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Décisions

Cass. com., 14 octobre 2020, n° 19-10.972

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

EG Retail France (SAS)

Défendeur :

EMP (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Boisselet

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

T. com. Paris, du 3 avr. 2017

3 avril 2017

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2018), par contrat à durée indéterminée du 15 novembre 2004, la société BP France, aux droits de laquelle est venue la société EFR France, devenue la société EG Retail France, a confié à la société EMP l'exploitation d'un fonds de commerce de station-service, la distribution de carburant s'effectuant au titre d'un mandat tandis que les activités commerciales annexes de vente de tous articles et prestations relatifs à l'automobile étaient assurées en location-gérance par la société EMP, à ses risques, périls et profits.

2. Le 10 décembre 2012, la société EG Retail France a informé la société EMP de son intention de rompre leur relation contractuelle à compter du 25 juin 2013, puis a confirmé cette intention par lettre du 6 mars 2013.

3. Contestant les conditions financières de cette résiliation du contrat, la société EMP a assigné la société EG Retail France en réparation de son préjudice résultant des pertes d'exploitation de son activité de vente de carburants.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société EG Retail France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société EMP une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors « qu'en retenant, pour condamner la société EFR à payer à la société EMP une somme de 12 000 euros au titre d'une rupture brutale de relations commerciales établies, que le délai de préavis de 6 mois qui avait été accordé était « insuffisant », en énonçant à la suite qu' « un préavis de 12 mois aurait été Préférable », la cour d'appel a statué par une motivation générale et de pure forme et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour  

6. Après avoir relevé l'existence d'accords professionnels préconisant une durée de préavis de six mois, l'arrêt retient que la relation contractuelle liant les parties a duré neuf ans et que, pour les gérants de la société EMP, la rupture a été concomitante de la fin de leur relation concernant une autre société se trouvant dans la dépendance économique exclusive de la société EG Retail France.

7. En cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce, et notamment de l'état de dépendance économique de la société EMP, a, par une décision motivée, décidé qu'un préavis de douze mois était nécessaire.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.  

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société EG Retail France fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de la société EMP au titre de ses pertes sur mandat et d'ordonner une expertise afin de rechercher si l'exploitation de la station-service en location-gérance était déficitaire, s'il existait dans le même temps des pertes d'exploitation sur l'activité de vente de carburants sous mandat, dans l'affirmative de les chiffrer et en déterminer dans la mesure du possible les causes et l'origine, ainsi que de faire les comptes entre les parties alors « que les motifs contraires ou dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en énonçant tout d'abord qu' "il ne peut sérieusement être reproché aux gérants aucune faute de gestion", en désignant ensuite un expert ayant pour mission de rechercher, le cas échéant, une éventuelle « faute de gestion de l'exploitant » , la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour  

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

11. Pour déterminer le montant des pertes financières de la société EMP liées à la seule vente de carburants et leur imputabilité, l'arrêt, après avoir relevé que les documents fournis par la société EMP établissaient la réalité de telles pertes et énoncé que seules les fautes commises dans leur gestion par les exploitants à l'origine des pertes d'exploitation dans le cadre de l'exécution du mandat sont de nature à exonérer le mandant de sa responsabilité, retient qu'il ne peut sérieusement être reproché aux gérants aucune faute de gestion et qu'il convient d'ordonner une mesure d'expertise pour permettre, notamment, de déterminer si ces pertes sont dues à la politique de prix suivie par la société pétrolière, aux conditions qu'elle lui a imposées ou à une éventuelle faute de gestion de l'exploitant.

12. En statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.  

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société EFR France devenue EG Retail à payer à la société EMP la somme de 12 000 euros à titre de dommages- intérêts pour rupture brutale de la relation contractuelle, l'arrêt rendu le 5 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.