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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 7 octobre 2020, n° 20/00407

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Agexia (Sté)

Défendeur :

L'association Des Responsables De Copropriété (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Dias Da Silva, Mme Chegaray

Avocat :

SELARL Osmose

TGI Paris, du 11 déc. 2019

11 décembre 2019

L'Association des responsables de copropriété (ARC), association des conseils syndicaux et syndics bénévoles, édite le site internet https://arc-copro.fr/, sur lequel sont publiés des contenus informationnels. Ce site comprend des articles dont certains sont dénommés « Abus », ayant vocation à présenter un fait dénoncé par un conseil syndical ou un membre de conseil syndical, susceptible d'apparaître comme contraire aux normes en vigueur.

Courant 2019, un membre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis (...), a requis l'avis de l'ARC sur un contrat-type de syndic de copropriété proposé par la société Agexia, syndic de copropriété.

Le 28 mai 2019, l'ARC a publié un article dans la rubrique « Abus », intitulé « Agexia et son contrat hors de prix ».

Estimant que cet article outrepassait largement la liberté d'expression et relevait d'actes de dénigrement, la société Agexia a fait constater son existence par huissier de justice selon procès-verbal dressé le 2 juin 2019, et, par lettre recommandée avec accusé de réception et courriel du 5 juin 2019, a demandé à l'ARC de supprimer l'article.

L'ARC l'ayant informé, 18 juin 2019, de sa volonté de maintenir en ligne l'article litigieux, la société Agexia a, par acte du 17 juillet 2019, saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner à l'ARC de supprimer la publication litigieuse.

Par ordonnance contradictoire du 11 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que les faits poursuivis par la société Agexia auraient dû l'être sur le fondement de la diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881 ;

- requalifié en ce sens ;

- déclaré l'action civile engagée par la société Agexia prescrite ;

- débouté la société Agexia de ses demandes ;

- condamné la société Agexia à verser à l'ARC la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 20 décembre 2019, la société Agexia a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

Par conclusions remises le 17 juin 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil, 31, 546 et 835 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

- juger que les propos ci-dessous listés de l'article « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » publié par l'ARC sur son site internet le 28 mai 2019 sont dénigrants :

« Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » ;

« Encore une fois, et pourtant nous ne les cherchons pas, un contrat de syndic estampillé FNAIM a retenu notre attention » ;

« Dans le contrat d'Agexia, syndic situé au Raincy, nous retrouvons les faux fuyants habituels, fiche synthétique et dispense d'extranet à 1 euro, mais le syndic ne s'est pas arrêté là » ;

« Pourtant, il n'est pas compliqué de respecter le contrat type de syndic mis en place par le décret n° 015-342 du 26 mars 2015 » ;

« Des assemblées générales supplémentaires qui coûtent chères » ;

L'extrait du contrat de syndic de la société Agexia suivi du commentaire « On remarque ici une triple facturation, et surtout un inconnu : les frais administratifs. Que cachent ces « frais administratifs » qui sont facturés 30 € TTC par copropriétaire « Ne font-ils pas double emploi avec la facturation au temps passé de la préparation « convocation » et de la tenue de l'assemblée » Ou représentent-ils les frais de photocopie  « Ce qui ferait cher la page » Le calcul est simple. Pour une copropriété de 100 lots, et 10 heures de préparation 120 € TTC de l'heure, la facture sera de 300 € +1200 € = 1500 €. A cela s'ajoutera les frais d'envoi. Les copropriétaires se retrouvent donc piégés lorsqu'une assemblée extraordinaire est nécessaire, les frais à débourser étant énormes » ;

« Une voie amiable de résolution des impayés sérieusement mise à mal » ;

L'extrait du contrat de syndic de la société Agexia précédé du commentaire « Dans le contrat qui nous occupe, nous avons trouvé une tarification pratiquée par le syndic au niveau du protocole d'accord qui nous pose problème : » ;

« Cependant, ici, Agexia fait totalement échec à ce dispositif. En effet, il est annoncé dans son contrat 90 euros par protocole d'accord rédigé, mais également 12 euros par échéance de règlement. Ainsi, le copropriétaire qui a proposé de payer une certaine somme tous les mois, verra sa dette augmenter à chaque échéance de 12 euros. Pour un étalement de la dette sur 48 mois avec paiement tous les mois reviendra à 48 x 12 + 90 = 666 € qui iront directement au syndic. Le syndic rajoute de la dette à la dette. Le copropriétaire défaillant, mais de bonne foi, se voit donc puni d'avoir accepté et surtout respecté un échelonnement afin de régler sa dette. En rajoutant ce forfait, le cabinet Agexia, au final, décourage les copropriétaires volontaires. » ;

