DĂ©cisions

CJUE, 8e ch., 28 octobre 2020, n° C-608/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

ArrĂȘt

PARTIES

Demandeur :

Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL)

DĂ©fendeur :

Zennaro Giuseppe Legnami Sas di Zennaro Mauro & C.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident de chambre :

M. Wahl (rapporteur)

Juges :

M. Biltgen, Mme Rossi

Avocat gĂ©nĂ©ral :

M. Campos SĂĄnchez-Bordona

Avocats :

M. Santoro, M. Cevese

LA COUR (huitiĂšme chambre),

1 La demande de dĂ©cision prĂ©judicielle porte sur l’interprĂ©tation des articles 3 et 6 du rĂšglement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 dĂ©cembre 2013, relatif Ă  l’application des articles 107 et 108 du traitĂ© sur le fonctionnement de l’Union europĂ©enne aux aides de minimis (JO 2013, L 352, p. 1).

2 Cette demande a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e dans le cadre du litige opposant l’Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (Institut national d’assurance contre les accidents du travail, Italie) (ci-aprĂšs l’« INAIL Â») Ă  Zennaro Giuseppe Legnami Sas di Zennaro Mauro & C. (ci-aprĂšs la « sociĂ©tĂ© Zennaro Â») au sujet du refus de l’INAIL de procĂ©der au versement d’un financement octroyĂ© en faveur de la sociĂ©tĂ© Zennaro au motif qu’il entraĂźnerait le dĂ©passement du plafond de 200 000 euros sur une pĂ©riode de trois exercices fiscaux prĂ©vu par l’article 3, paragraphe 2, du rĂšglement no 1407/2013 (ci-aprĂšs le « plafond de minimis Â»).

 Le cadre juridique

3 Les considĂ©rants 3, 10, 21 et 22 du rĂšglement no 1407/2013 Ă©noncent :

« (3) Il convient de maintenir le plafond de 200 000 EUR pour le montant d’aide de minimis qu’une entreprise unique peut recevoir par État membre sur une pĂ©riode de trois ans. Ce plafond reste nĂ©cessaire pour faire en sorte que toute mesure entrant dans le champ d’application du prĂ©sent rĂšglement puisse ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme n’affectant pas les Ă©changes entre États membres et comme ne faussant pas ou ne menaçant pas de fausser la concurrence.

[...]

(10) La pĂ©riode de trois ans Ă  prendre en considĂ©ration aux fins du prĂ©sent rĂšglement doit ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e sur une base glissante, de sorte que, pour chaque nouvelle aide de minimis octroyĂ©e, il y a lieu de tenir compte du montant total des aides de minimis accordĂ©es au cours de l’exercice fiscal concernĂ© et des deux exercices fiscaux prĂ©cĂ©dents.

[...]

(21) La Commission a le devoir de veiller Ă  ce que les rĂšgles applicables aux aides d’État soient respectĂ©es et, conformĂ©ment au principe de coopĂ©ration Ă©noncĂ© Ă  l’article 4, paragraphe 3, du traitĂ© sur l’Union europĂ©enne, il convient que les États membres facilitent l’accomplissement de cette mission en crĂ©ant les outils nĂ©cessaires pour faire en sorte que le montant total des aides de minimis octroyĂ©es Ă  une entreprise unique au titre de la rĂšgle de minimis n’excĂšde pas le plafond global admissible. À cette fin, il convient que tout État membre octroyant une aide de minimis informe l’entreprise concernĂ©e du montant de cette aide, ainsi que de son caractĂšre de minimis, en renvoyant explicitement au prĂ©sent rĂšglement. Il convient que tout État membre soit tenu de contrĂŽler l’aide octroyĂ©e pour faire en sorte que les plafonds applicables ne soient pas dĂ©passĂ©s et que les rĂšgles en matiĂšre de cumul soient respectĂ©es. Pour se conformer Ă  cette obligation avant d’octroyer cette aide, il convient que cet État membre obtienne de l’entreprise une dĂ©claration concernant les autres aides de minimis relevant du prĂ©sent rĂšglement ou d’autres rĂšglements de minimis qu’elle a reçues au cours de l’exercice fiscal concernĂ© et des deux exercices fiscaux prĂ©cĂ©dents. Les États membres doivent pouvoir opter pour une autre solution consistant Ă  mettre en place un registre central contenant des informations complĂštes sur les aides de minimis octroyĂ©es et Ă  vĂ©rifier que tout nouvel octroi d’aide n’excĂšde pas le plafond applicable.

(22) Avant l’octroi de toute nouvelle aide de minimis, il convient que chaque État membre vĂ©rifie qu’en ce qui le concerne, la nouvelle aide de minimis ne portera pas le montant total des aides de minimis reçues au-delĂ  du plafond applicable, [...] Â»

4 L’article 3 de ce rĂšglement, intitulĂ© « Aides de minimis Â», dispose :

« 1. Sont considĂ©rĂ©es comme ne remplissant pas tous les critĂšres de l’article 107, paragraphe 1, du traitĂ© et comme n’étant pas soumises, de ce fait, Ă  l’obligation de notification prĂ©vue Ă  l’article 108, paragraphe 3, du traitĂ©, les aides qui satisfont aux conditions Ă©noncĂ©es dans le prĂ©sent rĂšglement.

