Cass. com., 14 octobre 2020, n° 19-19.228
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Entreprise Medjebeur (SAS)
Défendeur :
Eurolia Europe Liquide Agro (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Boisselet
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocats :
Me Le Prado, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 25 avril 2019), la société Eurolia Europe liquide agro (la société Eurolia) a, à compter de janvier 2012, sous-traité à la société Entreprise Medjebeur (la société Medjebeur) la réalisation de divers transports terrestres de marchandises, sans qu'un contrat écrit ait été formalisé entre les parties.
2. Reprochant à la société Eurolia d'avoir brutalement mis fin à cette relation commerciale, fin février 2015, la société Medjebeur, se prévalant des dispositions du contrat-type homologué par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, l'a assignée en paiement d'une certaine somme, correspondant, selon elle, à la marge brute mensuelle qu'elle aurait dû réaliser si la période de trois mois de préavis prévue par le contrat-type avait été respectée, et de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Medjebeur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement alors « que les dommages-intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, doit être indemnisé le préjudice résultant du défaut de respect du préavis, durant lequel les parties s'engagent à maintenir l'économie du contrat, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n'a pas été exécutée ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'indemnisation de la société Medjebeur, s'est fondée sur des motifs inopérants tirés de l'absence de justification du chiffre d'affaires global réalisé avant et après la rupture, a violé l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1231-2 du code civil, ensemble les articles 12.2 et 12.3 du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1149, devenu 1231-2, du code civil et les articles 12.2 et 12.3. du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 :
4. Selon le premier de ces textes, les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. Selon les seconds, le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie moyennant un préavis de trois mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat est d'un an et plus, les parties s'engageant à maintenir l'économie du contrat pendant cette période de préavis.
5. Pour rejeter la demande d'indemnisation de la société Medjebeur, l'arrêt, après avoir relevé que les parties avaient entretenu des relations commerciales suivies pendant plus d'une année et énoncé qu'en application de l'article 12 du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003, la rupture des relations à l'initiative de la société Eurolia aurait dû intervenir moyennant l'observation d'un préavis de trois mois, retient qu'aucun préavis n'ayant été accordé, la rupture des relations par la société Eurolia doit être qualifiée de brutale mais que, pour établir le préjudice causé par cette brutalité, la société Medjebeur ne produit pas d'éléments comptables retraçant l'évolution de son chiffre d'affaires global réalisé antérieurement à la rupture et au cours des mois suivant immédiatement celle-ci, éléments pourtant indispensables pour apprécier si la brutalité de la rupture a eu sur son activité des conséquences préjudiciables et, le cas échéant, à quelle hauteur.
6. En statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la société Medjebeur en raison du non-respect du préavis de trois mois consiste, quelle que soit, par ailleurs, l'évolution de son chiffre d'affaires global, en la perte de la marge brute qu'elle aurait pu réaliser en poursuivant ses relations contractuelles avec la seule société Eurolia pendant la durée du préavis non respecté, perte pour laquelle la société Medjebeur produisait des éléments de preuve tirée de sa comptabilité et une attestation de son expert-comptable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement rendu le 6 mars 2017 par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.