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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 8 octobre 2020, n° 17/13024

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Design By Perspectives (SARL)

Défendeur :

B2M (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Lallement , Me Boccon Gibod

T. com. Meaux, du 30 mai 2017

30 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Design By Perspectives (anciennement Perspectives & Design) est spécialisée dans l'ameublement et l'agencement pour les établissements de santé, hôtels et maisons de retraite.

La société B2M, dont M. X est le gérant, est agent commercial depuis 2004 auprès de la société Design By Perspectives dont le gérant est M. Y.

Aucun contrat n'a été formalisé entre les parties. La rémunération de la société B2M était calculée sous forme de commissions calculées sur la marge réalisée par la société Design By Perspectives.

Par courrier en date du 12 septembre 2014, le dirigeant de la société B2M a annoncé à la société Design By Perspectives qu'à l'initiative de celle-ci, il était dans l'incapacité d'exercer ses activités et constatait la fin de la coopération, invoquant un désaccord à propos de modifications substantielles unilatérales de la relation contractuelle ainsi qu'une coupure d'accès aux serveurs qui l’aurait empêché d'effectuer sa mission.

Par courrier du 19 septembre 2014, la société Design By Perspectives contestait toute intention de mettre fin à leur relation.

Par acte d'huissier de justice du 28 mai 2015, la société B2M a fait assigner la société Design By Perspectives devant le tribunal de commerce de Paris, en paiement de la somme de 601 047,33 euros au titre de l'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial, outre le paiement de la somme de 85 262,01 euros au titre des commissions qui lui seraient dues.

Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de commerce de Meaux a :

- dit que l'exclusivité territoriale revendiquée par la société B2M SARL n'est pas prouvée,

- dit que le « passage en force » pour obtenir la signature du contrat n'est pas caractérisée,

- constaté que le préjudice invoqué pour justifier la rupture du contrat d'agent commercial est établi par la suppression du code d'accès au calcul des commissions de l'agent,

- dit que les problèmes informatiques rencontrés ne résultent pas d'une volonté de « représailles »,

- constaté que la rupture des relations commerciales relève de la responsabilité de la société SARL Design By Perspectives,

- reçu la société B2M SARL en sa demande de condamnation, l'a dite en partie fondée,

- condamné la société SARL Design By Perspectives à payer à la société B2M SARL la somme de 300 000 euros (trois cent mille euros), au titre de l'indemnité de rupture du contrat,

- débouté la société SARL Design By Perspectives de ses demandes reconventionnelles,

- désigné en tant qu'expert :

M. Z Expert-comptable

Avec pour mission de :

S'informer,

- convoquer et entendre les parties en leurs dires et explications,

- se faire remettre tous documents comptables,

- prendre connaissance de tous documents utiles,

Constater et analyser les décomptes,

- fournir au tribunal le résultat de sa mission permettant d'établir un décompte définitif entre les parties,

- dit que l'expert ci-dessus désigné pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix le cas échéant,

- dit que la société B2M SARL, demanderesse, devra consigner au Greffe du tribunal de commerce de Meaux, dans le mois suivant la présente décision, la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) à valoir sur les frais et honoraires de l'expert,

- dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux articles 273 et suivants du code de procédure civile, et que sauf conciliation entre les parties, l'expert devra déposer son rapport au greffe de ce tribunal dans un délai de trois mois à compter de sa saisine,

- dit qu'un complément sera, le cas échéant fixé par le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction, à la requête de l'expert, en application de l'article 269 du code de procédure civile,

- dit qu'à défaut de consignation dans les délais prescrits, il sera fait application de l'article 271 du code de procédure civile,

- dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente mesure d'instruction,

- reçu la société B2M SARL en sa demande à titre des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, au fond l'a dite mal fondée et l'en a déboutée,

- reçu la société SARL Design By Perspectives en sa demande à titre des dommages et intérêts pour concurrence déloyale, au fond l'a dite mal fondée et l'en a déboutée,

- reçu la société SARL Design By Perspectives en sa demande concernant le non-respect du délai de préavis, au fond l'a dite mal fondée et l'en a déboutée,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,

- fixé la date à laquelle l'affaire sera appelée pour un nouvel examen à l'audience du 12 décembre 2017 à 14 heures,

- condamné la société SARL Design By Perspectives en tous les dépens qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 66,49 euros T.T.C., ainsi que les frais de greffe liquidés à 81,12 euros T.T.C., en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement auquel elle demeure également condamnée.

Par déclaration du 28 juin 2017, la société Design By Perspectives a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance sur incident du 18 octobre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande d'expertise comptable formulée par la société Design By Perspectives.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 novembre 2019, la société Design By Perspectives demande à la cour de :

Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,

Vu les articles 1231 et suivants du code civil,

Vu les pièces,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a :

Dit que le préjudice invoqué pour justifier la rupture du contrat d'agent commercial est établi par la suppression du code d'accès au calcul de commissions de l'agent ;

Constaté que la rupture des relations commerciales relève de la responsabilité de la société Design By Perspectives ;

Reçu la société B2M en sa demande de condamnation et l'a dit en partie fondée ;

Condamné la société Design By Perspectives à payer à la société B2M la somme de 300.000 euros au titre de l'indemnité de rupture ;

Débouté la société Design By Perspectives de ses demandes reconventionnelles.

