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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 7 octobre 2020, n° 19/12686

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ienne-Berthelot

TGI Paris, JLD, du 1er juill. 2019

1 juillet 2019

Le 1er juillet 2019, le vice-président, juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal de grande instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu une ordonnance en application de l'article L. 450-4 du code de commerce à l'encontre de :

la société X, sise [...], et les sociétés du même groupe sises à la même adresse.

Dans son ordonnance, le JLD indiquait qu'il était saisi par une requête du 25 juin 2019 du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) dans le cadre d'une enquête relative aux pratiques susceptibles d'être relevées dans le secteur de la distribution des composants en cristal, que la requête était présentée aux fins d'établir si ladite entreprise se livrait à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2°, L. 420-2 du code de commerce et 101-1 a), 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Dans sa requête, le rapporteur général de l'ADLC faisait état d'éléments d'information selon lesquels l'entreprise X serait convenue, avec ses distributeurs, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et/ou abuser de sa position dominante, en violation des dispositions des articles L. 420-1 2°, L. 420-2 du code de commerce et 101-1 a), 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

A l'appui de ses allégations, l'ADLC versait divers documents (14 pièces annexées à la requête). Ces documents ont été recueillis par les agents de l'ADLC en application des articles L. 450-3 et R. 463-6 du code de commerce ou remis par l'entreprise Y lors du dépôt de sa plainte du 22 mai 2018.

La consultation des documents permet de retenir les points suivants :

Il ressortait des éléments du dossier que la société X a pour activité principale l'importation et l'exportation ainsi que la distribution (commerce de gros et détail) d'articles en pierres de synthèses, en cristal, en verre de toute sorte, en métaux précieux notamment dans les domaines de l'optique, de la bijouterie, et des cadeaux ainsi que d'autres articles de bijouterie et de cadeaux, notamment en cuir et en porcelaine ainsi que de tous les matériaux utilisés à la fabrication d'articles à offrir ou de décoration.

Il était également indiqué que la société X commercialise en FRANCE en qualité de fournisseur ou de distributeur des composants en cristal produits et fabriqués par sa société mère basée en AUTRICHE, et que ces composants en cristal, qui sont destinés à être intégrés dans des créations tant par des professionnels que par des particuliers adeptes de loisirs créatifs, font l'objet d'une distribution sélective par des grossistes ou des détaillants.

En outre, elle dispose des services d'une boutique en ligne « X for Professional » accessibles à tout client professionnel qui possède un numéro de TVA valide et sans montant minimal de commande. Cette boutique ne réalise pas d'expédition vers la FRANCE.

La distribution sélective est définie à l'article 1er 1.e) du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 (annexe 8 à la requête) pour autant que l'entreprise X y a véritablement recours.

Un premier indice tend à montrer l'existence possible d'un agissement mis en œuvre par X qui consisterait à limiter la liberté tarifaire des distributeurs de ses composants en cristal en leur imposant des prix de revente.

Plusieurs échanges de courriels en date des 26 novembre 2014 et 24 janvier 2007 entre, respectivement, X et le distributeur W et les deux distributeurs, français et belge, Z et Y, laisseraient apparaître l'existence de cet indice concernant la possibilité d'un agissement mis en œuvre par X qui consisterait à limiter la liberté tarifaire des distributeurs de ses composants en cristal en leur imposant des prix de revente.

Si la diffusion par un fournisseur à ses distributeurs agréés indépendants de prix de vente conseillés n'est pas en soi une infraction, ces conseils ne doivent pas se muer en directives impératives (principe rappelé dans une décision de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012)

Un deuxième indice tend à montrer l'existence possible d'un agissement qui consisterait pour X à se poser également en intermédiaire dans la mise en place de concertations pour rehausser les prix pratiqués par ses distributeurs.

En effet, d'autres courriels en date des 28 et 29 avril 2015 entre les sociétés Y et X montreraient que cette dernière interviendrait pour qu'un autre distributeur (W) augmente ses prix de revente, un autre courriel du 24 septembre 2014 révèle l'intervention de X pour influencer sur les prix pratiqués par un partenaire en Pologne.

Un troisième indice tend à montrer l'existence possible d'un agissement qui consisterait pour X, en qualité cette fois de distributeur, à chercher à définir un prix de vente en accord avec les autres distributeurs de ses propres produits lors de la création du site internet.

Ils se déduirait des échanges en date des 24 avril et 1er juin 2018 entre les responsables européens de l'entreprise X que ces mails font état de la volonté de recueillir des informations sur les prix des distributeurs en ligne européen en amont du lancement du site de vente en ligne E-shop par lequel X peut vendre en directe à tout professionnel sans montant minimum d'achat.

Un quatrième indice tend à montrer l'existence possible d'un agissement qui consisterait pour X à abuser de sa position dominante.

L'entreprise X occuperait, une position dominante sur le marché du cristal taillé.

Selon l'étude Xerfi d'octobre 2017, il est constaté que le groupe Autrichien X « est aujourd'hui leader mondial dans ce domaine » et « a l'ambition de devenir le leader mondial de la bijouterie », la même étude précise que « l'enseigne X s'est imposé en France sur le segment des bijoux fantaisie premium », selon l'étude d'août 2018 X a réalisé 143 millions d'euros de CA en 2016.

En outre X dans ses contrats de distribution prévoit des clauses d'exclusivité engageant les distributeurs à ne pas commercialiser, vendre ou exposer des produits concurrents de ceux de X (notamment contrat conclu entre X et le distributeur Y en 2006).

Il est rappelé que s'agissant d'accords exclusifs, la Cour de justice dans un arrêt de 1979 (Hoffmann- la Roche) a considéré que le fait, pour une entreprise en position dominante sur le marché, de lier les acheteurs par une obligation ou promesse de s'approvisionner en totalité ou pour une part considérable auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d'une position dominante, que l'ADLC a repris ces principes à son compte dans sa décision 16-D-24 du 23 juin 2016.

Il découlerait de ce qui précède que ces agissements seraient susceptibles de constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes verticales et/ou horizontales de dimension nationale visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, notamment à travers des échanges d'informations sensibles concernant les prix des composants en cristal, susceptibles de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-1 2° du code de commerce et/ou d'un abus de position dominante de par l'existence de clauses d'exclusivité, susceptible de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-2 du code précité.

Que si les pratiques prohibées présumées examinées peuvent toucher potentiellement l'ensemble du territoire national, elles sont également susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres et de relever ainsi de l'application des articles 101-1 a) et 102 du TFUE.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le JLD du TGI de Paris, qui a été saisi de la requête le 27 juin 2019, a estimé que la portée des présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues aux articles L. 420-1 2°, L. 420-2 du code de commerce et 101-1 a), 102 du TFUE, que la recherche de la preuve de ces pratiques paraît justifiée, et a rendu une ordonnance le 1er juillet 2019 autorisant les visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans les locaux de :

la société X, sise <adresse>, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées du 2 juillet 2019 à 9H40 au 3 juillet 2019 à 2H00, dans les locaux sise <adresse>, après avoir mis sous scellés des bureaux et armoires, en présence de monsieur A, Directeur général de X, en sa qualité d'occupant des lieux, qui a également désignés trois représentants de l'occupant des lieux et a fait appel à ses Conseils.

A l'occasion des opérations de visite et de saisie, un scellé fermé provisoire a été constitué (scellé fermé provisoire n° 1).

A l'issue des opérations, A, a remis à l'OPJ un document écrit comprenant des réserves.

Une réunion aux fins d'ouverture du scellé fermé provisoire a été fixée au 30 juillet 2019, un procès-verbal a été dressé relatant les opérations accomplies. La SAS X a sollicité l'intervention d'un huissier de justice, ce qui a fait l'objet d'un appel par l'OPJ présent au JLD qui a autorisé cette intervention. A l'issue des opérations, A, occupant des lieux, a remis à l'OPJ un document écrit comprenant des réserves.

Le 10 juillet 2019 la SAS X a interjeté appel contre l'ordonnance du JLD de Paris (RG 19/12686) et a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et saisies des 2 et 3 juillet 2019 (RG 19/12699).

Le 1er août 2019, la SAS X a formé un recours à l'encontre du procès-verbal du 30 juillet 2019 (RG 19/15586).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 22 avril 2020, puis renvoyée à l'audience du 24 juin 2020 du fait de l'état d'urgence sanitaire. A l'audience du 24 juin 2020, la jonction des dossiers a été évoquée. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 30 septembre 2020 et prorogée au 7 octobre 2020.

SUR L'APPEL

Par conclusions reçues le 2 décembre 2019 et par conclusions récapitulatives reçues en date du 8 juin 2020, soutenues à l'audience du 24 juin 2020, l'appelante fait valoir :

I Rappel des faits et de la procédure.

