CA Nancy, 5e ch. com., 14 octobre 2020, n° 19/01736
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Tectum Lorrain (Sté)
Défendeur :
Lorhouse (Sasu), Mikit France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Soin, M. Firon
Avocats :
Me Kroell, Me Le Bec, Me Buisson , Me de Balmann
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
Par acte sous seing privé du 2 octobre 2008, la SA Mikit France, ayant une activité de constructions de maisons individuelles "prêt à finir" a conclu avec la SARL Tectum Lorrain un contrat de franchise pour l'exploitation du secteur Nancy Ouest.
Par acte sous seing privé du 2 mai 2012, la société Mikit France a conclu un contrat de franchise avec M. X, gérant de la société Tectum Lorrain, agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité de représentant de la société Tectum Lorrain, afin d'exploiter le secteur Nancy Est.
Par avenant au contrat régularisé le 19 décembre 2014, les parties ont décidé de réunir la gestion des secteurs exploités par la société Tectum Lorrain.
Le 11 octobre 2013, M. X et Mme X ont créé la SAS NJD immo, aux droits de laquelle vient désormais la société Lorhouse.
La société Mikit France prétendant que cette société se livrerait à des actes de concurrence déloyale, a été autorisée, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Nancy du 25 janvier 2017, à mandater un huissier de justice afin qu'il se rende au siège de la société NJD immo et qu'il procède à toutes constatations utiles. Un procès-verbal a été établi le 6 février 2017.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2017, la société Mikit France a prononcé la résiliation du contrat de franchise régularisé le 2 mars 2012, modifié par avenant en date du 19 décembre 2014.
Par actes d'huissier des 29 mars et 7 avril 2017, la société Mikit France a fait assigner la société Tectum Lorrain, M. X et la société NJD immo devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins de voir constater la résiliation du contrat de franchise aux torts de M. X et de la société Tectum Lorrain et de les voir condamnés au paiement de différentes indemnités au titre de la résiliation anticipée, de la réparation du préjudice résultant d'un transfert illicite de savoir-faire et d'actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Le 11 avril 2017, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Tectum Lorrain et nommé Me Y en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 24 avril 2017, le tribunal de commerce de Nancy a constaté l'interruption de l'instance du fait de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Tectum Lorrain.
Le 7 mai 2017, la société Mikit France a déclaré sa créance entre les mains de Me Y pour un montant de 614 948,60 euros.
Par assignation en intervention forcée du 26 mai 2017, la société Mikit France a attrait Me Y, ès qualités, devant le tribunal de commerce de Nancy. Les deux instances ont été jointes par jugement du 12 juin 2017.
Par jugement du 20 mai 2019, le tribunal a :
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leur demande visant à voir prononcer la nullité de l'assignation délivrée à Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain,
- les en a déboutés,
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leur demande visant à voir écartées des débats les pièces n° 7 et 8 produites par la société Mikit France,
- les en a déboutés,
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leur demande visant à voir prononcer la nullité du contrat de franchise,
- les en a déboutés,
- fixé la créance de la société Mikit France dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Tectum Lorrain à la somme de 229 053,10 euros,
- condamné M. X à payer à la société Mikit France la somme de 229 053,10 euros,
- dit que M. X et la société Tectum Lorrain étant tenus in solidum de cette somme, la société Mikit France ne pourra recouvrer un montant total excédant celle-ci,
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leurs demandes à titre de dommages intérêts,
- les en a déboutés,
- déclaré recevables les demandes de la société Mikit France formées à l'encontre de la société NJD immo,
- condamné la société NJD immo à payer à la société Mikit France la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum M. X et la société NJD immo aux dépens, lesquels comprendront les frais du procès-verbal de constat établi par Me Z le 6 février 2017 pour un montant de 1 129,32 euros,
- condamné in solidum M. X et la société NJD immo à payer à la société Mikit France la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Pour rejeter la demande tendant à voir écarter les pièces n° 7 et 8 produites par la société Mikit France, le tribunal a retenu que la preuve de ce qu'elles auraient été obtenues de manière déloyale n'était pas rapportée s'agissant de documents accessibles aux tiers.
Pour rejeter la demande d'annulation du contrat de franchise, le tribunal a retenu que M. X ne prétendait pas que son consentement était vicié ni qu'il n'aurait pas qualité pour engager la société Tectum Lorrain et a considéré d'une part que l'intuitu personnae caractérisant le contrat n'est pas violé si aucune stipulation du contrat n'exclut cette opération et d'autre part que l'article 3 du contrat en vertu duquel « le franchisé, commerçant indépendant, totalement responsable de son exploitation conservera les risques ou avantages de son entreprise » constitue un engagement du gérant de payer les sommes dues au titre des contrats en cas de défaillance de la société franchisée.
Sur la résiliation du contrat de franchise, le tribunal a estimé que, si la création de la société NJD immo par M. X ne pouvait en elle-même être considérée comme une faute justifiant la résiliation du contrat de franchise, en revanche, l'adhésion de cette société au réseau Maisons villas club, qui exerce des activités similaires à celles de la société Mikit France, dans une même zone géographique, induisant une identité de clientèle ainsi que la découverte d'un dossier de la société Mikit France dans les locaux de la société NJD immo, au mépris de la clause de confidentialité figurant dans le contrat de franchise étaient de nature à justifier la résiliation du contrat qui est donc régulière. Par voie de conséquence, le tribunal a considéré que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 17 du contrat de franchise en cas de résiliation aux torts du franchisé était due, ainsi que les factures impayées qui ne sont pas contestées. Il a toutefois rejeté la demande de dommages et intérêts en l'absence de preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par la clause pénale.
S'agissant des demandes formées contre la société NJD immo au titre de la concurrence déloyale, le tribunal a considéré d'une part qu'il n'était pas démontré qu'elle avait fait usage des documents de la société Mikit France ni que ceux-ci présentaient une utilité pour elle, d'autre part que le partage des locaux par les sociétés défenderesses ne suffisait pas à établir un acte fautif causant un préjudice à la société Mikit. Par contre, le tribunal a considéré que le fait que certains clients contactés par la société Mikit France ont ensuite été pris en charge par la société NJD immo ayant une activité similaire constituait un détournement de clientèle ayant nécessairement causé à la première, préjudice moral devant être indemnisé.