2. Le montant total des aides de minimis octroyĂ©es par État membre Ă  une entreprise unique ne peut excĂ©der 200 000 EUR sur une pĂ©riode de trois exercices fiscaux.

[...]

4. Les aides de minimis sont considĂ©rĂ©es comme Ă©tant octroyĂ©es au moment oĂč le droit lĂ©gal de recevoir ces aides est confĂ©rĂ© Ă  l’entreprise en vertu du rĂ©gime juridique national applicable, quelle que soit la date du versement de l’aide de minimis Ă  l’entreprise.

5. Les plafonds fixĂ©s au paragraphe 2 s’appliquent quels que soient la forme et l’objectif des aides de minimis [...]. La pĂ©riode de trois exercices fiscaux est dĂ©terminĂ©e par rĂ©fĂ©rence aux exercices fiscaux utilisĂ©s par l’entreprise dans l’État membre concernĂ©.

6. Aux fins de l’application des plafonds fixĂ©s au paragraphe 2, les aides sont exprimĂ©es sous la forme de subventions. Tous les chiffres utilisĂ©s doivent ĂȘtre des montants bruts, c’est-Ă -dire avant impĂŽts ou autres prĂ©lĂšvements. Lorsqu’une aide est octroyĂ©e sous une forme autre qu’une subvention, le montant de l’aide est son Ă©quivalent-subvention brut.

Les aides payables en plusieurs tranches sont actualisĂ©es Ă  leur valeur au moment de leur octroi. Le taux d’intĂ©rĂȘt Ă  appliquer Ă  l’actualisation est le taux d’actualisation applicable au moment de l’octroi de l’aide.

7. Si l’octroi de nouvelles aides de minimis porte le montant total des aides de minimis au-delĂ  du plafond applicable fixĂ© au paragraphe 2, aucune de ces nouvelles aides ne peut bĂ©nĂ©ficier du prĂ©sent rĂšglement.

[...] Â»

5 L’article 6 dudit rĂšglement, intitulĂ© « ContrĂŽle Â», prĂ©voit :

« 1. Lorsqu’un État membre envisage d’octroyer une aide de minimis Ă  une entreprise conformĂ©ment au prĂ©sent rĂšglement, il l’informe par Ă©crit du montant potentiel de cette aide, exprimĂ© en Ă©quivalent-subvention brut, ainsi que de son caractĂšre de minimis, [...]. Avant l’octroi de l’aide, l’État membre doit Ă©galement obtenir de l’entreprise concernĂ©e une dĂ©claration sur support papier ou sous forme Ă©lectronique au sujet des autres aides de minimis Ă©ventuelles relevant du prĂ©sent rĂšglement ou d’autres rĂšglements de minimis qu’elle a reçues au cours des deux exercices fiscaux prĂ©cĂ©dents et de l’exercice fiscal en cours.

2. Lorsqu’un État membre a mis en place un registre central des aides de minimis contenant des informations complĂštes sur toutes les aides de minimis octroyĂ©es par ses diffĂ©rentes autoritĂ©s, le paragraphe 1 cesse de s’appliquer Ă  partir du moment oĂč le registre couvre une pĂ©riode de trois exercices fiscaux.

3. Un État membre n’octroie une nouvelle aide de minimis conformĂ©ment au prĂ©sent rĂšglement qu’aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© qu’elle ne portera pas le montant total des aides de minimis octroyĂ©es Ă  l’entreprise concernĂ©e au-delĂ  du plafond applicable fixĂ© Ă  l’article 3, paragraphe 2, et que toutes les conditions Ă©noncĂ©es dans le prĂ©sent rĂšglement sont respectĂ©es.

4. Les États membres conservent et compilent toutes les informations concernant l’application du prĂ©sent rĂšglement. Les dossiers Ă©tablis contiennent toutes les informations nĂ©cessaires pour dĂ©montrer que les conditions du prĂ©sent rĂšglement ont Ă©tĂ© respectĂ©es. Les informations sont conservĂ©es, en ce qui concerne les aides de minimis individuelles, pendant 10 exercices fiscaux Ă  compter de la date d’octroi des aides et, pour ce qui est des rĂ©gimes d’aides de minimis, pendant 10 exercices fiscaux Ă  compter de la date d’octroi de la derniĂšre aide individuelle au titre du rĂ©gime en question.

5. Sur demande Ă©crite de la Commission, l’État membre concernĂ© lui communique, [...], toutes les informations que la Commission juge nĂ©cessaires pour lui permettre de dĂ©terminer si les conditions Ă©noncĂ©es dans le prĂ©sent rĂšglement ont Ă©tĂ© respectĂ©es, en particulier le montant total des aides de minimis, [...], octroyĂ©es Ă  une entreprise. Â»

 Le litige au principal et les questions prĂ©judicielles

6 La sociĂ©tĂ© Zennaro exerce une activitĂ© dans le secteur du bois et de ses produits dĂ©rivĂ©s. Le 16 juin 2014, elle a prĂ©sentĂ© une demande de financement auprĂšs de l’INAIL tendant Ă  l’octroi d’une subvention prĂ©vue par l’avis public cadre de l’INAIL de 2013 ayant pour objet des « incitations aux entreprises aux fins de la mise en Ɠuvre d’actions dans le domaine de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© au travail Â» (ci-aprĂšs l’« avis public Â»).

