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Décisions

ADLC, 29 octobre 2020, n° 20-D-16

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne aux Antilles et en Guyane

ADLC n° 20-D-16

29 octobre 2020

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la décision n° 18-SO-11 du 29 mai 2018, enregistrée sous le numéro 18/0108 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne aux Antilles et en Guyane ;

Vu le livre IV du code de commerce et notamment son article L. 420-2-1 ;

Vu la décision du rapporteur général du 18 novembre 2019 disposant que l’affaire fera l’objet d’une décision de l’Autorité de la concurrence sans établissement préalable d’un rapport ;

Vu les décisions de secret d'affaires n° 19-DSA-195 du 29 mai 2019, n° 19-DSA-441  du 06 septembre 2019, n° 19-DSA-197 du 31 mai 2019, n° 20-DSA-072 du 05 février 2020, n° 19-DSA-199 du 03 juin 2019, n° 19-DECR-457 du 11 septembre 2019, n° 19-DSA-278

du  26  juillet  2019,  n° 20-DSA-096  du  11  février  2020, n° 19-DSA-501

du 19 septembre 2019, n° 19-DSA-137 du 02 mai 2019, n° 19-DSA-168 du 14 mai 2019, n° 19-DSA-172 du 15 mai 2019, n° 19-DSA-176 du 15 mai 2019, n° 19-DSA-239

du 05 juillet 2019, n° 19-DSA-240 du 05 juillet 2019, n° 19-DSA-241 du 05 juillet 2019, n° 19-DSA-242 du 05 juillet 2019, n° 19-DSA-243 du 05 juillet 2019, n° 19-DSA-244  du 08 juillet 2019, n° 19-DSA-260 du 15 juillet 2019, n° 19-DSA-287 du 26 août 2019 ;

Vu les observations présentées par le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et les sociétés Financière Martin, Distillerie Dillon ainsi que Bardinet SAS et Cooperative Financière Européenne de Prises de Participation SA, et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants du Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et des sociétés Financière Martin, Distillerie Dillon ainsi que Bardinet SAS et Cooperative Financière Européenne de Prises de Participation SA et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 21 juillet 2020 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé 1

 Dans la décision ci-après, l’Autorité de la concurrence condamne tout d’abord le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte (ci-après, le « CVC-NF ») et la société Financière Martin pour avoir, du 22 mars 2013 au 1er janvier 2015, s’agissant de la première, accordé des droits exclusifs d’importation sur ses champagnes « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » et, s’agissant de la seconde, bénéficié de ces droits sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Ces droits, qui résultaient d’un contrat de distribution exclusive conclu en 2011, ont continué à être stipulés contractuellement postérieurement au 22 mars 2013, en violation de l’article L. 420-2- 1 du code de commerce, inséré par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite loi « Lurel », qui prohibe les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises dans les collectivités d’outre-mer.

L’Autorité condamne également le CVC-NF et la société Distillerie Dillon, en tant qu’auteurs, et les sociétés Bardinet SAS et Compagnie Européenne de Prises de Participation (ci-après, « COFEPP SA »), en leur qualité de société mère, pour avoir, du 22 mars 2013 au 31 décembre 2014, s’agissant de la première, accordé – dans le cadre d’un contrat conclu en 2010 - des droits exclusifs d’importation sur ses champagnes « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » et, s’agissant de la seconde, bénéficié de ces droits sur le territoire de la Martinique.

Les éléments du dossier ont par ailleurs révélé qu’à la suite de l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ne comportant pas de clause d’exclusivité d’importation, le CVC-NF et la société Distillerie Dillon se sont entendues pour maintenir du 1er janvier 2015 au 28 juin 2016, l’exclusivité de l’importation des produits Nicolas Feuillatte en Martinique au profit de la première, et ce, là encore, en violation de l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

Ces accords et pratiques n’ont pu bénéficier de l’exemption prévue par le III de l’article L. 420-4 du code de commerce, faute pour les entreprises mises en cause d’avoir apporté la preuve que les consommateurs pouvaient retirer une part équitable du profit qui résulterait d’une telle exclusivité d’importation.

En conséquence, sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

· au Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte une sanction de 216 600 euros ;

· à la société Financière Martin une sanction de 5 200 euros ;

· à la société Distillerie Dillon, solidairement avec les sociétés Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA, en leur qualité de société mère, une sanction de 421 000 euros.

 I. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

 1. Par lettre du 19 février 2018, le ministre de l’Économie et des finances a communiqué à l’Autorité de la concurrence un rapport administratif d’enquête du 30 août 2017 relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la commercialisation du champagne Nicolas Feuillatte aux Antilles et en Guyane. Ce rapport constatait l’existence d’une pratique d’exclusivité d’importation contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

2. L’Autorité s’est saisie d’office le 29 mai 2018 de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne Nicolas Feuillatte aux Antilles et en Guyane. La saisine a été enregistrée sous le numéro 18/0108 F.

3. Le 18 novembre 2019, le rapporteur général a décidé, en application de l’article L. 463-3 du code du commerce, que l’affaire ferait l’objet d’une décision de l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport et a adressé une notification de griefs simplifiée pour des pratiques prohibées par l’article L. 420-2-1 du code de commerce aux entreprises suivantes :

· Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte (ci-après, « CVC-NF » ou « Nicolas Feuillatte ») ;

· Financière Martin ; et

· Distillerie Dillon en tant qu’auteures, ainsi qu’à Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA (ci-après, « COFEPP SA ») en tant que sociétés mères de Distillerie Dillon.

B. LE SECTEUR CONCERNÉ

 1. LE PRODUIT CONCERNE

 4. Le champagne, également appelé vin de champagne, est un vin effervescent français protégé par une appellation d’origine contrôlée.

5. Le vignoble de Champagne produit surtout des vins blancs mousseux, avec un large éventail de cuvées, de millésimes et de flaconnages.

6. En 2018, le marché français du champagne représentait 48,7 % des volumes et 41,7 % du chiffre d’affaires du vignoble de Champagne (2 milliards d’euros) 2.

7. Les expéditions de champagne à destination des départements, régions et collectivités d’Outre-mer (ci-après, « DROM-COM ») s’établissaient, en 2018, à 4,7 millions de bouteilles pour un chiffre d’affaires de 63,7 millions d’euros3. La Martinique est la première destination d’exportation de champagne en Outre-mer, avec une consommation par habitant et par an plus élevée qu’en métropole4.

8. En raison des caractéristiques de la consommation locale aux Antilles et en Guyane, le champagne est devenu un produit d’appel pour les grandes et moyennes surfaces (ci-après

« GMS »). Celles-ci utilisent les marques de champagne de grande consommation (comme Nicolas Feuillatte, Jacquart, Canard Duchêne, Mercier, etc.) pour attirer les consommateurs dans leurs magasins, grâce à des promotions récurrentes (aux Antilles et en Guyane, entre 70 % et 80 % du champagne est vendu en promotion, contre environ 30 % en métropole)5.

2. LA COMMERCIALISATION DU CHAMPAGNE NICOLAS FEUILLATTE DANS LES TERRITOIRES ULTRA-MARINS

 9. Dans son avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outre-mer, l’Autorité a distingué trois circuits d’approvisionnement des territoires ultramarins :

· le circuit intégré : l’industriel implante une structure logistique lourde sur le territoire concerné. Il assure ainsi le transport, la manutention des produits et l’approvisionnement des points de vente ;

· le circuit court (ou « désintermédié ») : le distributeur est livré sur ses propres plateformes de stockage situées soit en métropole, soit dans les départements et territoires d’Outre-mer ou dans les deux ;

· le circuit long (ou « intermédié ») : il consiste à recourir à un intermédiaire, généralement désigné sous le terme d’« importateur-grossiste » ou d’« agent de marques ». Celui-ci assure certaines opérations logistiques (stockage, livraison, etc.), revend aux distributeurs les produits achetés auprès des industriels et prend également en charge certaines actions commerciales (promotions, etc.).

10. La commercialisation des produits Nicolas Feuillatte aux Antilles et en Guyane passe très majoritairement par des importateurs locaux, qui ont pour rôle de centraliser et de distribuer les produits à tous les points de vente (GMS, cafés-hôtels-restaurants, grossistes)6.

C. LES ENTITÉS CONCERNEES

 1. LE FOURNISSEUR

 11. Le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte est une union de coopératives agricoles à capital variable régie par le code rural et de la pêche maritime.

