CA Riom, 1re ch. civ., 27 octobre 2020, n° 19/00227
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marcelin
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
PROCÉDURE :
Suivant acte authentique du 21 avril 2017, M. Pierre D. et Mme Virginie C. ont acquis auprès de Mme Élisabeth T., représentée à l'acte par son fils M. Lionel L., une maison d'habitation sise à Veyre-Monton (Puy-de-Dôme).
Reprochant aux vendeurs de leur avoir caché des informations importantes, les consorts D. et C. ont saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise dont il a confié la mission à M. Gilbert S., lequel a déposé son rapport le 13 juillet 2018.
Par ordonnance du 16 octobre 2018 le juge des référés, constatant l'existence de contestations sérieuses, a débouté les consorts D. et C. de leur demande de provision.
M. D. et Mme C. ont alors saisi au fond le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin d'obtenir notamment la somme de 343 588,40 EUR au titre du coût des travaux de reprise.
Par jugement du 4 janvier 2019 le tribunal de grande instance a débouté les consorts D. et C. de leurs demandes contre M. Lionel L. ; condamné Mme Élisabeth T. à payer aux consorts D. et C. 20 324,10 EUR au titre des travaux de reprise, avec indexation, et 300 EUR en réparation de leur préjudice de jouissance ; rejeté le préjudice immatériel réclamé par les consorts D. et C. ; rejeté la demande de communication sous astreinte formée par les consorts D. et C. ; condamné Mme Élisabeth T. à leur payer 2000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté M. Lionel L. de sa demande fondée sur le même texte ; jugé n'y avoir lieu à exécution provisoire ; débouté les parties de leurs autres demandes ; condamné Mme Élisabeth T. aux dépens de l'instance.
Dans les motifs de sa décision, le tribunal de grande instance a constaté que les vices affectant l'immeuble le rendaient bien impropre à sa destination, de sorte que la responsabilité décennale de Mme T. pouvait être retenue. Il a par contre exclu l'hypothèse d'un dol de la venderesse et écarté toute responsabilité de celle-ci fondée sur des vices cachés, étant donné la mention dans l'acte de vente d'un « aléa fort » concernant le retrait et le gonflement des argiles, informant les acquéreurs de la cause des fissures constatées sur le bâtiment.
Au titre des travaux de reprise, concernant un désordre décennal affectant la piscine, le tribunal a retenu la somme de 20 324,10 EUR telle que ressortant du rapport d'expertise.
Le premier juge a également considéré qu'aucun reproche ne pouvait être valablement fait à M. Lionel L..
M. Pierre D. et Mme Virginie C. ont fait appel de ce jugement le 31 janvier 2019, exposant longuement la portée de leur recours.
Dans leurs conclusions ensuite du 29 avril 2019, M. D. et Mme C. demandent à la cour de :
« Vu les dispositions des articles 1137 et 1641 du Code Civile ;
Vu les dispositions des articles 1792 et 1792 1 du code civil ;
Vu le rapport d’expertise judiciaire en date du 13 juillet 2018 ;
Vu le jugement prononcé par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT FERRAND en date du 04 janvier 2019 ;
Dire Monsieur Pierre D. et Madame Virginie C. recevable et bien fondés en leur appel ;
Y faisant droit ;
Réformer partiellement le jugement en date du 04 janvier 2019 ;
En conséquence :
Condamner Madame Elisabeth T. L. à payer porter à Monsieur Pierre D. ainsi qu'à Madame Virginie C. la somme de :
343 588,40 € TTC aux titres des travaux de reprises, réparations honoraires de maîtrise d'œuvre inclut, outre application en cas d'augmentation de l'indice BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise soit le 17 juillet 2018 et ce jusqu'à la date ou la décision intervenir deviendra définitive ;
Condamner Madame Elisabeth T. L. à payer porter à Monsieur Pierre D. ainsi qu'à Madame Virginie C. la somme de :
13 629,24 € TTC aux titres des préjudices matériels consécutifs aux travaux de reprises majorée au taux d'intérêt légal à compter du 17 juillet 2018 ;
Condamner Madame Elisabeth T. L. à payer porter à Monsieur Pierre D. ainsi qu'à Madame Virginie C. la somme de :
3 000 € au titre du préjudice de jouissance ;
Condamner Madame Elisabeth T. L. à payer porter à Monsieur Pierre D. ainsi qu'à Madame Virginie C. la somme de :
7 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Madame Elisabeth T. L. à payer porter à Monsieur Pierre D. ainsi qu'à Madame Virginie C. les entiers dépens dans lesquels sont comptés les frais d'expertises. »
En défense, dans des écritures du 22 juillet 2019, Mme Élisabeth T. divorcée L. et M. Lionel L., demandent ensemble à la cour de :
« Vu l'article 1137 et suivants, et 1353 du Code civil
Vu les articles 1641 et suivants, 1792 et suivants du Code civil
Vu l'acte authentique
Donner acte aux consorts D.-C. qu'ils ne formulent aucune demande à l'encontre de Monsieur L.
Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit et jugé que la responsabilité de Madame T. ne peut pas être retenue sur le fondement des vices cachés.
Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit et jugé que la responsabilité de Madame T. pour dol ne peut pas être retenue.
Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Madame T. sur le fondement de la garantie décennale et de débouter les consorts D.-C. de leurs demandes à ce titre.
Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné Madame T. aux dépens outre le paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Condamner les consorts D. C. au paiement d'une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'ensemble des instances intervenues y compris les frais d'expertise judiciaire. »
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance, sauf l'abandon des demandes des consorts D. et C. contre M. Lionel L..
Une ordonnance du 25 juin 2020 clôture la procédure.
MOTIFS :
Aucune demande n'est désormais formée contre M. Lionel L..
La question du dol qui était discutée devant le premier juge n'est plus en débat devant la cour, ce qui est logique puisque les consorts D. et C. ne sollicitent pas l'annulation de la vente.
Les demandes indemnitaires des appelants sont donc fondées céans, d'une part concernant la maison (articles 1641 et suivants du code civil), d'autre part sur la garantie des vices cachés et sur la garantie décennale du constructeur au sujet de la piscine (article 1792 du même code).
1. Sur la question des vices cachés concernant la maison
Les textes de référence sont en l'espèce les articles 1641, 1642, 1643, 1644, 1645 et 1646 du code civil qui disposent :
Article 1641
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Article 1642
Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Article 1643
Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Article 1644
Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
Article 1645
Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Article 1646
Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En synthèse, les consorts D. et C. reprochent à Mme T. de leur avoir caché un rapport Alpha B. établi un an avant la vente, mettant en évidence la fragilité de la construction au regard du site, confirmée par l'expert judiciaire. Mme T. s'en défend, disant que les fissures étaient apparentes (ce que contestent les acquéreurs) et que l'acte de vente mentionne expressément le phénomène de retrait et gonflement des argiles du sol sur lequel la maison a été construite. Le tribunal a donné raison à Mme T..
Il résulte du dossier les éléments suivants.
La promesse de vente a eu lieu le 14 février 2017, la vente authentique a été passée le 21 avril 2017.
Le 12 septembre 2014 Mme Élisabeth T. et M. Lionel T.-L. ont sollicité la société Idéum Partners afin qu'elle réalise une étude technique concernant leur maison, dont l'objet était ainsi exposé : « Il est relatif à la réalisation d'une mission d'études structures en vue de la réparation des structures de la maison d'habitation de M. T.-L. située [...]. Celle-ci présente en effet des désordres (principalement fissuration) en plusieurs endroits (plafonds, corniches, murs, cloisons). Il est également précisé : L'objectif du rapport est d'éclairer le client sur l'origine des désordres et les travaux à entreprendre pour y remédier ». Le prix de cette prestation était fixé à 7308 EUR TTC, et le devis a été accepté par les consorts T. et L. le 5 avril 2016.
D'après l'expertise judiciaire (p. 7) cette commande nécessitait la participation du BET géotechnique Alpha B., lequel a donc établi le 4 août 2016 un rapport de « diagnostic géotechnique ».