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a :

Dit que l'exclusivité territoriale revendiquée par la société B2M n'est pas prouvée ;

Dit que le « passage en force » pour obtenir la signature du contrat n'est pas caractérisée;

Dit que les problèmes informatiques rencontrés ne résultent pas d'une volonté de « représailles »

Débouté la société B2M de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

Ordonné une expertise

Statuant de nouveau,

- dire et juger que les griefs invoqués par la société B2M pour tenter de justifier a posteriori la rupture sans préavis de sa relation commerciale avec la société Design By Perspectives ne sont pas démontrés puisque :

L’exclusivité territoriale revendiquée par la société B2M n'est pas prouvée ;

Le « passage en force » pour obtenir la signature du contrat n'est pas caractérisée ;

Les problèmes informatiques rencontrés ne résultent pas d'une volonté de « représailles » ;

La société B2M n'a pas subi de préjudice avéré qui serait lié à l'impossibilité d'accéder temporairement en ligne au tableau des commissions dans la mesure où elle pouvait le réclamer directement auprès de la société Design By Perspectives ;

- dire et juger que la rupture des relations commerciales relève de la responsabilité de la société B2M ;

- dire et juger qu'en conséquence la rupture a été abusivement et unilatéralement décidée par la société B2M sans respecter de préavis ;

- constater que la société Design By Perspectives a subi un préjudice important lié à la perte soudaine de son agent commercial, la société B2M ;

- dire et juger que la société B2M a commis des agissements caractérisant une concurrence déloyale au préjudice de la société Design By Perspectives ;

En conséquence,

- condamner la société B2M à verser à la société Design By Perspectives la somme de 224 654,40 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat d'agent commercial ;

- condamner la société B2M à verser à la société Design By Perspectives la somme de 450 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;

- dire et juger qu'une expertise a été réalisée et qu'un jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 26 mars 2019 a été rendu sur ce point ;

- débouter la société B2M de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

- condamner la société B2M à payer à la société Design By Perspectives la somme de 5.000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société B2M aux entiers dépens en première instance et en appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl BDL Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 novembre 2019, la société B2M demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants, 1315 et 1240 du code civil,

Vu les articles L. 134-4 et suivants du code de commerce,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces et le jugement dont il est interjeté appel,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Design By Perspectives ;

- déclarer recevables et bien fondée la société B2M en l'ensemble de ses demandes ;

Y faisant droit,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a :

Dit et jugé que la société Design by Perspectives est responsable de la cessation de ses relations avec la société B2M ;

Dit et jugé que cette rupture est fautive et justifie l'allocation d'une indemnité de cessation du contrat ;

Dit et jugé que la société Design by Perspectives a fautivement retardé la communication à la société B2M des éléments lui permettant de calculer le solde des commissions lui étant encore dues ;

Dit et jugé que la société Design by Perspectives a manipulé le mode de calcul des commissions dues à la société B2M et les a présentés sous un format inexploitable et invérifiable ;

Rejeté toutes les demandes de la société Design by Perspectives ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 mai 2017 en ce qu'il a :

Condamné la société SARL Design by Perspectives à payer à l’intimée uniquement la somme de 300 000 euros au titre au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial.

Reçu la société B2M SARL en sa demande à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, et l'a dit mal fondée et l'en a débouté,

Statuant de nouveau,

- dire et juger que Design by Perspectives a fautivement (i) continué à se prévaloir de l'adresse des locaux de la société B2M comme étant la sienne, et de l'identité du gérant de la société B2M, Monsieur Mathieu Buscail, plusieurs mois après la cessation de leur relation et (ii) tenté de perturber son lancement en interférant auprès de fournisseurs ;

- dire et juger que la société Design by Perspectives s'est ainsi livrée à un comportement de concurrence déloyale car pouvant introduire de la confusion pour les tiers, voire un comportement parasitaire et déstabiliser son fonctionnement ;

- condamner la société Design by Perspectives à régler à la société B2M une somme de 601 047,33 euros hors taxes au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial ;

- condamner en conséquence la société Design by Perspectives à régler à la société B2M la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Design by Perspectives à payer à la société B2M la somme de 7 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'étendue de l'appel

Suite à l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Meaux, un jugement a été rendu, statuant sur le montant des commissions dues par la société Design By Perspectives à la société B2M, lequel a fait l'objet d'un appel dans le cadre d'une autre procédure.