12. Le CVC-NF regroupe aujourd’hui 80 coopératives agricoles champenoises réparties sur tout le territoire d’appellation et représentant 4 500 associés coopérateurs. Il est dirigé par un conseil d’administration composé uniquement de présidents de coopératives adhérentes. Les producteurs possèdent des parts sociales de CVC-NF en fonction de la superficie de leurs vignobles engagés dans la structure.

13. Le champagne de la marque Nicolas Feuillatte est l’une des marques les plus consommées aux Antilles et en Guyane7.

14. La gamme de produits vendus en grande distribution sur ces territoires par Nicolas Feuillatte est par ailleurs plus large que celle vendue en métropole8.

2. LES IMPORTATEURS

 a) À Saint-Martin et Saint-Barthélemy

 15. La société Financière Martin est une société à responsabilité limitée, dont le siège social se trouve à Baie Mahault en Guadeloupe.

16. Financière Martin est une société holding qui n'exerce aucune activité de distribution, mais délivre uniquement des prestations de services facturées à ses filiales.

17. Elle est notamment la société mère des sociétés suivantes :

-  SOMAF, active dans le secteur de la distribution en gros de boissons en Guadeloupe ;

- Saint-Martin Distribution, active à l'époque des faits reprochés sur le territoire de l'île de Saint-Martin, pour la distribution de boissons et d'autres produits de grande consommation.

18. Ce sont ces deux filiales qui facturent les ventes des produits Nicolas Feuillatte réalisées sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

b) En Martinique

 19. La société Distillerie Dillon est une société par actions simplifiée, spécialisée dans la production de boissons alcooliques distillées. Son siège social se situe à Blanquefort en Gironde.

20. Distillerie Dillon est détenue à 99,98 % par la société Bardinet SAS, dont le siège social se trouve également à Blanquefort.

21. Bardinet SAS est elle-même détenue à hauteur de 29,38 % par la Société des Vins et Spiritueux La Martiniquaise, société par actions simplifiée dont le siège social se trouve à Charenton Le Pont dans la région parisienne, et à hauteur de 70,62 % par la COFEPP SA, société anonyme dont le siège social est également situé à Charenton Le Pont.

22. La Société des Vins et Spiritueux La Martiniquaise est elle-même détenue à 99,98 % par la COFEPP SA.

23. La société Distillerie Dillon est présente dans l’importation et la commercialisation en Martinique de produits tels que le whisky Label 5, le porto Cruz, la vodka Poliakov, ainsi que le champagne Nicolas Feuillatte.

24. Cette société cultive également la canne à sucre et produit du rhum en Martinique, qu’elle destine principalement à l’export, ainsi que d’autres produits sous la marque Dormoy. Elle réalise par ailleurs des prestations de conditionnement pour plusieurs marques appartenant au groupe La Martiniquaise.

D. LES PRATIQUES CONSTATÉES

 1. LA DISTRIBUTION DES PRODUITS NICOLAS FEUILLATTE À SAINT-MARTIN ET SAINT- BARTHELEMY

 a) Le contrat d’importation et de distribution exclusive de 2011

 25. Le 28 janvier 2011, un contrat d’importation et de distribution exclusive a été conclu entre Nicolas Feuillatte et Financière Martin, prévoyant comme territoire contractuel les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy9.

26. Ce contrat a été conclu pour une période initiale du 1er février 2011 au 31 décembre 2013 avec possibilité de reconduction tacite par période d’une année10.

27. L’article 2.1 du contrat prévoit que « Selon les termes et conditions exposés dans le cadre du présent contrat, le CV-CNF confère au Distributeur, qui l’accepte, le droit exclusif d’importer, de distribuer et de vendre les Produits sur le Territoire pendant la durée du contrat »11 (soulignement ajouté).

28. Le même article stipule que : « Le Distributeur pourra désigner des sous-contractants (sous- distributeurs ou agents) pour la commercialisation des Produits sur le Territoire. Lesdits sous contractants agiront sous la seule direction et responsabilité du Distributeur. (….) »12.

29. L’article 4 du contrat intitulé « Exclusivité » prévoit : « 4.1 Caractère exclusif de la distribution

4.1.1 le CV-CNF ne saurait, pendant la durée du Contrat, conférer à quelque personne physique ou morale que ce soit (y compris une filiale du CV-CNF), le droit de représenter ou de commercialiser les Produits sur le Territoire. Le CV-CNF devra en outre s’abstenir de vendre les Produits à des clients établis dans le Territoire.

4.1.2 Le CV-CNF est autorisé à vendre les Produits à des clients établis en dehors du Territoire, même si ces clients ont l’intention de les réexporter vers le Territoire, mais il ne peut ni solliciter de façon active ces clients, ni réaliser par d’autres moyens de telles ventes dans le but de contourner l’exclusivité prévue à la clause 4.1.1 ci-dessus »13 (soulignement ajouté).

30. Les marques couvertes par ce contrat sont définies de la façon suivante : « « Marques » s’entend des marques déposées « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » »14.

b) Le contrat de distribution de 2014 (Guadeloupe et ses dépendances, Saint-Martin et Saint-Barthélemy)

 31. Le 30 septembre 2014, un nouveau contrat d’importation et de distribution non-exclusive a été signé entre Nicolas Feuillatte et SOMAF/SODIMAR/Financière Martin15 pour la Guadeloupe, ses dépendances (La Désirade et Les Saintes) ainsi que les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le préambule précise que « Les parties ont décidé de mettre à jour, avant son arrivée à échéance, le contrat d’importation et de distribution a effet au 1er janvier 2013 signé entre les parties pour notamment y inclure la distribution sur les îles de Saint Martin et Saint Barthélemy, qui, jusqu’à présent, était régis (sic) par un contrat séparé »16.

32. L’article 5 de ce contrat prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier 2015 et une mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2016, avec possibilité de reconduction tacite par période d’un an17.

c) Le contrat de distribution en cours de négociation en 2017

 33. Selon les déclarations de la société SOMAF en 2017, un nouveau contrat a été négocié pour la période postérieure à 2016 : « Le dernier contrat de distribution avec Nicolas Feuillatte a été signé en 2014 pour les années 2015 et 2016. (…) Actuellement, nous sommes en renégociation du contrat avec notamment la suppression des territoires pour améliorer encore la rédaction des contrats pour éliminer tous risques liés à la loi Lurel. Nous prenons en compte les décisions de l’Autorité de la concurrence pour améliorer nos pratiques »18.

2. LA DISTRIBUTION DU CHAMPAGNE NICOLAS FEUILLATTE EN MARTINIQUE

 a) La distribution du champagne Nicolas Feuillatte en Martinique jusqu’en 2015

 34. La société Distillerie Dillon distribue le champagne Nicolas Feuillatte depuis au moins 1998.

Le contrat d’importation exclusive de 2004

35. Le 1er novembre 2004, un premier contrat écrit a été conclu entre le CVC-NF et la société Distillerie Dillon, accordant à cette dernière des droits d’importation exclusive des produits Nicolas Feuillatte sur le territoire de la Martinique19.

36. Ce contrat prévoyait une application effective à compter du 1er janvier 2004 pour une durée de 3 ans – soit jusqu’au 31 décembre 2006 - renouvelable20.

37. Lors de la signature d’un avenant le 2 juillet 2007, les parties ont précisé que les dispositions du contrat de 2004 « continuent à avoir force de loi entre les parties »21.

Le contrat d’importation exclusive de 2010

38. Le 16 septembre 201022, un second contrat d’importation exclusive a été conclu entre le CVC-NF et la société Distillerie Dillon.

39. Ce contrat prévoit une application effective du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, avec reconduction tacite par période d’un an pour une période qui n’excèderait pas cinq ans à compter de sa date d’entrée en vigueur. L’échéance du contrat a donc été fixée au 31 décembre 201423.

40. Le territoire couvert par ce contrat est celui de la Martinique24.

41. L’article 2 dudit contrat prévoit une clause d’exclusivité d’importation au profit de Distillerie Dillon sur le territoire de la Martinique : « le Contrat est un contrat d’importation et de distribution exclusive sur le Territoire, et a vocation à régir toutes les étapes de la vente, de la représentation, de la promotion et de la distribution des Produits sur le Territoire, suivant les modalités et conditions stipulées ci-après »25 (soulignement ajouté).

42. L’article 3.1 stipule que : « Suivant les modalités et conditions stipulées au Contrat, le Fournisseur confère au Distributeur, qui l’accepte, le droit d’importer, de commercialiser et de vendre les Produits sur le Territoire, pendant la durée du Contrat. Ce droit est conféré à titre exclusif, sauf dérogation expresse prévue au Contrat, et notamment à son article 5.3 »26 (soulignement ajouté).