Le tribunal a enfin rejeté les demandes indemnitaires de Me Y, ès qualités, en raison de l'absence de caractère fautif de la résiliation.
Me Y, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leur demande visant à voir écartées des débats les pièces n° 7 et 8 produites par la société Mikit France,
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leur demande visant à voir prononcer la nullité du contrat de franchise,
- les en a déboutés,
- fixé la créance de la société Mikit France dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Tectum Lorrain à la somme de 229 053,10 euros,
- déclaré M. X et Me Y, en qualité de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, mal fondés en leurs demandes de dommages intérêts.
En ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2019, Me Y, en sa qualité de liquidateur de la société Tectum Lorrain, demande à la cour, au visa du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, des articles 9 du code de procédure civile, 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1134 du code civil alinéa 1er et 3 (ancienne codification), 1103 et 1104 du code civil (nouvelle codification), de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
- vu l'absence d'explication donnée sur la façon dont la société Mikit France s'est procurée ses pièces 7 (statuts constitutifs NJD immo) et 8 (attestation CCM Nancy Stanislas), écarter ces pièces du débat,
- dire n'y avoir lieu à fixation de créance, au bénéfice de la société Mikit France, au passif de la société Tectum Lorrain,
- plus particulièrement s'agissant de la demande de 137 812, 50 euros nette de TVA au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 17 du contrat de franchise, considérant qu'il s'agit d'une clause pénale, vu l'article 1152 du code civil, limiter son application à 1 euro,
- enjoindre à la société Mikit France de s'expliquer sur le fait qu'elle n'inclut pas dans son approche les sommes suivantes :
- découlant du contrat de Mme A, client, qui a annulé son contrat et les factures correspondantes devraient faire l'objet d'avoirs soit HT 7 140,00 euros + 2 975 euros = 10 115 euros HT ou 12 138 euros TTC,
- provenant de trois montant d'assurances (avancé par chèques facilement identifiables dans la comptabilité) pour des clients dont Tectum n'a pas honoré les contrats, pour une somme proche de 210 000 euros,
- condamner à restituer ces sommes à Me Y : 12 138 euros et 21 000 euros provenant des chèques remis début mars 2017 au titre des contrats d'assurance,
- dire et juger que la résiliation prononcée par la société Mikit France par courrier du 13 mars 2017, à effet au 14 mars 2017, est une décision abusive qui a causé un préjudice à la société Tectum Lorrain,
- débouter la société Mikit France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Mikit France à payer à Me Y ès qualités de liquidateur de la société Tectum Lorrain les sommes suivantes, en réparation du préjudice découlant du caractère abusif de la résiliation du contrat de franchise :
* 150 000 euros au titre de la destruction du fonds ;
* 100 000 euros au titre des contrats en cours dont le bénéfice a été récupéré par la société Mikit France ;
* 15 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- condamner la société Mikit France à payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me A.... Kroell, avocat aux offres de droit.
Au soutien de son appel, Me Y fait valoir que les pièces n° 7 (statuts constitutifs NJD Immo) et 8 (attestation CCM Nancy Stanislas) doivent être écartées des débats faute pour la société Mikit de démontrer qu'elles ont été obtenues de manière régulière.
Au fond, il soutient que l'activité de la société NJD immo a été autorisée par la société Mikit France par courrier du 9 janvier 2015 et qu'il n'existe aucun risque de confusion puisque les deux sociétés n'ont ni la même activité, le concept étant différent en ce que Mikit vend des maisons 'prêtes à finir' et Villa club des maisons « clés en mains », ni le même secteur géographique et n'ont pas la même clientèle. Surtout, il prétend que le prétendu savoir-faire de la société Mikit France n'est pas démontré.
Par voie de conséquence, l'appelant considère que le contrat de franchise a été résilié à tort et que l'indemnité de résiliation anticipée du fait du franchisé n'est pas due. Subsidiairement, il soutient qu'il s'agit d'une clause pénale devant être modérée. Plus subsidiairement, il prétend que différents montants doivent être restitués au liquidateur et donc venir en déduction de cette indemnité qui ne peut excéder la somme de 32 970,84 euros. En outre des chèques pour un montant total de 400 000 euros ayant été remis par la société Tectum à la société Mikit pour solder le passif, aucune somme n'est due, pas même au titre de factures impayées.
A titre reconventionnel, Me Y, ès qualités, soutient que la résiliation du contrat de franchise est abusive et qu'elle a causé un préjudice à la société Tectum ouvrant droit à indemnisation au titre de la destruction de son fonds et de la perte de contrats en cours.
En ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2019, M. X conclut en ces termes :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Vu l'adage fraus omnia corrumpit, et l'ancien article 1330 du code civil, au terme duquel « les livres des marchands font preuve contre eux ; mais celui qui en veut tirer avantage ne peut les diviser en ce qu'ils contiennent de contraire à sa prétention »,
- annuler le contrat de franchise en ce qu'il lie M. X personne physique à la société Mikit France.
Subsidiairement,
- considérant que dans l'avenant du 28 janvier 2014, seule Tectum apparaît comme franchisé, dire n'y avoir lieu à condamnation contre M. X.
