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Décisions

Commission, 23 juillet 2012, n° M.6596

COMMISSION EUROPÉENNE

Décision

SNCF-P/ GROUPE KKEOLIS

Commission n° M.6596

23 juillet 2012

Objet:        Affaire n° COMP/M.6596 –SNCF-P/ GROUPE KEOLIS

Décision de la Commission suite au mémoire motivé présenté conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi de l'affaire à la France.

I.  INTRODUCTION

1. Le 25 juin 2012, la Commission a reçu, au moyen d'un mémoire motivé, une demande de renvoi au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations concernant un projet de concentration par lequel SNCF-Participations ("SNCF-P", France), appartenant au groupe SNCF (France) acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle exclusif de la société Groupe Keolis (France) (ci- après"l'opération", décrite au paragraphe 9 ci-dessous). SNCF-P demande que l'opération  soit examinée dans sa totalité par les autorités compétentes de la France.

2.  Conformément à l’article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, avant de notifier officiellement une opération de concentration à la Commission, les parties peuvent demander que la Commission procède au renvoi partiel ou total de l'affaire aux  Etats membre où la concentration risque d’affecter la concurrence de manière significative sur des marchés qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

3.   Une copie du mémoire motivé a été envoyée à tous les Etats membres le 26 juin 2012.

4.   Par lettre du 12 juillet 2012, l'Autorité de la concurrence, en tant qu'autorité compétente de  la France, a informé la Commission que la France acceptait la demande de renvoi.

II. LES PARTIES

5.   SNCF Participations (ci-après "SNCF-P") est contrôlée par la SNCF, établissement public industriel et commercial, société de tête du groupe SNCF. SNCF-P est chargée de contrôler diverses filiales et participations détenues par le groupe SNCF, l'opérateur historique du transport ferroviaire en France. Le groupe SNCF est actif dans le secteur des services de transport de voyageurs aux niveaux local, national et international, ainsi que dans le secteur du transport de marchandises. Le groupe SNCF assure de plus l'exploitation et le développement des 3000 gares françaises ainsi que la gestion déléguée de l'infrastructure ferroviaire française pour le compte de Réseau Ferré de France (RFF), qui en est le gestionnaire.

6.   Groupe Keolis regroupe depuis 2010 tant les activités de la société Keolis que celles de la société Effia. Keolis offre des services de transport public de voyageurs en France et dans d'autres pays. En France, Keolis a de plus des activités d'exploitation d'aéroports régionaux et locaux, de conseil, de gestion de gares routières et de parc-relais, de location de vélos de courte durée et en libre-service, de location de voitures en auto-partage et de navettes maritimes. Effia, quant à elle, gère des services destinés à faciliter la mobilité des voyageurs et l'inter-modalité des transports publics. En particulier, elle développe des solutions de stationnement, fournit divers services liés aux transports, notamment de conseil, d'études, d'ingénierie et d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, et a des activités dans le domaine des systèmes d'information multimodale à destination des voyageurs.

7.   Groupe Keolis est actuellement contrôlé conjointement par SNCF-P et la Caisse de Dépôt et de Placement du Québec (ci-après "CDPQ"), un gestionnaire de fonds institutionnel qui gère essentiellement les fonds des régimes de retraite et d'assurance d'entités publiques et privées, principalement au Québec. Avant la prise de contrôle en commun de Keolis et d'Effia par

SNCF-P et CDPQ, Effia était contrôlée exclusivement par la SNCF tandis que Keolis était contrôlée par Kuvera Développement, une société holding créée afin de gérer la  participation des différents investisseurs dans le capital de Keolis, notamment SNCF-P, CDPQ et AXA, et qui faisait l'objet d'un contrôle fluctuant entre ses actionnaires.

8.   A la suite d'un renvoi effectuée par la Commission en vertu de l'article 9 du règlement sur  les concentrations2, la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ a été autorisée par l'Autorité de la concurrence sous réserve du respect de certains engagements présentés par la SNCF3.

III. L’OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

9.   L'opération consiste en une modification de la structure du capital de Groupe Keolis et comporte la signature d'un nouveau pacte d'actionnaires. A l'issue de l'opération, SNCF-P et CDPQ détiendront respectivement 70% et 30% des actions de Groupe Keolis. De plus, SNCF-P contrôlera la nomination de la majorité des membres du conseil de surveillance et du directoire de Groupe Keolis.4 […].