Il sera statué dans le cadre du présent appel uniquement sur la rupture du contrat d'agent commercial et ses conséquences et sur les faits de concurrence déloyale.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial

La société Design By Perspectives, appelante, fait valoir que :

- il n'existait aucun accord convenu entre les parties sur une quelconque exclusivité sur la partie nord de la France ;

- la société B2M intervenait également dans le Sud de la France et en outre-mer ;

- la réalisation du recrutement de nouveaux agents commerciaux s'effectuait en toute transparence et en accord avec la société B2M qui y participait ;

- un projet de contrat a été adressé à la société B2M, dès le mois d'octobre 2012 en application des dispositions de l'article L. 134-2 du code de commerce ;

- aucune modification n'a été apportée dans le projet du contrat sur les modalités de paiements des commissions à la société B2M ;

- les problèmes de l'accès au serveur pendant l'été 2014, période où la société Design By Perspectives est habituellement fermée ont été ponctuels ;

- la société Design By Perspectives a mis en place tous les moyens utiles, dont la maintenance, afin de limiter les éventuels désagréments, indépendants de sa volonté ;

- les montants de commissions n'étaient pas accessibles en temps réel au travers d'un logiciel de gestion (CRM) mais étaient transmis par email au travers d'un simple tableau Excel récapitulant les factures émises et mis à jour quelques fois seulement par an ;

- les problèmes informatiques ont été réglés pour le 26 août 2014, soit plus de 2 semaines avant que la société B2M n'envoie son courrier de rupture ;

- la rupture a été décidée unilatéralement et sans préavis par la société B2M ;

La société B2M, intimée, répond que :

- l'agent commercial est bien fondé à mettre fin au contrat dont l'une des conditions a été modifiée unilatéralement par le mandant, en dépit de son opposition ;

- Design By Perspectives a tenté de lui retirer l'exclusivité dont elle bénéficiait ;

- MLD et B2M ont été les seuls agents commerciaux à intervenir pour le compte de Design By Perspectives sur la moitié Nord de la France depuis 2009 jusqu'à octobre 2013 ;

- Il existe un impact direct sur les commissions de B2M par le changement proposé par Design By Perspectives lié à la suppression de l'exclusivité géographique de fait ;

- En l'espèce, un nouveau contrat non négociable a été adressé par Design By Perspectives, fin mai 2014 à B2M, avec des conditions plus défavorables ;

- Il existait une différence entre les taux de commissions proposées à B2M et ceux proposés aux autres commerciaux ;

- L'ancienneté et l'historique des relations avec B2M, notamment l'existence de l'exclusivité de fait n'ont pas été prises en considération ;

- le mandant a l'obligation de prendre des mesures concrètes pour permettre à l'agent commercial d'exercer normalement son mandat ;

- Design By Perspectives a imposé un rapport de force du fait d'une part de la coupure des accès informatiques et d'autre part de son mutisme fautif ;

- Design By Perspectives a communiqué tardivement des tableaux inexploitables et douteux ;

- B2M était dans l'incapacité absolue de travailler, sans accès ni à la liste clients, ni au système d'établissement de devis, ni au tableau comptable ;

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties, que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1°) La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2°) La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3°) Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Le 12 septembre 2014, la société B2M adressait à la société Design By Perspectives le courrier suivant afin de l'informer de la rupture du mandat d'agent commercial :

« Suite à la réorganisation de Perspective & Design que tu as souhaité mettre en place depuis un an, des changements importants m'ont été imposés. Ces derniers modifient sérieusement le périmètre et les conditions dans lesquels notre coopération fonctionnait depuis 10 ans.

Je t'ai fait part, un certain nombre de fois, de mon désaccord à propos de ces modifications unilatérales qui ont été rappelées lors de notre dernière réunion dont notamment :

- Perte de l'exclusivité territoriale,

- Mise en place sur ma zone géographique d'agents commerciaux qui ne sont pas sous ma supervision,

- Absence de commissions sur l'activité des nouveaux agents commerciaux,

En parallèle, tu as souhaité que je signe le 2 juin 2014 un nouveau contrat d'agent commercial en m'adressant un document déjà signé par toi et donc, sans négociation possible, que j'ai refusé.

De plus, cet été, l'accès à mes emails ainsi qu'au logiciel de gestion (base client, produits, devis) m'a été coupé pendant plus de 5 semaines.

Cette situation de ton initiative me met dans l'impossibilité d'exercer mes activités dans les mêmes conditions qu'auparavant. »

Sur l'exclusivité

La société B2M se prévaut d'une exclusivité du marché sur la moitié nord de la France ce que conteste la société Design By Perspectives.

Madame W indiquait par courriel du 19 octobre 2013 adressé à B2M :

« Je bosse sur le recrutement des Agents Co en urgence depuis la confirmation de la dissolution de l'association avec NBS.

Ces recrutements contrairement à certaines croyances apporteront une synergie et un dynamisme commercial aux agents Co actuellement en place.

Et par conséquent, il n'y a pas péril en la demeure pour toi bien au contraire »

Le 8 février 2014, M. A adressait à une cliente le mail suivant :

« Je suis le nouvel agent commercial de la société Perspectives & Design, avec laquelle vous travaillez déjà. J'ai en charge la Belgique, le Luxembourg et le Nord de la France.