Subsidiairement, si la cour devait considérer que M. X est franchisé,
Vu l'absence de faute grave commise par le franchisé,
- dire et juge que la résiliation prononcée par la société Mikit France par courrier du 13 mars 2017 à effet au 14 mars 2017, est une décision abusive qui a causé un préjudice à la société Tectum Lorrain,
Considérant que la déclaration de créance s'élève à 614 948,60 euros, alors que l'assignation initiale vise aux condamnations suivantes :
* condamner solidairement M. X et la société Tectum Lorrain au paiement de 91 240 euros au titre des facture de redevances de franchise et de redevances de publicité nationale laissées impayées ;
* condamner solidairement M. X et la société Tectum Lorrain au paiement de 137 812,50 euros net de TVA au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 17 du contrat de franchise ;
* condamner solidairement M. X et la société Tectum Lorrain au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation du transfert illicite de savoir-faire,
Vu l'article 9 du code de procédure civile et l'absence de preuve de la légitimité des demandes formulées, les rejeter,
Plus particulièrement s'agissant de la demande de 137 812,50 euros net de TVA au titre de l'indemnité de résiliation anticipée prévue à l'article 17 du contrat de franchise,
Considérant qu'il s'agit d'une clause pénale,
Vu l'article 1152 du code civil, limiter son application à 1 euro,
Plus particulièrement s'agissant de la demande de 100 000 euros en réparation du transfert illicite de savoir-faire,
- confirmer le jugement sur ce point et rejeter cette demande faute de démonstration du bien-fondé du principe comme du montant de cette somme qui ferait en outre double emploi avec les demandes formulées contre la société NJD immo,
S'agissant des prétendues factures en souffrance, enjoindre la société Mikit France de s'expliquer sur le fait qu'elle n'inclut pas dans son approche les sommes suivantes :
* découlant du contrat de Mme I..., client, qui a annulé son contrat et les factures correspondantes devraient faire l'objet d'avoirs soit 7 140 euros HT + 2 975 euros HT = 10 115 euros HT ou 12 138 euros TTC,
- provenant de trois montants d'assurances (avancés par chèques facilement identifiables dans la comptabilité) pour des clients dont Tectum n'a pas honoré les contrats, pour une somme proche de 21 000 euros,
- provenant des chèques remis début mars 2017 au titre des contrats d'assurance,
Vu l'article 1134 du code civil alinéas 1 et 3 (ancienne codification), 1103 et 1104 du code civil (nouvelle codification), dire et juger que la résiliation prononcée par la société Mikit France par courrier du 13 mars 2017, est une décision abusive qui a causé un préjudice à M. X,
- condamner la société Mikit France à payer à M. X la somme de 72 639 euros tel que ressortant du bilan arrêté au 31 décembre 2015, outre le montant de son capital investi,
- condamner la société Mikit France à payer à M. X 15 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- condamner la société Mikit France à payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Très subsidiairement,
- condamner la société NJD devenue la SASU Larhouse (sic) à garantir M. X de toutes les condamnations prononcées contre lui par Mikit France,
- condamner NJD devenue la SASU Larhouse (sic) à payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X fait valoir que, si dans le contrat du 2 mai 2012 il est mentionné qu'il agit tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de la société Tectum Lorrain, en revanche dans l'avenant du 28 janvier 2014, son nom est mentionné uniquement comme représentant de la société Tectum Lorrain qui est donc seule franchisée. Il soutient que l'ensemble des contrats est indivisible qu'il ne peut y avoir qu'un seul franchisé, qui ne peut être à la fois la personne physique et la personne morale, et souligne que seule cette dernière exerce une activité commerciale. Il ajoute que la société Mikit a toujours considéré que son cocontractant était la société Tectum Lorrain, que tous les documents comptables sont au nom de cette dernière et ne lui sont adressés qu'en sa qualité de gérant de la société, tel étant notamment le cas du courrier de résiliation du contrat de franchise. Il demande donc l'annulation du contrat qui le lie à la société Mikit au motif qu'il n'a aucun intérêt direct au contrat, son intervention ayant été demandée par le franchiseur dans l'intention frauduleuse de faire naître des obligations à sa charge, sans conclure de contrat de cautionnement.
Il soutient que la résiliation du contrat n'est pas fondée et prétend que l'activité de la société NJD immo a été autorisée par la société Mikit France par un courrier du 9 janvier 2015,que cette activité n'est pas concurrentielle puisque ni le concept, ni le secteur géographique et donc la clientèle ne sont similaires, ajoutant comme le mandataire judiciaire que le prétendu savoir-faire de la société Mikit France n'est pas démontré et qu'aucun acte de concurrence déloyale imputable à la société Tectum Lorrain n'est démontré.
Par voie de conséquence, M. X prétend que l'indemnité de résiliation anticipée du fait du franchisé n'est pas due, et que si tel était le cas, l'indemnité devrait être réduite puisque constituant une clause pénale. Il reprend l'argumentation développée par le liquidateur s'agissant des montants et sollicite, à titre reconventionnel, indemnisation du préjudice qu'il subit personnellement du fait de la résiliation abusive du contrat de franchise.
En ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 octobre 2019, la société Mikit France demande à la cour de :
- dire et juger Me Y, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, et M. X mal fondés en leur appel et rejeter à toutes fins qu'elles comportent leurs demandes et prétentions à l'encontre de la société Mikit France,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 20 mai 2019 en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre, d'une part, de Me Y, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Tectum Lorrain, et de M. X et, d'autre part, de la société NJD immo,
- réformant sur ce point le jugement entrepris, élever de 229 053,10 euros à 329 053,10 euros la créance de la société Mikit France au passif de la liquidation judiciaire de la société Tectum Lorrain et condamner M. X à payer à la société Mikit France ladite somme de 329 053,10 euros en sa qualité de signataire du contrat de franchise et auteur des agissements déloyaux,
- élever à la somme de 250 000 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société NJD immo en réparation des préjudices moral et matériel causés par ces actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- condamner in solidum M. X et la société NJD immo à payer à la société Mikit France la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la procédure d'appel,
- condamner in solidum M. X et la société NJD immo aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Mikit France approuve les motifs du jugement en ce qu'il a été retenu que l'assignation délivrée à Me Y est valable et que les pièces n° 7 et 8 versées aux débats ont été obtenues régulièrement puisqu'elles sont accessibles aux tiers.
