Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-23.965
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Callatin
Défendeur :
Serenade des Saveurs (EARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Darbois
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocat :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 septembre 2018), Mme Callatin, agissant pour le compte de la société Dousè Péyi en cours de formation, a déposé, le 25 avril 2011, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (l’INPI), la marque « Dousè Péyi » qui a été enregistrée sous le numéro 11 3 826 106 pour désigner des produits et services des classes 21, 24, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41, 43.
2. La société Sérénade des saveurs ayant déposé, le 5 janvier 2012 à l’INPI, la marque « Doucè Peyi » qui a été enregistrée sous le numéro 12 3 886 496 pour désigner des produits et services des classes 29, 31, 32 et 43, Mme Callatin l’a assignée en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.
3. La société Sérénade des saveurs a soulevé une fin de non-recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme Callatin.
Examen du moyen unique
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme Callatin fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action en contrefaçon et en concurrence déloyale, alors « que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu’en déclarant l’action de Mme Callatin irrecevable cependant que le dépôt de marque « Dousé Peyi » a été établi personnellement par Mme Callatin en qualité de signataire « déposant » dès le 25 avril 2011, ce dont il résultait qu’elle disposait d’un intérêt personnel à agir à l’encontre de la société Sérénade des saveurs qui s’est déloyalement appropriée cette marque en procédant à son dépôt sous une dénomination identique le 5 janvier 2012, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 31 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ce texte que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
6. Pour déclarer Mme Callatin irrecevable en son action, l’arrêt retient que la marque « Dousè Péyi » a été déposée par Mme Callatin, agissant pour le compte de la société Dousè Péyi en cours de formation, que, cependant, cette société n'a pas été constituée, Mme Callatin ayant en définitive choisi d'exercer son activité de pâtisserie à titre individuel, et que, par conséquent, Mme Callatin ne peut revendiquer la propriété de la marque « Dousè Péyi » à titre personnel sans avoir fait modifier la mention au registre national des marques.
7. En statuant ainsi, alors que la société Dousè Péyi n’ayant pas été constituée et n’ayant pas repris les engagements souscrits par Mme Callatin, celle-ci n’avait jamais cessé d’être propriétaire de la marque qu’elle avait déposée, ce qui lui conférait un intérêt à agir en contrefaçon de ladite marque et pour actes de concurrence déloyale connexes, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne la société Sérénade des saveurs aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sérénade des saveurs à payer à Mme Callatin la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.