J'aurais aimé vous rencontrer... afin de discuter de vos futurs projets. ».

La cliente répondait le 10 février qu'elle n'y était pas opposée mais qu'elle préférait garder son interlocuteur privilégié M. X.

Il est également versé les courriels suivants échangés entre M. X représentant la société B2M et M. Y représentant la société Perspectives & Design.

M. X indiquait le 15 mai 2014 à M. Y « Cela ne change rien au fait que nous soyons désormais 3 sur le Nord, et non 2 comme en 2013. De ce fait, le nombre de projets sur lesquels nous aurions l'opportunité de travailler est divisé en 3 et non en 2. »

« Lors du salon santé et autonomie 2014, nous serons désormais 3 représentants au lieu de 2 les années précédentes. Si je comprends bien le gâteau (les fiches contacts) sera donc divisé en 3 au lieu de 2. Peut-on en reparler avant le salon ? »

M. Y répondait le 15 mai 2014 : « c'est bien cela. Il est tout de même important de noter que c'est normalement l'agent commercial qui apporte des clients à l'entreprise et non l’inverse…Il est à noter qu'il y a 5 ans nous faisions 1 salon tous les deux ans, pas d'explore et peu de site internet, aujourd'hui nous faisons trois manifestations par an, 300 infos sur explore et environ 1 info par semaine sur le site...il me semble que l'on soit plus en face d'une multiplication. »

La société Design By Perspectives démontre par la production de factures et de tableaux de commissions que la société B2M intervenait également dans le Sud de la France et en Outre-Mer. Cependant, cette intervention dans d'autres régions ne faisait pas obstacle à ce qu'elle bénéficie d'une exclusivité sur le Nord de la France.

La société Design By Perspectives verse des factures de 2013 et 2014 établissant que des commandes pour la région nord de la France lui étaient adressées directement sans l'intermédiaire d'un agent commercial.

Il est également versé un courriel du 13 décembre 2012 de M. B qui a refusé un poste d'agent commercial que lui proposait la société Design By Perspectives pour la région Ouest ; X, gérant de la société B2M, était en copie de cet email ce qui lui permettait d'être informé de ce recrutement.

La société Design By Perspective justifie par la production de courriels que les agents commerciaux dont M. X, participaient au recrutement de nouveaux agents.

Aucun document n'est produit démontrant qu'un accord avait été conclu pour que la société B2M bénéficie d'une exclusivité sur le Nord de la France ; les pièces versées établissent cependant que la société B2M a bénéficié durant plusieurs années d'une exclusivité sur la moitié Nord de la France ; en 2009, a été intégré un nouvel agent commercial, la société MLD qui intervenait sur le même secteur que la société B2M ; l'évolution du marché de la société Design By Perspectives a nécessité le recrutement de nouveaux agents commerciaux auxquels la société B2M a été associée, les difficultés étant survenues sur les avantages financiers que la société B2M estimait être en droit d'en attendre et qui ne lui ont pas été accordés.

Sur la signature du contrat

Il est versé aux débats un courriel en date du 9 novembre 2012 de Mme C à M. Y, gérant de la société Design By Perspectives, lui demandant de valider le contrat afin qu'elle l'envoie à la société B2M. Si cette pièce démontre la volonté de faire signer un contrat au représentant de la société B2M, la preuve n'est pas rapportée de l'envoi du contrat à l'intéressée. Même à supposer que la société Design By Perspectives ait adressé ce contrat à la société B2M qui ne l'a pas signé, la preuve n'est pas rapportée que des échanges ont eu lieu ni pour l'élaboration de la convention ni postérieurement à son envoi.

Il n'est pas contesté que fin mai 2014, la société Design By Perspectives a adressé à la société B2M un contrat d'agent commercial.

Par courriel du 24 juillet 2014, M. Y demandait à M. X de lui retourner le contrat signé ou de formuler des observations.

M. X émettait les observations suivantes après avoir rappelé l'évolution de la situation :

« 2004 : accord sur 50/50 de la marge sans exception

2008 : diminution de mon taux de commission à 46.5 % ou à et 41.5 % si le dossier vient de par toi

+ diminution du taux de com lorsque nous sommes en dessous de 20-30 % de marge à 41 % ou à 37.5 % si le dossier vient par toi

+ diminution du taux de com lorsque nous sommes en dessous de 20 % de marge à 37 % ou à 33.5 % si le dossier vient par toi.

2008 : Arrivée de ML sur Paris dont je m'occupe avec en contrepartie 9 % de la marge sur ces dossiers après paiement de sa commission.

2013 : Arrivée d'un 3e commercial sur le nord de la France dont tu ne souhaites pas que je m'occupe et sur qui je n'ai pas de %.

2014 : Arrivée d’un 4e commercial en Belgique dont tu ne souhaites pas que je m'occupe et sur qui je n'ai pas de %.

ll y a donc 2 personnes en plus sur mon secteur géographique sur lequel j'étais auparavant seul (ou avec ML mais qui me donne un % de son business).