Au fond, la société Mikit France soutient que M. X est bien partie au contrat de franchise ainsi que cela résulte expressément des stipulations contractuelles et invoque une collusion entre M. X, les sociétés Tectum Lorrain et NJD immo dont M. X est devenu l'associé unique et dont le dirigeant est un ancien salarié de la société Tectum, soulignant que des documents appartenant à la société Mikit ont été retrouvés dans les locaux de la société NJD immo et que des données recueillies au sein du réseau Mikit ont profité au réseau Villas club.
Elle soutient que M. X a commis, à titre personnel, des manquements contractuels, justifiant la résiliation du contrat à ses torts exclusifs en laissant, en qualité de gérant de la société Tectum Lorrain, s'accumuler des impayés et en créant une société afin de concurrencer son franchiseur.
Elle reproche à la société NJD immo des actes de concurrence déloyale en se rendant complice de la violation par la société Tectum Lorrain de son obligation de non-concurrence afin de détourner la clientèle et capter le savoir-faire du franchiseur.
Par voie de conséquence, la société Mikit France, soutient que la résiliation anticipée du contrat de franchise entraîne le paiement d'une indemnité contractuelle comme l'a retenu à .... Elle ajoute que des impayés subsistent et demande la fixation de sa créance à l'égard de la société Tectum Lorrain et la condamnation de M. X à titre personnel.
La société Mikit France reproche à la société NJD immo une véritable organisation de détournements de fichiers et de transfert de l'activité franchisée Mikit vers son activité « Villas Club » et des agissements parasitaires lui ayant causé un préjudice non seulement moral mais aussi économique. Elle estime notamment avoir été privée de 15 chantiers par an soit jusqu'au terme du contrat 30 redevances d'activité ce qui représente un préjudice de 150 000 euros.
En ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2020, fondées sur les articles 548, 564 et 909 du code de procédure civile, la société Lorhouse, anciennement dénommée NJD immo, demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par la société NJD immo devenue Lorhouse,
- y faire droit,
- réformer le jugement rendu le 20 mai 2019 par le tribunal de commerce de Nancy dans toute mesure utile.
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Mikit France n'apporte la preuve d'aucune faute commise par la société NJD immo dans l'exécution du contrat de franchise signé entre les sociétés Mikit France et Tectum Lorrain,
- dire et juger que la société Mikit France n'apporte la preuve d'aucun préjudice économique ou moral qu'elle aurait subi du fait de la faute de la société NJD immo,
- dire et juger que la fixation des dommages et intérêts à la somme de 20 000 euros dus par la société NJD immo devenue Lorhouse à la société Mikit France manque de base légale.
En conséquence,
- débouter la société Mikit France de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires à l'égard de la société NJD immo devenue Lorhouse,
- dire et juger que la demande introduite par M. X à l'endroit de la société NJD immo devenue Lorhouse afin de lui faire garantir toutes les condamnations prononcées contre lui n'a jamais été présentée devant le tribunal de commerce de Nancy, mais seulement à hauteur de cour,
- dire et juger qu'il s'agit d'une nouvelle demande.
En conséquence,
- déclarer irrecevable la demande de garantie introduite seulement à hauteur de cour par M. X à l'endroit de la société NJD immo devenue Lorhouse et ne pas y faire droit,
- débouter M. X de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires à l'égard de la société NJD immo devenue Lorhouse.
En tout état de cause,
- condamner la société Mikit France à payer à la société NJD immo devenue Lorhouse la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X à payer à la société NJD immo devenue Lorhouse la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mikit France aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de constat établi par Me Z, huissier de justice, le 6 février 2017 pour un montant de 1 129,32 euros.
Au soutien de son appel incident, la société Lorhouse, anciennement dénommée NJD immo, soutient que le préjudice moral de la société Mikit France est inexistant, celle-ci ne démontrant pas l'existence d'une atteinte à un intérêt extra-patrimonial telle que la dégradation concrète de l'image sérieuse et dynamique qu'elle entretenait auparavant aux yeux des clients et/ou concurrents. Elle considère que la preuve d'un préjudice moral, certain et direct en lien avec des manquements qui lui seraient imputables n'est pas rapportée.
En tout état de cause, la société Lorhouse soutient qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être imputé puisqu'elle n'exerce pas son activité dans le même domaine que la société Mikit France et que leur secteur géographique n'est pas similaire. Elle soutient qu'il n'a pas été démontré que les documents retrouvés dans ses locaux aient eu une quelconque utilité et que les clients n'ont pas été détournés, ajoutant que la société Tectum France disposait d'un droit de propriété exclusif sur sa base de données clientèle et qu'elle était donc libre d'en disposer. Elle soutient aussi que la société Mikit France ne démontre pas que les activités de la société NJD immo ont porté atteinte à son image, sa réputation ou à sa notoriété, qu'aucun dénigrement n'est établi ni aucun détournement de clientèle, soulignant que la société Mikit n'a pas le monopole du savoir-faire en matière de maisons prêtes à finir. Au surplus dès le 9 janvier 2015, la société Mikit avait autorisé M. X à créer une structure pour réaliser des extensions de moins de 50 m² ou des prestations de rénovation énergétique.
Enfin, la société NJD immo devenue Lorhouse soutient que l'appel en garantie formé par M. X constitue une demande nouvelle à hauteur d'appel qui est donc irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 mai 2020.
MOTIFS
Sur la demande tendant à voir écarter les pièces n° 7 et 8 de l'appelant
La cour ne peut qu'approuver les premiers juges en ce que pour rejeter la demande tendant à voir écarter les pièces litigieuses, à savoir les statuts constitutifs de la société NJD immo et l'attestation de blocage du capital social émise par la Caisse de crédit mutuel Nancy Stanislas, ils ont retenu que la preuve n'était pas rapportée que ces pièces auraient été obtenues de manière déloyale, s'agissant en effet de documents déposés au registre du commerce et des sociétés qui sont accessibles aux tiers, étant au surplus observé que l'appelant, qui demande à la société Mikit France de s'expliquer sur la façon dont elle s'est procurée ces documents, inverse la charge de la preuve.