43. L’article 3.4 interdit par ailleurs à la société Distillerie Dillon « d’élaborer, de faire élaborer, d’importer, de distribuer, de vendre et/ou de proposer à la vente sur le Territoire, que ce soit directement ou indirectement, tout vin élaboré en Champagne autre que les Produits, sans l’accord préalable écrit du Fournisseur »27.

44. L’article 5.3 du contrat prévoit toutefois la possibilité pour Nicolas Feuillatte d’approvisionner directement les centrales d’achat : « Le Fournisseur s’engage à transmettre au Distributeur toutes les demandes de prix et de propositions concernant les Produits et provenant directement du Territoire.

Le Fournisseur sera toutefois autorisé à fournir en Produits les clients se trouvant sur le Territoire et s’approvisionnant par l’intermédiaire d’une centrale d’achats située en dehors du Territoire, sans passer par le Distributeur, sans que cela constitue pour autant une violation de l’exclusivité concédée au titre du Contrat.

Le Fournisseur transmettra systématiquement au Distributeur, à titre d’information, une copie des demandes reçues de centrales d’achat situées en dehors du Territoire pour l’approvisionnement de clients se trouvant sur le Territoire ainsi que des réponses faites aux centrales d’achat »28.

45. Les produits visés sont les produits des marques « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or »29.

Le contrat d’importation non-exclusive de 2015

46. Un nouveau contrat d’importation et de distribution entre le CVC-NF et la société Distillerie Dillon portant sur le territoire de la Martinique a été signé le 11 août 201530. Il ne prévoit plus d’exclusivité d’importation au profit de la société Distillerie Dillon.

47. Ce contrat, prévu pour une durée de 5 ans, devait prendre effet de façon rétroactive au 1er janvier 201531.

b) La distribution du champagne Nicolas Feuillatte en Martinique à partir de 2015

 48. Bien que le contrat du 11 août 2015 avec Nicolas Feuillatte ne prévoie plus d’exclusivité de distribution au profit de la société Distillerie Dillon, les relations entre les parties conduisent à s’interroger sur le maintien d’une exclusivité d’importation à compter du 1er janvier 2015.

Les indices émanant du Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte

49. À compter de l’année 2015, la société Distillerie Dillon est citée dans plusieurs documents internes à Nicolas Feuillatte comme étant son seul importateur en Martinique.

Indices de 2015

50. En premier lieu, dans un courriel du 25 février 2015, M. X..., responsable compte clé national grande distribution de Nicolas Feuillatte, indique à Mme Y... de l’enseigne Carrefour :

« Pour faire suite à votre appel d’offres sur les DOM TOM, je vous informe que nous ne pouvons pas y donner suite.

En effet, le Centre Vinicole-Champagne Nicolas FEUILLATTE n’octroie aucun contrat de mandat sur les zones sur lesquelles il travaille avec des importateurs bénéficiant d’une clause d’exclusivité territoriale. (…) Pour les Dom Tom, nous avons la présence d’équipes et de partenaires du CVC Nicolas FEUILLATTE qui sont les interlocuteurs privilégiés auprès de vos points de ventes Carrefour pour développer des courants d’affaires.

Je vous confirme donc que nos importateurs-distributeurs (DILLON à Fort-de-France / SOMAF en Guadeloupe) comme notre Responsable de Zone Export (Z... qui a un lien direct avec MM. C… & D… pour CARREFOUR Réunion) engagent régulièrement des promotions à destination des consommateurs avec les enseignes et/ou partenaires CARREFOUR »32 (soulignement ajouté).

51. En second lieu, dans un courriel interne de Nicolas Feuillatte du 19 mai 2015,

M. A... interroge Mme Z... (responsable commercial export) : « Est-ce légitime pour SODIMAR de créer un site NF Antilles alors qu’ils n’ont que la Guadeloupe et non Guadeloupe + Martinique + etc. Qu’en pensera DILLON ? »33.

Indices de 2016

52. En premier lieu, un tableau interne de Nicolas Feuillatte, mis à jour en 2016, indique que la société Distillerie Dillon est son seul distributeur sur le territoire de la Martinique34.

53. En deuxième lieu, un courriel du 16 février 2016 de Madame Z..., indique au directeur général de la société Distillerie Dillon, M. E..., que le producteur de champagne a mis en place un numéro de lot différent entre les produits exportés en Martinique et ceux exportés en Guadeloupe : « Suite à vos remontées, dès à présent, le brut GD standard aura un numéro de lot différent entre la Guadeloupe et la Martinique. Vous êtes les seuls informés »35.

54. En troisième lieu, dans un courriel du 4 avril 2016, Madame Z... précise à Madame F... de la société FOM Events : « Suite au contact que vous avez eu avec ma collègue (…), je me tiens à votre disposition si vous souhaitez des informations sur Nicolas Feuillatte aux Antilles sachant que nous sommes représentés par la Distillerie Dillon en Martinique et par la société SOMAF en Guadeloupe (…) »36 (soulignement ajouté).

55. En dernier lieu, lorsque Nicolas Feuillatte est démarché directement par un acheteur potentiel présent en Martinique, Madame Z... ne donne pas suite et en informe la société Distillerie Dillon, comme en atteste un courriel sur ce point envoyé à Madame G..., directrice des ventes, le 28 juin 2016 : « Lors d’un salon, un de mes collègues de la France a été approché par Monsieur B (…), U Martinique, pour avoir directement du Champagne de chez nous (sans même passer par la centrale !) !!!

(…) Bien entendu, nous n’avons pas répondu à sa requête »37.

56. Madame G... lui écrit en retour, le même jour : « (…) S’il y a des offres très fortes sur la centrale U, merci de nous tenir au courant car il [l’acheteur des magasins U Martinique] passera commande »38.

Indices de 2017

57. En premier lieu, lors d’une audition par la DGCCRF le 20 janvier 2017, Madame H..., directrice générale de Nicolas Feuillatte, affirme qu’ « En Guyane, notre importateur est SOFRIGU, en Guadeloupe c’est SOMAF, et en Martinique c’est DILLON. Depuis plus de 10 ans, ces importateurs n’ont pas changé »39 (soulignement ajouté).

58. Madame H... déclare également que « Techniquement, les importateurs peuvent livrer dans n’importe quel autre département des AG [Antilles-Guyane], mais pratiquement ils ne le font pas. S’ils le font, c’est de manière très ponctuelle, et ils n’aiment pas que les autres distributeurs le fassent sur leur territoire »40.

59. À la question de savoir si d’autres importateurs ont sollicité Nicolas Feuillatte pour importer ses produits aux Antilles et en Guyane, elle répond qu’ « Aucun autre importateur ne nous a sollicités pour représenter notre marque aux Antilles-Guyane, sauf en Guyane. En effet, Mme Z... a rencontré une société en Guyane il y a moins de 6 mois qui souhaitait importer notre marque en Guyane. Nous lui avons communiqué nos tarifs mais la société guyanaise n’a pas donné suite. (…)

NF n’a pas sollicité d’autres importateurs pour distribuer la marque aux AG. Ce n’est pas facile de changer d’importateur. Aux AG, les importateurs préfèrent ne distribuer qu’une seule marque, et se livre une guerre commerciale entre eux »41.

60. Enfin, s’agissant plus spécifiquement de la mise en place en 2016 de numéros de lots différents entre la Martinique et la Guadeloupe la directrice de Nicolas Feuillatte déclare : « nous avons peut-être mis en place pendant une certaine période des numéros de lots différents entre la Guadeloupe et la Martinique pour éviter les importations venant de la Guadeloupe. Cela a été fait à la demande de M. E… pour le rassurer sur le fait qu’il avait de bonnes conditions tarifaires comparé à la Guadeloupe. Ce n’est pas une pratique régulière car cela est compliqué à mettre en place »42.

61. En second lieu, Nicolas Feuillatte a par ailleurs fourni, dans le cadre de ses observations à la notification des griefs, un courriel de sa responsable « zone export » du 20 novembre 2017 dans lequel elle répond à la société Import Distribution Karaibes qui souhaite distribuer à titre exclusif les produits de la marque pour l’export en Outre-mer : « nous vous remercions pour votre demande de distribution exclusive dans les DOM et dans [l]es Caraïbes mais sachez que depuis la loi Lurel de 2013, il n’y a plus d’accord d’exclusivité dans les DOM et TOM. http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/declicomloilurel.odf

Nous avons par ailleurs déjà beaucoup de clients dans les territoires cités comme Somaf en Guadeloupe, Dillon en Martinique, Profima/Carrefour et Vindemia à la Réunion, Sofrigu en Guyane.