10.  Pour certaines décisions, il sera toutefois nécessaire de réunir une majorité qualifiée qui conférera de fait un droit de véto à CDPQ. Ces décisions concernent notamment […]. Toutefois, ces droits de véto ne vont pas au-delà de la protection des intérêts financiers de CDPQ en tant qu'investisseur minoritaire.

11.  A l'issue de l'opération, SNCF-P disposera donc du contrôle exclusif de Groupe Keolis.  Dans la mesure où elle n'exerce actuellement qu'un contrôle conjoint, l'opération constitue une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations.

IV. DIMENSION EUROPEENNE

12.  Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 milliards d’euros (groupe SNCF: 28,2 milliards d'euros; Groupe Keolis: 4,4 milliards d'euros). Chacune d'entre elles réalise un chiffre d'affaires dans l'Union européenne de plus de 250 millions d’euros (groupe SNCF: 26,6 milliards d'euros; Groupe Keolis: 4,1 milliards d'euros) et seul le groupe SNCF réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre (France: 23,4 milliards d'euros). L'opération est donc de dimension européenne.

V.   APPRECIATION

5.   Dans leur examen de la prise de contrôle conjoint de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ, la Commission et l'Autorité de la concurrence avaient examiné les marchés du transport public de voyageurs ainsi que divers autres marchés liés au transport public: gestion des gares routières, conseil en matière de transport et de systèmes d'information des voyageurs et de billettique, gestion des parcs de stationnement, audit d'opérateurs de transport public, location de vélos en libre-service (ci-après "les marchés accessoires").

6.   L'opération n'emporte d'effets que sur une partie de ces marchés. En effet, si la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ a eu des effets liés au rapprochement de Keolis et d'Effia5, la prise de contrôle exclusif de Groupe Keolis par SNCF-P n'aura pas de tels effets puisque Keolis et Effia sont déjà toutes deux contrôlées  par Groupe Keolis

A. Marchés de services pertinents

Marchés du transport public de voyageurs

7.   Dans la décision de renvoi de 2009 6 comme dans la décision de l'Autorité de la concurrence7 , il a été opéré une distinction entre (i) le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France, considéré comme un marché distinct du reste du territoire français en raison du statut particulier conféré à l'Ile-de-France par la législation française relative aux transports; (ii) le marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de- France (la question de la substituabilité entre les différents modes de transport étant laissée ouverte), (iii) le marché du transport public interurbain routier de voyageurs hors Ile-de- France et (iv) le marché du transport public interurbain ferroviaire de voyageurs hors Ile- de-France

8.   La définition exacte de ces différents marchés peut toutefois rester ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi restent inchangées quelle que soit la définition retenue.

Marchés accessoires

9.   Dans la décision de renvoi de 20098, la Commission avait considéré que la définition exacte de ces différents marchés de services pouvait rester ouverte dans la mesure où elle était  sans incidence sur l'analyse concurrentielle et l'analyse de la demande de renvoi des autorités françaises. Il en est de même dans le cas présent.

B. Marchés géographiques pertinents

Marchés du transport public de voyageurs

10.   Dans la décision de renvoi de 20099, la Commission avait considéré que le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France était de dimension au plus nationale, voire limitée à l'Ile-de-France. Dans la décision de l'Autorité de la concurrence, l'analyse de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia avait été menée au niveau de l'Ile-de-  France 10 . SNCF-P considère que cette approche est toujours applicable. Aucun développement significatif pertinent pour la définition du marché en cause n'est intervenu depuis. La Commission considère dès lors que le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France est de dimension au plus nationale.

11.   S'agissant du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France, la Commission avait noté dans la décision de renvoi de 2009 11 que selon son enquête, la dimension  géographique de ce marché était au plus nationale, compte tenu notamment de la présence très faible des opérateurs étrangers ainsi que d'une différence importante entre les parts de marché des opérateurs étrangers en France et les parts de marché des opérateurs étrangers dans les pays voisins, indice d'une spécificité du marché français. L'Autorité de la concurrence avait partagé cette analyse 12 , que SNCF-P estime toujours d'actualité. Le marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France apparaît donc comme de dimension au plus nationale.