Dans ce rapport, l'enquêteur Alpha B. chargé de la mission décrit les désordres comme se manifestant sous la forme de fissures qui affectent la liaison entre la maison et la terrasse ainsi que les murs de la maison (p. 7). Il précise que le site sur lequel le bâtiment a été construit « doit être considéré comme présentant des risques très importants vis-à-vis de la sensibilité à l'eau des sols argileux superficiels » (p. 9), de sorte que « les désordres, dans leur grande majorité, peuvent être attribués à des mouvements différentiels entre les différentes parties de l'ouvrage et entre villa et terrasse sur vide sanitaire » (p. 21). L'enquêteur note également que les fondations visualisées « sont extrêmement précaires » (p. 22). Au titre de la « hiérarchie des facteurs de désordres » il place la sensibilité à l'eau des sols d'assise des fondations et des dallages comme facteur déterminant ayant conduit à des déformations par tassement, et qualifie de « facteurs aggravants » : la précarité du système de fondations, la mauvaise adaptation de l'ouvrage au contexte géotechnique (fondations peu encastrées, de faible largeur et potentiellement excentrées), ainsi que d'autres facteurs : absence de revêtement sur le sol du vide sanitaire, végétation hygrophile à proximité de l'ouvrage, glissement de terrain potentiel (p. 24).
Considérant que l'évolution des désordres apparaît « probable aussi bien dans le cas d'une réhydratation que de nouvelles périodes de sécheresse ou de dessiccation », dans la mesure où les sols sont « très sensibles aux variations de teneur en eau » (p. 24), l'enquêteur conclut qu'il lui apparaît nécessaire « de reprendre en sous-œuvre dès à présent l'intégralité des éléments porteurs » et préconise diverses mesures de stabilisation, parmi lesquels la « rigidification de la structure » et la « reprise en sous-œuvre par micro pieux de l'ensemble des porteurs » (p. 25).
L'expertise réalisée le 13 juillet 2018 par M. S. à la demande du juge des référés confirme assez largement l'analyse et les suggestions ci-dessus faites par Alpha B..
M. S. note en effet dans son rapport que le site argileux sur lequel la maison est édifiée depuis 1979 (p. 10) présente « des risques très importants de variations volumétriques sous déséquilibres hydriques (alternance de retrait gonflement) » (p. 11). Il estime que « le déficit éventuel de teneur en eau des argiles a pu conduire à des tassements importants des sols d'ancrage » (p. 12). En synthèse, il conclut à des « mouvements différentiels de fondation entre secteur exposé sud-est et le reste de la construction davantage protégée des aléas, selon les épisodes de sécheresse exceptionnelle » (p. 21). Il considère l'évolution des désordres comme « prévisible » étant donné la sensibilité des sols d'assise aux variations de teneur en eau, mais exclut cependant tout risque d'effondrement (p.21 et 22).
Concernant les désordres, l'expert judiciaire les décrit dans le détail. Il s'agit de très nombreuses fissures et lézardes qui affectent l'ensemble des façades du bâtiment. Elles sont particulièrement importantes dans l'angle sud-est, zone la plus affectée de la construction, où M. S. relève de nombreuses lézardes et fissures dont la plus importante atteint 4 mm (40/10) sur une longueur de 2 m 20. Dans la partie habitable, l'expert observe également de nombreux carreaux fissurés (p. 13 à 16).
Au titre des causes, M. S. conclut à « un défaut de conception des fondations consécutivement à une absence d'appréciation des risques, préalablement déterminés par une étude de sols », traduisant « une mauvaise adaptation des fondations au contexte géotechnique local » (p. 23). Il précise que « les désordres sont évolutifs, compromettent la solidité de l'habitation et portent atteinte à la pérennité de la structure. La rupture des sols carrelés avec désafleur entraîne l'exposition à risque de blessure et une impropriété à destination » (p. 24).