7 La procĂ©dure relative Ă  l’appel Ă  projets, rĂ©gie par cet avis public, prĂ©voyait quatre phases, Ă  savoir, premiĂšrement, la transmission tĂ©lĂ©matique des demandes, deuxiĂšmement, l’envoi de la documentation finalisant la demande, troisiĂšmement, la vĂ©rification par l’INAIL des donnĂ©es transmises et l’admission de la demande, ainsi que, enfin, quatriĂšmement, l’instruction et l’établissement d’un rapport permettant le versement effectif de la subvention. Au cours de cette derniĂšre phase, l’entreprise devait fournir une dĂ©claration dite « de minimis Â» dĂ©montrant son Ă©ligibilitĂ© Ă  la subvention pour le montant demandĂ©. À dĂ©faut d’une telle Ă©ligibilitĂ©, les aides qui lui avaient Ă©tĂ© accordĂ©es devaient ĂȘtre rĂ©voquĂ©es.

8 Par dĂ©cision du 30 octobre 2014, l’INAIL a signifiĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© Zennaro l’admission du projet pour un montant de 130 000 euros, assortie de la possibilitĂ© d’obtenir une avance, qui a effectivement Ă©tĂ© sollicitĂ©e, de 65 000 euros, sous rĂ©serve de la prĂ©sentation prĂ©alable d’une garantie bancaire.

9 Il est toutefois apparu au cours de la procĂ©dure que, le 1er aoĂ»t 2014, la sociĂ©tĂ© Zennaro, rĂ©unie Ă  d’autres entreprises en association temporaire, avait Ă©tĂ© admise par la Regione Veneto (RĂ©gion de VĂ©nĂ©tie, Italie) au bĂ©nĂ©fice d’une autre subvention pour un montant total de 64 483,91 euros, qui lui a Ă©tĂ© versĂ©. Par ailleurs, cette sociĂ©tĂ© avait Ă©galement obtenu un autre financement public pour un montant de 18 985,26 euros. La juridiction de renvoi expose que l’ajout de ces deux sommes au montant de 130 000 euros admis par l’INAIL aurait abouti Ă  une somme de 213 469,17 euros et entraĂźnĂ© le dĂ©passement du plafond de minimis.

10 Par courrier du 12 juin 2015, la sociĂ©tĂ© Zennaro a demandĂ© Ă  l’INAIL si, aux fins pour elle d’éviter un tel dĂ©passement, il y avait lieu soit de rĂ©duire le montant de la subvention lors de la phase d’établissement du rapport, soit de prĂ©senter une variante du projet, visant Ă  rĂ©duire le montant du projet envisagĂ© et, par voie de consĂ©quence, celui de la subvention.

11 N’ayant pas obtenu de rĂ©ponse Ă  ce courrier, la sociĂ©tĂ© Zennaro a, par courriel du 12 aoĂ»t 2015, optĂ© pour la seconde solution, en prĂ©sentant Ă  l’INAIL une variante du projet qui en rĂ©duisait le coĂ»t global Ă  171 386,40 euros et, par consĂ©quent, abaissait le montant de la subvention Ă  111 401,16 euros.

12 Par dĂ©cisions du 5 octobre et du 18 novembre 2015, l’INAIL a, tout en ayant jugĂ© recevable du point de vue technique la variante du projet, estimĂ© qu’il ne pouvait admettre la sociĂ©tĂ© Zennaro au bĂ©nĂ©fice de ce financement, excluant de pouvoir l’accorder partiellement, sauf si celle-ci renonçait intĂ©gralement au financement antĂ©rieur. Dans la seconde dĂ©cision, l’INAIL a ainsi indiquĂ© que « la subvention pourra ĂȘtre versĂ©e uniquement Ă  la condition que l’entreprise renonce Ă  la subvention antĂ©rieure octroyĂ©e par une autre entitĂ© Â».

13 La sociĂ©tĂ© Zennaro a alors saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto (tribunal administratif rĂ©gional pour la VĂ©nĂ©tie, Italie) d’un recours tendant Ă  l’annulation de la dĂ©cision du 18 novembre 2015.

14 Par courriel certifiĂ© du 27 avril 2016, la sociĂ©tĂ© Zennaro a transmis Ă  l’INAIL la documentation attestant qu’elle avait renoncĂ© Ă  la subvention versĂ©e par la RĂ©gion de VĂ©nĂ©tie, pour un montant de 15 000 euros, reversĂ© aux autres membres de l’association temporaire, Ă©tablissant ainsi que les aides d’État reçues ne dĂ©passaient pas le plafond de minimis.