12.   Dans la décision de renvoi de 200913, la Commission avait indiqué que selon son enquête, le marché du transport public interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France était de dimension infranationale ou au plus nationale, compte tenu notamment de la nécessité pour les opérateurs de bénéficier d'une implantation locale forte par le biais de dépôts de véhicules ainsi que de divers obstacles à l'implantation d'opérateurs étrangers. L'Autorité de la concurrence avait partagé cette analyse14, que SNCF-P estime toujours d'actualité. Aucun développement significatif pertinent pour la définition du marché en cause n'est intervenu depuis. Il apparaît donc que le marché du transport public routier interurbain de voyageurs hors Ile-de-France est au plus de dimension nationale.

13.   Enfin, lors de leur examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF- P et CDPQ, tant la Commission que l'Autorité de la concurrence avaient estimé que le marché  du  transport  public  ferroviaire  interurbain  des  voyageurs  en  France  était    de

dimension nationale, compte tenu du monopole de la SNCF sur ce marché.15 SNCF-P estime que ces conclusions valent toujours. En effet, le monopole de la SNCF justifie toujours de retenir une dimension nationale, même si la libéralisation des services de transports ferroviaires internationaux permet aux opérateurs ferroviaires autres que la  SNCF d'offrir des services de transport de passager entre deux villes françaises lorsque celles-ci sont situées sur des parcours internationaux desservis par ces mêmes opérateurs. En effet, les services de ce type constituent une exception de portée limitée qui ne remet  pas fondamentalement en cause le monopole de la SNCF. Le marché du transport ferroviaire interurbain de voyageurs en France est donc de dimension nationale.

Marchés accessoires

14.   Dans la décision de renvoi de 200916, la Commission avait indiqué que selon son enquête, ces marchés pouvaient être d'une dimension supérieure à l'échelle nationale.  La Commission avait toutefois ajouté qu'il n'était pas nécessaire de se prononcer sur la définition géographique de ces marchés car en ce qui les concernait, les seuls effets potentiels de l'opération examinée étaient localisés en France en raison de leurs liens avec  le marché français du transport public de voyageurs.

15.   Il en va de même dans le cas présent. En effet, les marchés accessoires ne jouent un rôle dans les effets de l'opération sur la concurrence que dans une analyse conglomérale selon laquelle l'entité fusionnée pourrait tirer parti de ses activités sur un marché accessoire pour renforcer sa position sur les marchés du transport public de voyageurs. Les effets négatifs  de ce type de comportements porteraient donc sur les marchés du transport public de voyageurs, qui sont de dimension nationale ou infranationale.

C. Appréciation

Effets horizontaux: marché du transport ferroviaire de voyageurs

16.   Lors de son examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ, l'Autorité de la concurrence s'était interrogée sur le point de savoir si dans la perspective d'une possible ouverture à la concurrence du marché du transport ferroviaire de voyageurs, le rapprochement de la SNCF et de Keolis aurait un impact négatif en entraînant la disparition d'un concurrent potentiel de la SNCF.17 Elle avait finalement conclu par la négative, en raison de l'existence de concurrents potentiels autres que Keolis. La Commission estime que cette conclusion est toujours applicable. Toutefois, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur ce point qui n'a pas d'incidence sur les conclusions de l'analyse du bien-fondé de la demande de renvoi.

Effets congloméraux

17.   Lors de son examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ, l'Autorité de la concurrence avait examiné le risque qu'Effia ne puisse avantager les activités de transport public routier de Keolis en lui fournissant un accès privilégié aux informations qu'elle collecte dans le cadre de ses activités d'audit d'opérateurs de transport public. L'Autorité de la concurrence avait estimé que Keolis pourrait, en raison de son rapprochement avec Effia avoir accès à des informations obtenues par cette dernière dans le cadre de ses activités d'audit qui pourraient lui conférer un avantage concurrentiel substantiel lors de ses réponses aux appels d'offres concernant le transport public routier de voyageurs.18 Afin de lever ces doutes, SNCF-P et CDPQ avaient fourni, pour une durée de cinq ans, des engagements que l'Autorité de la concurrence a rendus obligatoires et qu'elle peut prolonger pour une durée allant jusqu'à cinq ans supplémentaires.

18.   La Commission ne peut exclure que le caractère obligatoire de ces engagements ne soit remis en cause par une acquisition de contrôle exclusif dûment autorisée de Groupe Keolis par SNCF-P. En effet, ces engagements avaient été fournis en vue d'une prise de contrôle  en commun, et non d'une prise de contrôle exclusif.19 De plus, à supposer que le caractère obligatoire de ces engagements ne soit pas remis en cause par une acquisition de contrôle exclusif dûment autorisée, la Commission ne peut exclure que les sanctions possibles en cas de manquement à ces engagements soient insuffisantes pour garantir le respect de ceux-ci. En effet, une sanction consistant à mettre fin à la situation de contrôle en commun n'aurait pas d'effet dissuasif dès lors que SNCF-P aurait acquis le contrôle exclusif de Groupe Keolis.