Est-ce que dans ce contexte, vous souhaitez importer et distribuer Nicolas Feuillatte ? »43.

62. Nicolas Feuillatte affirme ne pas avoir reçu de réponse de la part de ce client potentiel.

Les indices émanant de la société Distillerie Dillon

 Indices de 2015

63. Dans un courriel de 26 avril 201544, M. E..., directeur général de la société Dillon, écrit à Madame H…, directrice générale de Nicolas Feuillatte, pour faire état du non-respect de l’exclusivité par l’importateur de Guadeloupe. Selon lui, cet importateur fournirait, en effet, des distributeurs locaux en Martinique.

Indices de 2017

64. Interrogés le 16 février 2017 par la DGCCRF, M. E..., le directeur général et Madame G…, la directrice des ventes de la société Distillerie Dillon déclarent que « nous n’avons pas de clients en Guadeloupe et en Guyane car notre contrat prévoit qu’on n’opère qu’en Martinique, ce que nous faisons »45.

65. S’agissant de la mise en place de numéros de lots différents entre la Martinique et la Guadeloupe, ils précisent qu’« ont été mis en place des numéros de lots différents entre la Martinique et la Guadeloupe car je n’arrivais plus à retrouver les flux de NF en Martinique. J’ai fait la demande à NF d’avoir un peu plus de visibilité sur l’organisation du flux de distribution de NF en Martinique et en Guadeloupe. Le retour de cette demande a été la mise en place de cette distinction de lots, mais cela n’a pas répondu à ma demande car je n’ai pas les capacités pour retracer tous les produits vendus en Martinique. Je ne sais pas combien de temps a duré cette pratique de distinction des lots »46.

Les déclarations de tiers

66. En premier lieu, M. I..., de la société SOCOMEX opérant dans le secteur de la vente au détail en Martinique, a déclaré, en 2015, lors d’une audition par la DGCCRF, que les exclusivités d’importation, qui existaient avant l’entrée en vigueur de la loi Lurel, ont continué à exister après le 22 mars 2013 : « Pour moi, quand on veut une marque, on s’adresse à un fournisseur particulier. Chacun des importateurs de Champagne avait une exclusivité sur les marques qu’il distribuait et continue à l’avoir. On ne peut s’approvisionner pour une marque qu’auprès d’un importateur déterminé »47.

67. Il a ajouté, s’agissant du territoire de la Martinique : « Concernant les exclusivités, je n’observe pas de différences entre avant la loi Lurel et maintenant, pour Nicolas Feuillatte.

Nous avons des territoires pour les marques et nous ne pouvons pas y déroger. Par exemple si je voulais approvisionner mes magasins en Martinique de produits Nicolas Feuillatte à partir de l’importateur en Guadeloupe qui est distinct de Dillon cela dégraderait fortement mes relations avec le fournisseur local. Je risque d’avoir une qualité de service très dégradée »48.

68. En second lieu, deux distributeurs, les sociétés SOMAF et SOFRIGU, présents respectivement en Guadeloupe et en Guyane, ont été interrogés en 2017 sur la distribution des champagnes Nicolas Feuillatte. La société SOMAF a ainsi déclaré « A ma connaissance, Nicolas Feuillatte est importé en Martinique par Dillon […]»49, mais également qu’elle avait distribué du champagne Nicolas Feuillatte en Martinique : « les clients achètent le NF en Guadeloupe et nous livrons dans nos entrepôts en Martinique »50. La société SOFRIGU a, pour sa part, indiqué ne pas vendre en dehors de la Guyane, en l’absence de demande de la Martinique ou de la Guadeloupe51.

E. LES GRIEFS NOTIFIES

 Sur les territoires de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy

Grief n° 1

Il est fait grief à CENTRE VINICOLE CHAMPAGNE NICOLAS  FEUILLATTE

(RCS Reims 775 611 924) d’avoir, pour la période du 22 mars 2013 au 1er janvier 2015, accordé des droits exclusifs d’importation à la société FINANCIERE MARTIN sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Cette pratique est contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce

Grief n° 2

Il est fait grief à la société FINANCIERE MARTIN (RCS Pointe-à-Pitre 434 081 469) d’avoir, pour la période du 22 mars 2013 au 1er janvier 2015, bénéficié de droits exclusifs d’importation sur le territoire de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Cette pratique est contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

Sur le territoire de la Martinique

Grief n° 3

Il est fait grief à CENTRE VINICOLE CHAMPAGNE NICOLAS  FEUILLATTE

(RCS Reims 775 611 924) d’avoir, pour la période du 22 mars 2013 et la date de la notification de la présente notification de griefs, accordé des droits exclusifs d’importation à la société Distillerie Dillon sur le territoire de la Martinique.

Cette pratique est contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce. Grief n° 4

Il est fait grief à la société DISTILLERIE DILLON (RCS 466 203 338) en tant qu’auteur des pratiques et aux sociétés BARDINET SAS (RCS 301 711 461) et COMPAGNIE FINANCIERE EUROPÉENNE DE PRISES DE PARTICIPATION SA (RCS 572 056 331),

en qualité de sociétés mères de la société DISTILLERIE DILLON, d’avoir, pour la période entre le 22 mars 2013 et la date de la notification de la présente notification des griefs, bénéficié de droits exclusifs d’importation sur le territoire de la Martinique.

Cette pratique est contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

II. Discussion

A. SUR LA PROCEDURE

 1. SUR LE CHAMP DE LA SAISINE

 69. La société Financière Martin avance que l’enquête menée par la DGCCRF puis par les services d’instruction de l’Autorité concernant les pratiques mises en œuvre aux Antilles et en Guyane n’a pas réellement porté sur les territoires de Saint-Martin et de Saint- Barthélemy. Ces îles - qui ne sont pas des départements mais des collectivités d'Outre-mer depuis le 15 juillet 2007 - seraient en effet absentes de la plupart des questions posées aux acteurs interrogés dans le cadre de cette enquête et n’auraient fait l’objet d’aucune opération de visite et saisie ou investigation particulière.

70. Toutefois, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence52, l’Autorité est saisie in rem de l’ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement du ou des marché(s) concerné(s) par la saisine. Elle peut ainsi, sans avoir à se saisir d’office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a été procédé qui, quoique non expressément visées dans sa saisine, ont le même objet et/ou le même effet.

71. En l’espèce, la saisine porte sur l’ensemble des pratiques d’exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte sur les territoires énumérés à l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

72. En outre, l’enquête administrative ayant donné lieu au rapport administratif du 3 août 2017 ainsi que l’instruction de l’Autorité ont bien porté sur les territoires de Saint-Martin et Saint- Barthélemy (audition de la société SOMAF53, filiale de Financière Martin, transmissions de documents par la directrice juridique de Financière Martin54, informations recueillies directement auprès de Financière Martin après l’envoi de plusieurs questionnaires par les services d’instruction55, etc).

73. La notification des griefs présente par ailleurs l’ensemble des faits utiles issus de l’instruction et portant sur ces territoires, notamment aux paragraphes 8 à 40.

74. Il en résulte que l’enquête a donc bien porté sur les pratiques d’exclusivité d’importation dans les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

75. L’argument de Financière Martin doit, par conséquent, être écarté.

2. SUR L’ATTEINTE AUX DROITS DE LA DEFENSE

 76. La société Financière Martin estime qu’elle n’a pas été en mesure d’obtenir des éléments de preuve permettant de démontrer le fonctionnement particulier de la zone géographique concernée, du fait de la destruction de ses locaux à la suite du passage de l’ouragan Irma en 2017. Elle n’aurait, en conséquence, pas pu exercer ses droits de la défense.

77. Il ressort toutefois de la procédure suivie tout au long de l’instruction que la société Financière Martin a été mise en mesure de consulter, compléter et s’exprimer sur l’ensemble des documents présents au dossier.

78. De plus, le grief notifié à cette société repose exclusivement sur les stipulations du contrat du 28 janvier 2011, telles que présentées ci-avant aux paragraphes 25 et suivants. Or, l’article L. 420-2-1 du code de commerce permet d’établir l’infraction du seul fait de l’existence d’accords ou de pratiques concertées aboutissant à l’octroi de droits exclusifs d’importation. Cette disposition consacre ainsi l’existence d’une infraction en soi, dont la qualification est indépendante de son impact présumé, potentiel ou réel sur le fonctionnement de la concurrence.