La société X SAS fait l'objet depuis plusieurs mois d'une enquête menée par les services de l'instruction de l'Autorité de la concurrence. Dans le cadre de l'article L. 450-3 du code de commerce, les services de l'instruction ont réalisé des actes d'enquête poussés à l'encontre de X (auditions de salariés, saisie de nombreux emails et de documents sous format papier). Cette enquête du 21 mars 2019 a été suivie d'une demande d'informations à laquelle X a répondu dans un esprit de coopération et de transparence. A la suite de cette enquête déjà poussée, le rapporteur général de l'ADLC a saisi le JLD du TGI de Paris par requête du 25 juin 2019 pour être autorisé à pratiquer des opérations de visite et saisies dans les locaux de la société X. Moins d'une semaine plus tard (1er juin), le JLD a rendu une ordonnance d'autorisation. Les opérations de saisies ont eu lieu les 2 et 3 juillet 2019, les opérations se sont poursuivies le 30 juillet 2019 (ouverture du scellé fermé provisoire).

L'ordonnance du JLD a été rendue sur la base d'un dossier incomplet et comprenant des pièces contradictoires. Le JLD n'a pas été en mesure de s'assurer que la demande d'autorisation qui lui était soumise était fondée et proportionnée.

II Discussion sur la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 1er juillet 2019.

L'Autorité a sciemment communiqué une version tronquée du dossier du JLD à l'appui de sa requête afin d'influencer le jugement de ce dernier. Cette manœuvre étant destinée à cacher les faiblesses du dossier, en violation manifeste des droits de la défense de l'appelante.

Le JLD a manqué à son obligation de contrôle, puisqu'aucune vérification ni caractérisation des présomptions formulées à l'encontre de l'appelante n'ont été observées par le JLD.

Les opérations revêtent un caractère disproportionné, qui s'ajoutent à une série de mesures prises par les services d'instruction de l'Autorité le 21 mars 2019 qui avaient déjà permis aux services de réunir suffisamment d'éléments.

II.1 L'ordonnance sera annulée en raison du caractère incomplet du dossier transmis au JLD et de la violation subséquente des droits de la défense

En violation des droits de la défense, l'Autorité au soutien de sa requête a dissimulé au JLD de nombreuses pièces du dossier et n'a pas joint plusieurs annexes aux PV versés au dossier.

Ce procédé de l'Autorité vise à gonfler artificiellement le dossier par le biais de pièces sans rapport avec le fond du dossier, pour tenter de dissimuler l'instrumentalisation et la faiblesse du dossier.

II.1.1 La communication d'un dossier tronqué au JLD viole les droits de la défense

A Les droits de la défense doivent être respectés dès la phase d'enquête

Il découle de la jurisprudence européenne et nationale que les garanties offertes par l'article 6 de la CESDH s'appliquent pleinement dès la phase d'enquête.

La Cour de cassation (arrêt du 25 juin 2014) a jugé que "dans les procédures fondées sur la violation du droit de la concurrence, l'obligation d'assurer l'exercice des droits de la défense doit être respectée dès le stade de l'enquête préalable".

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'Autorité, la seule circonstance que les entreprises visées par des mesures de visites et saisies disposent d'un droit de recours ne dispense en aucun cas l'Autorité de respecter les droits de la défense au cours de ses investigations.

B Les droits de la défense exigent la communication au JLD de tous les éléments d'information utiles (y compris les pièces à décharge) et s'opposent à ce que l'Autorité fasse une présélection des pièces

Aux termes de l'article L. 450-4 du code de commerce, « la demande d'autorisation (...) doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ».

Ainsi, il n'appartient pas à l'Autorité de décider quelles pièces et informations sont utiles, mais de communiquer tous les éléments d'information dont elle dispose.

Dans ses écritures, l'ADLC indique qu'aucun devoir d'exhaustivité ne saurait être imputé à l'ADLC dans la production de pièces et de faits à l'appui de sa requête présentée au JLD, l'ADLC a uniquement le devoir de produire les informations et documents utiles à étayer les présomptions qui justifient la demande de procéder à des opérations de visite et saisies' (page 13 des observations en réponse).

L'interprétation de l'article 450-4 du code de commerce par l'Autorité revient à réduire les droits consacrés par l'article 6§1 de la CESDH et traduit une violation des droits de la défense.

II.1.2 L'Autorité a communiqué un dossier tronqué au JLD, en occultant sciemment plusieurs pièces.

Deux catégories de documents et informations sont manquantes.

A L'Autorité a joint deux procès-verbaux d'un ancien distributeur de X à l'origine d'une plainte (ci-après le plaignant) mais s'est abstenue de communiquer plusieurs procès-verbaux de l'appelante.

Il est fait valoir que l'Autorité a omis de joindre à sa requête les déclarations de trois salariés de la société X recueillies dans le cadre de l'enquête du 21 mars 2019, alors qu'elles auraient éclairé le JLD dans la mesure où elles contiennent des explications très utiles sur le différend commercial entre l'appelante et le plaignant (Y), le fait que celui-ci soit redevable de sommes à l'égard de X et des exemples très concrets sur ses manœuvres répétées à l'égard des autres revendeurs de X. L'Autorité ne souhaitait pas que le JLD puisse avoir accès à ces éléments qui décrédibilisent les allégations du plaignant et mettent à mal la prétendue stratégie anticoncurrentielle évoquée. Grâce à ces pièces, le JLD aurait pu déterminer que les présomptions n'étaient pas caractérisées.

B L'Autorité s'est abstenue de produire les annexes aux procès-verbaux

Il est mis en exergue que l'Autorité n'a pas présenté au JLD les documents annexés aux procès-verbaux d'audition du plaignant, à savoir une vingtaine de compte rendus manuscrits reproduits sur des feuilles blanches, remis par le plaignant et dont l'authenticité est contestable.

Il est soutenu qu'en présentant un dossier partiel au premier juge, l'Autorité a entendu en présenter une version biaisée et partiale afin d'influencer sa décision. Au lieu d'abonder le dossier de décisions de jurisprudence, l'appelante regrette que l'Autorité n'ait pas produit de réels éléments tangibles en son temps au JLD.

II.1.3 L'Autorité n'a pas communiqué au JLD des pièces essentielles au dossier mais a abondé le dossier de pièces sans rapport avec la présente affaire, un procédé qui ne vise qu'à dissimuler la faiblesse du dossier

A Sur l'instrumentalisation de la procédure de l'Autorité

L'origine de l'enquête tient à une plainte d'un ancien distributeur de l'appelante qui a souhaité détourner la procédure de l'Autorité. L'origine du dossier ne s'explique que par la volonté de nuire du plaignant.

Il est argué que ce dossier résulte d'une instrumentalisation.

Il est indiqué que, par jugement du 26 mars 2018, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent pour juger du litige entre le plaignant et X, au profit du tribunal arbitral de Zurich, et que courant mai 2018, le plaignant a saisi l'Autorité d'une plainte à l'encontre de X.

Dans ces conditions, il est évident que la saisine de l'Autorité par le plaignant n'est que la conséquence de l'échec de la procédure commerciale initiée.

Il est soutenu que non seulement le plaignant est incapable de produire des éléments tangibles, mais aussi ses déclarations recueillies en mai 2018, novembre 2018 et mai 2019 se contredisent les unes avec les autres. L'autorité a choisi de ne pas inclure ces éléments au dossier du fait de leur caractère fallacieux.

On est loin selon l'appelante de la thèse de l'autorité selon laquelle X participerait à des pratiques anticoncurrentielles selon des modalités secrètes.

B L'Autorité abonde artificiellement le dossier de documents sans rapport avec l'affaire afin de masquer la faiblesse de son dossier

Il est d'abord souligné que les documents annexés à la requête sont constitués principalement par (i) des procès-verbaux de déclarations qui ne permettent pas de caractériser des présomptions, (ii) de la jurisprudence et le texte du Règlement n° 330/2010 ainsi que (iii) des extraits d'une étude économique Xerfi qui ne concernent pas le marché des composants en cristal.

Deuxièmement, les annexes sont non seulement incomplètes mais surtout elles ne permettent pas de caractériser les indices invoqués par l'Autorité.

Ainsi, par exemple, à l'appui d'un prétendu indice sur un potentiel agissement de X visant à limiter la liberté tarifaire de ses distributeurs, l'Autorité fait référence à une correspondance entre deux distributeurs, alors même qu'aucun membre de X n'en est destinataire ou expéditeur ; la présomption d'un potentiel comportement d'abus de position dominante dans le marché de la distribution des composants en cristal s'appuie sur des extraits d'études économiques Xerfi, évoquant une forte position de marché de X sur le marché de la bijouterie. Ainsi l'étude économique mise en avant par l'Autorité concerne un tout autre marché économique que celui visé par l'enquête v distribution de composants de cristal). Une telle erreur relève soit d'une impréparation de l'Autorité soit d'un procédé déloyal, ce que le JLD, s'il avait effectué son contrôle aurait dû sanctionner.