Sur la demande de nullité du contrat formée par M. X
Les parties au contrat de franchise du 2 mai 2012 sont désignées comme étant d'une part la société Mikit France SA, dénommée « le franchiseur », d'autre part M. X "agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant de la société Tectum Lorrain SARL (...) qui exploitera la franchise, dénommée « le franchisé » ".
Au soutien de sa demande d'annulation du contrat de franchise, M. X, qui ne vise aucun fondement textuel précis, se réfère à l'adage fraus omnia corrumpit et développe une argumentation tendant à démontrer qu'il n'a aucun intérêt au contrat et qu'il ne peut être considéré comme étant partie au contrat et engagé en qualité de franchisé au même titre que la société Tectum Lorrain, seule cette dernière, qui est commerçante, ayant cette qualité.
M. X n'invoquant aucun vice du consentement son argumentation s'analyse comme tendant à voir juger que le contrat serait nul pour défaut de cause et/ou d'objet en ce qui le concerne.
Il est constant que M. X n'est expressément intervenu en son nom personnel qu'au contrat du 2 mai 2012. S'il n'a certes apposé qu'une seule fois sa signature sur le contrat, sous la mention « franchisé », cette signature n'est cependant pas accompagnée du cachet de la société Tectum Lorrain, il ne peut donc en être déduit qu'il n'aurait entendu s'engager qu'en qualité de gérant de la société et non pas à titre personnel comme indiqué dans l'en-tête du contrat.
Il résulte de ce contrat, celui du 2 octobre 2008 n'étant pas produit, ainsi que de l'ensemble des avenants successivement souscrits et des échanges entre les parties et factures établies par la société Mikit France, que seule la société Tectum Lorrain dont il est le représentant légal, qui est commerçante, doit être considérée comme étant le franchisé. En effet, le contrat du 2 mai 2012 d'une part stipule expressément que le franchisé est un commerçant indépendant, or il n'est pas contesté que M. X n'est pas commerçant, d'autre part indique dans son en-tête que la société Tectum Lorrain exploitera la franchise.
Pour autant, l'intervention de M. X au contrat, à titre personnel, n'est pas dépourvue de cause. En effet, il est expressément mentionné à l'article 2 du contrat intitulé : « intuitu personae » que : « le contrat est conclu en fonction de la personnalité et de l'expérience de M. X dont les qualités personnelles constituent pour le franchiseur une des raisons essentielles de signer le présent contrat ». Corrélativement est prévue la faculté pour le franchiseur de mettre fin au contrat au cas où M. X ne serait plus le dirigeant effectif de l'agence ou déciderait de céder tout ou partie de sa participation financière dans la société, dès lors que la cession n'aurait pas été soumise à l'agrément préalable de la société Mikit France.
Il apparaît ainsi que l'intuitu personae caractérisant le contrat est la condition de l'exclusivité consentie par le franchiseur. Par voie de conséquence, l'intervention au contrat de M. X, à titre personnel, a nécessairement pour objet, corrélativement au caractère intuitu personnae du contrat, non pas de garantir le paiement des sommes éventuellement dues par la société au franchiseur, comme l'a retenu le tribunal, le contrat ne comportant en effet aucune clause expresse en ce sens et la cour ne pouvant faire sienne l'interprétation donnée par les premiers juges à l'article 3, mais de lui rendre opposables les obligations de confidentialité et de non-concurrence stipulées au contrat, qui sont la contrepartie de l'exclusivité consentie par le franchiseur, de sorte que le contrat n'est pas dépourvu d'objet en ce qu'il lie M. X et la société Mikit France, ni dépourvu d'intérêt pour M. X, aucune fraude imputable au franchiseur n'étant par ailleurs caractérisée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de franchise formée par M. X.
Sur la résiliation du contrat de franchise
Ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, la création par M. X, gérant de la société Tectum Lorrain, de la société NJD Immo, désormais société Lorhouse, dont il deviendra l'associé unique à compter de novembre 2014, n'est pas en elle-même fautive dès lors d'une part que l'objet de cette société consistant notamment en des opérations de marchands de biens, location et gestion immobilière, promotion immobilière, prise de participations financières... est particulièrement large et ne recouvre pas nécessairement l'exercice d'une activité similaire à celle de la société Mikit France et d'autre part que cette dernière avait expressément autorisé la société Tectum Lorrain, par un courrier du 9 janvier 2015, à créer une structure destinée à réaliser des extensions de moins de 50 m² exclusivement destinées à être adossées à des constructions anciennes ainsi que des prestations de rénovation énergétique.
Il est toutefois établi, ainsi que cela résulte notamment du procès-verbal de constat dressé le 6 février 2017 par Me Z, huissier de justice, que la société Lorhouse, créée par M. X et dirigée par M. W, conducteur de travaux de la société Tectum Lorrain jusqu'à son licenciement ayant pris effet le 29 septembre 2016, est adhérente au réseau Maisons Villas Club, marque déposée par le Groupe Ast constructeur de maisons individuelles avec lequel elle a conclu le 26 septembre 2016 un contrat de licence de marque et que par voie de conséquence, son activité excède les limites de l'autorisation donnée par la société Mikit France puisqu'elle propose la construction de maisons individuelles.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que les activités des réseaux Mikit France et Maison Villas Club étaient similaires, après avoir relevé que l'activité de la première est de proposer des maisons en « prêt-à-finir », le constructeur réalisant la maison jusqu'au stade du clos et couvert et fournissant à l'acquéreur des kits pour l'aménagement intérieur avec guide de montage afin de lui permettre de réaliser une économie allant jusqu'à 30 % du prix, la seconde proposant certes des contrats de construction de maisons individuelles « clés en mains » mais offrant également au client la possibilité de « réaliser des économies considérables » grâce à la « formule club » en supervisant lui-même le second œuvre, la maison étant ainsi livrée après achèvement des cloisons et mise hors d'air, tandis que les travaux d'achèvement et d'équipement intérieur sont réalisés par des professionnels proposés par le constructeur sous la maîtrise d'œuvre du client auquel un « guide d'accompagnement des travaux » est remis par le constructeur, de sorte que l'appelant ne peut utilement soutenir que dans les contrats Villas club « le client n'a rien à faire pour terminer les travaux ».
