité du prix prévu pour une telle prestation dans le calcul du montant dû au professionnel en application de l’article 14, paragraphe 3, de cette directive.

30 L’interprétation retenue aux points 28 et 29 du présent arrêt correspond à l’objectif, énoncé au considérant 4 de la directive 2011/83, consistant à assurer un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises (voir, par analogie, arrêts du 23 janvier 2019, Walbusch Walter Busch, C‑430/17, EU:C:2019:47, point 41 ; du 27 mars 2019, slewo, C‑681/17, EU:C:2019:255, point 39, ainsi que du 10 juillet 2019, Amazon EU, C‑649/17, EU:C:2019:576, point 44).

31 Or, en l’occurrence, le contrat en cause ne prévoyait pas de prix séparé pour une quelconque prestation pouvant être considérée comme séparable de la prestation principale prévue par ce contrat.

32 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que, pour déterminer le montant proportionnel à payer par le consommateur au professionnel lorsque ce consommateur a expressément demandé que l’exécution du contrat conclu commence pendant le délai de rétractation et se rétracte de ce contrat, il convient, en principe, de tenir compte du prix convenu dans ledit contrat pour l’ensemble des prestations faisant l’objet du même contrat et de calculer le montant dû prorata temporis. C’est seulement dans le cas où le contrat conclu prévoit expressément qu’une ou plusieurs des prestations sont fournies intégralement dès le début de l’exécution du contrat, de manière distincte, à un prix devant être acquitté séparément, qu’il convient de tenir compte de l’intégralité du prix prévu pour une telle prestation dans le calcul du montant dû au professionnel en application de l’article 14, paragraphe 3, de cette directive.

 Sur la quatrième question

33 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, quels sont les critères qu’il convient d’appliquer aux fins d’apprécier si le prix total est excessif, au sens de l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83.

34 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à cette disposition, « [s]i le prix total est excessif, le montant approprié est calculé sur la base de la valeur marchande de ce qui a été fourni ».

35 Ladite disposition doit être interprétée à la lumière du considérant 50 de la directive 2011/83, qui énonce que la valeur marchande doit être définie en comparant le prix d’un service équivalent fourni par d’autres professionnels au moment de la conclusion du contrat.

36 Il s’ensuit que toutes les circonstances en rapport avec la valeur marchande du service fourni sont pertinentes aux fins d’apprécier le caractère éventuellement excessif du prix total, à savoir la comparaison tant avec le prix demandé par le professionnel concerné à d’autres consommateurs dans les mêmes conditions qu’avec le prix d’un service équivalent fourni par d’autres professionnels.

37 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, lu à la lumière du considérant 50 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, afin d’apprécier si le prix total est excessif, au sens de cette disposition, il convient de tenir compte du prix du service offert par le professionnel concerné à d’autres consommateurs dans les mêmes conditions ainsi que celui du service équivalent fourni par d’autres professionnels au moment de la conclusion du contrat.

 Sur la troisième question

38 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en dernier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelle est la conséquence qu’il convient de tirer, aux fins de la détermination du montant à payer au professionnel par le consommateur, conformément à l’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, du fait que l’une des prestations faisant l’objet du contrat conclu porte sur la fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel, qui ne peut faire l’objet d’une rétractation par le consommateur, en application de l’article 16, sous m), de cette directive.

39 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la prestation qui fait l’objet de la troisième question consiste à fournir au consommateur le rapport d’évaluation de la personnalité visé au point 15 du présent arrêt.

40 À cet égard, la juridiction de renvoi s’interroge sur la pertinence, dans l’affaire au principal, de l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, en vertu duquel les États membres ne prévoient pas de droit de rétractation pour ce qui est des contrats à distance portant sur la fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel si l’exécution a commencé avec l’accord préalable exprès du consommateur, lequel a également reconnu qu’il perdra ainsi son droit de rétractation.

41 S’agissant du « contenu numérique », il convient de rappeler que l’article 2, point 11, de la directive 2011/83 en donne la définition suivante : « des données produites et fournies sous forme numérique ».

42 Ainsi que l’énonce le considérant 19 de cette directive, « [p]ar contenu numérique, on entend les données qui sont produites et fournies sous une forme numérique, comme les programmes informatiques, les applications, les jeux, la musique, les vidéos ou les textes, que l’accès à ces données ait lieu au moyen du téléchargement ou du streaming, depuis un support matériel ou par tout autre moyen ».

43 L’article 16, sous m), de la directive 2011/83, qui constitue une exception au droit de rétractation, est, en tant que disposition du droit de l’Union qui limite les droits octroyés à des fins de protection des consommateurs, d’interprétation stricte [voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2020, NK (Projet de maison individuelle), C‑208/19, EU:C:2020:382, points 40 et 56 ainsi que jurisprudence citée].

44 Dans ces conditions, il convient de constater qu’un service, tel que celui fourni par le site Internet de rencontres en cause au principal, permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique, ou d’y accéder, et permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou par d’autres utilisateurs de ce service, ne saurait être considéré, en tant que tel, comme la fourniture d’un « contenu numérique », au sens de l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 2, point 11, de cette directive et à la lumière du considérant 19 de celle-ci.

45 De même, l’établissement, dans le cadre d’un site Internet de rencontres, d’un rapport d’évaluation de la personnalité, tel que celui visé au point 15 du présent arrêt, ne saurait non plus être considéré comme relevant de l’exception prévue à l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 2, point 11, de celle-ci.

46 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 16, sous m), de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 2, point 11, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que l’établissement, par un site Internet de rencontres, d’un rapport d’évaluation de la personnalité sur la base d’un test de personnalité réalisé par ce site ne constitue pas la fourniture d’un « contenu numérique », au sens de cette disposition.

 Sur les dépens

47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1) L’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens que, pour déterminer le montant proportionnel à payer par le consommateur au professionnel lorsque ce consommateur a expressément demandé que l’exécution du contrat conclu commence pendant le délai de rétractation et se rétracte de ce contrat, il convient, en principe, de tenir compte du prix convenu dans ledit contrat pour l’ensemble des prestations faisant l’objet du même contrat et de calculer le montant dû prorata temporis. C’est seulement dans le cas où le contrat conclu prévoit expressément qu’une ou plusieurs des prestations sont fournies intégralement dès le début de l’exécution du contrat, de manière distincte, à un prix devant être acquitté séparément, qu’il convient de tenir compte de l’intégralité du prix prévu pour une telle prestation dans le calcul du montant dû au professionnel en application de l’article 14, paragraphe 3, de cette directive.

2) L’article 14, paragraphe 3, de la directive 2011/83, lu à la lumière du considérant 50 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que, afin d’apprécier si le prix total est excessif, au sens de cette disposition, il convient de tenir compte du prix du service offert par le professionnel concerné à d’autres consommateurs dans les mêmes conditions ainsi que celui du service équivalent fourni par d’autres professionnels au moment de la conclusion du contrat.

3) L’article 16, sous m), de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 2, point 11, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que l’établissement, par un site Internet de rencontres, d’un rapport d’évaluation de la personnalité sur la base d’un test de personnalité réalisé par ce site ne constitue pas la fourniture d’un « contenu numérique », au sens de cette disposition.