Sur ce point, en réplique l'Autorité que l'ordonnance concerne des présomptions dans un 'secteur' économique et non sur un ou des marchés pertinents, alors qu'il est avancé une présomption d'abus de position dominante sur une marché précis (marché du cristal taillé), en s'appuyant sur des études économiques, sans lien avec ce marché.

Il est rappelé que l'ensemble de ces documents visait à prouver pas moins de quatre pratiques anticoncurrentielles prétendues, au titre desquelles des restrictions verticales et un abus de position dominante.

Ainsi en fournissant au JLD un nombre important de textes et documents généraux, l'Autorité entendait noyer la faiblesse de son dossier.

III.1.4 A titre subsidiaire, sur la nécessité de préserver les droits de la défense dans le cadre de la présente instance.

Si la Cour d'appel venait à considérer que l'Autorité n'a pas violé les droits de la défense en communiquant un dossier tronqué au JLD, il conviendra de faire droit à la demande de l'appelante de se voir communiquer les documents non communiqués dans le cadre e la présente instance.

Il est argué que le fait que des pièces soient retirées ou absentes du dossier crée un déséquilibre entre les parties qui n'est pas compatible avec le principe de l'égalité des armes.

Dès lors, il incombe à l'Autorité de donner accès à l'appelante aux pièces dont elle dispose, et notamment à l'intégralité des pièces qui figurent en annexes aux pièces n° 3, 4, 6 et 12 annexées à la requête, qui présentent un intérêt majeur et qui n'ont pas été transmis au JLD.

II.2 L'ordonnance sera annulée en raison du défaut de contrôle et de caractérisation de présomptions par le JLD

II.2.1 Contrairement à la thèse développée par l'Autorité, l'obligation de vérification du JLD n'est pas théorique

Ainsi que l'affirme l'article L. 450-4 al. 2 du code de commerce (le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée) et ainsi que le rappelle la jurisprudence (jurisprudence de la Cour de cassation citée), il appartient au JLD d'opérer une vérification concrète des éléments soumis à son examen avant d'autoriser une visite domiciliaire.

En pratique, l'existence de présomptions conditionne la recevabilité de la requête de l'Autorité et l'autorisation de procéder à des mesures de visite et saisies. Au regard de l'atteinte manifeste au principe d'inviolabilité du domicile, le JLD ne saurait se satisfaire de simples probabilités.

Dans ses observations en réponse, l'Autorité se retranche derrière une application théorique de l'obligation concrète incombant au JLD, alors que la seule circonstance que le JLD se soit assuré de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) est insuffisante pour considérer que le JLD a rempli son obligation. Si 9 annexes visaient X, c'est uniquement parce que l'Autorité a versé au dossier des documents concernant X mais sans aucun lien avec des présomptions de pratiques anticoncurrentielles (extrait K BiS). Il est soutenu qu'en prétendant que lister les annexes suffirait à caractériser un contrôle effectif par le JLD du bien-fondé de la requête, l'Autorité procède à une limitation de l'obligation de contrôle du JLD qui est contraire tant au texte de l'article L. 450-4 alinéa 2 du code de commerce qu'à la jurisprudence applicable.

II.2.2 Dans la présente affaire, le JLD n'a procédé à aucune vérification du fondement de la requête de l'Autorité

Il découle de plusieurs éléments (laps de temps de seulement trois jours ouvrés entre le dépôt de la requête et la signature de l'ordonnance, similarité des textes de la requête et de l'ordonnance) que le JLD s'est limité à faire droit à la demande de l'Autorité sans effectuer la moindre vérification.

Par ailleurs, c'est à tort que l'Autorité se soustrait aux débats, en se dissimulant derrière la méthode hypothético-déductive et celle du faisceau d'indices pour éviter de répondre à la faiblesse du dossier.

En effet, s'il est vrai que la jurisprudence est en faveur d'une appréciation globale et non individualisée des preuves, il est évident que cette méthode ne permet pas de caractériser des présomptions au cas d'espèce, où l'Autorité liste une série de quatre pratiques anticoncurrentielles et s'appuie pour chacune sur des éléments isolés et distincts, sans lien entre eux.

II.3 L'ordonnance sera annulée en raison de la violation du principe de proportionnalité

II.3.1 Le JLD n'a pas respecté le principe de proportionnalité qui s'imposait à lui

Il découle des dispositions de l'article 8 de la CESDH ainsi que de la jurisprudence de la CEDH que l'ordonnance du JLD autorisant une visite domiciliaire doit être justifiée et proportionnée au regard des objectifs poursuivis et des indices fournis dans chaque espèce, ce qui ne peut s'apprécier qu'à l'issu d'un examen au cas par cas.

II.3.2 Les précédents actes d'enquête et nombreux documents saisis s'opposaient à des nouvelles opérations attentatoires en l'absence de risque de déperdition de la preuve

Il est indiqué que les services d'instruction de l'Autorité avaient déjà mené des investigations quelques semaines avant les opérations en date des 2 et 3 juillet 2019.

Il s'agit de la visite dans les locaux de X le 21 mars 2019 avec prise de documents et auditions de salariés, des demandes de renseignement et de documents datés du 17 avril 2019, des auditions de distributeurs tiers.

Il est fait observer qu'à l'issue de ces différents actes, l'Autorité disposait donc déjà de nombreux documents et que par conséquent, si des pratiques anticoncurrentielles devaient être caractérisées, les nombreuses pièces déjà saisies auraient dû en révéler l'existence, sans qu'il soit besoin de procéder à des opérations de visite et saisie inopinées.

Il est précisé que la thèse d'une remise volontaire de documents par l'appelante, développée par l'Autorité dans ses écritures, est incorrecte, la communication de documents étant expressément exigée par les agents de l'Autorité dans le cadre des enquêtes sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce.

II.3.3 La requête de l'Autorité et l'ordonnance subséquente du JLD sont manifestement disproportionnées au regard de l'objectif recherché

Il est soutenu qu'aucun élément porté à la connaissance du JLD ne pouvait laisser présager de quelconques pratiques secrètes mises en œuvre par X et que dès lors, l'Autorité aurait tout à fait pu poursuivre son enquête sur la base de l'article L. 450-3 du code de commerce.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est demandé l'annulation de l'ordonnance.

En conclusion, il est demandé de :

A titre principal,

- dire et juger que l'ordonnance du JLD du 1er juillet 2019 susvisée a été rendue en violation des dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce et des dispositions des articles 6 et 8 de la CESDH et, plus généralement, des droits de la défense ;

En conséquence,

- annuler l'ordonnance du JLD du 1er juillet 2019 susvisée ainsi que tous les actes d'enquête subséquents ;

- ordonner à l'Autorité de la concurrence de restituer à la société X l'intégralité des pièces saisies lors des opérations de visite et saisies susvisées, en lui faisant défense d'en conserver la copie et de les utiliser directement et indirectement, en original ou en copie ;

A titre subsidiaire,

- ordonner à l'Autorité de la concurrence de communiquer à la société X l'intégralité des annexes visées dans les documents annexés à la requête susvisée non communiqués au JLD et plus précisément :

les annexes du procès-verbal de déclaration et de remises de copies de documents du 21 mars 2019 (annexe 3 de la requête) ;

les annexes du procès-verbal de déclaration et de remises de copies de documents du 14 mai 2019 (annexe 4 de la requête) ;

les annexes de la saisine devant l'Autorité de la concurrence du 15 mai 2018 (annexe 6 de la requête) ;

les annexes du procès-verbal de déclaration et de remises de copies de documents du 13 novembre 2018 (annexe 12 de la requête) ;

En toute hypothèse,

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions en date du 12 février 2020, soutenues à l'audience du 24 juin 2020, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

A titre liminaire

Il est rappelé qu'une seule opération de visite et saisie a été autorisée par le JLD de PARIS sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, tous les autres actes d'enquête antérieurs relevant de l'exercice du droit de communication, prévu par l'article L. 450-3 du même code et concernant une remise volontaire des pièces à l'administration.

I Sur la prétendue absence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles à l'égard de X dans l'ordonnance d'autorisation

1 Le JLD du TGI de PARIS a analysé les éléments d'information fournis par l'Autorité de la concurrence

En premier lieu, l'Autorité ne conteste pas l'existence d'une obligation de vérification du bien-fondé de la requête par le JLD en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce, qui n'est pas théorique et a été parfaitement remplie en l'espèce.

Il est argué que le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits exposés par l'Autorité de la concurrence, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur de la distribution des composants en cristal (bien-fondé de la demande).

En effet, le JLD, après examen des 14 annexes à la requête, dont 9 visaient directement X, a relevé l'existence possible d'une stratégie de celle-ci visant à contrôler les prix pratiqués par les distributeurs de ses composants en cristal et la gamme de produits proposée ceux-là et pouvant relever d'une entente et/ou d'un abus de position dominante.

Selon la jurisprudence, il suffit que la personne visitée paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée.