15 Par dĂ©cision du 6 juin 2016, l’INAIL a confirmĂ© qu’il ne pouvait, en raison du montant de la subvention demandĂ©e, procĂ©der au versement de celle-ci, dĂšs lors que la somme des trois financements publics dĂ©passerait alors le plafond de minimis et qu’un versement partiel de la subvention contreviendrait Ă  l’article 3, paragraphe 7, du rĂšglement no 1407/2013. Tout en prenant acte des Ă©lĂ©ments Ă©tablissant la renonciation Ă  la subvention rĂ©gionale antĂ©rieure et sa redistribution aux autres membres de l’association temporaire, l’INAIL en a contestĂ© la pertinence, prĂ©cisant qu’« il n’apparaĂźt pas que cette entreprise ait renoncĂ© et restituĂ© la subvention antĂ©rieurement reçue Ă  l’entitĂ© qui l’a versĂ©e et [que] sa redistribution entre les membres de l’association temporaire est dĂ©nuĂ©e de pertinence Â». Pour ces raisons, l’INAIL a demandĂ© la restitution de l’avance de 65 000 euros dĂ©jĂ  versĂ©e, sous peine de solliciter l’exĂ©cution de la garantie bancaire.

16 Le 26 juin 2016, la sociĂ©tĂ© Zennaro a, par des moyens additionnels, demandĂ© Ă©galement l’annulation de la dĂ©cision de l’INAIL du 6 juin 2016.

17 Par jugement du 7 septembre 2016, le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto (tribunal administratif rĂ©gional pour la VĂ©nĂ©tie) a fait droit au recours de la sociĂ©tĂ© Zennaro, Ă  la lumiĂšre de l’opinion exprimĂ©e par la direction gĂ©nĂ©rale de la concurrence de la Commission europĂ©enne (DG COMP) en rĂ©ponse Ă  une question que la sociĂ©tĂ© Zennaro lui avait posĂ©e sur l’interprĂ©tation de l’article 3, paragraphe 7, du rĂšglement no 1407/2013. Dans sa rĂ©ponse, la DG COMP a relevĂ© que la subvention pouvait ĂȘtre proportionnellement rĂ©duite par l’entitĂ© publique chargĂ©e de son versement, afin de respecter le plafond de minimis, et qu’il appartenait aux autoritĂ©s nationales de choisir l’option privilĂ©giĂ©e, les deux solutions â€“ celle de la rĂ©duction proportionnelle et celle du rejet intĂ©gral de la subvention â€“ Ă©tant thĂ©oriquement conformes Ă  ce rĂšglement.

18 Ainsi, selon cette juridiction, « l’interprĂ©tation fournie par l’[INAIL] de l’article 3, paragraphe 7, du rĂšglement no 1407/2013, sur l’irrecevabilitĂ© de la rĂ©duction du financement Ă  hauteur de la part de la subvention excĂ©dant le plafond fixĂ© par ledit rĂšglement Ă  200 000 euros, bien que thĂ©oriquement conforme Ă  la rĂ©glementation de l’Union en matiĂšre d’aides de minimis, aurait dĂ», pour pouvoir dĂ»ment s’appliquer en l’espĂšce, ĂȘtre expressĂ©ment prĂ©vue dans l’[avis public] Â», notamment dans un objectif de protection de la confiance lĂ©gitime des participants. Elle a ainsi estimĂ© que les restrictions opposĂ©es par l’INAIL Ă©taient, au contraire, imprĂ©visibles eu Ă©gard aux critĂšres exposĂ©s dans l’avis public et pouvaient « ĂȘtre renversĂ©es Ă  la lumiĂšre d’une interprĂ©tation moins restrictive du point de vue formel de la rĂ©glementation de l’Union et plus cohĂ©rente avec l’objectif [de l’avis public] “d’inciter les entreprises Ă  mettre en Ɠuvre des projets tendant Ă  l’amĂ©lioration des niveaux de santĂ© et de sĂ©curitĂ© au travail” Â».

19 L’INAIL a interjetĂ© appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

20 L’INAIL fait valoir, en s’appuyant, notamment, sur une lecture combinĂ©e des dispositions de l’article 3, paragraphes 2, 4 et 7, du rĂšglement no 1407/2013, que les aides de minimis doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme Ă©tant octroyĂ©es au moment oĂč le droit lĂ©gal de les recevoir est confĂ©rĂ© Ă  l’entreprise, indĂ©pendamment de leur versement effectif. Ces dispositions comportent des exigences impĂ©ratives directement applicables dans l’ordre juridique national. Par voie de consĂ©quence, le respect du plafond de minimis devrait ĂȘtre vĂ©rifiĂ© au moment de l’octroi de la subvention, c’est-Ă -dire, en l’occurrence, lors de la phase d’admission de la demande. D’éventuelles corrections de la part du demandeur devraient donc ĂȘtre introduites au cours de cette phase.

21 La sociĂ©tĂ© Zennaro conteste l’interprĂ©tation prĂ©conisĂ©e par l’INAIL. PremiĂšrement, elle soutient que les dispositions de l’avis public sont les seules applicables dĂšs lors qu’il ressortirait de l’article 3, paragraphe 4, du rĂšglement no 1407/2013 qu’il appartient au « rĂ©gime juridique national applicable Â» de dĂ©terminer le moment auquel « le droit lĂ©gal de recevoir ces aides est confĂ©rĂ© Ă  l’entreprise Â». DeuxiĂšmement, elle fait valoir que l’article 6, paragraphe 5, de ce rĂšglement, qui porte sur l’obligation d’un État membre de communiquer Ă  la Commission toute information que cette derniĂšre juge nĂ©cessaire, couvre l’ensemble des aides effectivement perçues par l’entreprise, et non uniquement celles octroyĂ©es sur le fondement du premier acte d’octroi. Enfin, troisiĂšmement, elle considĂšre que la rĂ©glementation en matiĂšre d’aides de minimis a Ă©tĂ© adoptĂ©e non pas pour pĂ©naliser les entreprises, mais pour rĂ©duire la charge administrative en cas d’aides d’un montant limitĂ©, et que l’interprĂ©tation stricte proposĂ©e par l’INAIL conduirait Ă  des applications pĂ©nalisantes et contraires Ă  l’esprit de cette rĂ©glementation.