- juger que les propos ci-dessous listés de l'article « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » publié par l'ARC sur son site internet le 28 mai 2019 lui causent un trouble manifestement illicite :

« ABUS n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » ;

« Encore une fois, et pourtant nous ne les cherchons pas, un contrat de syndic estampillé FNAIM a retenu notre attention » ;

« Dans le contrat d'Agexia, syndic situé au Raincy, nous retrouvons les faux fuyants habituels, fiche synthétique et dispense d'extranet à 1 euro, mais le syndic ne s'est pas arrêté là » ;

« Pourtant, il n'est pas compliqué de respecter le contrat type de syndic mis en place par le décret n° 015-342 du 26 mars 2015... » ;

« Des assemblées générales supplémentaires qui coûtent chères » ;

L'extrait du contrat de syndic de la société Agexia suivi du commentaire « On remarque ici une triple facturation, et surtout un inconnu : les frais administratifs. Que cachent ces « frais administratifs » qui sont facturés 30 € TTC par copropriétaire « Ne font-ils pas double emploi avec la facturation au temps passé de la préparation « convocation » et de la tenue de l'assemblée » Ou représentent-ils les frais de photocopie Ce qui ferait cher la page « Le calcul est simple. Pour une copropriété de 100 lots, et 10 heures de préparation 120 euros TTC de l'heure, la facture sera de 300 € +1 200 € = 1 500 €. A cela, s'ajoutera les frais d'envoi. Les copropriétaires se retrouvent donc piégés lorsqu'une assemblée extraordinaire est nécessaire, les frais à débourser étant énormes » ;

« Une voie amiable de résolution des impayés sérieusement mise à mal » ;

L'extrait du contrat de syndic de la société Agexia précédé du commentaire « Dans le contrat qui nous occupe, nous avons trouvé une tarification pratiquée par le syndic au niveau du protocole d'accord qui nous pose problème » ;

« Cependant, ici, Agexia fait totalement échec à ce dispositif. En effet, il est annoncé dans son contrat 90 euros par protocole d'accord rédigé, mais également 12 euros par échéance de règlement. Ainsi, le copropriétaire qui a proposé de payer une certaine somme tous les mois, verra sa dette augmenter à chaque échéance de 12 euros. Pour un étalement de la dette sur 48 mois avec paiement tous les mois reviendra à 48 x 12 + 90 = 666 € qui iront directement au syndic. Le syndic rajoute de la dette à la dette. Le copropriétaire défaillant, mais de bonne foi, se voit donc puni d'avoir accepté et surtout respecté un échelonnement afin de régler sa dette. En rajoutant ce forfait, le cabinet Agexia, au final, décourage les copropriétaires volontaires. » ;

En conséquence,

- débouter l'ARC de l'ensemble de ses demandes ;

- enjoindre à l'ARC de supprimer toute publication ou reproduction de l'article litigieux sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement à intervenir ;

- enjoindre à l'ARC de détruire tout support papier ou numérique, de quelque nature que ce soit, reproduisant en tout ou partie l'article « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » et plus généralement son contenu, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement à intervenir ;

- enjoindre à l'ARC de détruire tout support papier ou numérique, de quelque nature que ce soit, reproduisant en tout ou partie l'article « L'ARC gagne un nouveau procès contre le cabinet Agexia » et plus généralement son contenu sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour de la signification du jugement à intervenir ;

- interdire à l'ARC d'utiliser ou de publier, de quelque manière que ce soit, l'article « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix » et plus généralement son contenu sur tout support papier ou numérique, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, la publication, sur le tiers supérieur de la page d'accueil du site internet de l'ARC (https://arc-copro.fr/), en police de taille 12 minimum et sur un espace qui ne pourra être inférieur à 15 cm de longueur et 20 cm de largeur, et ce pendant une durée de six mois, du communiqué ci-dessous qui sera suivi du dispositif du jugement à intervenir en sa totalité ou par extraits au choix de la société Agexia : « Par un arrêt en date du ['], la cour d'appel de Paris a : » ;

- se réserver la liquidation des astreintes ;

- condamner l'ARC à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens conformément aux articles 699 et suivants du code de procédure civile.