Or, les quatre agissements décrits dans l'ordonnance semblent mêler directement l'appelante aux pratiques prohibées présumées.

S'agissant plus particulièrement de la concertation prohibée recherchée, la participation, même passive, de X à une seule réunion ou à un seul échange illicite d'informations confidentielles par tout autre moyen suffirait à établir une présomption d'adhésion à une entente expresse ou tacite avec ses distributeurs et/ou concurrents.

En tout état de cause, seule l'instruction en cours permettra de connaître avec l'examen des documents saisis lors des investigations la véritable motivation de X et l'existence ou non des pratiques prohibées à son encontre.

En second lieu, concernant la critique de l'appelante selon laquelle l'ordonnance du JLD évoquerait de « simples probabilités », il est soutenu que la méthode hypothético-déductive n'est pas étrangère au droit économique lorsqu'il s'agit d'établir une présomption suffisante de fraude en droit de la concurrence, ainsi que le rappelle la jurisprudence.

Par ailleurs, au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

2 Sur la vérification effective du bien-fondé de la requête de l'Autorité de la concurrence par le JLD du TGI de PARIS

En premier lieu, contrairement aux allégations de l'appelante, l'absence de production de toutes les annexes aux procès-verbaux produits à soutien de la requête ne saurait avoir de conséquence sur la « pertinence et la complétude des éléments venant étayer la requête du Rapporteur général ».

Conformément aux dispositions de l'article L. 450-4, 2° alinéa, l'ordonnance a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête. Dès lors, le dossier n'était pas incomplet.

Il est soutenu que d'une part, le JLD a rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du code de commerce en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'Autorité permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée.

Il est rappelé que selon la jurisprudence, le magistrat de l'autorisation n'a pas à instruire à charge et à décharge mais doit seulement vérifier, de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur une ou plusieurs présomptions suffisantes de fraude, sans être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écarte.

D'autre part, le premier juge a vérifié qu'il y avait dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité, conformément aux dispositions de l'article L. 450-1 du code de commerce et à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, seule pièce obligatoire, lors d'une demande d'autorisation de procéder, en tous lieux, à des visites et saisies de documents et supports d'information en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Il est argué qu'aucun devoir d'exhaustivité ne saurait être imputé à l'Autorité de la concurrence dans la production de pièces et de faits à l'appui de la requête, celle-ci étant tenue seulement de soumettre à l'examen du premier juge les informations utiles à la démonstration de simples présomptions (en l'occurrence les courriels échangés entre les distributeurs et X).

Il est cité plusieurs jurisprudences à l'appui de cette argumentation.

En deuxième lieu, le caractère sommaire de la demande d'enquête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ne saurait faire grief à l'appelante dans la mesure où le JLD se réfère à cette pièce lors de l'examen de la recevabilité de la demande, consistant dans la vérification que la personne à l'origine de la demande est bien le rapporteur général, seul habilité à ces fins.

Par ailleurs, la note de présentation et d'orientation de l'enquête, jointe à la demande d'enquête critiquée, indique clairement le contexte des opérations de visite et saisie demandées : « En 2018 et 2019, l'Autorité de la concurrence a reçu une plainte d'un distributeur agréé, et a entendu ce dernier et un autre concurrent, à l'encontre de l'entreprise X également entendue qui fournirait les composants en cristal de la marque sur le territoire français ».

En troisième lieu, concernant la critique selon laquelle « très peu d'éléments permettaient au JLD de fonder raisonnablement une ordonnance autorisant le déclenchement d'opérations de visite et saisie », il est rappelé qu'au stade de la simple présomption, un seul indice de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles suffit, en droit, à justifier l'autorisation de visite et saisie dans les locaux d'une entreprise, sans qu'il ne soit nécessaire de produire des éléments probatoires.

En outre, le JLD présente dans son ordonnance du 1er juillet 2019 des éléments de fait retenus selon la méthode du faisceau d'indices, approuvée à maintes reprises par la jurisprudence, qui lui ont permis de suspecter X de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles justifiant l'autorisation de visiter ses locaux.

En quatrième lieu, la prétendue absence de communication d'éléments nouveaux depuis l'ouverture de l'enquête simple de nature à justifier de nouvelles investigations dans les locaux de X invoquée par l'appelante est dépourvue de fondement.

Contrairement aux allégations de l'appelante, l'ordonnance du JLD de PARIS fait état de plusieurs éléments d'information recueillis dans le cadre des pouvoirs d'enquête simple, notamment lors de l'audition et la remise de copie de documents des salariés de X (annexe n° 7) et de son distributeur PERLES & CO (annexe n° 3), qui ont eu lieu le 21 mars 2019, mais également lors des actes d'enquête simples postérieurs (annexes n° 4 et 6).

En tout état de cause, cette critique est dépourvue de fondement dans la mesure où l'Autorité n'avait pas l'obligation de produire à l'appui de sa requête uniquement des éléments d'information nouveaux et postérieurs à l'ouverture de l'enquête simple mais devait produire ceux qu'il détenait déjà de nature à justifier la visite domiciliaire, ce qui a été le cas en l'espèce.

En cinquième lieu, s'agissant de la critique tirée de la « quasi-similarité du contenu de la requête et de l'ordonnance », si effectivement l'Autorité présente au JLD, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat de modifier, s'il désire s'en servir, le projet d'ordonnance qui lui est présenté.

Au cas présent, le dossier a été présenté au JLD le 27 juin 2019 et l'autorisation n'est intervenue que le 1er juillet 2019, alors que le dossier n'était pas particulièrement volumineux (14 pièces annexées à la requête). En 5 jours, le premier juge a parfaitement pu procéder aux vérifications qui s'imposaient.

Il est argué qu'aucun élément ne permet à l'appelante de soutenir qu'il n'y a pas eu un examen attentif par le juge des 14 annexes.

Il est demandé le rejet de ce moyen.

II Sur le caractère prétendument disproportionné de la mesure autorisée en ce qu'elle intervient après des actes d'enquête effectués sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce

Il est d'abord fait valoir que X est sans qualité à apporter une appréciation sur la caractérisation ou non des pratiques anticoncurrentielles dont la preuve est recherchée à la suite de la mise en œuvre du droit de communication de l'article L. 450-3 du code de commerce auprès d'elle-même et des distributeurs de composants en cristal.

Il est précisé que les documents remis par les salariés de X sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce ne sont pas « saisis », mais remis de manière volontaire par l'entreprise auditionnée, les rapporteurs de l'Autorité ne disposant pas de pouvoirs de saisis dans le cadre de l'exercice de droit de communication.

Ainsi, en raison d'importantes distinctions entre les pouvoirs d'enquête prévus par les articles L. 450-3 et L. 450-4 du code de commerce, le JLD de PARIS a pu apprécier que le recours à des opérations de visite et saisie était justifié et proportionné, d'autant qu'il n'est pas rare qu'une enquête de concurrence débute par la mise en 'œuvre du droit de communication pour finir par le déclenchement d'une procédure coercitive, le droit de visite et saisie.

En deuxième lieu, l'autorisation judiciaire ne met en question « l'attitude très coopérative de X » lors des enquêtes effectuées sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce.

En troisième lieu, l'absence de présomption de dissimulation des éléments de preuve par une entreprise, auditionnée dans le cadre des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-3 du code de commerce, n'équivaut pas pour autant à une absence de « risque imminent de déperdition de preuve ».

Au regard de la complexité des agissements illicites présumés et de leur caractère secret et conformément à la jurisprudence, l'ADLC n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite « lourde », de l'article L. 450-4 du code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Il est soutenu que seule la visite inopinée des bureaux et la saisie des notes, documents et, le cas échéant, des messageries électroniques des principaux responsables de X, en charge notamment des relations avec les distributeurs de composants en cristal X et avec les clients grands comptes, pouvait permettre de contrôler la volonté de l'appelante d'affecter le libre jeu de la concurrence en imposant des prix de revente à ses distributeurs, en agissant en tant qu'intermédiaire dans la mise en place des concertations pour rehausser les prix pratiqués par ses distributeurs, en définissant un prix de vente en accord avec les autres distributeurs de ses propres produits lors de la création du site internet et en contrôlant la gamme de produits proposés par ses revendeurs.

Il est souligné qu'il est rare en pratique que la preuve d'agissements anticoncurrentiels résulte du simple droit de communication.

En quatrième lieu, il n'appartient pas à l'appelante de définir les sociétés et les lieux les plus intéressants pour l'enquête préliminaire menée par l'Autorité de la concurrence.

D'une part, le juge de l'autorisation n'avait pas à retenir l'ensemble des entreprises qui pourraient être citées dans les annexes à la requête, d'autre part, X est sans qualité pour critiquer l'ordonnance d'autorisation en ce qu'elle n'a pas étendu à d'autres sociétés ou lieux les mesures de visite et saisie qu'elle autorisait.