22 La juridiction de renvoi est d’avis que les deux interprĂ©tations envisagĂ©es par les parties au principal peuvent ĂȘtre retenues. D’une part, celle invoquĂ©e par l’INAIL serait plus favorable Ă  une gestion fluide du dĂ©roulement de la procĂ©dure, en ce que les conditions d’accĂšs Ă  la subvention seraient examinĂ©es au seul moment de l’admission de la demande. D’autre part, celle invoquĂ©e par la sociĂ©tĂ© Zennaro permettrait une ouverture large des conditions d’accĂšs Ă  la subvention, y compris pour des concurrents qui, n’ayant pas encore la certitude de leur admission, ne sont pas en mesure de modifier leur demande pour ne pas dĂ©passer le plafond. En effet, la gestion d’éventuelles modifications de la demande de financement serait plus difficile Ă  mettre en Ɠuvre si elle Ă©tait effectuĂ©e lors de la phase d’instruction de celles-ci, car l’ordre de classement Ă©tabli jusqu’alors s’en trouverait affectĂ©.

23 Quant aux dispositions pertinentes du rĂšglement no 1407/2013, la juridiction de renvoi relĂšve, tout d’abord, que l’article 3, paragraphe 4, de ce rĂšglement, selon lequel les aides sont considĂ©rĂ©es comme Ă©tant « octroyĂ©es au moment oĂč le droit lĂ©gal de recevoir ces aides est confĂ©rĂ© Ă  l’entreprise [...], quelle que soit la date du versement de l’aide Â», d’une part, ne semble pas inconciliable avec un schĂ©ma procĂ©dural dans lequel une premiĂšre phase d’admission est suivie d’une instruction plus dĂ©veloppĂ©e, au terme de laquelle le droit Ă  la subvention peut finalement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme « confĂ©rĂ© Â». D’autre part, cette mĂȘme disposition prĂ©ciserait que l’hypothĂšse de l’aide « octroyĂ©e Â» s’entend « en vertu du rĂ©gime juridique national applicable Â», ce qui laisse penser que ce rĂ©gime peut correspondre Ă  des schĂ©mas procĂ©duraux diffĂ©rents, qui ne sont pas prĂ©dĂ©terminĂ©s. Ensuite, elle relĂšve que, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, dudit rĂšglement, le versement de l’aide a lieu aprĂšs la vĂ©rification du respect du plafond, ce qui peut Ă©galement amener Ă  considĂ©rer que ce n’est qu’à l’issue d’une telle vĂ©rification que le droit Ă  percevoir la subvention est dĂ©finitivement « confĂ©rĂ© Â». Enfin, il rĂ©sulterait du libellĂ© de l’article 6, paragraphe 1, derniĂšre phrase, de ce mĂȘme rĂšglement, en particulier de la rĂ©fĂ©rence aux « autres aides de minimis [...] reçues Â», que la dĂ©claration doit recenser l’ensemble des aides perçues. Il importerait de dĂ©terminer si la dĂ©cision de renoncer Ă  une subvention antĂ©rieure doit nĂ©cessairement avoir lieu avant qu’elle ne soit matĂ©riellement versĂ©e.

24 C’est dans ces circonstances que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a dĂ©cidĂ© de surseoir Ă  statuer et de poser Ă  la Cour les questions prĂ©judicielles suivantes :

« 1) Les dispositions en matiĂšre d’octroi des aides figurant aux articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent-elles ĂȘtre interprĂ©tĂ©es en ce sens qu’il est loisible Ă  l’entreprise demanderesse qui dĂ©passerait le plafond autorisĂ© en raison du cumul avec des subventions antĂ©rieures d’opter â€“ jusqu’au versement effectif de la subvention demandĂ©e â€“ pour la rĂ©duction du financement (par le biais d’une modification ou d’une variante du projet) ou pour la renonciation (intĂ©grale ou partielle) Ă  des subventions antĂ©rieures, Ă©ventuellement dĂ©jĂ  perçues, afin de respecter ledit plafond ?

2) Ces mĂȘmes dispositions doivent-elles ĂȘtre interprĂ©tĂ©es en ce sens que les diffĂ©rentes options prĂ©sentĂ©es (variante ou renonciation) sont valables mĂȘme si elles ne sont pas expressĂ©ment prĂ©vues par la rĂ©glementation nationale et/ou par l’avis public relatif Ă  l’octroi de l’aide ? Â»

 Sur les questions prĂ©judicielles

 Sur la premiĂšre question

25 Par sa premiĂšre question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’une entreprise, dont l’État membre d’établissement envisage de lui accorder une aide de minimis qui, en raison de l’existence d’aides antĂ©rieures, porterait le montant total des aides octroyĂ©es Ă  cette entreprise au-delĂ  du plafond de minimis, peut opter, jusqu’au versement effectif de cette aide, pour la rĂ©duction du financement requis ou pour la renonciation, intĂ©grale ou partielle, Ă  des aides antĂ©rieures dĂ©jĂ  perçues, afin de ne pas dĂ©passer ce plafond.