Elle invoque le caractère dénigrant de l'article litigieux, et souligne que le dénigrement est, en l'espèce, caractérisé en ce que les propos de l'ARC portent sur un produit de la société Agexia (le contrat de syndic) et sont abusifs, et qu'en cas de dénigrement de produits et services, c'est l'article 1240 du code civil qui est d'application exclusive.

Elle souligne que l'ARC :

- d'une part, propose une analyse ne reposant pas sur une base factuelle suffisante puisque l'association se contente d'analyser le contrat de syndic de façon subjective, erronée et outrancière, sans démonstration fiable puisque basée non sur des hypothèses réelles, mais uniquement sur des chiffres fictifs et des postulats farfelus ;

- d'autre part, a recours à un vocable délibérément virulent – « contrat hors de prix », « assemblées générales supplémentaires qui coûtent chères », « les copropriétaires se retrouvent donc piégés », « les frais à débourser étant énormes », « une voie amiable de résolution des impayés sérieusement mise à mal », « dette » - dont le seul objectif est de faire sensation.

Elle en infère que l'article lui cause un trouble manifestement illicite et décrédibilise son contrat de syndic en véhiculant une image négative, alors que les clauses du contrat de syndic en cause n'ont jamais été déclarées contraires à la réglementation ni par les juges, ni par l'administration, que ce contrat est tout à fait conforme au contrat-type prévu par le décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 et, de manière générale, à la réglementation applicable en la matière et en particulier à la loi dite « Elan » du 23 novembre 2018.

Par conclusions remises le 30 avril 2020, l'ARC demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2019 par le président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Paris statuant en référé :

- à titre principale, au motif que les faits poursuivis relèvent du débat sur la diffamation au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et que, par référence à l'article 65 de ladite loi, l'action de la société Agexia est prescrite depuis le 28 août 2019 ;

- subsidiairement, au motif du caractère infondé du grief de dénigrement ;

- très subsidiairement, au motif que l'action engagée relève d'un débat de fond excédant les conditions du référé telles que fixées par l'article 834 du code de procédure civile ;

Très subsidiairement : au motif qu'il n'existe en l'espèce, aucun trouble manifestement illicite (article 835 du code de procédure civile) ;

Y ajoutant,

- condamner la société Agexia à lui verser la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, Maître Frank A., avocat aux offres de droit, étant admis au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les faits poursuivis par la société Agexia relèvent de la seule diffamation et sont prescrits dès lors que la société Agexia n'a pas intenté une action en diffamation dans le délai de trois mois suivant la publication de l'article. Elle souligne que, dans son assignation, la société Agexia dénonce l'abus de la liberté d'expression de l'ARC, abus relevant de la loi sur la presse ; la demanderesse use, en outre, d'expressions mettant en cause la société Agexia elle-même et relevant, à l'évidence, de la loi du 29 juillet 1881.

Elle soutient, à titre subsidiaire, que les conditions du dénigrement ne sont pas remplies, dès lors que :

- étant une association, et non une entreprise commerciale, elle n'est pas en situation de concurrence avec la société Agexia ;

- elle n'est pas animée d'une volonté de détournement de clientèle ;

- l'article ne comprend aucun propos dénigrant, mais seulement une critique argumentée et fondée.

Très subsidiairement, elle indique que les conditions du référé ne sont pas réunies dans la mesure d'une part, où l'on se trouve dans un débat marqué par des contestations sérieuses - le point de vue d'Agexia, qui affirme que l'article entraîne le discrédit de son contrat de syndic, ne relevant pas de l'évidence - d'autre part, où la société Agexia, qui affirme subir un préjudice commercial, ne démontre nullement l'existence d'un trouble manifestement illicite.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile (ancien article 809), le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La société Agexia poursuit un article publié, le 28 mai 2019, sur le site de l'ARC, dans la rubrique « Abus », intitulé « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix », dont elle considère qu'il relève d'actes de dénigrement.

L'intimée estime que les imputations litigieuses qui lui sont reprochées ne peuvent constituer des actes de concurrence déloyale par dénigrement commercial, mais plutôt une diffamation relevant de la loi du 29 juillet 1881.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Les propos portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne physique ou morale relèvent de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La diffamation est définie par son article 29, alinéa 1er, comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

Les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés que sur le fondement de cette loi et non sur celui de l'article 1240 du code civil.