Cette situation, comme je te l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises, impacte mon activité en raison de tes nouveaux choix de politique commerciale sur lesquels je n'ai d'ailleurs jamais été consulté, tu m'imposes la présence de nouveaux commerciaux :

Sur la zone géographique où j'étais seul depuis 2004,

Sans que je touche de % sur leur business,

Sans que je sois associé à leur stratégie commercial et marketing »

Ce contrat en date du 28 mai 2014, signé de M. Y, gérant de la société Design By Perspectives et le courriel l'accompagnant n'appelaient de sa part que quelques observations.

Or, la réponse faite par M. X de la société B2M démontre l'existence de profonds désaccords sur ce contrat et que si des discussions ont pu avoir lieu, elles n'ont pas reposé sur une véritable négociation. Elle révèle aussi l'évolution défavorable des conditions d'exercice du mandat d'agent commercial de la société B2M et la volonté de la société Design By Perspectives de la considérer désormais comme un simple agent commercial sans tenir compte de son implication dans la société.

La société Design By Perspectives indique dans ses conclusions en page 19 que

« Il faut tout de même rappeler que la société B2M apportait plus de 71 % du chiffre d'affaires de la société DESIGN BY PERSPECTIVES en 2013 (Pièce n° 98). Cette dernière n'avait donc absolument aucun intérêt à mettre fin à cette relation avec son agent commercial. »

La société B2M reproche à la société Design By Perspectives de lui proposer un contrat similaire aux nouveaux agents commerciaux, en lui demandant de renoncer à toute exclusivité territoriale, sans tenir compte sur le plan financier de son antériorité dans la société et de l'apport qu'elle a réalisé en faveur de celle-ci depuis son arrivée en 2004.

Si la société Design By Perspectives était juridiquement fondée à solliciter la signature d'un contrat, elle ne peut pas se contenter de se prévaloir du fait que son intention était de formaliser leurs relations qui demeuraient inchangées sans tenter de parvenir à un accord correspondant à la mission confiée à l'agent commercial et à la durée de son mandat.

La signature d'un contrat supposant le consentement de chaque partie, le fait de solliciter la signature d'une convention sans entamer une réelle négociation alors que la collaboration avait duré dix ans, caractérise une déloyauté dans l'exécution du mandat.

Sur la coupure du réseau informatique

A l'appui de ce grief, la société B2M verse les courriels qu'elle a adressés à la société Design By Perspectives pour se plaindre qu'elle n'avait plus d'accès internet durant l'été 2014, cette dernière contestant ce grief.

La société B2M a exposé qu'outre une adresse email dédiée, pour contacter ses prospects et clients, elle avait un accès continu au logiciel « CLE » de gestion de Design by Perspectives permettant notamment de réaliser des créations de nouveaux clients, des devis, des bons de commande, la base de données fournisseurs et de suivre pratiquement en temps réel l'état d'avancement comptable des affaires en cours et un accès à des fichiers partagés notamment tableurs XL de suivi des affaires permettant entre autres de calculer les commissions, des informations sur les fournisseurs, plaquettes.

Sont produits les courriels suivants :

- Mail de M. X à Y en date du 4 août 2014

« Bonjour Y,

Suite à ton passage à ton bureau ce jour.

J'ai encore essayé de te joindre mais tu ne décroches pas comme à chaque fois que j'appelle depuis le 24 juillet.

Je ne sais pas quel message tu essaies de me faire passer

Pourquoi ne rappelles-tu pas »

Dans tous les cas tu m'empêches de travailler depuis le 25 juillet (pas d'accès au serveur, pas d'accès aux mails, pas d'accès au logiciel des devis).

Je raccroche à l'instant avec l'informaticien Jean Marie de chez Synchrone qui me confirme bien que tu lui as demandé de changer les codes d'accès de D et X et qu'il n'a évidemment pas le droit de me communiquer les nouveaux (donc réellement aucun rapport avec un problème informatique).

Je constate que cette situation de blocage est une réelle volonté de ta part.

Merci de me communiquer des explications ou solutions avant ton départ en Pologne de demain. »

- Courriel de M. X à M. Y du 7 août 2014 :

« Bonjour Y,

Je raccroche à l'instant avec jean François (agent co p&d à aix en Provence) qui m'a téléphoné pour des infos sur la création d'entreprise.

Du coup je me suis permis de lui demander s'il avait des problèmes de mails ou connexion pour travailler.

Il m'a confirmé comme d'autres qu'il ne rencontrait pas les problèmes que j'avais et que ses codes n'avaient pas changé.

Ce qui confirme une fois de plus mon avis et constat sur la situation de blocage que tu as décidé en ce qui me concerne depuis le 25 juillet.

Je reste une fois de plus dans l'attente d'infos. »

M. X justifie que fin juillet et durant le mois d'août 2014, il a envoyé plusieurs messages téléphoniques à M. Y pour le prévenir de cette panne informatique qui faisait obstacle à la continuité de son activité.