Le tribunal, après avoir relevé que la consultation du site internet de la société Lorhouse démontre que l'activité du réseau Villas clubs couvre notamment le secteur de Nancy exploité par la société Tectum Lorrain sous franchise Mikit, a exactement retenu, quand bien même les prestations proposées ne sont-elles pas strictement identiques, que les clientèles visées sont similaires, à savoir celle de primo-accédants à la propriété cherchant à réaliser des économies sur le coût de la construction en prenant à leur charge une part plus ou moins importante de la réalisation des travaux.
Il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat dressé le 6 février 2017 par Me Z, huissier de justice, que dans les locaux de la société Lorhouse et sur les ordinateurs de ses salariés ont été retrouvés :
- des documents Mikit, notamment un dossier de commande Mikit, un guide de montage Mikit, un dossier client avec plans, une tarification Mikit,
- des échanges de courriers électroniques entre Tectum Lorrain et des particuliers faisant suite à des annonces publiées sur les sites "leboncoin.fr" et "logicimmo.fr",
- des fiches contact de prospect avec « entête salesforce.com » (interface créée par Mikit pour ses franchisés),
- un dossier de travail partagé « Dropbox » accessible via le cloud intitulé « dossier équipe Mikit » comportant plusieurs dossiers, un sous-dossier « Communication » comprenant lui-même trois sous-dossiers intitulés : 1) « images » contenant des photographies de pavillons, 2) « Mikit » contenant notamment des annonces au nom de Tectum Lorrain, des albums photos, des photos de couverture Mikit, un guide marque Mikit et 3) « source prospect » contenant des listes de prospects, des fiches « salesforce » et des relances pour le compte de Mikit,
- un dossier « Mikit dessin » avec des plans de construction en format Pdf.
En l'état de ces constatations, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la violation de la clause de confidentialité figurant à l'article 8.13 du contrat en vertu de laquelle le franchisé, s'engage tant pour lui-même que pour ses employés, à ne pas divulguer à des tiers les informations et instructions confidentielles dont il aura pu bénéficier, lesquelles sont contractuellement définies comme se rapportant à toute information obtenue auprès du franchiseur et ne se trouvant pas dans le domaine public, était caractérisée.
L'article 5.4 du contrat intitulé « protection du savoir-faire : clause de secret » impose en outre au franchisé de : « respecter scrupuleusement le secret sur le contrat, le réseau de franchise, les documents qui lui seront adressés et, d'une façon générale, sur le savoir-faire transmis et les résultats des franchises ou des pilotes, ainsi que tout ce qui concerne le réseau » ; le franchisé s'interdisant notamment de : photocopier ou reproduire par tous moyens, même à usage interne, les documents, remis dans le cadre du savoir-faire, tout en s'employant à transmettre à ses salariés et à faire respecter par ces derniers les outils, méthodes constituant le savoir-faire.
Me Y, ès qualités, et M. X contestent la réalité d'un savoir-faire du franchiseur en faisant valoir que les documents transmis seraient dépourvus de caractère spécifique, chaque franchiseur ayant une « bible » avec des dénominateurs communs.
Le savoir-faire du franchiseur est défini à l'article 5.1 comme « un ensemble d'informations pratiques résultant de l'expérience du franchiseur et incluant tout ce qui concerne directement ou indirectement les relations entre franchiseur et franchisé et l'exploitation du réseau, soit notamment les éléments contractuels, les documents remis en cours de contrat... ».
Outre le fait que le franchisé reconnaît expressément dans les articles 5.1 et 5.2 du contrat la réalité, l'originalité et le secret du savoir-faire du franchiseur dont il n'est que le dépositaire, il n'est pas douteux que les documents retrouvés en possession de la société Lorhouse, tels que dossier de commande Mikit, guide montage Mikit, dossier client Mikit avec plans, guide marque Mikit, prospects clients..., quand bien même pour certains d'entre-eux contiendraient-ils des données de nature technique ou commerciale utilisées par d'autres constructeurs, constituent des documents internes à la société et au réseau qui ne sont pas dans le domaine public et relèvent donc du savoir-faire de la société tel que défini au contrat et ne sont donc pas soumis à divulgation.
En considération du caractère particulièrement large des obligations ci-dessus rappelées, particulièrement celle figurant à l'article 8.13 qui ne vise pas seulement les éléments constituant le savoir-faire du franchiseur mais de manière générale toutes les informations transmises par celui-ci à ses franchisés, la transmission de ces documents à une société tierce, outre le fait que celle-ci a eu accès aux informations contenues dans un dossier partagé « Dropbox » créé par la société Mikit France à destination des membres du réseau, le non-respect des obligations de confidentialité et de secret est caractérisé.
Me Y, ès qualités, fait valoir que les fautes mentionnées dans le courrier de résiliation seraient exclusivement imputables à la société Lorhouse et non pas à la société Tectum Lorrain qui ne s'est livrée à aucun acte de concurrence déloyale.
Il convient de souligner qu'est reproché au franchisé un manquement à ses obligations de confidentialité et de secret, obligations essentielles du contrat dont M. X était le garant. Or sont avérés des liens particulièrement étroits entre la société Tectum Lorrain et la société Lorhouse, créée par M. X. Ainsi il résulte d'un procès-verbal de décision de l'associé unique de la société NJD Immo en date du 1er juillet 2016, qu'à cette date, M. X, gérant de la société Tectum Lorrain, était associé unique de NJD Immo SAS, que M. W en était le président non associé alors qu'il était pourtant toujours salarié de la société Tectum Lorrain et qu'il a été décidé de transférer le siège de la société dans des locaux sis <adresse>, jouxtant immédiatement ceux de la société Tectum Lorrain ayant son siège au n° 4 de la même rue.
