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Décisions

Cass. 1re civ., 7 octobre 2020, n° 19-11.258

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Betec Licht AG (Sté), Herrn Horst Lettenmayer

Défendeur :

Comptoir Electrique Français (Sasu), Société Immobilière et d'Exploitation de L'Hôtel Majestic (SA), Comptoir Général d'Eclairage (SA), Grupo Lineas TC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteurs :

M. Girardet,

Avocat général :

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Me Thomas-Raquin, Me Le Guerer, Me Lettenmayer

Aix-en-Provence, 2e ch., du 20 sept. 201…

20 septembre 2018

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 septembre 2018), M. Lettenmayer a créé, au début des années 1980, une applique destinée à éclairer des tableaux dont il a confié l'exploitation commerciale à la société Betec Licht.

3. Ayant constaté que l'Hôtel Majestic de Cannes utilisait des appliques similaires acquises auprès de la société Comptoir électrique français (la société CEF), la société Betec Licht a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon puis a assigné en contrefaçon de droits d'auteur, concurrence déloyale et parasitisme la société Hôtel Majestic immobilière d'exploitation et la société CEF. Cette dernière a appelé en intervention forcée son fournisseur, la société Comptoir général d'éclairage, qui a elle-même appelé en intervention forcée son fournisseur, la société Grupo Lineas TC. M. Lettenmayer est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens  

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Betec Licht et M. Lettenmayer font grief à l'arrêt de déclarer infondée l'action en contrefaçon de droits d'auteur, alors « que la combinaison d'éléments connus, banals ou fonctionnels peut, en elle-même, résulter d'un effort créatif et porter l'empreinte de la personnalité de son auteur ; qu'en retenant que « M. Lettenmayer et la société Betec n'établissent pas que les caractéristiques invoquées sont nettement dissociables de tout caractère fonctionnel de la création revendiquée et expriment la personnalité de leur auteur par des choix qui lui sont propres » aux motifs que « la longueur du tube liminaire » de la lampe Arcus, rebaptisée Clarus, ainsi que ses « arches en demi-courbe sans position déterminée » présentent un caractère fonctionnel et que « cette combinaison retenue entre plusieurs fonctionnalités ne traduit pas un parti pris esthétique manifestant la personnalité de son auteur, qui s'inscrit dans une tendance ancienne » sans rechercher si l'originalité de la lampe ne résultait pas non seulement de la combinaison des éléments précités mais également, comme le soutenait la société Betec Licht AG et M. Lettenmayer de leur combinaison avec une source lumineuse « invisible », des « embouts de la lampe épous[a]nt harmonieusement le tube lumineux de section ronde et se prolonge[ant] par deux arches fines (de section ronde également) venant s'effacer derrière le tableau selon une demi-courbe d'angle en demi-cercle, sans se rejoindre sur un support fixe » ainsi qu'« un aspect brillant et lisse », la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte toutes les caractéristiques dont la combinaison était invoquée pour justifier de l'originalité de la lampe, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle :

5. Pour rejeter les demandes en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient que la longueur du tube de la lampe ainsi que ses arches en demi-courbe sans position déterminée présentent un caractère fonctionnel et que cette combinaison choisie entre plusieurs fonctionnalités, qui s'inscrit dans une tendance ancienne, ne traduit pas un parti pris esthétique manifestant la personnalité de son auteur.  

6. En se déterminant ainsi sans prendre en considération, comme il le lui incombait, l'ensemble des caractéristiques dont la combinaison était revendiquée comme fondant l'originalité de l'œuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société Betec Licht et M. Lettenmayer font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en concurrence déloyale et parasitisme, alors « que l'action en concurrence déloyale et parasitaire, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif, peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux invoqués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée, dès lors qu'il est justifié d'un comportement fautif ; qu'en retenant qu' « à défaut de caractériser des éléments de fait distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, M. Lettenmayer et la société Betec Licht AG sont irrecevables en leur action [en concurrence déloyale et en parasitisme] » quand les demandes en contrefaçon de M. Lettenmayer et de la société Betec Licht AG avaient été écartées pour défaut de droits privatifs, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :  

8. L'action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif.

9. Pour rejeter leur demande de réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, l'arrêt retient que M. Lettenmayer et la société Betec Licht ne caractérisent pas de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen, la Cour, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.