79. Par conséquent, la seule existence des stipulations contractuelles prévoyant une exclusivité d’importation au profit de Financière Martin suffit à la démonstration de l’infraction.

80. L’argument soulevé en l’espèce ne peut ainsi qu’être rejeté.

B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT EUROPEEN

 81. La société Distillerie Dillon avance que les conditions pour caractériser une affectation du commerce entre États membres sont remplies et donc que le droit de l’Union européenne est applicable en l’espèce. Or, l’article L. 420-2-1 du code de commerce, qui institue une interdiction per se des exclusivités d’importation, serait contraire à l’article 3 du Règlement n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité56 selon lequel le droit national ne peut interdire une pratique qui ne restreint pas la concurrence au sens du droit européen.

82. En conséquence, Distillerie Dillon estime, à titre principal, que l’Autorité serait tenue d’en écarter l’application. Elle demande, à titre subsidiaire, à l’Autorité de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur la compatibilité de ces deux dispositions.

83. Toutefois, en premier lieu, la cour d’appel de Paris57 a considéré que le droit de l’Union n’a pas vocation à s’appliquer dans les cas où une entreprise est poursuivie uniquement sur le fondement de l’article L. 420-2-1 du code de commerce, ce qui est le cas en l’espèce.

84. En second lieu, la Cour de justice58 a très récemment décidé que la Commission nationale des marchés et de la concurrence espagnole, dont le fonctionnement est proche de celui de l’Autorité, n’a pas qualité de « juridiction » et ne peut donc introduire une demande de décision préjudicielle devant la Cour de justice.

85. L’argument doit en conséquence être écarté.

C. SUR L’APPLICABILITE DE L’ARTICLE L. 420-2-1 DU CODE DE COMMERCE

 86. L’article L. 420-2-1 du code de commerce, dispose que : « Sont prohibés, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ».

87. Toutefois, en application du III de l’article L. 420-4 du code de commerce, ces accords d’exclusivité peuvent être admis dès lors que leurs auteurs peuvent justifier qu’ils sont fondés « sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ».

88. Ces dispositions, issues de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, sont applicables à compter du 22 mars 2013.

89. En cas de violation de ces dispositions, l’Autorité de la concurrence sanctionne tant les fournisseurs, pour avoir octroyé de tels droits exclusifs d’importation, que les grossistes- importateurs, pour en avoir bénéficié59.

90. La société Distillerie Dillon conteste l’application de ces dispositions en l’espèce, au motif qu’elle n’aurait pas bénéficié d’une « exclusivité totale » de la part du CVC-NF sur les territoires en cause, mais seulement d’une « quasi-exclusivité ». Elle avance, à ce titre, qu’elle n’était pas la seule à commercialiser du champagne Nicolas Feuillatte durant la période objet du grief notifié. Elle cite ainsi l’exemple de la société ANT.CLAU, qui a déclaré également distribuer du champagne Nicolas Feuillatte en Martinique, après l’avoir acheté à un grossiste en Guadeloupe.

91. Toutefois, l’achat de produits sur un autre territoire - qui n’est au demeurant corroboré par aucune preuve documentaire -, n’est pas de nature à remettre en cause l’existence d’une exclusivité d’importation sur le marché intermédiaire de la commercialisation physique de ces produits par la société Distillerie Dillon sur le territoire de la Martinique.

92. En outre, comme développé ci-après aux paragraphes 107 et suivants, les éléments du dossier établissent l’existence d’une exclusivité d’importation accordée par le CVC-NF à Distillerie Dillon sur le territoire de la Martinique, d’abord dans le cadre d’un accord contractuel, puis en application de la volonté commune des deux parties.

93. L’argument ne peut donc être retenu.

D. SUR L’EXISTENCE D’EXCLUSIVITES D’IMPORTATION

 94. Il ressort des éléments du dossier que les sociétés Financière Martin (1) et Distillerie Dillon (2) ont continué de bénéficier d’une exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte après le 22 mars 2013, date de fin de la période accordée aux entreprises pour se conformer aux dispositions de la loi Lurel.

1. SUR L’EXISTENCE D’EXCLUSIVITES D’IMPORTATION SUR LES ILES DE SAINT-MARTIN ET

SAINT-BARTHELEMY

 95. Financière Martin considère tout d’abord que faute, en l’espèce, de tout indice relatif à l’existence d’une concertation avec son fournisseur, la preuve de l’infraction visée à l’article L. 420-2-1 du code de commerce ne serait pas rapportée.

96. Elle avance ensuite que la seule énumération chronologique des contrats signés entre un fournisseur et son importateur exclusif serait insuffisante pour la mise en œuvre de l’article précité et, qu’en l’espèce, en tout état de cause, le contrat contenant la clause litigieuse n’aurait pas été tacitement reconduit jusqu’au 1er janvier 2015 comme avancé par les services d’instruction.

97. Le CVC-NF ne conteste pas ce grief.

98. Le premier alinéa du I de l’article L. 420-2-1 prohibe, dans les collectivités qui y sont énumérées, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises.

99. Cette disposition permet ainsi d’établir l’infraction du seul fait soit de l’existence d’accords, soit, à défaut, de l’existence de pratiques concertées aboutissant à l’octroi de droits exclusifs d’importation.

100. En conséquence, en présence d’un accord écrit prévoyant une clause d’exclusivité d’importation, et en l’absence d’autres éléments du dossier laissant penser que l’exclusivité d’importation s’est poursuivie à la suite de la suppression de l’exclusivité contractuelle, il n’est pas nécessaire de rechercher des indices relatifs à une éventuelle pratique concertée entre le fournisseur et son importateur exclusif.

101. En l’espèce, il ressort des constatations opérées ci-avant aux paragraphes 25 et suivants, et notamment des articles 2.1 et 4 du contrat du 28 janvier 2011 conclu avec Nicolas Feuillatte, que Financière Martin a bénéficié d’une exclusivité d’importation et de distribution des marques « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » sur les territoires de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

102. Par ailleurs, contrairement à ce qu’avance Financière Martin, plusieurs indices montrent que le contrat initial de 2011– qui comporte la clause d’exclusivité - est demeuré en vigueur jusqu’au 1er janvier 2015.

103. En effet, si le contrat de 2011 prévoyait une période d’application courant jusqu’au 31 décembre 2013, il comportait également, à l’article 1060, une clause de reconduction tacite.

104. Par ailleurs, il résulte du préambule même du nouveau contrat signé le 30 septembre 2014, qu’à cette date le contrat de 2011 était encore appliqué, et donc avait été tacitement reconduit : il est, ainsi, mentionné que « Les parties ont décidé de mettre à jour, avant son arrivée à échéance, le contrat d’importation et de distribution à effet au 1er janvier 2013 signé entre les Parties pour notamment y inclure la distribution sur les îles de Saint Martin et Saint Barthélemy, qui, jusqu’à présent, était régis par un contrat séparé. Les Parties ont, en effet, dans un souci de rationalisation, décidé de regrouper au sein du même contrat les îles sur lesquelles le Distributeur distribue les Produits Nicolas Feuillatte »61 soulignement ajouté).

105. Enfin, le nouveau contrat de 2014, qui ne comporte plus de clause d’exclusivité, est entré en vigueur le 1er janvier 2015.

106. Il en résulte que l’exclusivité d’importation stipulée au bénéfice de Financière Martin a été mise en œuvre entre le 22 mars 2013 et le 1er janvier 2015.

2. SUR L’EXISTENCE D’EXCLUSIVITES D’IMPORTATION A LA MARTINIQUE

 a) Sur la période 2013 – 2014

 107. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 38 et suivants, non contestées par les parties, que la société Distillerie Dillon a bénéficié, en vertu du contrat de distribution exclusive de 2011, d’une exclusivité d’importation et de distribution des marques « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » sur le territoire de la Martinique. Cette pratique est contraire à l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

108. Cette exclusivité a été mise en œuvre entre le 22 mars 2013 et le 31 décembre 2014, date de fin du contrat de 201062.

b) Sur la période 2015 - 2019

 109. Le CVC-NF ainsi que la société Distillerie Dillon contestent avoir continué à mettre en œuvre une exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte à compter du 1er janvier 2015, soit postérieurement à l’entrée en vigueur d’un nouveau contrat entre les parties ne prévoyant plus d’exclusivité d’importation au profit de Distillerie Dillon.