Le constat d'huissier du 6 février 2017 révèle par ailleurs que les deux sociétés ont un personnel commun, Mme C employée par NJD Immo en qualité de chargée de communication ayant déclaré que ses fiches de paie sont émises par la société Tectum Lorrain, tandis que Mme D, employée comme dessinatrice par la société Tectum Lorrain, a indiqué être mise à disposition de NJD immo deux jours par semaine.
Il s'évince de l'ensemble de ces constatations constituant un faisceau d'indices concordants preuve suffisante de l'imputabilité au franchisé du manquement avéré aux clauses de confidentialité et de secret.
Le jugement sera donc approuvé en tant qu'il a considéré qu'eu égard à la gravité de la violation constatée, la société Mikit France était fondée à résilier immédiatement et sans préavis le contrat de franchise, aux torts du franchisé.
Sur l'indemnité de résiliation
L'article 17 alinéa 2 du contrat de franchise du 2 mai 2012 prévoit que : « (...) Dans le cas d'une résiliation anticipée aux torts du franchisé, le franchiseur aura droit à un versement forfaitaire par le franchisé des redevances qu'il aurait normalement perçues jusqu'au terme du contrat. »
Le tribunal faisant application de cette clause a alloué à la société Mikit France la somme de 137 812,50 euros correspondant à une redevance minimale mensuelle de 5 512,50 euros hors taxes, dont le quantum n'est pas contesté, sur 25 mois.
Me Y, ès qualités, prétend qu'il convient de déduire de cette indemnité une somme de 10 115 euros correspondant à des avoirs devant être émis suite à l'annulation par Mme D... I... de son contrat ainsi que différents montants versés au titre d'assurances encaissés par la société Mikit France pour des clients dont Tectum n'a pas honoré les contrats pour un montant total estimé à 21 000 euros, outre des remises de chèques pour un montant d'environ 400 000 euros en mars 2017. Ces affirmations ne sont pas plus qu'en première instance étayées par la moindre pièce justificative, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'opérer une quelconque réfaction sur cette indemnité ni d'enjoindre à la société Mikit France de s'expliquer sur l'absence de prise en compte desdits montants.
La nature de clause pénale de l'indemnité de résiliation n'est pas discutée. Il n'est toutefois pas démontré qu'elle serait manifestement excessive au regard du préjudice subi par la société Mikit France du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise. Il n'y a donc pas lieu de la modérer.
La résiliation du contrat trouvant son origine dans la violation des engagements de confidentialité et de secret que M. X est tenu de respecter tout comme la société Tectum Lorrain, c'est à bon droit que le tribunal l'a condamné au paiement de cette indemnité destinée à réparer le préjudice causé par la résiliation anticipée du contrat et a dit qu'il sera tenu in solidum avec la société.
Sur les factures impayées
S'agissant des factures de redevances d'exploitation de la franchise et de redevances de publicité impayées, le jugement sera confirmé en tant qu'il a fixé la créance de la société Mikit France au passif de la société Tectum Lorrain à hauteur de la somme de 91 240,60 euros qui est justifiée par les pièces produites.
En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. X au paiement de ce montant, dès lors qu'aucune clause du contrat de franchise ne prévoit qu'il sera personnellement redevable des sommes dues par la société Tectum Lorrain, franchisée, envers le franchiseur. La société Mikit France ne peut pas davantage rechercher la responsabilité de M. X au motif qu'en sa qualité de gérant de la société Tectum Lorrain il a laissé s'accumuler de lourds impayés au détriment de la société Mikit France, cette faute n'étant pas détachable de l'exercice des fonctions de gérant.
Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre M. X et la société Tectum Lorraine
La société Mikit France sollicite une somme de 100 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de secret pendant le contrat et en réparation du transfert illicite de savoir-faire.
Elle fait valoir à juste titre que cette demande ne fait pas double emploi avec la demande formée au titre de l'indemnité de résiliation laquelle n'est en effet pas destinée à réparer le trouble causé par les manquements contractuels du franchisé, mais le manque à gagner consécutif à la résiliation anticipée du contrat.
L'attitude déloyale de la société Tectum Lorrain et de son gérant M. X, ayant consisté en la divulgation d'informations confidentielles au profit d'une société tierce ayant au surplus une activité concurrente à celle de la société Mikit France, exercée sur le même secteur géographique, à destination d'une même clientèle a nécessairement causé un préjudice à cette dernière du fait du trouble ainsi apporté au fonctionnement du réseau et de la confusion générée dans l'esprit de la clientèle et des partenaires. En l'état des éléments d'appréciation soumis à la cour, il sera alloué une somme de 20 000 euros à la société Mikit France en réparation de ce chef de préjudice à la charge de M. X et de la société Tectum Lorrain.
Sur la demande dirigée contre la société Lorhouse
La société Mikit France reproche à la société Lorhouse des actes de concurrence déloyale et parasitaire consistant à avoir profité des contacts que la société Tectum Lorrain lui expédiait pour opérer une captation de dossiers et de clients et d'avoir usé du savoir-faire de la société Mikit France pour faire prospérer l'activité concurrente qu'elle développait sous l'enseigne « Villas Club ».
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La cour approuve le tribunal en ce qu'il a retenu qu'il n'était nullement démontré que la société Lorhouse a fait usage des documents confidentiels qui lui ont été communiqués ni que ces documents lui ont été d'une utilité quelconque pour le développement de son activité au sein du réseau Maisons Villas Club. La demande au titre du parasitisme ne peut donc prospérer.
Le reproche tenant à l'organisation de réunions Villas Club dans les locaux de l'agence Mikit n'est pas caractérisé, la réunion litigieuse étant en effet prévue <adresse>, siège de la société Lorhouse. Il n'est pas davantage établi que l'intimée aurait procédé à un débauchage en sollicitant, pour un ancien franchisé de la société Mikit France, M. E, le 24 novembre 2016, la création d'un code d'accès Maisons Villas club alors qu'il n'est nullement établi qu'à cette date il était toujours franchisé Mikit, ce qui est contesté puisqu'il a quitté la société Mikit courant 2016 à une date non précisée et qu'il est établi qu'il était salarié de la société Lorhouse à compter du 3 octobre 2016.