Le dénigrement, susceptible de caractériser un acte fautif au sens de l'article 1240 du code civil, qui constitue une catégorie d'acte de concurrence déloyale, consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer un profit. Il en résulte que les allégations qui n'ont pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par une société, même si elles visent une société nommément désignée, relèvent du dénigrement, dans la mesure où elles émanent d'une société de la même spécialité exerçant dans le même secteur.

L'article intitulé « Abus n° 4513 : Agexia et son contrat hors de prix' impute à la société Agexia de ne pas respecter le contrat-type de syndic, de surfacturer les assemblées générales supplémentaires et de facturer de manière excessive la voie amiable de résolution des impayés.

Le dénigrement peut être caractérisé même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, l'association de copropriétaires ARC n'étant pas en situation de concurrence avec la société Agexia.

Analysant d'une part, les frais facturés par la société Agexia aux syndicats de copropriétaires dont elle est la mandante, d'autre part, la gestion des impayés, l'article incriminé a pour seul objet une critique du produit proposé par Agexia, en l'espèce son contrat de syndic de copropriété. Les termes dont l'intimée soutient qu'ils seraient caractéristiques de la diffamation (« Agexia et son contrat hors de prix », « Nous retrouvons les faux-fuyants habituels », « le syndic ne s'est pas arrêté là », « Que cachent ces frais administratifs qui sont facturés 30 € TTC par copropriétaire », « Cependant, ici, Agexia fait totalement échec à ce dispositif », « Le syndic rajoute de la dette à la dette », « Le copropriétaire défaillant, mais de bonne foi, se voit donc puni d'avoir accepté et surtout respecté un échelonnement afin de régler sa dette », « En rajoutant ce forfait, le cabinet Agexia, au final, décourage les copropriétaires volontaires ») sont à relier au contrat ou aux prestations d'Agexia, ainsi que cela ressort des mentions :

- « Nous retrouvons les faux-fuyants habituels » et « le syndic ne s'est pas arrêté là », incluses dans la phrase « Dans le contrat d'Agexia, syndic situé au Raincy, nous retrouvons les faux-fuyants habituels, fiche synthétique et dispense d'extranet à 1 euro, mais le syndic ne s'est pas arrêté là » ;

- même s'ils citent le nom de la personne morale, les propos ne la visent pas en tant que telle, de sorte qu'ils ne peuvent être sanctionnés que sur le terrain de l'article 1240 du code civil, et non sur celui de la loi sur la presse.

La sanction du dénigrement doit être conciliée avec la liberté d'expression et ne saurait être un moyen de contourner cette dernière, la liberté de critique des produits devant être préservée.

Dès lors, les critiques portées sur un produit ou une prestation commercialisée par un concurrent caractérisent un dénigrement fautif dès lors qu'elles dénotent une volonté de porter le discrédit sur ce produit, à moins toutefois que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général, qu'elle repose sur une base factuelle suffisante et qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.

En l'espèce, la critique, par l'ARC, du contrat de syndic proposé par la société Agexia s'inscrit dans un débat d'intérêt général, régulièrement abordé - celui des contrats de syndic de copropriété, des modes de rémunération des syndics et de la défense des intérêts des copropriétaires - et dans la fonction-même de cet organisme qui est de porter la parole des consommateurs ou des usagers.

L'étude à laquelle procède l'association est articulée, assortie d'exemples chiffrés et de simulations, et repose sur une base factuelle indiscutable, la société Agexia ne faisant état d'aucun élément précis accréditant que les exemples cités seraient dépourvus de sens.

Enfin, les propos tenus - certains sous forme de questionnement - relèvent de l'opinion, les termes « contrat hors de prix », « assemblées générales supplémentaires qui coûtent chères », « les copropriétaires se retrouvent donc piégés », « les frais à débourser étant énormes », « une voie amiable de résolution des impayés sérieusement mise à mal », « dette » - participant de la libre critique, ne présentant aucun caractère outrancier et restant mesuré.

Il s'en déduit qu'aucun dénigrement fautif n'est en l'espèce caractérisé. En conséquence, la cour confirmera, par substitution de motif, l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la SAS Agexia de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que les faits poursuivis par la société Agexia auraient dû l'être sur le fondement de la diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881, requalifié en ce sens et déclaré l'action civile engagée par la société Agexia prescrite ;

Statuant à nouveau ;

Déboute l'Association des responsables de copropriété de sa demande de requalification ;

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus, notamment en ce qu'elle a débouté la SAS Agexia de ses demandes ;

Condamne la SAS Agexia aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à l'Association des responsables de copropriété la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.