110. Ils soutiennent en effet que les éléments versés au dossier, loin de démontrer l’existence d’un concours de volontés de nature à caractériser une violation de l’article L. 420-2-1 du code de commerce, établiraient, bien au contraire, que Distillerie Dillon ne bénéficie plus d’exclusivité pour les produits Nicolas Feuillatte.

111. Il ressort de la pratique décisionnelle que la preuve des pratiques anticoncurrentielles peut résulter, soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant. Cette pratique décisionnelle établie a été régulièrement confirmée par une jurisprudence constante63.

112. C’est, par conséquent, à tort que les parties soutiennent que le concours de volontés entre Distillerie Dillon et le CVC-NF ne serait pas démontré car aucun des indices pris séparément ne serait suffisamment probant.

113. En l’espèce, plusieurs éléments du dossier lus ensemble permettent d’établir la volonté commune des parties de continuer à appliquer une exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte sur le territoire de la Martinique à compter du 1er janvier 2015.

114. En effet, les pièces au dossier montrent que (i) Nicolas Feuillatte a opposé des refus de vente à certains distributeurs présents en Martinique en arguant des relations établies avec Distillerie Dillon sur ce territoire, (ii) les parties ont mis en place un système afin d’identifier, et ainsi limiter, les importations de produits Nicolas Feuillatte provenant d’autres importateurs grossistes que Distillerie Dillon et (iii) le caractère exclusif de cette relation était bien compris des différentes parties à l’accord, nonobstant le fait que le terme « exclusivité » ne figurait plus dans les documents contractuels.

115. En premier lieu, il apparaît que Nicolas Feuillatte a opposé des refus de vente à certains distributeurs présents en Martinique au seul motif qu’il ne travaillait qu’avec Distillerie Dillon sur ce territoire. Par exemple, dans un courriel du 25 février 2015 envoyé à Carrefour, le responsable compte clé national grande distribution de Nicolas Feuillatte explique qu’il ne peut donner suite à l’appel d’offre de cette enseigne sur les DOM-TOM : « en effet, le centre Vinicole-Champagne Nicolas Feuillatte n’octroie aucun contrat de mandat sur les zones sur lesquelles il travaille avec des importateurs bénéficiant d’une clause d’exclusivité territoriale (…). Je vous confirme que nos importateurs (DILLON à Fort-de-France / SOMAG en Guadeloupe) (…)» 64.

116. En deuxième lieu, à la demande de Distillerie Dillon, Nicolas Feuillatte a mis en place un système de numéros de lots différents afin d’identifier les bouteilles importées par d’autres importateurs-grossistes en Martinique. Ainsi, dans un courriel du 26 avril 2015, la société Distillerie Dillon se plaint à Nicolas Feuillatte du non-respect de l’exclusivité accordée à Dillon pour la Martinique par l’importateur de Guadeloupe, qui fournirait des distributeurs locaux en Martinique65. Dans un courriel du 16 février 2016, Nicolas Feuillatte informe la société Distillerie Dillon que « suite à vos remontées, dès à présent, le brut GD standard aura un numéro de lot différent entre la Guadeloupe et la Martinique. Vous êtes les seuls informés »66.

117. Interrogée sur ce point le 20 janvier 2017, Mme H..., directrice générale de Nicolas Feuillatte, a indiqué, comme mentionné ci-avant : « nous avons peut-être mis en place pendant une certaine période des numéros de lots différents entre la Guadeloupe et la Martinique pour éviter les importations venant de la Guadeloupe. Cela a été fait à la demande de M. E… pour le rassurer sur le fait qu’il avait de bonnes conditions tarifaires comparé à la Guadeloupe. Ce n’est pas une pratique régulière car cela est compliqué à mettre en place »67 . De leur côté, le directeur général et la directrice des ventes de Distillerie Dillon ont reconnu lors de leur audition le 16 février 2017 qu’ « ont été mis en place des numéros de lots différents entre la Martinique et la Guadeloupe car je n’arrivais plus à retrouver les flux de NF en Martinique. J’ai fait la demande à NF d’avoir un peu plus de visibilité sur l’organisation du flux de distribution de NF en Martinique et en Guadeloupe (….) »68.

118. En troisième lieu, le caractère exclusif de cette relation était bien compris des différentes parties, nonobstant le fait que le terme exclusivité ne figurait plus dans des documents contractuels. Ainsi, dans un courriel du 19 mai 2015, un employé de Nicolas Feuillate s’interroge « Est-ce légitime pour SODIMAR de créer un site NF Antilles alors qu’ils n’ont que la Guadeloupe et non Guadeloupe + Martinique + etc ? Qu’en pensera Dillon ? ».

119. Dans un courriel du 4 avril 2016, Mme Z..., responsable export de Nicolas Feuillatte, répond en ces termes à une demande émanant d’une société d’évènementiel (FOM events) : « suite au contact que vous avez eu avec ma collègue (..), je me tiens à votre disposition si vous souhaitez des informations sur Nicolas Feuillatte aux Antilles, sachant que nous sommes représentés par Distillerie Dillon en Martinique et par la société SOMAF en Guadeloupe »69.

120. De même, dans un courriel du 28 juin 2016, Mme Z... rapporte à la société Distillerie Dillon que « Lors d’un salon, un de mes collègues de la France a été approché par Monsieur B. (…), U Martinique, pour avoir directement du Champagne de chez nous (sans même passer par la centrale !) !!! (…) Bien entendu, nous n’avons pas répondu à sa requête »70.

121. Il résulte de ce qui précède que pour la période du 1er janvier 2015 au 28 juin 2016, la société Distillerie Dillon a continué à bénéficier d’un droit exclusif d’importation des produits Nicolas Feuillatte, et ce, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

122. En revanche, l’Autorité considère que les éléments du dossier ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’une exclusivité d’importation à compter du 28 juin 2016. En effet, si, de fait, la société Distillerie Dillon est demeurée après cette date l’unique distributeur des produits Nicolas Feuillatte, les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer que la situation d’exclusivité constatée est le résultat d’une pratique concertée entre Nicolas Feuillatte et Distillerie Dillon.

E. SUR LE BENEFICE DE L’EXEMPTION

 123. Selon les parties, plusieurs éléments permettraient de justifier la continuité de la relation d’exportation exclusive à compter du 1er janvier 2015 et, partant, de les faire bénéficier de l’exemption prévue au III de l’article L. 420-4 qui dispose que : « Ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 420-2-1 les accords et pratiques concertées dont les auteurs peuvent justifier qu’ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ».

124. Le CVC-NF soutient ainsi que la situation d’exclusivité dont bénéficie la société Distillerie Dillon est rendue nécessaire par les spécificités des produits et du fonctionnement particulier du marché en cause, sans toutefois apporter d’éléments de nature à appuyer cette affirmation.

125. La société Distillerie Dillon avance par ailleurs que, le fait de bénéficier de droits exclusifs de la part de Nicolas Feuillatte lui aurait permis des gains d’efficacité certains profitant aux consommateurs finaux.

126. Il résulte des termes mêmes de l’article L.420-4-III précité que la charge de « justifier » qu’elle est bien fondée à demander une exemption pour l’exclusivité accordée incombe à la partie qui s’en prévaut. Or, selon une pratique décisionnelle constante, aussi bien en ce qui concerne l’application du 2° du I de l’article L. 420-4 que l’application du premier alinéa de l’article L. 430-6 relatif au contrôle des concentrations, lorsqu’une entreprise entend justifier une pratique en invoquant un progrès économique qui profite aux consommateurs, il lui appartient d’en démontrer la réalité et l’importance, notamment en versant au dossier des éléments probants et vérifiables. Ce principe s’applique aussi aux demandes des entreprises qui souhaitent bénéficier des dispositions du III de l’article L. 420-4 du code de commerce issues de la loi Lurel71.

127. En l’espèce, s’agissant de la première condition, la société Distillerie Dillon avance que la situation d’exclusivité dont elle a bénéficié à l’égard des produits Nicolas Feuillatte lui a permis (i) de négocier des tarifs préférentiels, et donc de bénéficier d’une baisse de coûts, mais aussi (ii) d’investir en personnel et en matériel en Martinique.

128. De même, s’agissant de la seconde condition, la société Distillerie Dillon avance qu’elle n’applique « pas de marge exorbitante » aux détaillants locaux qui sont alors en mesure de proposer ce prix d’appel à des prix concurrentiels, ce qui profite in fine aux consommateurs finals.