S'agissant du détournement de clientèle, la cour constate que les contacts communiqués via la « Dropbox business Mikit » correspondent pour trois d'entre eux à des projets situés en Moselle, département ne faisant pas partie du secteur géographique exploité par la société Tectum Lorrain, et pour les deux autres des projets dans les communes de Giraumont et Liverdun situées en Meurthe et Moselle mais ne faisant pas davantage partie du secteur Nancy Est et Ouest confié à la société Tectum Lorrain, de sorte que ces clients n'ont pas été détournés, pas plus que les consorts F, qui étaient certes à l'origine des clients Mikit mais ont finalement opté pour une maison « clés en mains » et non pas « prête à finir ». Il en est de même des époux G, également clients Mikit, qui ont signé un contrat de construction de maison individuelle « clés en mains » et attestent n'avoir jamais eu l'intention de construire une maison en kit.
Néanmoins le fait que ces deux clients soient passés d'une entité à l'autre démontre que la société Lorhouse profite des prospects de la société Tectum Lorrain, ce que confirme le tableau produit en annexe n° 60 par la société Mikit France qui est relatif à des relances de prospects et comporte pour un dizaine d'entrées la mention : « bascule NJD ».
L'origine de ce tableau n'est certes pas indiquée. La cour constate toutefois que, dans sa présentation, ce tableau est totalement similaire à celui retrouvé dans les locaux de la société Lorhouse figurant en annexe n° 33 du constat d'huissier comme étant un tableau de relance des prospects pour le compte de la société Mikit, ce que confirme la mention « commentaires H» figurant en en-tête, Hétant le prénom de Mme I, employée en qualité de chargée de communication par la société Lorhouse bien que rémunérée par la société Tectum Lorrain. Si le détournement de clientèle allégué n'est pas démontré, aucun des clients potentiels dont le nom figure dans ce tableau ne figurant en effet dans l'état des chantiers déclarés par la société Lorhouse à son assureur pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, il n'en demeure pas moins établi que la société Lorhouse a bénéficié des prospects de la société Tectum Lorrain pour développer sa propre activité, et ce en parfaite connaissance des obligations de non-concurrence et de confidentialité pesant sur la société et son dirigeant, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale.
La société Lorhouse ne peut utilement se prévaloir de l'article 8 du contrat qui prévoit que le franchisé dispose d'un droit de propriété et de jouissance des données clients qu'il aura saisi dans le système d'information du franchiseur, dès lors que le franchisé n'est pas pour autant autorisé à les communiquer à un tiers, en méconnaissance des obligations de confidentialité et de non-concurrence pesant sur lui alors qu'au surplus ce tiers développe une activité concurrente sur un même secteur d'activité.
Si le jugement doit être confirmé en tant qu'il a considéré que la société Mikit France ne rapportait pas la preuve d'un préjudice économique, il doit l'être également en tant qu'il a admis l'existence d'un préjudice moral subi par le franchiseur résultant de la confusion sciemment opérée dans l'esprit de la clientèle et des partenaires de la société, portant nécessairement atteinte à la réputation de l'entreprise. La preuve de cette confusion ressort notamment des annexes de la société Mikit France n° 55, 56 concernant des échanges relatifs à des clients Mikit et 58, l'assureur s'interrogeant sur le caractère exclusif de l'activité de la société Lorhouse pour Villas Club, confusion entretenue par M. N... qui a reconnu devant Me Z, huissier de justice, que, bien qu'ayant cessé son activité au sein de la société Tectum Lorrain, il continuait à transmettre des plans et devis à d'anciens clients Tectum, documents retrouvés sur son ordinateur dans les locaux de la société Lorhouse.
Le tribunal ayant exactement apprécié le quantum de la réparation et la société Mikit France ne fournissant aucun élément de preuve de nature à remettre en cause cette appréciation, le jugement sera donc confirmé.
Sur les demandes reconventionnelles
La résiliation ayant été jugée bien fondée, Me Y, ès qualités, et M. X seront déboutés de leur demandes de dommages et intérêts pour résiliation abusive.
Sur l'appel en garantie de M. X contre la société Lorhouse
La société Lorhouse soulève à bon droit l'irrecevabilité de cette demande formée pour la première fois à hauteur de cour, s'agissant d'une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ses demandes relatives aux dépens et frais iréréptibles.
M. X et la société Lorhouse, qui succombent en appel, supporteront la charge des dépens d'appel et seront déboutés de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera alloué à la société Mikit France une indemnité de procédure d'un montant de 2 500 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 20 mai 2019, en ce qu'il a :
- fixé la créance de la société Mikit France dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Tectum Lorrain à la somme de 229 053,10 euros,
- condamné M. X à payer à la société Mikit France la somme de 229 053,10 euros,
- dit que M. X et la société Tectum Lorrain étant tenus in solidum de cette somme, la société Mikit France ne pourra recouvrer un montant total excédant celle-ci,
Statuant à nouveau dans cette limite,
FIXE la créance de la société Mikit France dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Tectum Lorrain à la somme de 249 053,10 (deux cent quarante neuf mille cinquante trois euros et dix centimes) ;
CONDAMNE M. M... F... à payer à la société Mikit France la somme de 157 812,50 (cent cinquante sept mille huit cent douze euros cinquante centimes) ;
DIT que M. X et la société Tectum Lorrain sont tenus in solidum dans la limite de ce montant ;
DEBOUTE la société Mikit France du surplus de sa demande indemnitaire dirigée contre M. X et Me Y, ès qualités ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus, y ajoutant,
REJETTE la demande tendant à voir enjoindre à la société Mikit France de s'expliquer sur l'absence de déduction de différents montants ;
DECLARE irrecevable l'appel en garantie de M. X contre la société Lorhouse ;
CONDAMNE M. M... F... et la SAS Lorhouse aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Mikit France une indemnité de procédure d'un montant de 2 500 (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les autres demandes sur ce fondement.