Si la société Design By Perspectives se prévaut par la production de courriels de 2013 et 2014 de pannes informatiques récurrentes, elle ne rapporte pas la preuve que celles-ci durent 5 semaines.

- Par courriel du 29 juillet 2014, M. Y écrivait à M. X :

« Bonjour X,

Comme tu le sais je suis en vacances depuis vendredi. Compte-tenu de nos nombreux problèmes d'emails, nous sommes en train de basculer sur une autre messagerie ne pouvant plus administrer notre serveur actuel.

Nous profitons donc des vacances pour faire cette bascule.

Si cela se passe bien, tout devrait parfaitement fonctionner à ton retour de vacances fin août.

Concernant la signature du contrat, je suis très surpris par le contenu de ton email et ne manquerait pas de revenir vers toi début septembre.

Bonnes vacances à toi aussi. »

- Le 5 août 2014, E, [email protected], a écrit :

« Bonjour,

Comme certains d'entre vous ont pu le constater, nous prenons de cette période de vacances depuis le 25 juillet pour réparer un problème de serveur et de messagerie que nous basculons actuellement chez un autre hébergeur.

ll est donc possible que vous n'ayez momentanément plus accès à vos mails, ni au serveur, ni au logiciel CLE.

Je suis présente jusqu'à la fermeture du bureau et je pourrai si vous avez besoin, vous aider à faire vos devis. »

La société Design By Perspectives verse aux débats un contrat de prestation de services signé avec la société Syncrome portant sur une intervention informatique relative à plusieurs points.

Cette intervention a été programmée le 16 juillet 2014 à 14 heures pour les points 1, 2,5 et 9 et durant la semaine 30 soit la semaine suivante pour les autres points. Des rapports d'intervention ont été établis par la société Syncrome durant le mois d'août 2014 sans qu'il soit établi que la société B2M ait pu en bénéficier malgré ses réclamations.

M. F, informaticien, a attesté être intervenu durant la semaine précédant la fermeture de la société Design By Perspectives. Il a précisé « Il y avait bien initialement 2 serveurs, mais leurs fonctionnements respectifs dépendaient l'un de l'autre. Ce qui était la cause principale des dysfonctionnements. C'est d'ailleurs ça qui m'a obligé à intervenir pour couper et réinitialiser simultanément les 2 serveurs » ... il n'y a toujours eu qu'un seul code pour accéder à l'ensemble des informations des 2 serveurs » ... « Après avoir redonné accès aux utilisateurs locaux, j'ai donc recréé les accès distants sécurisés notamment pour B2M et MLD. J'ai aussi communiqué un nouveau code d'accès à distance pour chacun d’eux. (...) Cette intervention était d'autant plus délicate que nous risquions de perdre des données soit du CRM, soit des boites emails très conséquentes en particulier chez Monsieur B et Monsieur X que nous avons dû migrer chez OVH. Il y avait beaucoup de données ce qui explique en partie la durée de mon intervention »

Si M. F, informaticien, a précisé dans son attestation que l'intervention était délicate et a rectifié les modalités de celle-ci, il n'a pas mentionné que le système informatique de la société Design By Perspectives a été immobilisé durant 5 semaines.

Aux termes du courriel de M. X à M. Y le 26 août 2014, le premier indique «Après 5 semaines de relance (sans pouvoir avoir accès à mes outils informatiques), tu me renvoies hier soir enfin les codes d'accès à distance au système P&D (mails et accès logiciel devis) me permettant de travailler. Curieusement, je constate que mes accès sont désormais limités par rapport aux accès d'avant juillet 2014 (entre autres pas d'accès au tableau de commission) ».

La société Design By Perspectives conteste que les agents disposaient d'un logiciel pour calculer leurs commissions ; cependant, la société B2M se plaint d'une absence d'accès au tableau des commissions.

Il sera souligné que deux courriels ont été adressés pour le compte de la société B2M les 29 septembre et 3 décembre 2014 concernant l'accès au tableau des commissions et qu'un litige est né sur le calcul de ces commissions ayant donné lieu à une expertise et à une procédure en cours, le tribunal ne disposant pas d'éléments suffisants pour calculer les commissions dues.

Si aucun tableau de commissions n'a été publié au mois d'août 2014, l'accès à ce tableau est indispensable à l'exercice du mandat d'agent commercial. Si un litige est né sur le calcul des commissions, suite à la rupture du mandat, il apparaît qu'à compter de la coupure du réseau informatique au mois de juillet 2014, la société B2M n'a plus disposé d'éléments quant au calcul de ses commissions, la société Design By Perspectives faisant en outre preuve de mauvaise volonté pour le calcul des commissions dues à son agent commercial lors du départ de celui-ci.

Cette coupure informatique durant 5 semaines non justifiée quant à sa durée et quant à son ampleur a constitué un obstacle pour la société B2M dans l'exercice de son activité sans que la société Design By Perspectives y remédie dans un délai raisonnable.