26 Il y a lieu de relever, d’une part, que les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre resituĂ©s dans le contexte d’ensemble de ce rĂšglement qui a pour objet de permettre de dĂ©roger, pour les aides d’État d’un montant limitĂ©, Ă  la rĂšgle selon laquelle toute aide doit, prĂ©alablement Ă  toute mise en Ɠuvre, ĂȘtre notifiĂ©e Ă  la Commission (voir, en ce sens, arrĂȘt du 28 fĂ©vrier 2018, ZPT, C‑518/16, EU:C:2018:126, points 50 et 51).

27 Il s’ensuit que tant l’article 3 de ce rĂšglement, qui a pour objet de dĂ©finir les aides de minimis dĂ©rogeant au principe posĂ© par le traitĂ© de l’interdiction des aides, que l’article 6 dudit rĂšglement, qui porte sur le contrĂŽle opĂ©rĂ© par les États membres lors de l’octroi d’une telle aide, doivent faire l’objet d’une interprĂ©tation stricte.

28 D’autre part, l’interprĂ©tation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais Ă©galement du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs que poursuit l’acte dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrĂȘt du 9 octobre 2019, BGL BNP Paribas, C‑548/18, EU:C:2019:848, point 25 et jurisprudence citĂ©e).

29 En premier lieu, en ce qui concerne les termes des dispositions en cause du rĂšglement no 1407/2013, il importe de souligner, premiĂšrement, que, d’une part, l’article 3, paragraphe 7, de ce rĂšglement prĂ©voit que, « [s]i l’octroi de nouvelles aides de minimis porte le montant total des aides de minimis au-delĂ  du plafond de [minimis], aucune de ces nouvelles aides ne peut bĂ©nĂ©ficier du [rĂšglement no 1407/2013] Â». Il dĂ©coule du libellĂ© de cette disposition que le moment auquel il convient d’apprĂ©cier si le cumul avec d’autres aides de minimis dĂ©passent le plafond de minimis est celui de l’« octroi Â» de l’aide.

30 D’autre part, il ressort Ă©galement du libellĂ© de l’article 3, paragraphe 4, du rĂšglement no 1407/2013 que les aides de minimis sont considĂ©rĂ©es comme Ă©tant « octroyĂ©es au moment oĂč le droit lĂ©gal de recevoir ces aides est confĂ©rĂ© Ă  l’entreprise en vertu du rĂ©gime juridique national applicable, quelle que soit la date du versement de l’aide de minimis Ă  l’entreprise Â».

31 À cet Ă©gard, conformĂ©ment Ă  une jurisprudence constante, il appartient Ă  la juridiction de renvoi de dĂ©terminer, sur la base du droit national applicable, le moment auquel ladite aide doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant octroyĂ©e (voir, en ce sens, arrĂȘts du 21 mars 2013, Magdeburger MĂŒhlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, points 40 et 41, ainsi que du 6 juillet 2017, Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:521, points 32 et 33).

32 À cette fin, la juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des conditions posĂ©es par le droit national pour l’octroi de l’aide en cause (voir, en ce sens, arrĂȘt du 21 mars 2013, Magdeburger MĂŒhlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 41).

33 Par consĂ©quent, en l’occurrence, il appartient Ă  la juridiction de renvoi de dĂ©terminer la date d’octroi de l’aide en cause au principal sur la base des dispositions de l’avis public et, le cas Ă©chĂ©ant, de la rĂ©glementation nationale applicable Ă  celui-ci (voir, en ce sens, arrĂȘts du 21 mars 2013, Magdeburger MĂŒhlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40, et du 6 juillet 2017, Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:521, point 32).

34 Il y a lieu de prĂ©ciser Ă  cet Ă©gard que, si la dĂ©termination de la date d’octroi d’une aide est susceptible de varier en fonction de la nature de l’aide en cause, dĂšs lors qu’une aide n’est pas accordĂ©e en vertu d’un rĂ©gime pluriannuel, elle ne saurait, conformĂ©ment Ă  la jurisprudence de la Cour, ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant octroyĂ©e Ă  la date de son versement (voir, en ce sens, arrĂȘt du 8 dĂ©cembre 2011, France TĂ©lĂ©com/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 82).

35 DeuxiĂšmement, s’agissant des dispositions de l’article 6 du rĂšglement no 1407/2013 portant sur le contrĂŽle exercĂ© par les États membres afin que les rĂšgles en matiĂšre de cumul soient respectĂ©es, il y a lieu de relever, d’une part, que l’article 6, paragraphe 2, de ce rĂšglement, qui prĂ©voit que, lorsqu’un État membre a mis en place un registre central d’aides de minimis contenant des informations sur toutes les aides octroyĂ©es par ses diffĂ©rentes autoritĂ©s, l’article 6, paragraphe 1, dudit rĂšglement cesse de s’appliquer, n’est pas applicable Ă  l’affaire au principal. En effet, le registre central des aides de minimis n’a Ă©tĂ© mis en place par la RĂ©publique italienne que depuis le 12 aoĂ»t 2017, Ă  savoir Ă  une date postĂ©rieure Ă  la demande d’aide en cause.

