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Décisions

Cass. 1re civ., 21 octobre 2020, n° 19-18.038

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Clerc

Défendeur :

Le Crédit Lyonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Serrier

Avocats :

SCP Delamarre et Jehannin, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Lyon, 1re ch. civ. B, du 7 mai 2019

7 mai 2019

Faits et procédure  

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 mai 2019), suivant offre acceptée le 4 juillet 2011, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à Mme Clerc (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier, modifié par avenant du 5 juin 2015.

2. Soutenant que la clause prévoyant un mode de calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile présentait un caractère abusif et que des erreurs affectaient le taux effectif global (TEG) du prêt, l'emprunteur a assigné la banque aux fins de voir ladite clause réputée non écrite et, subsidiairement, la stipulation de l'intérêt conventionnel annulée ou encore la banque déchue de son droit aux intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen  

Enoncé du moyen

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer la clause prévoyant un mode de calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile abusive et par conséquent réputée non écrite, alors « que la stipulation figurant dans les prêts immobiliers consentis qui fait référence à un calcul d'intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours et non d'une année civile de trois cent soixante-cinq jours, qui est obscure et crée un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs puisqu'elle a pour conséquence de priver les intéressés de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit, présente un caractère abusif ; qu'en l'espèce, l'emprunteur faisait valoir que constituait une clause abusive la clause de calcul des intérêts sur la base d'une année fictive de trois cent soixante jours, faisant l'analogie avec une recommandation de la Commission des clauses abusives qui a considéré qu'« une clause pénale [qui] prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours (…) qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et qui ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ; qu'en disant que la clause qui prévoit que « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de trois-cent-soixante jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à trois-cent-soixante jours l'an » ne serait pas abusive, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien, désormais L. 212-1, du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du prêt. »

Réponse de la Cour  

4. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

5. Il en résulte qu'il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours, d'un semestre de cent-quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

6. Après avoir relevé que la clause litigieuse prévoit que les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de trois-cent-soixante jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à trois-cent-soixante jours l'an, et qu'en cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts de la période écoulée, rapportés à trois-cent-soixante jours, le TEG des prêts étant indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à trois-cent-soixante cinq jours l'an, l'arrêt énonce que, l'année civile comptant douze mois et les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentant un douzième de l'intérêt conventionnel, un calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de trente jours et d'une année de trois-cent-soixante jours est équivalent à un calcul des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année de trois-cent-soixante cinq jours.

7. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel n'a pu que déduire que la clause litigieuse n'entraînait pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et n'était pas abusive.

8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en annulation des stipulations de l'intérêt conventionnel et déchéance du droit aux intérêts, alors :

« 1°/ que la clause d'un contrat de prêt immobilier stipulant un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de trois cent soixante jours encourt la nullité, cette irrégularité étant sanctionnée par la substitution automatique du taux de l'intérêt légal à celui de l'intérêt conventionnel ; que la cour d'appel a constaté que la clause figurant page 4 de l'offre de prêt stipulait « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de trois-cent-soixante jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à trois cent soixante jours l'an » ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la clause litigieuse et de substituer les intérêts légaux aux intérêts conventionnels, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 et R. 313-2 du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur à la date de souscription des prêts ;

2°/ que la clause d'un contrat de prêt immobilier stipulant un calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de trois cent soixante jours encourt la nullité, cette irrégularité étant sanctionnée par la substitution du taux de l'intérêt légal à celui de l'intérêt conventionnel ; que cette sanction doit être mise en œuvre dès lors que l'application de la clause litigieuse vient au détriment des emprunteurs ; que la cour d'appel a constaté que la clause figurant page 4 de l'offre de prêt stipulait « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de trois-cent-soixante jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à trois-cent-soixante jours l'an » et que « le TEG recalculé est de 4,77553964 % au lieu de 4,71 % comme affiché dans le contrat de prêt » ; qu'en refusant d'annuler la clause litigieuse et de substituer les intérêts légaux aux intérêts conventionnels, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'application de la clause litigieuse était préjudiciable à l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 et R. 313-2 du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur à la date de souscription des prêts ;

3°/ que l'erreur affectant le TEG est sanctionnée par la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, peu important que l'écart entre le TEG mentionné et le TEG effectivement appliqué soit inférieur à une décimale ; qu'en déboutant pourtant l'emprunteur de sa demande de déchéance au prétexte qu'il ne justifiait pas « d'une erreur de plus de 0,1 point d'intérêt annuel, ni dans le calcul du TEG ni dans celui du taux conventionnel », la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°  2016-301 du 14 mars 2016, et R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.

10. Après avoir souverainement estimé que l'emprunteur ne justifiait pas d'une erreur dans le calcul des intérêts affectant la première décimale, la cour d'appel n'a pu que rejeter ses demandes en annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel et en déchéance du droit aux intérêts.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel de l'avenant au contrat de prêt, alors : « 1°/ que le défaut de mention écrite du taux de période dans l'offre de prêt entraîne la nullité de plein droit de la stipulation d'intérêt, et non la simple déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts ; que cette sanction s'applique à tout contrat de prêt et notamment à l'avenant ; qu'en jugeant qu'aucun texte légal ou réglementaire ne prévoirait « directement ou expressément de sanction de déchéance du droit de la banque aux intérêts en cas de non indication du taux de période dans un avenant », la cour d'appel a violé l'article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-8, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ que le défaut de mention écrite du taux de période dans l'offre de prêt entraîne la nullité de plein droit de la stipulation d'intérêt, que les juges ne sauraient écarter en alléguant que le défaut d'écrit n'aurait causé aucun préjudice à l'emprunteur ; qu'en retenant qu'il résulterait du contrat initial que le taux de période est égal à 1/12e du taux annuel, de sorte qu'il suffisait à l'emprunteur, pour connaître le nouveau taux de période issu de l'avenant, de procéder lui-même à un calcul très simple, sans vérifier si le taux de période avait été expressément communiqué à l'emprunteur, fût-ce dans un document distinct du contrat de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-8, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/ que la sanction de l'erreur affectant la mention du taux effectif global figurant dans l'avenant à un contrat appelle la substitution du taux légal au taux conventionnel à compter de la souscription de cet avenant ; qu'en jugeant que « l'annulation éventuelle de la stipulation d'intérêts figurant dans l'avenant ferait revivre l'intérêt conventionnel au taux du contrat initial », la cour d'appel a violé l'article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 312-8, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

13. En cas de renégociation d'un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont, conformément aux dispositions de l’article L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, apportées sous la seule forme d'un avenant comprenant diverses informations et la communication du taux et de la durée de la période ne sont pas exigées.  

14. L'arrêt retient que, si l'avenant du 5 juin 2015 ne mentionne pas le taux de période, cette absence d'indication n'a causé aucun préjudice à l'emprunteur.

15. Il en résulte qu'en l'absence d'exigence d'une telle mention, la demande de l'emprunteur ne pouvait qu'être rejetée.  

16. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Clerc aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.