La société Design By Perspectives oppose le fait que la société B2M se serait associée avec un autre agent commercial la société MLD et aurait décidé de quitter la société sans préavis afin de mener une activité concurrente.

L'attestation de Monsieur G, agent commercial, qui atteste que le dirigeant de la société MLD lui avait indiqué dès le mois de juin 2014 qu'il avait décidé de quitter la société Design By Perspectives ne s'applique pas à la société B2M.

Enfin, l'association de ces deux agents commerciaux est une conséquence et non la cause de la rupture du mandat d'agent commercial en ce que les difficultés démontrées dans l'exercice du mandat par la société B2M préexistaient à la rupture ce qui a amené celle-ci à le résilier.

Il sera constaté une dégradation dans l'exercice par la société B2M de son mandat d'agent commercial, laquelle s'exprime par la volonté de la société Design By Perspectives de lui imposer une évolution défavorable de ses conditions d'exercice du mandat, de lui faire signer un contrat sans réelle négociation et de la priver de son outil informatique durant 5 semaines en prétextant une défaillance informatique, les deux événements se succédant ce qui constitue des moyens déloyaux ayant conduit la société B2M à légitimement rompre la relation.

En conséquence, il sera retenu que la rupture du mandat d'agent commercial est imputable à la société Design By Perspectives.

Sur l'indemnité de rupture

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

Pour fixer cette indemnité, il sera tenu compte de la durée du mandat soit 10 ans et de la contribution conséquente de la société B2M à la constitution de la clientèle de la société Design By Perspectives.

L'indemnité de rupture ayant pour but de compenser la perte de clientèle, en l'absence de clause de non-concurrence après l'expiration du mandat, la société B2M pouvait démarcher une nouvelle clientèle en ce compris les anciens clients de son mandant avec lesquelles elle entretenait des relations commerciales ce qui lui a permis de poursuivre une partie de son activité postérieurement à la rupture de la relation.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a fixé l'indemnité à une année de commission. Cette indemnité sera évaluée sur la base des trois dernières années d'activité totale soit de 2011 à 2013. Les factures de commissions produites pour ces trois années s'élèvent à la somme de 901 571 euros HT soit pour une année 300 523,66 euros.

Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Design By Perspectives

La société B2M reproche à la société Design By Perspectives :

- de rédiger, des devis au nom de I... F..., postérieurement à la rupture des relations ;

- d'avoir maintenu, malgré les multiples relances de B2M, la mention de la prétendue existence d'un showroom de Design by Perspectives dans les locaux de B2M laissant ainsi croire qu'elle exerçait à cette adresse ;

- d'avoir abusivement tenté de discréditer B2M et d'interdire à différents fournisseurs de collaborer avec elle, ou de retarder ses livraisons.

La société Design By Perspectives conteste ces griefs.

Le 22 septembre 2014, la société B2M demandait par courrier à la société Design by Perspectives de supprimer sur ses documents administratifs et commerciaux toute référence à l'adresse du 153 rue de Versailles, 78150 Le Chesnay.

La société Design by Perspectives justifiait avoir adressé le 26 septembre 2014 à son hébergeur l'ordre de supprimer le show-room du Chesnay et de le remplacer par le siège social. Il lui était répondu le même jour qu'il y était procédé.

Or, la société B2M produit un constat d'huissier du 20 novembre 2014 démontrant que la société Design by Perspectives a maintenu cette adresse sur son site internet en laissant croire qu'elle continuait à en bénéficier. Les copies d'écran produites pour la période ultérieure en dehors de tout constat d'huissier ne sont pas suffisamment probantes.

Il est également versé aux débats un devis en date du 25 novembre 2014 pour un montant de 1 200 euros laissant apparaître que la commande est passée auprès de la société Design Perspectives par l'intermédiaire de I... F... de la société B2M, l'adresse mail de ce dernier étant également mentionnée alors que la rupture du mandat est intervenue au mois de septembre précédent et que la société B2M exerçait une activité concurrente.

Ces deux faits sont de nature à créer une confusion entre deux acteurs économiques intervenant sur le même marché,

La société B2M verse un courriel en date du 24 novembre 2014 d'un fournisseur l'informant que le gérant de la société Design By Perspectives lui a indiqué qu'il n'avait pas le droit de travailler avec la société B2M car la commande lui avait été volée, qu'il devrait l'annuler ou la retarder d'un mois ou deux, et que tous les fournisseurs refusaient de travailler avec celle-ci. Ce qui constitue un acte de dénigrement.

Ces trois faits différents constituent des moyens déloyaux caractérisant des actes de concurrence déloyale ou de dénigrement entraînant pour la société B2M qui démarrait son activité un préjudice.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société B2M de sa demande de ce chef.

Il sera alloué à la société B2M en réparation du préjudice subi la somme de 3 000 euros.