En cinquième lieu, il est faux de soutenir, comme le fait l'appelante, que la présomption d'abus de position dominante de la part de X serait fondée « que sur des extraits d'études économiques Xerfi, qui (...) concernent la distribution de bijoux et de montres, alors même que (...) et la requête portent sur des pratiques prétendument commises sur le marché de la distribution de composants en cristal ».

Ainsi qu'il résulte de la lecture des pages 71 et 72 de l'annexe 14-1 à la requête, l'entreprise X est bien active dans le secteur des bijoux fantaisie et leader mondial en ce qui concerne ceux composés de cristal taillé.

Autrement dit, X est bien en position dominante pour les composants en cristal, situation dont elle pourrait avoir abusé, au regard des éléments d'information communiqués au JLD du TGI de PARIS.

Il est rappelé que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un « secteur » économique et non pas sur un ou des marchés pertinents (plus restreint que le précédent), dont la délimitation relèvera de l'Autorité de la concurrence et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée, c'est-à-dire les pratiques illicites qui pourraient être relevées.

Au cas présent, conformément à la jurisprudence en vigueur, le JLD de PARIS a bien défini un secteur de l'économie (la distribution des composants en cristal).

En sixième lieu, s'agissant du principe de proportionnalité, il est rappelé que l'article L. 450-4 du code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales.

En effet, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2, ce qui est le cas en l'espèce, l'enquête dans le secteur des composants en cristal visant à rechercher la preuve de pratiques présumées d'entente illicite et/ou d'abus de position dominante étant nécessaire au bien-être économique du pays.

Enfin, concernant le grief tiré du prétendu « caractère massif des saisies papier et informatique », ces affirmations non seulement sont dénuées de fondement mais relèvent du contentieux ouvert par l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du code de commerce à l'encontre du déroulement des opérations de visite et saisie.

Il est demandé le rejet de ce moyen.

En conclusion, il est demandé de conclure à la validité de l'autorisation de visiter les locaux de la société X et de rejeter les moyens tirés de la violation de l'article L. 450-4 du code de commerce et de la jurisprudence en vigueur.

Par avis écrit reçu en date du 15 juin 2020, le Ministère public soutient :

I - L'ordonnance d'autorisation est fondée sur le constat par le JLD de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles par X

1 - Le JLD a vérifié le bien-fondé de la requête déposée par l'Autorité de la concurrence

Il est indiqué que le JLD, dans son ordonnance, a relevé que les 14 annexes à la requête, dont 9 visent directement X (annexes 1, 2, 3, 4, 6, 7, 11, 12 et 14), permettent d'établir l'existence possible d'une stratégie de l'appelante visant à contrôler les prix pratiqués par les distributeurs de ses composants en cristal et la gamme de produits qu'ils proposent, susceptible de caractériser une entente et/ou un abus de position dominante.

Par conséquent, il est vain de prétendre qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice d'une implication de X dans les pratiques prohibées présumées, ce que d'ailleurs, en réalité, l'appelante ne conteste pas vraiment, se contentant d'affirmer de manière péremptoire qu'« aucun des éléments précités ne permet de caractériser des présomptions de nature à justifier de nouvelles opérations de visite et saisie », alors qu'il ne s'agit aucunement de nouvelles opérations de visite et saisie mais des toutes premières à la suite de la mise en œuvre du simple droit de communication.

Il est rappelé que d'après la jurisprudence, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée, ce qui est le cas en l'espèce (v. page 7 de l'ordonnance).

2 - Le JLD a vérifié le bien-fondé de la requête au vu des éléments utiles qui lui étaient présentés

Contrairement à ce que soutient X, l'absence de production de toutes les annexes aux procès-verbaux produits à l'appui de la requête est ici sans conséquence sur la « pertinence et la complétude des éléments venant étayer la requête du Rapporteur général ».

Il est soutenu qu'au cas présent, le premier juge a disposé, pour délivrer son autorisation, de tous les éléments utiles à caractériser la possible participation de X à une politique de contrôle des prix de revente et des contrats de distribution, illustrant son possible contrôle de la gamme des produits proposée par un de ses distributeurs, établi à partir notamment des courriels échangés entre les distributeurs de X.

Concernant la demande d'enquête du 24 juin 2019 (annexe n° 1 à la requête), il s'agit, par définition, d'un document permettant seulement au JLD de vérifier la recevabilité de la demande, qui doit être formulée par le rapporteur général et son caractère sommaire ne peut faire grief à l'appelante.

Quant à la note de présentation et d'orientation de l'enquête, elle indique le contexte des opérations de visite et de saisie demandées.

Selon la jurisprudence, un seul indice de mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles suffit à justifier l'autorisation de visite et saisie.

Au cas particulier, les agissements présumés de X ont été examinés par le JLD à la lumière des comportements express ou tacites des autres acteurs du secteur économique concerné, à savoir certains de ses distributeurs de composants en cristal, avec lesquels le soupçon de stratégies et tactiques communes est établi par les pièces produites.

Des éléments postérieurs à l'ouverture de l'enquête simple et justifiant une visite et saisie dans les locaux de X ont conduit le JLD, en considération de l'ensemble des éléments qui lui étaient présentés - notamment les annexes 3 et 7 à la requête -, à caractériser l'existence de présomptions simples de pratiques anticoncurrentielles de la part de X

En l'espèce, l'enquête préalable qui a été menée, avec le droit de communication de l'article L. 450-3 du code de commerce, n'a pas suffi à apporter les éclaircissements suffisants à vérifier la réalité de la concurrence dans le secteur de la distribution des composants en cristal.

Il est de jurisprudence constante que la « quasi-similarité du contenu de la requête du rapporteur général et de l'ordonnance du JLD » qui « reprend quasiment mot pour mot le contenu de la requête » ne peut être critiquée car, s'agissant d'une ordonnance rendue sur requête, le rôle du JLD est de vérifier l'adéquation entre les termes de l'ordonnance et les pièces qui lui sont présentées, ainsi que la circonstance que ces pièces établissent une présomption de participation une pratique anticoncurrentielle

Au cas présent, le JLD a disposé de 5 jours pour effectuer les vérifications nécessaires avant d'autoriser la mesure demandée, après examen des 14 annexes jointes à la requête.

II - La mesure autorisée, qui intervient après des actes d'enquête effectués sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce, n'est pas disproportionnée

Il est fait observer qu'il n'est pas rare qu'une enquête de concurrence débute par la mise en œuvre du droit de communication, suivie par le déclenchement d'une procédure coercitive, le droit de visite et saisie, la première phase d'investigations appelant des compléments d'information.

L'absence de présomption de dissimulation des éléments de preuve par une entreprise auditionnée dans le cadre des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-3 du code de commerce n'implique pas que n'existe pas un « risque imminent de déperdition de preuve »

Le Ministère public fait valoir que l'Autorité de la concurrence garde le libre choix de recourir à la procédure dite « lourde » de l'article L. 450-4 du code de commerce, qui n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Ainsi que le rappelle la jurisprudence, la mise en œuvre des pouvoirs simples de l'article L. 450-3 du code de commerce étant susceptible d'alerter une entreprise sur la nécessité de faire disparaître certains documents, la nécessité de recourir aux pouvoirs de visite et saisie de l'article L. 450-4 du code de commerce peut apparaître.

En application de la jurisprudence, l'appréciation du périmètre de l'autorisation de visite et saisie n'appartient qu'au JLD et ne peut être critiquée par X

La présomption d'abus de position dominante de la part de X est ici fondée sur les éléments visés pages 71 et 72 de l'annexe 14-1 de la requête et non, comme indiqué par X, sur « des extraits d'études économiques Xerfi qui (...) concernent la distribution de bijoux et de montres, alors même que (...) et la requête portent sur des pratiques prétendument commises sur le marché de la distribution de composants en cristal »

Il est soutenu que X est leader mondial en ce qui concerne les bijoux fantaisie composés de cristal taillé et donc en position dominante dans ce secteur, situation dont elle pourrait avoir abusé, au regard des éléments d'information communiqués au JLD, constitutifs d'un faisceau d'indices.

En outre, conformément à la jurisprudence nationale et européenne, au stade de l'enquête préalable, il n'existe pas d'obligation de délimiter le ou les marchés pertinents, mais seulement d'indiquer le « secteur » économique concerné.

L'article L. 450-4 du code de commerce n'a jamais été remis en cause au titre de la violation de l'article 8-1 de la CESDH, en considération des prescriptions de l'article 8-2 de la même convention.

Le grief tiré du prétendu « caractère massif des saisies papier et informatique » qui serait « une autre manifestation de la grande disproportion de ces opérations inopinées » et qui porterait « atteinte au principe de l'inviolabilité du domicile privé », relève du contentieux ouvert par l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du code de commerce à l'encontre du déroulement des opérations de visite et saisie.

En conclusion, le Ministère public invite la Cour à confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 1er juillet 2019 par le JLD du TGI de PARIS et à rejeter la demande de restitution de l'intégralité des pièces saisies dans les locaux de X.