129. La mise en cause n’a toutefois apporté aucune preuve documentaire et, surtout, aucun élément susceptible d’établir que l’exclusivité d’importation serait plus efficace pour limiter la hausse des prix de détail payés par les consommateurs qu’un système d’importation non exclusif conduisant à une répartition de l’approvisionnement. En effet, elle permet, certes, de massifier les achats mais offre aussi à l’entreprise qui en bénéficie la possibilité de pratiquer des marges de gros sans pression concurrentielle.

130. En conséquence, aucun élément ne permet de considérer que les critères d’exemption posés par l’article L. 420-4-III précité sont remplis en l’espèce.

F. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

 1. RAPPEL DES PRINCIPES

 131. La notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la jurisprudence a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction72.

132. Ainsi, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques73.

133. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale74.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

 a) S’agissant du Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte

 134. Le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte a accordé des droits exclusifs d’importation et de distribution de ses produits respectivement :

- à la société Financière Martin, sur les territoires de Saint-Martin et Saint- Barthélemy, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 1er janvier 2015 ; et

- à la société Distillerie Dillon, sur le territoire de la Martinique, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 28 juin 2016.

135. Le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte ne faisant pas partie d’un groupe, les griefs lui sont imputés à lui-seul.

b) S’agissant de la société Financière Martin

 136. La société Financière Martin a bénéficié d’une exclusivité contractuelle d’importation des produits Nicolas Feuillatte, sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, pour la période allant du 22 mars 2013 (fin de la période transitoire accordée par le législateur pour la mise en conformité avec les dispositions de la loi Lurel) au 1er janvier 2015.

137. Financière Martin estime néanmoins qu’elle ne peut pas avoir la qualité d’auteure des pratiques en cause au motif que, bien qu’elle soit signataire du contrat de 2011, elle n’a réalisé aucune vente sur les territoires concernés.

138. Toutefois, notifier les griefs au signataire du contrat accordant l’exclusivité et non aux sociétés qui commercialisent effectivement les produits en cause est conforme à la pratique décisionnelle de l’Autorité (voir notamment la décision n° 18-D-03 du 20 février 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de pièges à termites à base de biocides à La Réunion, aux Antilles et en Guyane, paragraphes 115 et 116).

139. Par ailleurs, la société Financière Martin est une société holding tête de groupe, et la société mère, notamment, des sociétés SOMAF et Saint-Martin Distribution. Ces dernières consolident leurs résultats au niveau de Financière Martin.

140. Enfin, le contrat du 28 janvier 2011 précise que « les sous-distributeurs » désignés par Financière Martin, « agiront sous la seule direction et responsabilité du Distributeur »75.

141. Financière Martin doit donc être considérée comme l’auteure des pratiques, bien que la commercialisation des produits en cause ait été réalisée par des filiales en vertu d’une organisation interne au groupe.

c) S’agissant de la société Distillerie Dillon

 142. La société Distillerie Dillon a bénéficié d’une exclusivité d’importation des produits Nicolas Feuillatte, sur le territoire de la Martinique, pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016.

143. La société Distillerie Dillon conteste le fait que le grief ait également été notifié à la société COFEPP SA en qualité de société mère.

144. Or, comme relevé ci-avant, la société Distillerie Dillon est détenue à 99,98 % par la société Bardinet SAS, elle-même détenue à 70,62 % par la COFEPP SA et à 29,38 % par la Société des Vins et Spiritueux La Martiniquaise. Cette dernière est contrôlée à 99,98 % par la COFEPP SA.

145. La COFEPP SA détient donc directement ou indirectement la totalité des parts de la société Distillerie Dillon.

146. Ainsi, en l’absence d’éléments apportés par la mise en cause de nature à renverser la présomption de responsabilité de la société mère pour les faits commis par sa filiale dont elle détient, directement ou indirectement, l’intégralité du capital, le grief a été imputé à :

- la société Distillerie Dillon en qualité d’auteure des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016 ;

-  la société Bardinet SAS en qualité de société mère de Distillerie Dillon (détention directe à 99,98 %) des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016 ; et

- à la COFEPP SA en qualité de société mère de Distillerie Dillon (détention indirecte à 100 %) des pratiques pour la période allant du 22 mars 2013 au 28 juin 2016.

G. SUR LES SANCTIONS

 147. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que « Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

148. L’article L. 464-5 du code de commerce dispose que l’Autorité peut, lorsqu’elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l’article L. 463-3 du code de commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l’article L. 464-2 de ce code. La sanction ne peut excéder 750 000 euros pour l’entreprise mise en cause.

149. Par ailleurs, lorsqu’elle détermine les sanctions pécuniaires qu’elle impose en vertu du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité applique les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, le « communiqué sanctions ») sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, « les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné » (point 7 du communiqué sanctions).

150. En l’occurrence, l’Autorité considère que la méthode décrite dans le communiqué sanctions n’est pas adaptée à la présente affaire, compte tenu de la spécificité de l’infraction reprochée aux entreprises en cause et du fait qu’elle ne concerne qu’un territoire limité, à savoir les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, d’une part, et la Martinique, d’autre part.

1. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES

 151. S’agissant des pratiques contraires à l’article L. 420-2-1 du code de commerce, l’Autorité a indiqué qu’elles ne revêtaient pas la même gravité que les infractions au droit commun de la concurrence, ententes et abus de position dominante76.

152. En l’espèce, la gravité de la pratique, bien que limitée, n’en est pas moins établie.

153. En premier lieu, contrairement à ce qui est avancé par les parties, le type de produits concerné par les droits d’importation exclusive ne constitue pas un élément susceptible de constituer une circonstance aggravante ou atténuante (voir en ce sens la décision n° 18-D-03, paragraphe 52).

154. En deuxième lieu, en raison notamment d’une consommation de champagne en moyenne plus élevée aux Antilles et en Guyane, une partie significative de la population (majeure) résidant sur les territoires de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et la Martinique est potentiellement concernée par les produits visés par les pratiques. Or, l’Autorité a déjà souligné que les consommateurs des DROM-COM disposent d’un pouvoir d’achat plus faible qu’en métropole. Ainsi, les consommateurs des produits visés sont particulièrement susceptibles de subir les effets des comportements sanctionnés.

155. En dernier lieu, les entreprises mises en cause ont persisté dans la mise en œuvre de l’exclusivité pendant plusieurs mois après l’expiration du délai de mise en conformité des contrats existants qui courait jusqu’à mars 2013. Sur le territoire de la Martinique, la pratique s’est par ailleurs poursuivie après la modification du contrat, à compter du 1er janvier 2015, dans le cadre d’une pratique concertée.

156. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause, ayant eu lieu sur des territoires où la concurrence est déjà très atténuée, peuvent être considérées comme graves.

2. SUR L’IMPORTANCE DU DOMMAGE A L’ECONOMIE

 157. Les pratiques relevées à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, d’une part, et en Martinique, d’autre part, ont conduit à entraver le développement d’importateurs-grossistes concurrents et à empêcher les détaillants de faire jouer la concurrence entre grossistes pour leurs approvisionnements en champagne de marques « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or ».

158. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’indiquent les mises en cause, les détaillants étaient susceptibles de rencontrer des difficultés pour contourner les exclusivités d’importation.

159. Tout d’abord, l’approvisionnement en circuit court ou intégré n’est accessible que pour les détaillants d’une certaine taille, qui bénéficient soit des moyens d’assurer par eux-mêmes l’importation des produits, soit de centrales d’achat en métropole.

160. Ensuite, les possibilités de contournement des exclusivités d’importation étaient en pratique limitées. En effet, d’une part, comme cela ressort des constatations opérées aux paragraphes 55 et 56, le CVC-NF a refusé la possibilité de recours au circuit court à un détaillant qui en avait fait la demande en juin 201677 et, d’autre part, la gamme de produits vendus dans ces territoires était plus large que celle vendue dans la grande distribution en France métropolitaine78.

161. En revanche, il ressort des éléments du dossier, ainsi que des écritures des parties, que les champagnes de marque « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d’Or » font face à une concurrence inter-marques importante, de nature à diminuer le surprix et donc le dommage qu’a pu engendrer la pratique.

162. En effet, comme souligné dans ses observations, si le CVC-NF figure parmi les trois principales marques de champagne en Martinique, lesquelles détiennent en général une part de marché cumulée comprise entre 60 à 70 %, et si cette entreprise a pu, certains mois, atteindre une part de marché élevée (jusqu’à 54 %), le grand nombre de marques concurrentes, d’une part, et les fortes variations de part de marché de Nicolas Feuillatte (entre 13 et 54 % selon les mois), d’autre part, peuvent indiquer que cette entreprise est effectivement soumise à une forte pression concurrentielle de la part des marques concurrentes.