Sur les demandes de la société Design By Perspectives

Sur la demande d'indemnité au titre de la rupture du mandat d'agent commercial

La société Design By Perspectives ayant été déclarée responsable de la rupture du mandat d'agent commercial de la société B2M, elle ne peut prétendre être indemnisée au titre de cette rupture pas même au titre du non-respect du préavis prévu à l'article L.134 - 11 du code de commerce.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Design By Perspectives de sa demande de ce chef.

Sur les actes de concurrence déloyale

La société Design By Perspectives fait valoir :

- L'enregistrement par la société B2M du site internet (www.b2m-création.fr) en date du 25 mars 2014 afin d'avoir la même activité que la société Design By Perspectives ;

- L'utilisation par la société B2M sur son site des photographies des réalisations de la société Design By Perspectives ;

- L'utilisation par la société B2M du nom « Château de Neuville » comme étant son client, ce qui entraîne une confusion des entreprises et des produits constituant un acte de concurrence déloyale et un parasitisme ;

- Le démarchage de ses trois plus gros clients par la société B2M ;

La société B2M réplique que :

- Design By Perspectives n'apporte pas de preuve du caractère déloyal de la concurrence exercée par B2M ;

- La date du 25 mars 2014 correspond à la date de réservation du nom de domaine internet, et non à la mise en ligne du site ;

- Le constat d'huissier produit par Design By Perspectives, a été établi le 7 octobre 2014, soit postérieurement à la cessation du contrat d'agent ;

La société Design By Perspectives justifie que la société B2M a conclu des contrats avec deux de ses clients postérieurement à la rupture du contrat d'agent commercial par la production de bons de transport de marchandises, sans cependant rapporter la preuve qu'il s'agit, contrairement à ce qu'elle soutient de ses clients les plus importants. En l'absence de clause de non-concurrence, la société B2M a la possibilité de démarcher, notamment par courrier, des clients qu'elle a connus dans le cadre de son activité d'agent commercial et d'accepter des commandes de leur part.

La société Design By Perspectives ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle allègue que la société B2M a copié son modèle de table Moduna.

La preuve n'est donc pas rapportée d'actes déloyaux de la société B2M tendant à capter la clientèle de son concurrent.

Il est produit un constat d'huissier de justice en date du 7 octobre 2014 aux termes duquel est comparé le site Internet de la société Design By Perspectives et celui de la société B2M.

Ce constat établi l'existence du site internet à la date du 7 octobre 2014 mais pas antérieurement et la preuve n'est pas démontrée que le site internet www.b2m.fr a été enregistré le 25 mars 2014.

En page 3 du constat, l'huissier indique qu'il est allé sur le site internet de la société B2M sur lequel il est mentionné qu'elle a un savoir-faire en matière de résidence de senior, de tourisme, étudiants, hôtellerie et restauration. Figurent en page 6 du constat des photographies de chambres et de pièces meublées sans référence à des réalisations de site.

Ensuite, l'huissier indique qu'il est retourné sur le moteur de recherche « Google » et a lancé une recherche avancée sur « Château de Neuville ».

Apparaissent sur le constat d'huissier des liens vers le Château de Neuville puis le site du Château de Neuville et de la résidence d'hébergement pour personne âgées.

Puis, l'huissier indique qu'il est retourné sur le moteur de recherche « Google » et a lancé une recherche avancée sur « Design By Perspectives » qui présente ses réalisations.

Les photographies apparaissant sur le site de la société B2M sans aucune mention du « Château de Neuville » ou de réalisations ne sont pas susceptibles d'entraîner un risque de confusion compte tenu de leur caractère commun et non identifiable.

Il ne peut être reproché à la société B2M de faire valoir son expérience commerciale passée pour se présenter, si cela n'engendre aucune confusion pour l'internaute sur l'absence de partenariat actuel avec la société Perspective Design.

Ce constat d’huissier de justice ne rapporte donc pas la preuve d'actes de parasitisme commis par la société B2M.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Design By Perspectives de sa demande de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Design By Perspectives sera condamnée à verser à la société B2M la somme de 6 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dans la limite de l'appel,

CONFIRME le jugement sauf sur les motifs de la rupture du mandat d'agent commercial, en ce que le tribunal a fixé le montant de l'indemnité de rupture allouée à la société B2M à 300 000 euros et a rejeté la demande de la société B2M au titre de la concurrence déloyale,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

DIT que la société Design By Perspectives a tenté d'imposer à la société B2M une évolution défavorable de ses conditions d'exercice du mandat, de lui faire signer un contrat sans négociation préalable, a privé la société B2M de son outil informatique durant 5 semaines en prétextant une défaillance informatique,

CONDAMNE la société Design By Perspectives à payer à la société B2M la somme de 300 523,66 euros au titre de l'indemnité de rupture du mandat d'agent commercial,

DIT que la société Design By Perspectives a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société B2M,

CONDAMNE la société Design By Perspectives à payer à la société B2M la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de concurrence déloyale,

CONDAMNE la société SARL Design By Perspectives à payer à la société B2M la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société SARL Design By Perspectives aux dépens d'appel.