SUR LES RECOURS

Par conclusions reçues en date du 2 décembre 2019 et conclusions récapitulatives reçues en date du 8 juin 2020, soutenues à l'audience du 24 juin 2020, la société requérante fait valoir :

I Faits et procédure :

suite à l'ordonnance du JLD, trois procès-verbaux ont été dressés :

un PV de notification de l'ordonnance à l'occupant des lieux le 2 juillet 2019,

un PV relatif au déroulement des opérations en date des 2 et 3 juillet 2019,

un PV relatif aux opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire en date du 30 juillet 2019.

Selon la requérante, de graves irrégularités ont été commises lors des opérations sans que les agents acceptent que des réserves soient portées aux procès -verbaux.

II Discussion

1 X n'a pas été en mesure de vérifier si les documents susceptibles d'être appréhendés par les agents de l'Autorité n'étaient pas couverts par la confidentialité des correspondances avocat-client et entraient dans le champ de l'enquête.

2 L'OPJ a refusé de contacter le JLD pour lui faire part des graves difficultés rencontrées au cours des opérations.

3 Les agents de l'Autorité ont procédé à des saisies massives et indifférenciées sous couvert de l'existence de la méthode plus protectrice du scellé fermé provisoire.

4 Les agents de l'Autorité ont arbitrairement refusé de remettre à l'appelante une copie des données informatiques saisies et placées sous scellé fermé provisoire et ont exigé la reconstitution de ces données dans un délai extrêmement bref.

L'appelante a été contrainte de déployer des moyens colossaux pour reconstituer les données saisies dans les délais impartis.

La reconstitution à l'identique du scellé fermé provisoire n'est pas possible en pratique.

Le refus de remettre à l'appelante une copie des saisies informatiques n'est justifié par aucune considération technique ou juridique.

5 Les agents de l'Autorité ont refus d'analyser la liste des correspondances protégées transmise par l'appelante et ont conservé l'ensemble des correspondances protégées à l'issue des opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire.

Le refus de supprimer les correspondances protégées se fonde sur une pratique contra legem

Les agents de l'Autorité ont accès aux correspondances protégées et peuvent instruire leur enquête à la lumière de celles-ci.

En conclusion, il est demandé de :

- dire et juger que les opérations de visite et saisie auxquelles ont procédé les agents de l'Autorité les 2 et 3 juillet 2019 ainsi que les opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire qui se sont tenues le 30 juillet 2019 dans les locaux de X sont irrégulières ;

En conséquence,

- annuler lesdites opérations de visite et saisie et tous les actes subséquents ;

- ordonner la restitution à l'appelante de l'ensemble des documents saisis par les agents de l'Autorité au cours des opérations de visite et saisie ;

En tout état de cause,

- condamner l'Autorité à réparer les frais exposés par X dans le cadre de la procédure de scellé fermé provisoire qui s'élèvent à la somme de 50 000 € TTC, sauf à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Autorité aux entiers dépens.

Par conclusions reçues en date du 5 mars 2020 et soutenues à l'audience du 24 juin 2020, l'Autorité fait valoir :

I- Sur le prétendu grief tiré de ce que X n'aurait pas été en mesure de vérifier si les documents susceptibles d'être appréhendés par les agents de l'Autorité n'étaient pas couverts par la confidentialité des correspondances avocat-client et entraient dans le champ de l'enquête ;

L'ADLC conteste la prétendue violation du droit de l'occupant des lieux de prendre connaissance des documents au fur et à mesure de leur consultation par les rapporteurs de l'Autorité, en se référant au PV du 2-3 juillet 2019, de même en l'espèce X a pu bénéficier de l'assistance effective de son conseil au cours des opérations, il est rappelé que selon le procès-verbal 7 avocats et le responsable IT du Cabinet B.M. étaient présents dans les locaux lors des opérations.

II- Sur la régularité du refus des OPJ de contacter le JLD pour l'informer des prétendues atteintes aux droits de la défense de X.

Il est rappelé que l'OPJ apprécie si la difficulté soulevée par la requérante justifie que le JLD soit appelé, l'OPJ n'a pas d'obligation à joindre le JLD. Par contre, en ce qui concerne les opérations du 30 juillet 2019, l'OPJ a estimé nécessaire de joindre le JLD du fait de la présence d'un huissier sollicité par l'occupant des lieux à laquelle les agents de l'Autorité s'opposaient.

III- Sur le caractère prétendument massif et indifférencié des saisies pratiquées du fait de la mise des données sélectionnées sous scellé fermé provisoire.

En réponse, l'ADLC considère que les méthodes de saisie informatique de l'Autorité sont conformes à l'article 8 de la CESDH., et que les saisies effectuées ont bénéficié d'une sélectivité, en ce qui concerne les saisies de messagerie, la structure particulière de leur fichier implique la saisie globale du fichier de messagerie. En ce qui concerne la prétendue saisie de documents d'ordre privé ou en dehors du champ de l'autorisation judiciaire, la requérante ne produit aucun document à l'appui de ses prétentions.

IV- Sur le refus prétendument injustifié de rapporteurs de remettre à l'appelante une copie des données informatiques sélectionnées et placées sous scellés fermés provisoires et l'exigence prétendue de la reconstitution de ces données dans un délai extrêmement bref.

Les critiques de la requérante sont dénuées de fondement. Selon le PV une copie des documents saisis sur des fichiers a été remise à l'occupant des lieux., leur sélection permet de procéder à leur localisation. En ce qui concerne les documents placés sous scellé provisoire, aucune copie n'a été remise, la requérante étant en possession des originaux, l'article 56 du CPP ne prévoit pas cette remise.

V- Sur le bien-fondé du refus de l'Autorité d'analyser la liste des « correspondances protégées » soumise par la requérante.

De telles assertions sont infondées car le périmètre de la procédure de protection avant saisie définitive proposée par l'Autorité de la concurrence a été indiqué à la requérante, il est conforme aux principes encadrant la protection du secret des correspondances avocat client dans les enquêtes de concurrence, le caractère protégé des correspondances dont la suppression est demandée n'est pas établi et l'annulation des seules correspondances avocat client en lien avec les droits de la défense de la requérante dans un dossier de concurrence suffirait à rétablir celle-ci dans ses droits.

Il est demandé le rejet des moyens soulevés.

En conclusions :

Il est par conséquent demandé au Premier président de la CA de Paris de :

- Confirmer la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de X ;

- rejeter les demandes d'annulation des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de X et de restitution de l'intégralité des documents saisis ;

- condamner X au paiement de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis écrit reçu en date du 18 juin 2020, le Ministère public soutient :

I Les droits de X ont été préservés lors du déroulement des opérations selon une jurisprudence constante, aucun droit n'existe pour l'occupant des lieux de prendre connaissance des documents au fur et à mesure de leur consultation par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence.

S'agissant de la saisie des documents papier

Il est fait valoir que c'est à juste titre que l'Autorité indique que X a été en mesure de consulter les documents papier préalablement à leur saisie définitive.

S'agissant des fichiers informatiques

Il est soutenu que X et ses conseils ont disposé du temps nécessaire pour consulter les originaux des fichiers restés en leur possession et ont pu ainsi produire une liste de documents qu'ils considéraient comme relevant de la protection avocat-client.

X a bénéficié de l'assistance effective d'un conseil

Ainsi que le relate le procès-verbal du 2-3 juillet 2019, la requérante a bénéficié de l'assistance effective d'un ou plusieurs conseils pendant les opérations. En effet, sept avocats et le responsable IT (informatique) du cabinet B.M. ont assisté aux opérations.

Pour X, « le fait que l'OPJ indique en l'espèce qu'il ne disposait même pas du numéro de téléphone du JLD démontre qu'en pratique, aucun contrôle ne pouvait être exercé par le JLD au cours du déroulement des opérations »

Ainsi que l'indique l'Autorité, « l'OPJ n'a pas à communiquer aux conseils le numéro de téléphone du JLD. Il n'a pas non plus à contacter le JLD lorsque les conseils de la requérante le lui demandent s'il considère que la difficulté présentée est dépourvue de fondement ».

Les droits de la défense sont préservés par la proposition des rapporteurs de placer sous scellés provisoires des fichiers informatiques susceptibles de contenir des documents protégés (PV du 2-3 juillet 2019, pages 9 et 10).

Aucune violation de l'article 6 de la CESDH ne peut être utilement invoquée par X. Selon une jurisprudence constante, les droits de la défense garantis par cet article ne sont pas applicables au stade des enquêtes préparatoires, lors de la procédure de constatation des infractions

L'OPJ présent le 30 juillet 2019 lors de l'ouverture du scellé fermé provisoire pour constituer le scellé définitif, a estimé nécessaire de soumettre au JLD la question qui lui paraissait sérieuse de savoir s'il fallait ou non autoriser la présence auxdites opérations d'un huissier de justice, demandée par l'occupant des lieux et à laquelle les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence s'opposaient

En l'espèce, le JLD a autorisé la présence de l'huissier « au même titre que les conseils », ce qui, comme le relève l'Autorité, « l'a privé de sa qualité d'huissier de justice pour établir un constat sur place non prévu par le texte de l'article L. 450-4 du code précité et de la possibilité de contrôler les opérations à la place du juge et de l'OPJ ».