36 D’autre part, s’agissant de l’article 6, paragraphes 1 et 3, du rĂšglement no 1407/2013, ces dispositions prĂ©voient que, « [a]vant l’octroi de l’aide, l’État membre doit Ă©galement obtenir de l’entreprise concernĂ©e une dĂ©claration [...] au sujet des autres aides de minimis Ă©ventuelles [...] qu’elle a reçues au cours des deux exercices fiscaux prĂ©cĂ©dents et de l’exercice fiscal en cours Â» et, dans toutes les versions linguistiques autres que la version italienne, qu’« [u]n État membre n’octroie une nouvelle aide de minimis [...] qu’aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© qu’elle ne portera pas le montant total des aides de minimis octroyĂ©es Ă  l’entreprise concernĂ©e au-delĂ  du plafond [de minimis] Â». Il ressort ainsi clairement de ces dispositions que le contrĂŽle exercĂ© par les États membres afin que les rĂšgles en matiĂšre de cumul soient respectĂ©es doit avoir lieu « avant l’octroi de l’aide Â».

37 Cette interprĂ©tation n’est pas infirmĂ©e par le fait que, dans la seule version en langue italienne du paragraphe 3 de cet article, il est indiquĂ© qu’un État membre ne « verse Â» (eroga) une nouvelle aide, tandis que toutes les autres versions utilisent un verbe qui correspond, en langue italienne, au verbe « octroyer Â» (concedere). En effet, selon une jurisprudence constante, en cas de disparitĂ© entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit ĂȘtre interprĂ©tĂ©e en fonction, notamment, de l’économie gĂ©nĂ©rale de la rĂ©glementation dont elle constitue un Ă©lĂ©ment [arrĂȘt du 14 mai 2019, M e.a. RĂ©vocation du statut de rĂ©fugiĂ©), C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 88 ainsi que jurisprudence citĂ©e]. Or, les considĂ©rants 21 et 22 dudit rĂšglement â€“ qui renvoient, en substance, aux paragraphes 1 et 3 de cet article 6 – emploient, dans leur version en langue italienne, respectivement, les termes aiuti concessi (« aides octroyĂ©es Â») et prima di concedere (« avant l’octroi Â»). Par consĂ©quent, la discordance entre les versions linguistiques de l’article 6, paragraphe 3, du rĂšglement no 1407/2013 rĂ©sulte d’une erreur de traduction de la version en langue italienne de cette disposition.

38 En deuxiĂšme lieu, en ce qui concerne le contexte dans lequel s’insĂšrent les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013, il y a lieu de constater que celui-ci ne comporte pas de dispositions en vertu desquelles les entreprises demanderesses pourraient, le cas Ă©chĂ©ant, modifier leur demande d’aide, en rĂ©duisant le montant de celle-ci ou en renonçant Ă  des aides antĂ©rieures, afin de respecter le plafond de minimis.

39 Partant, dĂšs lors que, conformĂ©ment Ă  l’article 3, paragraphe 4, de ce rĂšglement, l’octroi de l’aide est rĂ©gi par la rĂ©glementation nationale applicable, les États membres disposent d’une large marge d’apprĂ©ciation quant Ă  la dĂ©termination de la procĂ©dure d’octroi de telles aides.

40 À cet Ă©gard, il convient de constater que le considĂ©rant 21 dudit rĂšglement prĂ©voit que, conformĂ©ment au principe de coopĂ©ration Ă©noncĂ© Ă  l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres doivent faciliter le respect des rĂšgles applicables aux aides d’État « en crĂ©ant les outils nĂ©cessaires pour faire en sorte que le montant total des aides de minimis octroyĂ©es Ă  une entreprise unique au titre de la rĂšgle de minimis n’excĂšde pas le plafond global admissible Â».

41 En troisiĂšme lieu, en ce qui concerne les objectifs du rĂšglement no 1407/2013, il importe de relever que la rĂ©glementation de minimis vise Ă  simplifier la charge administrative des entreprises, de la Commission et des États membres (voir, en ce sens, arrĂȘt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 94), en partant du principe, rappelĂ© au considĂ©rant 3 de ce rĂšglement, que les aides d’un montant ne dĂ©passant pas le plafond de minimis n’affectent pas les Ă©changes entre les États membres et ne sont pas de nature Ă  fausser la concurrence.

42 Compte tenu de ces objectifs, la facultĂ© dont disposent les États membres d’accorder aux entreprises demanderesses le droit de modifier leur demande d’aide jusqu’à l’octroi de cette aide, en rĂ©duisant le montant du financement demandĂ© ou en renonçant Ă  des aides antĂ©rieures dĂ©jĂ  perçues, ne nuit pas au dĂ©roulement de la procĂ©dure d’instruction de leur demande, dĂšs lors que la vĂ©rification des conditions d’obtention de l’aide relatives au respect du plafond de minimis intervient uniquement lors de l’octroi de l’aide. DĂšs lors, contrairement Ă  ce que font valoir la sociĂ©tĂ© Zennaro et les gouvernements italien et grec, l’impossibilitĂ© pour ces entreprises de modifier leur demande d’aide aprĂšs l’octroi d’une nouvelle aide ne saurait constituer, en soi, une « pĂ©nalisation Â» des entreprises en cause.