163. Cette concurrence inter-marques ressort également de la forte récurrence des promotions sur le marché aval (entre 70 et 80 % du champagne est vendu en promotion aux Antilles et en Guyane contre 30 % en métropole) et du rôle de produit d’appel que joue le champagne (cotes 18, 52, 75 et 120). Si ces promotions peuvent également découler d’un niveau de prix élevé pour le « fond de rayon », elles tendent néanmoins à indiquer que le consommateur est très sensible au prix, ce qui relativise à nouveau l’attachement aux marques.

164. Enfin, comme l’indique Nicolas Feuillatte, cette concurrence inter-marques est renforcée par le pouvoir de négociation de certains grands distributeurs, qui peuvent ainsi d’autant plus facilement mettre en concurrence les différentes marques de champagne et les différents grossistes-importateurs qui les représentent.

165. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, le dommage à l’économie causé par les pratiques est donc certain mais limité.

3. SUR LA SITUATION INDIVIDUELLE DES ENTREPRISES EN CAUSE

 166. L’appréciation de la situation individuelle peut conduire l’Autorité à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient79.

167. En l’espèce, la pratique mise en œuvre sur le territoire de la Martinique a été imputée à la société Distillerie Dillon, en tant qu’auteure et aux sociétés Bardinet SAS et COFEPP SA, en tant que sociétés mères, qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques.

168. Ce groupe dispose par ailleurs de ressources financières globales très importantes : son chiffre d’affaires hors taxes a en effet atteint [975 000 000 – 1 025 000 000] euros pour l’exercice clos au 31 décembre 201880.

169. Compte tenu de ces éléments et alors que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction soit effectivement dissuasive, au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée81, le montant de de la sanction pécuniaire infligée à Distillerie Dillon, solidairement avec ses sociétés mères Bardinet SAS et COFEPP SA, doit être augmenté de 10 %.

4. LE MONTANT DE LA SANCTION

 170. En considération de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient d’infliger :

- au Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte, une sanction de 3 600 euros au titre du grief n° 1 et une sanction de 213 000 euros au titre du grief n° 3 ;

- à Financière Martin, une sanction de 5 200 euros au titre du grief n° 2 ;

- à Distillerie Dillon, en tant qu’auteure, solidairement avec Bardinet SAS et Compagnie Européenne de Prises de Participation SA, en leur qualité de société mère, une sanction de 421 000 euros au titre du grief n° 4.

171. Les sanctions infligées sont toutes inférieures au plafond légal de 750 000 euros prévu par l’article L. 464-5 du code de commerce, applicable en l’espèce.

DÉCISION

 Article 1er : Il est établi que sur les territoires de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et la société Financière Martin ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2-1 du code de commerce du 22 mars 2013 au 1er janvier 2015.

Article 2 : Il est établi que sur le territoire de la Martinique, le Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et la société Distillerie Dillon, en tant qu’auteure, Bardinet SAS en qualité de société mère et Compagnie Européenne de Prises de Participation SA, en qualité de société mère, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2-1 du code de commerce du 22 mars 2013 au 28 juin 2016.

Article 3 : L’Autorité considère, sur la base des informations dont elle dispose, que l’infraction aux dispositions de l’article L. 420-2-1 du code de commerce n’est pas établie sur le territoire de la Martinique pour la période du 29 juin 2016 au 12 novembre 2019.

Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

· au Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte une sanction de 216 600 euros ;

· à la société Financière Martin une sanction de 5 200 euros ;

· à la société Distillerie Dillon, solidairement avec les sociétés Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA, en leur qualité de société mère, une sanction de 421 000 euros.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Source Comité interprofessionnel du vin de Champagne, organisation interprofessionnelle des producteurs dans le secteur du champagne,  Bulletins  2017 et 2018 (https://www.champagne.fr/assets/files/economie/bulletin_expeditions_2018.pdf).

3 Source Comité interprofessionnel du vin de Champagne, organisation interprofessionnelle des producteurs dans le secteur du champagne,  Bulletins  2017 et 2018 (https://www.champagne.fr/assets/files/economie/bulletin_expeditions_2018.pdf).

4 Source Comité interprofessionnel du vin de Champagne, organisation interprofessionnelle des producteurs dans le secteur du champagne,  Bulletins  2017 et 2018 (https://www.champagne.fr/assets/files/economie/bulletin_expeditions_2018.pdf) ; voir également cote 2169.

5 Cote 1781.

6 Cotes 1772 et 1773.

7 Cotes 2169, 3770 et 3771.

8 Cote 4405.

9 Cote 3342.

10 Article 10, cote 3349.

11 Cote 3342.

12 Cote 3343.

13 Cote 3343.

14 Point 1.2, cote 3342.

15 Cote 3396.

16 Cotes 3396 et 3397.

17 Article 5, cotes 3397 et 3399.

18 Cote 3333.

19 Cote 1340.

20 Cote 1340.

21 Cote 1341.

22 Cote 1357.

23 Cote 1351.

24 Article 1.3, cote 1343.

25 Cote 1344.

26 Cote 1344.

27 Cote 1344.

28 Cote 1348.

29 Article 1.4, cotes 1334 et 1362.

30 Cotes 1040 à 1058.

31 Article 5, cote 1043.

32 Cote 706.

33 Cote 605.

34 Cotes 599 à 602.

35 Cote 608.

36 Cote 604.

37 Cote 609

38 Cote 609.

39 Cote 1773.

40 Cote 1175.

41 Cote 1173.

42 Cote 1776.

43 Cotes 8589 et 8590.

44 Cote 1316.

45 Cote 2171.

46 Cote 2173.

47 Cote 1583.

48 Cote 1585.

49 Cote 3331.

50 Cote 3333.

51 Cote 3772.

52 Voir notamment les arrêts de la cour d’appel de Paris, 30 janvier 2007, SA Le Foll P, RG n° 06/00566, et

26 janvier 2012, Beauté Prestige International, RG n° 2010/23945, page 16 ; décision n° 07-D-44 du 11 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE Ciné Alpes.

53 Cotes 3329 à 3415.

54 Cotes 3416 à 3701.

55 Cotes 4251 à 4355, 4255 à 4364, 8125 et 8126, 4242 à 4246 et 4263.

56 JO L 1 du 4.1.2003, page 1.

57 Cour d’appel de Paris, 20 février 2020, RG n° 18/24178.

58 Arrêt du 16 septembre 2020, aff. C 462/19.

59 Notamment décisions n° 16-D-15 du 6 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer ; n° 18-D-03 du 20 février 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de pièces à termites à base de biocides à la Réunion, aux Antilles et en Guyane et n° 19-D-11 du 29 mai 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de réactifs et consommables pour laboratoires hospitaliers sur le territoire de la Guyane.

60 Cote 3349.

61 Cote 3396.

62 Le préambule du contrat du 11 août 2015 précise que le précédent « contrat et ses dispositions, entrés en vigueur le 1er janvier 2010 sont échus depuis le 31 décembre 2014 », cote 1040.

63 Voir notamment arrêts de la Cour de cassation du 23 juin 2004, n° 01-17.896, du 7 avril 2010, n° 09-11.853,

du 11 juin 2013, n° 12-13.961 et du 21 octobre 2014, n° 13-16.602, n° 13-16.696 et n° 13-16.905 ;

voir également arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 février 2020, RG n° 18/24178 ; arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 7 janvier 2004, aff. jtes C-204/00 P e.a., Aalborg Portland e.a. / Commission, points 55 à 57 et du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C-407/08 P, point 47 .

64 Cote 706.

65 Cote 1316.

66 Cote 608.

67 Cote 1776

68 Cotes 2172 et 2173.

69 Cote 604.

70 Cote 609.

72 Voir, notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. p. I-08237, points 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica/Commission, C-90/09 P, Rec. p. I-0001, point 36 ; voir, également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., pages 18 et 20.

73 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 19.

74 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 60 et 61, General Quimica/Commission, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 19 et 20

75 Article 2.4 cote 3343.

76 Voir notamment décisions n° 16-D-15 du 6 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer, paragraphe 46 ; n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits de grande consommation sur les îles du territoire de Wallis-et-Futuna, paragraphe 79 ; n° 19-D-20 du 8 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de parfumerie et cosmétiques aux Antilles, en Guyane et à La Réunion, paragraphe 110.

77 Cote 609.

78 Cote 4405.

79 Voir en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a., n° 02-15203.

80 Cote 6398.

81 Voir arrêt de la Cour de cassation, 18 septembre 2012, n° 12.14401 et autres.