II Le placement des données sélectionnées sous scellé fermé provisoire n'a présenté aucun caractère massif et indifférencié et aucune violation de l'article 8 de la CESDH n'est intervenue, que ce soit au regard du volume des documents saisis ou d'une absence de sélectivité des saisies.

X n'avance aucun argument de nature à remettre en question la saisie des documents papier cotés dans les inventaires annexés au PV et avance le chiffre de 2010 cotes sans autre explication circonstanciée sur leur caractère prétendument disproportionné de cette saisie

L'absence de portées de la mention par la requérante de la saisie de 238 Go de données informatiques :

Le Ministère public soutient que le volume des données sélectionnées ne peut, en lui-même, établir l'existence d'une saisie massive, disproportionnée et indifférenciée, mais doit être rapporté à l'objet de l'ordonnance d'autorisation et au volume total des données susceptibles de s'y rapporter.

Il est rappelé que la Cour de cassation impose la saisie entière des comptes des messageries, qui sont insécables.

Par ailleurs, le chiffre des saisies avancé doit également être mis en perspective du volume total des données informatiques de la société visitée, dont il ne représente qu'un pourcentage très réduit.

En l'espèce, les rapporteurs n'ont saisi que des copies de fichiers informatiques qui comportaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation

Il n'a pas été procédé à la saisie de documents d'ordre privé ou en dehors du champ de l'autorisation judiciaire

X ne produit aucun document établissant qu'il y aurait eu saisie d'une « quantité considérable de documents en dehors du champ de l'enquête, de données personnelles et de correspondances protégées ».

Il n'appartient pas à X de revendiquer les documents qui relèveraient de la vie privée des salariés, mais aux seuls salariés d'invoquer cette protection.

La procédure de mise sous scellés fermés provisoires des données informatiques est protectrice des secrets protégés, la saisie véritable n'intervenant qu'à l'issue d'une réunion contradictoire permettant d'éliminer de la saisie les documents couverts par un secret protégé.

Le PV du 2-3 juillet 2019 fait état de la remise, par annexe au PV, de la liste exhaustive des fichiers sélectionnés afin de permettre à X d'établir la liste des documents qu'elle estime devoir protéger.

La remise de copie des données mises sous scellé fermé provisoire n'est pas justifiée dès lors qu'une liste exhaustive des fichiers sélectionnés a été laissée à la requérante indiquant le nom des fichiers, leur chemin informatique, leur provenance (origine sur le support informatique) et leur empreinte numérique et qu'elle demeure en possession des originaux des fichiers qui se trouvent dans le système informatique de la société et qu'elle est donc en mesure d'identifier.

Ni l'absence de concordance des chemins informatiques entre la liste laissée par l'Autorité et la copie « reconstituée » par la requérante ni l'impossibilité de reconstituer la même empreinte numérique que celle calculée par l'Autorité de la concurrence et donc les contenus à l'identique ne sont établis ni n'auraient empêché l'identification des courriels protégés.

Ainsi que l'indique l'Autorité, « la différence d'empreinte numérique (...) est sans incidence tant sur la suppression des courriels protégés que sur l'authenticité des éléments placés sous scellé définitif à l'issue de la procédure d'élimination ».

Les 15 jours (du 3 au 18 juillet 2019) octroyés pour l'identification, sur les supports informatiques restés en possession de X, des correspondances avocat-client est raisonnable au vu du nombre réduit de fichiers sélectionnés et placés sous scellé fermé provisoire par rapport au nombre de fichiers préalablement analysés.

L'impossibilité pour l'Autorité de la concurrence d'analyser les « correspondances protégés », du fait du refus de X de remplir le tableau qui lui a été communiqué.

Le périmètre de la mesure de protection, qui concerne les « documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec les droits de la défense dans un dossier de concurrence » avant saisie définitive, est indiqué dans le PV du 2-3 juillet 2019

Il est souligné que ni X ni ses conseils n'ont contesté le périmètre de cette mesure de protection.

Le tableau communiqué par les conseils de la requérante le 18 juillet 2019 comporte de nombreuses carences, empêchant la justification sommaire par la requérante que chaque document dont la suppression est demandé est une correspondance échangée avec un avocat externe dans le cadre de la défense de X dans une procédure de concurrence.

Ainsi, le tableau communiqué ne comporte pas d'indication du nom de l'avocat concerné par la demande de protection ni du dossier de droit de la concurrence auquel peuvent être rattachés les documents dont la suppression est demandée.

Par conséquent, les rapporteurs de l'Autorité ont indiqué à l'occupant des lieux que le tableau ne serait pas exploité et le JLD de PARIS, saisi par l'OPJ présent, a confirmé cette décision.

X a informé l'Autorité de la concurrence, par courriel du 16 juillet 2019, deux semaines après la fin des opérations du 2-3 juillet 2019, qu'elle conteste le périmètre de la mesure de protection avant saisie définitive

Il est rappelé que cette décision relève du pouvoir d'appréciation des juges du contrôle que la requérante n'a pas le pouvoir de modifier.

Le caractère protégé des correspondances dont la suppression est demandée n'est pas établi devant l'Autorité, X ne permet pas à la Cour d'exercer un contrôle in concreto sur la teneur de 1 417 documents figurant sur la liste qu'elle produit en pièce n° 9

Il est soutenu que si ce contrôle était rendu possible, la démonstration rapportée, pour chaque élément, de ce qu'il est couvert par un secret protégé ne peut conduire qu'à l'annulation de la saisie du seul document concerné.

En conclusion, le Ministère public invite à confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 1er juillet 2019 par le JLD du TGI de PARIS et à rejeter le recours exercé par X concernant le déroulement des opérations de visite et saisie autorisées dans ses locaux par le JLD du TGI de PARIS et, en conséquence, rejeter la demande de restitution de l'intégralité des pièces saisies dans ses locaux.

SUR CE

- SUR LA JONCTION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires RG 19/12699 et RG 19/15586 (recours) qui seront regroupées.

- SUR L'APPEL

I Sur la demande d'annulation de l'ordonnance en raison du caractère incomplet du dossier transmis au JLD et de la violation subséquente des droits de la défense.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 450-4 du code de commerce, « la demande d'autorisation (...) doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite », qu'en l'espèce par ordonnance du 1er juillet 2019, le JLD du TGI de Paris a autorisé des visites domiciliaires dans les locaux de la société X, <adresse>, que le JLD a rendu sa décision suite à la requête du 25 juin 2019 (présentée par l'ADLC au JLD le 27 juin 2019), que cette requête vise une liste de 14 pièces annexées, reprises dans l'ordonnance du JLD, que l'ordonnance du JLD prévoit expressément "vu la requête du 25 juin 2019 et les pièces qui y sont jointes" qu'il résulte de l'examen attentif et concret du contenu des pièces annexées jointes à la requête, tant sous forme de documents papier que dans le CD-ROM joint, que les pièces versées sont incomplètes.

Ainsi, il convient de relever en ce qui concerne les annexes jointes à la requête par l'ADLC présentée au JLD :

Annexe 4 : « PV de déclaration et de remise de copie de documents de M. B, gérant de la société Y [...] et la pièce suivante : courriel du 24 janvier 2007 [...] »:  il résulte de l'examen de l'annexe 4 que le procès-verbal de déclaration et de remise de copie de documents de B ainsi que le courriel du 24 janvier 2007 sont joints à la requête, qu'en revanche les documents remis pas B aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et qui sont listés dans le PV, intitulé «  procès-verbal de déclaration et de remise de documents » (annexe 2 à 23) ne sont pas joints à la requête.

Annexe 6 : « saisine déposée par la société Y le 22 mai 2018 auprès de l'ADLC [...] et courriels internes à l'entreprise X [...] » : ces documents sont joints à la requête, en revanche les pièces listées dans le bordereau de communication de pièces (pièce n° 1 à 11) en page 9 de la saisine, ne sont pas joints à la requête.

Annexe 12 : « PV de déclaration et de remise de copie de documents de M. B, gérant de la société Y [...] et les pièces suivantes : contrat entre X et Y [...] contrat entre X international distribution et Y [...] et son article 3.6 traduit en français » : il résulte de l'examen de l'annexe 12 que le procès-verbal de déclaration et de remise de copie de documents de B ainsi que les trois contrats sont joints à la requête, qu'en revanche les documents remis pas B aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et qui sont listés dans le PV, intitulé «  procès-verbal de déclaration et de remise de documents » (annexe 2 à 20) ne sont pas joints à la requête, de plus en ce qui concerne la pièce 12.3 qui comporte 17 pages rédigées en anglais celle-ci n'est accompagnée que d'une traduction partielle en français (page 4 uniquement) et est donc incomplète.