19.   Tant l'éventuelle remise en cause du caractère obligatoire de ces engagements que l'éventuelle insuffisance des sanctions visant à en assurer le respect pourrait produire des effets négatifs sur le marché du transport public de voyageurs. L'opération risque donc d'affecter la concurrence de manière significative sur les marchés du transport public de voyageurs. Or, ces marchés sont de dimension nationale ou infranationale. Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence est l'autorité la mieux placée pour évaluer les risques qui pèsent sur la mise en œuvre des engagements rendus obligatoires par sa décision de 2010, et sur  les conséquences que pourraient avoir la concrétisation de tels risques sur les marchés du transport public de voyageurs en France.

20.   Par ailleurs, lors de son examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P  et  CDPQ,  l'Autorité  de  la  concurrence  avait  identifié  quatre  types  d’atteinte otentielle à la concurrence par effets non-horizontaux entre le marché du transport ferroviaire et les marchés du transport urbain et interurbain de voyageurs20: un premier risque lié au fait que la SNCF est gestionnaire des gares ferroviaires. L'Autorité de la concurrence avait estimé qu'à l’issue de la prise de contrôle en commun, la SNCF pourrait favoriser sa filiale Keolis concernant la mise en place de points d’information et de vente dans les gares; n deuxième risque découlant du fait que la SNCF est détentrice d’informations essentielles à l’organisation des transports routiers de voyageurs, à savoir l’information sur les horaires de ses trains. L'Autorité de la concurrence avait estimé qu'à l'issue de la prise de contrôle en commun, Keolis serait susceptible de bénéficier d’un accès privilégié à cette information, au détriment de ses concurrents; n troisième risque lié à l’attribution des services routiers "assimilés à du ferroviaire" ainsi que des services routiers de "substitution". L'Autorité de la concurrence avait estimé que la prise de contrôle en commun pourrait engendrer une incitation supplémentaire pour la SNCF, mandatée par les régions pour l’attribution de ces marchés, à privilégier sa filiale Keolis au détriment de ses concurrents; un quatrième risque découlant du fait que, dans la perspective d’une ouverture possible à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, la SNCF pourrait s’appuyer sur Keolis pour asseoir sa présence sur le transport ferroviaire de voyageurs.

21.   L'Autorité de la concurrence avait, au terme de son analyse, écarté les deux derniers types de risques. Afin de lever les doutes concernant les deux premiers types de risques, SNCF-P et CDPQ avaient soumis des engagements, que l'Autorité de la concurrence a rendus contraignants par sa décision de 2010.

22.  Là encore, la Commission ne peut exclure que le caractère obligatoire de ces engagements ne soit remis en cause par une acquisition de contrôle exclusif dûment autorisée de Groupe Keolis par SNCF-P. Elle ne peut non plus exclure que les sanctions possibles en cas de manquement à ces engagements soient insuffisantes pour en garantir le respect. Elle considère pour ces raisons que l'opération risque d'affecter la concurrence de manière significative sur les marchés du transport public de voyageurs en France. Or, ces marchés sont de dimension nationale ou infranationale. Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence est l'autorité la mieux placée pour évaluer les risques qui pèsent sur la mise en œuvre des engagements rendus obligatoires par sa décision de 2010 et sur les conséquences que pourraient avoir la concrétisation de tels risques sur les marchés du transport public de voyageurs en France.

23.   Enfin, la Commission note qu'en conséquence de l'opération, CDPQ perdra le contrôle conjoint qu'elle exerce actuellement sur Groupe Keolis. Or, CDPQ, qui n'a pas d'activités sur les marchés du transport public de voyageurs en France, n'a pas nécessairement les êmes intérêts que la SNCF-P. En particulier, il n'est pas nécessairement de l'intérêt de CDPQ de permettre à la SNCF de s'appuyer sur Keolis pour asseoir sa présence sur le transport ferroviaire de voyageurs, surtout si un tel comportement devait nuire aux résultats financiers de Keolis. La perte de contrôle en commun de CDPQ pourrait donc renforcer les effets congloméraux identifiés par l'Autorité de la concurrence lors de son examen de la prise de contrôle en commun de Keolis et Effia par SNCF-P et CDPQ. L'Autorité de la concurrence, qui a déjà analysé ces effets en détail, est l'autorité la mieux placée pour examiner ce point.

