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Décisions

Cass. com., 21 octobre 2020, n° 18-25.749

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Tradi Art Construction (SAS)

Défendeur :

Ca Vi Ma (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano , SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Paris, du 12 oct. 2018

12 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2018), le 27 mai 2009, la société civile immobilière Ca Vi Ma (la SCI) a confié à la société Tradi Art, devenue la société Bâtir construction (la société Bâtir), puis la société Tradi art construction, un marché de travaux de gros œuvre sur un immeuble à usage de logements et de commerces, pour le prix de 1 333 540 euros. Le 10 mai 2011, les parties ont conclu un avenant pour des travaux supplémentaires. La réception des travaux, avec réserves, est intervenue le 10 mai 2012. Le 13 avril 2012, la société Bâtir a dressé un décompte général définitif chiffrant le montant restant dû à la somme principale de 217 463,18 euros, outre des intérêts moratoires. Le 4 janvier 2013, la SCI a payé la somme de 54 157,12 euros.

2. La société Bâtir a assigné la SCI en paiement des sommes correspondant au solde du marché et à ses dépenses au titre du compte « prorata », avec application des pénalités de retard sur le fondement de l’article L. 441-6 du code de commerce, ainsi qu’en paiement d’une créance d’intérêts de retard dans le paiement des acomptes de travaux, calculée en application du même texte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

4. Premier moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l’arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 37 037,72 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014, au titre du compte prorata, alors « qu’en application de l’article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s’appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu’en se fondant sur le fait qu’il n’était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l’article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 37 037,72 euros TTC au titre du compte prorata avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d’appel a violé l’article L. 441-6 du code de commerce par refus d’application. »

5. Deuxième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l’arrêt de condamner la SCI à lui payer la somme de 93 310,16 euros assortie seulement des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 au titre du solde du marché, alors « qu’en application de l’article L. 441-6 du code de commerce, les pénalités dues en cas de retard de paiement sont calculées en appliquant le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage ; que ces dispositions s’appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu’en se fondant sur le fait qu’il n’était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour écarter l’article L. 441-6 et la condamner à payer la somme de 93 310,16 euros TTC au titre du solde du marché avec intérêt au taux légal à compter du 19 juin 2014, la cour d’appel a violé l’article L. 441-6 du code de commerce.  »

6. Troisième moyen : la société Bâtir, devenue la société Tradi art construction, fait grief à l’arrêt de rejeter ses autres demandes, en ce comprise celle tendant au paiement d’une somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires dus pour le retard dans le paiement des acomptes, alors « que les dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce prévoyant le paiement d’intérêts moratoires en cas de retard de paiement, s’appliquent à tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre professionnels, même non commerçants ; qu’en l’espèce, la société Bâtir construction demandait que la Sci Ca Vi Ma soit condamnée à lui verser la somme de 12 516,57 euros correspondant aux intérêts moratoires stipulés dans le cahier des clauses administratives particulières en cas de retard dans le paiement des acomptes ; qu’elle faisait valoir que les acomptes nos 1, 12, 13 et 15 avaient été payés avec retard et que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait qu’en cas de retard de paiement, les sommes dues au titre des acomptes porteraient de plein droit intérêt au taux des obligations cautionnées de la Banque de France augmenté de 2,5 % ; qu’elle soutenait que si le cahier des clauses administratives particulières stipulait que les intérêts de retard seraient dus à compter de la mise en demeure adressée par l’entrepreneur à la Sci Ca Vi Ma, une telle clause était contraire à l’article L. 441-6 du code de commerce en tant qu’elle subordonnait l’exigibilité des intérêts à une mise en demeure préalable et que cette dernière stipulation devait dès lors être réputée non écrite ; qu’en se fondant, pour écarter l’application de l’article L. 441-6 du code de commerce et retenir que les intérêts contractuels n’étaient pas dus faute de mise en demeure avant le 19 juin 2014, sur le fait qu’il n’était pas démontré que la Sci Ca Vi Ma eût la qualité de commerçant pour rejeter la demande de la société Bâtir construction, la cour d’appel a violé l’article L. 441-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 441-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 :

7. Les pénalités de retard prévues par ce texte, qui sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, et sont notamment applicables aux acomptes dus en vertu d’un marché de travaux, s’appliquent, selon l’alinéa 1 du texte, aux relations entre, d’un côté, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, de l’autre, tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui contracte pour son activité professionnelle.

8. Pour assortir les condamnations de la SCI à payer à la société Bâtir les sommes de 37 037,72 euros au titre du compte prorata et 93 310,16 euros au titre du solde du marché des seuls intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, et pour rejeter la demande de la société Bâtir tendant à la condamnation de la SCI au paiement d’intérêts dus en raison du retard dans le paiement des acomptes du marché en cause, l’arrêt retient que la société Bâtir ne démontre pas que la SCI ait agi, en l’espèce, en qualité de commerçant, ni que le marché de travaux constitue pour celle-ci un acte de commerce. L’arrêt en déduit que, la société Bâtir ne démontrant pas que le code de commerce soit applicable en l’espèce, il convient d’écarter l’application de l’article L. 441-6 du code de commerce.

9. En statuant par de tels motifs tirés des seuls faits que la SCI n’avait pas la qualité de commerçant et qu’elle n’avait pas davantage conclu un acte de commerce, impropres à écarter l’application des pénalités de retard prévues par l’article L. 441-6, I du code de commerce à son égard, la SCI pouvant être tenue, le cas échéant, pour un demandeur de prestations de services contractant pour son activité professionnelle au sens de ce texte, la cour d’appel a violé celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 93 310,16 euros, en ce que, confirmant le jugement entrepris, il assortit des seuls intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 la condamnation de la SCI Ca Vi Ma à payer à la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, la somme de 37 037,72 euros, et en ce que, confirmant le jugement entrepris, il rejette la demande de la société Bâtir construction, devenue la société Tradi art construction, tendant à la condamnation de la SCI Ca Vi Ma au paiement d’intérêts moratoires liés au retard dans le paiement des acomptes du marché de travaux, l’arrêt rendu le 12 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.