Il découle de la jurisprudence européenne et nationale que les garanties offertes par l'article 6 de la CESDH s'appliquent pleinement dès la phase d'enquête. En effet la CEDH a confirmé l'applicabilité de l'article 6 à la procédure prévue à l'article L. 450-4 du code de commerce dans son arrêt du 21 décembre 2010 (Canal Plus C/ France n° 29408/08).

La Cour de cassation (arrêt du 25 juin 2014) a jugé que «  dans les procédures fondées sur la violation du droit de la concurrence, l'obligation d'assurer l'exercice des droits de la défense doit être respectée dès le stade de l'enquête préalable ».

Ainsi le recours prévu par l'article L. 450-4 du code de commerce devant le premier président de la Cour d'appel doit pouvoir s'exercer dans le respect des droits de la défense.

Il convient de rappeler que l'ordonnance du JLD prévoit que « l'entreprise visée par l'ordonnance peut, à compter de la date de la visite et des saisies dans ses locaux, consulter la requête et les documents annexés au greffe de la juridiction » du JLD, qu'en l'espèce, une partie des pièces n'ayant pas été jointes à la requête, leur consultation est impossible, ce qui constitue une violation des droits de la défense.

En l'espèce, il convient de constater que l'Autorité de la concurrence, alors qu'elle affirme en page 12 de ses écritures que "toutes les pièces annexées à la requête y figurent", a transmis un dossier incomplet au JLD du fait de l'absence de la transmission de nombreuses pièces sur lesquelles pourtant l'Autorité a fondé sa requête pour obtenir l'autorisation de visite et de saisie auprès du Juge des libertés et de la détention.

Ce moyen sera accueilli.

II Sur la demande d'annulation de l'ordonnance en raison du défaut de contrôle et de caractérisation de présomptions par le JLD.

Ainsi que l'affirme l'article L. 450-4 al. 2 du code de commerce, le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que « le juge qui autorise en vertu de ce texte une visite et saisie à la requête de l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que cette administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée » (Com. 6 avril 1993 n° 91-20439, Com. 5 février 1991 n° 89-15030, Com. 10 mars 1992 n° 90-16527).

En pratique, l'existence d'indices ou présomptions conditionne la recevabilité de la requête de l'Autorité et l'autorisation de procéder à des mesures de visite et saisies, d'ailleurs l'Autorité elle-même ne conteste pas l'existence d'une obligation de vérification du bien-fondé de la requête par le JLD en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce, qui n'est pas théorique.

En l'espèce, le JLD a autorisé les opérations de visite et saisie dans les locaux de la société X au motif que : " l'ensemble de ces agissements semblent constituer les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes verticales et/ou horizontales de dimension nationale visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, notamment à travers des échanges d'informations sensibles concernant les prix des composants en cristal, susceptibles de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-1 2° du code de commerce et/ou d'un abus de position dominante de par l'existence de clauses d'exclusivité, susceptible de relever de la pratique prohibée par l'article L. 420-2 du code précité".

Il convient de rappeler que Le JLD reprend in extenso la motivation de la requête de l'ADLC et s'appuie sur les 14 pièces annexées à cette requête.

Le JLD dans sa décision affirme que "X occuperait une position dominante sur le marché du cristal taillé", en se référant à l'annexe 14 de la requête, qui est composée de pages issues d'une étude Xerfi datée d'octobre 2017 et d'août 2018. Or il résulte de la lecture des extraits tirés de l'étude économique que celle-ci traite de « la distribution de bijoux et montres », que la page 4 évoque la situation de "l'autrichien X" et du "danois Pandora", sans évoquer de position dominante sur le marché des composants en Cristal, de la même manière la page 98 est limitée à la mention de l'évolution du chiffre d'affaires de la société X entre 2012 et 2016. Ainsi la situation de position dominante de X sur le marché des composants en Cristal ne peut se déduire de cette annexe 14.

Le JLD dans sa décision liste une série de 4 pratiques anticoncurrentielles et expose les indices qui selon lui tendent à démontrer l'existence de présomptions de ces pratiques. Il s'appuie sur les 14 pièces annexées à la requête de l'ADLC.

Or une lecture attentive et un examen concret des annexes révèlent que l'annexe 1 est la demande d'enquête du rapporteur général qui permet à l'ADLC de présenter sa requête au JLD et qui précise la cadre juridique de cette enquête.

L'annexe 2 comporte des pièces neutres concernant l'entreprise X (K bis et rapport d'entreprise) qui n'apportent aucun élément sur les indices évoqués.

Les annexes 5, 8, 9, 10 et 13 sont les bases textuelles ou de jurisprudence sur lesquelles se fonde la thèse de l'ADLC, sans apporter d'éléments sur les indices des pratiques anticoncurrentielles présumées de X.

Au final, la démonstration du JLD concernant les 4 indices de pratiques anticoncurrentielles présumées de la part de X ne repose que sur 6 annexes, constituées pour la plupart d'échanges de mails peu précis et tirés de leur contexte, de la plainte de la société Y (en litige commercial avec X) et des contrats entre X et Y des 5 mars 2012 et 8 juin 2006, dont la copie est communiquée par le gérant de Y aux rapporteurs de l'Autorité, étant observé que ces documents comportent en leur article 7 pour l'un et 10 pour l'autre une clause de confidentialité « chacune des parties s'engage à conserver confidentiels les termes (mais non l'existence) du contrat et n'en divulguera pas les termes à quelque tiers que ce soit sans l'accord exprès de l'autre partie », que la légalité de la production de ces pièces sans l'accord de X interroge.

Ainsi, les pièces annexées à la requête de l'ADLC sont insuffisantes pour établir les indices des pratiques anticoncurrentielles présumées, d'ailleurs, dans ses écritures, l'ADLC semble admettre le caractère faible du dossier, puisqu'elle indique que « le dossier n'était pas particulièrement volumineux (14 pièces annexées à la requête) », pour expliquer que « 5 jours » ont suffi au JLD pour rendre sa décision (en réalité 3 jours ouvrables).

Ainsi, il résulte de l'examen des pièces que, malgré la théorie du raisonnement hypothético-déductif propre à la matière développée par l'ADLC, le JLD, qui a statué dans un délai de 3 jours ouvrables, n'a pas procédé à la vérification du fondement de la requête de l'Autorité, conformément à l'article L. 450-4 al 2 du code de commerce, en effet il convient de rappeler que le JLD doit s'assurer du caractère suffisant des présomptions qui résultent des éléments d'information qui sont en possession du demandeur et produites aux fins de justifier la visite.

Ainsi, l'allégation d'une présomption d'abus de position dominante concernant la société X dans le secteur de la distribution des composants en cristal, justifiant la mise en œuvre de l'article L. 450-4 al2 du code de commerce, est dénuée de fondement.

Il en résulte que la motivation de l'ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris est insuffisante pour démontrer une présomption d'abus de position dominante et qu'en l'absence de caractérisation des conditions posées par l'article L. 450-4 du code de commerce, cette ordonnance est mal fondée.

Ainsi ce moyen de défaut de contrôle et de caractérisation de présomptions par le JLD sera accueilli, l'ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris le 1er juillet 2019 à l'encontre de la société X sera déclarée nulle, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés ni la demande subsidiaire de l'appelante.

- SUR LES RECOURS

L'ordonnance rendue par le JLD de Paris le 1er juillet 2019 ayant été annulée, il convient de déclarer nulles les visites domiciliaires des 2 et 3 juillet 2019 suivies des opérations du 30 juillet 2019 effectuées dans les locaux de la SAS X, <adresse>, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés.

Il convient donc d'ordonner la restitution à la SAS X de l'ensemble des documents saisis, sans possibilité pour l'Autorité de la concurrence d'en garder copie ou d'en faire usage.

Les circonstances de la procédure justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS X.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

- Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 19/12686 (appel) et RG 19/12699 et RG 19/15586 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 19/12686) ;

- Annulons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande instance de PARIS en date du 1er juillet 2019 à l'encontre de la SAS X ;

- Déclarons irrégulières les opérations de visite et saisie auxquelles ont procédé les agents de l'Autorité les 2 et 3 juillet 2019 ainsi que les opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire qui se sont tenues le 30 juillet 2019 dans les locaux de la SAS X sis <adresse> ;

- Ordonnons la restitution à la société SAS X de l'intégralité des pièces saisies lors des opérations de visites et saisies susvisées, sans possibilité pour l'Autorité de la concurrence d'en conserver la copie et de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie ;

- Rejetons toute autre demande ;

- Disons qu'il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'accorder la somme 15.000 euros (quinze mille euros) à la SAS X ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par l'Autorité de la concurrence.