43 Eu Ă©gard Ă  l’ensemble des considĂ©rations qui prĂ©cĂšdent, il y a lieu de rĂ©pondre Ă  la premiĂšre question que les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’une entreprise, dont l’État membre d’établissement envisage de lui accorder une aide de minimis qui, en raison de l’existence d’aides antĂ©rieures, porterait le montant total des aides octroyĂ©es Ă  cette entreprise au-delĂ  du plafond de minimis, peut opter, jusqu’à l’octroi de cette aide, pour la rĂ©duction du financement requis ou pour la renonciation, intĂ©grale ou partielle, Ă  des aides antĂ©rieures dĂ©jĂ  perçues, afin de ne pas dĂ©passer ce plafond.

 Sur la seconde question

44 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’une entreprise qui sollicite une aide peut modifier sa demande d’aide, en rĂ©duisant le financement requis ou en renonçant Ă  des aides antĂ©rieures dĂ©jĂ  perçues, afin de ne pas dĂ©passer le plafond de minimis, alors que la rĂ©glementation de l’État membre dans lequel elle est Ă©tablie ne le prĂ©voit pas.

45 Cette question appelle une rĂ©ponse qui est intrinsĂšquement liĂ©e Ă  la rĂ©ponse apportĂ©e Ă  la premiĂšre question. D’une part, ainsi qu’il a Ă©tĂ© constatĂ© au point 38 ci-dessus, le rĂšglement no 1407/2013 ne comporte pas de dispositions en vertu desquelles les entreprises demanderesses pourraient, le cas Ă©chĂ©ant, modifier leur demande d’aide, en rĂ©duisant le montant de celle-ci ou en renonçant Ă  des aides antĂ©rieures, afin de respecter le plafond de minimis et n’impose, dĂšs lors, aucune obligation aux États membres en ce sens. D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 42 et 43 du prĂ©sent arrĂȘt, les États membres peuvent permettre aux entreprises demanderesses de modifier leur demande d’aide, afin d’éviter que l’octroi d’une nouvelle aide de minimis ne porte le montant total des aides accordĂ©es au-delĂ  du plafond de minimis, lorsque de telles modifications sont effectuĂ©es avant l’octroi de l’aide de minimis.

46 Par consĂ©quent, il convient de rĂ©pondre Ă  la seconde question que les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens que les États membres ne sont pas tenus de permettre aux entreprises demanderesses de modifier leur demande d’aide avant l’octroi de celle-ci, afin de ne pas dĂ©passer le plafond de minimis. Il appartient Ă  la juridiction de renvoi d’apprĂ©cier les consĂ©quences juridiques de l’absence de facultĂ©, pour les entreprises, de procĂ©der Ă  de telles modifications, Ă©tant prĂ©cisĂ© que celles-ci ne peuvent ĂȘtre effectuĂ©es qu’à une date antĂ©rieure Ă  celle de l’octroi de l’aide de minimis.

 Sur les dĂ©pens

47 La procĂ©dure revĂȘtant, Ă  l’égard des parties au principal, le caractĂšre d’un incident soulevĂ© devant la juridiction de renvoi, il appartient Ă  celle-ci de statuer sur les dĂ©pens. Les frais exposĂ©s pour soumettre des observations Ă  la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitiĂšme chambre) dit pour droit :

1) Les articles 3 et 6 du rĂšglement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 dĂ©cembre 2013, relatif Ă  l’application des articles 107 et 108 du traitĂ© sur le fonctionnement de l’Union europĂ©enne aux aides de minimis, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens qu’une entreprise, dont l’État membre d’établissement envisage de lui accorder une aide de minimis qui, en raison de l’existence d’aides antĂ©rieures, porterait le montant total des aides octroyĂ©es Ă  cette entreprise au-delĂ  du plafond de 200 000 euros sur une pĂ©riode de trois exercices fiscaux prĂ©vu Ă  l’article 3, paragraphe 2, du rĂšglement no 1407/2013, peut opter, jusqu’à l’octroi de cette aide, pour la rĂ©duction du financement requis ou pour la renonciation, intĂ©grale ou partielle, Ă  des subventions antĂ©rieures dĂ©jĂ  perçues, afin de ne pas dĂ©passer ce plafond.

2) Les articles 3 et 6 du rĂšglement no 1407/2013 doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s en ce sens que les États membres ne sont pas tenus de permettre aux entreprises demanderesses de modifier leur demande d’aide avant l’octroi de celle-ci, afin de ne pas dĂ©passer le plafond de 200 000 euros sur une pĂ©riode de trois exercices fiscaux prĂ©vu Ă  l’article 3, paragraphe 2, du rĂšglement no 1407/2013. Il appartient Ă  la juridiction de renvoi d’apprĂ©cier les consĂ©quences juridiques de l’absence de facultĂ©, pour les entreprises, de procĂ©der Ă  de telles modifications, Ă©tant prĂ©cisĂ© que celles-ci ne peuvent ĂȘtre prises qu’à une date antĂ©rieure Ă  celle de l’octroi de l’aide de minimis.