VI RENVOI

24.   Sur la base des informations fournies par SNCF-P dans son mémoire motivé, la Commission considère que les conditions de renvoi, telles que prévues à l’article 4 paragraphe 4 du règlement sur les concentrations, sont réunies dans le cas présent, dans la mesure où la concentration risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un ou plusieurs marchés à l’intérieur d’un État membre et qui présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts.

25.   La communication sur le renvoi des affaires en matière de concentration21 (paragraphe 17) indique que: "les parties requérantes sont essentiellement tenues de démontrer que l’opération risque d’affecter la concurrence sur un marché distinct d’un État membre, effet qui peut être significatif, et qui doit par conséquent être examiné en profondeur" et que  "ces indications peuvent très bien n’être que préliminaires".

26.   Sur le fondement des renseignements fournis par SNCF-P dans son mémoire motivé, la Commission estime que le principal impact de l'opération sur la concurrence est susceptible d'avoir lieu sur des marchés distincts en France. Elle estime par ailleurs que la demande de renvoi est cohérente avec le paragraphe 20 de la communication précitée qui dispose que "les concentrations de dimension communautaire susceptibles d'affecter la concurrence sur les marchés nationaux ou infranationaux et dont les effets se feraient ressentir ou auraient leur effet économique principal dans un seul État membre sont celles qui se prêteraient le mieux à un renvoi à cet État membre, en particulier dans les cas où ces effets se produiraient sur un marché distinct qui ne constitue pas une partie substantielle du [marché intérieur]. Si le renvoi est limité à un seul État membre, l'avantage du guichet unique est également préservé." Ainsi, le renvoi demandé préservera le principe du "guichet unique", dans la mesure où  cette affaire sera renvoyée à une seule autorité de concurrence ce qui constitue un facteur important d'efficacité administrative.

27.   Enfin, comme il a été indiqué aux paragraphes 27 et 31 de la présente décision, l'Autorité de la concurrence, qui a déjà analysé les marchés concernés en détail, est l'autorité la mieux placée pour examiner cette opération.

VII.       CONCLUSION

28.   Pour les raisons exposées ci-dessus et étant donné que la France a exprimé son accord, la Commission a décidé de renvoyer l'affaire à la France dans sa totalité. Cette décision est adoptée en application de l'article 4, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.

1  JO L24, 29.1.2004, p.1 ("le règlement sur les concentrations"). Applicable à compter du 1er décembre 2009, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne («TFUE») a introduit divers changements, parmi lesquels le remplacement des termes «Communauté» par «Union» et «marché commun» par «marché intérieur». Les  termes du TFUE seront utilisés dans cette décision.

2  Décision de la Commission du 29 octobre 2009 de renvoyer l'affaire n°COMP/M.5557 – SNCF- P/CDPQ/Keolis/Effia aux autorités nationales compétentes de la République française en vertu de l'article 9 du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil (ci-après "la décision de renvoi de 2009").

3   Décision n°10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec (ci-après "la décision de l'Autorité de la concurrence").

4 Tel était le cas par exemple du marché de la gestion de gares routières, sur lequel Effia et Keolis étaient simultanément présentes.

5  Paragraphes 22 à 36.

6 Paraphes 9 à 40.

7 Paragraphe 37.

8 Paragraphe 40.

9 Paragraphe 54.

10Paragraphe 42.

11  Paragraphes 57-58 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

12 Paragraphe 46.

13  Paragraphes 6 à 61 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

14 Paragraphe 49 de la décision de renvoi de 2009, paragraphe 62 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

15  Paragraphe 50.

16      Paragraphe 72 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

17      Paragraphe 98 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

18  Les affaires M.2761 – BP / VEBA OEL et M.3161 – CVRD / CAEMI concernent également le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif. Dans les deux affaires, la Commission a considéré qu'il convenait de réitérer les engagements, proposés lors de l'autorisation de l'acquisition initiale du contrôle conjoint, dans la décision approuvant l'acquisition ultérieure du contrôle exclusif dans la mesure où ces engagements n'avaient pas encore été entièrement satisfaits

19   Paragraphe 102 de la décision de l'Autorité de la concurrence.

20  JO C56, 5.3.2005, p. 2