Enfin, M. S. chiffre le coût des travaux nécessaires, consistant essentiellement à consolider les fondations en sous-œuvre et reprendre les divers désordres (enduits, carrelages et travaux intérieurs) à 323 264,30 EUR, comprenant les frais indispensables de maîtrise d'œuvre étant donné la nature particulière des travaux (p. 25).
Au vu de ce qui précède il est manifeste que Mme T. ne pouvait pas ignorer lors de la vente les deux éléments essentiels susceptibles de causer des difficultés : la nature instable du terrain sur lequel la maison avait été construite en 1979, et l'insuffisance des fondations pour résister au phénomène de retrait et gonflement des argiles.
La chronologie montre en effet que dès le mois de septembre 2014 les consorts L. et T. s'étaient inquiétés de cette situation puisqu'ils avaient sollicité la société Idéum Partners, et avaient accepté le 5 avril 2016 l'étude proposée par celle-ci, ayant donné lieu au rapport Alpha B. du 4 août 2016 leur fournissant une information très complète sur l'état préoccupant du bien.
Dès lors, l'existence d'un vice affectant le bien vendu n'est pas contestable. L'expertise faite par M. S. ainsi que les autres pièces du dossier, notamment le rapport Alpha B., le démontrent suffisamment : une maison qui se fissure car elle est construite sur un terrain argileux et que ses fondations ne sont pas suffisamment solides pour résister au phénomène récurrent de retrait ' gonflement, est incontestablement atteinte d'un vice de construction.
Il reste donc à déterminer si ce vice était caché ou apparent lors de la vente, c'est-à-dire si les consorts D. et C., acquéreurs, pouvaient se rendre compte de l'état réel de la maison, par les visites qu'ils ont faites et l'information reçue à l'occasion de la vente.
La promesse synallagmatique de vente qui a été signée le 14 février 2017 ne mentionne aucunement l'une ou l'autre difficulté (nature instable du sol et faiblesse des fondations).
L'unique information se trouve donc dans l'acte authentique de vente du 21 avril 2017 où l'on trouve page 18 le paragraphe spécifique suivant :
Aléa ' retrait gonflement des argiles
Aux termes des informations mises à disposition par la Préfecture du département, l'immeuble est concerné par la cartographie de l'aléa retrait gonflement des argiles établie par le ministère de l'écologie, de l'énergie et du développement durable et de la mer ainsi que par la direction départementale de l'équipement.
L'aléa le concernant est un aléa fort.
Une copie de la cartographie d'aléa retrait gonflement des argiles est annexée.
Il est certain que cette clause figurant dans l'acte authentique, ainsi que la cartographie annexée, étaient de nature à informer les acquéreurs de l'existence, sur le lieu d'implantation de la maison, d'un aléa important concernant le sol argileux susceptible de « retrait gonflement ».
Par ailleurs, il n'est pas contestable que lors de la vente, ainsi que l'affirme l'expert judiciaire, la maison était déjà affectée de fissures importantes notamment dans sa partie est. L'expert estime par contre qu'aucune fissure n'était présente au rez-de-chaussée, ce pourquoi les acquéreurs n'avaient pas hésité à réaliser des travaux d'embellissement peu de temps après l'achat (rapport p. 23).
Au vu des photographies annexées au rapport d'expertise, même en supposant que lors de la vente ces fissures étaient moins importantes, il est difficile d'imaginer qu'elles ont pu passer inaperçues aux yeux des acquéreurs lors de leurs visites des lieux. L'argumentation de ce chef des consorts D. et C., disant que les fissures avaient été « fort adroitement dissimulées derrière des meubles et tableaux » demeure une pure affirmation qui n'est confortée par aucun élément sérieux. C'est en effet surtout à l'extérieur, sur le côté est du bâtiment, que se trouvent les fissures les plus remarquables photographiées par l'expert en avril 2018 et donc, vu leur ampleur, déjà présentes lors de la vente au mois d'avril 2017 (photographies nº 6 à 20).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les acquéreurs avaient incontestablement connaissance lors de la vente de la nature particulière du sol, en raison de l'information donnée dans l'acte lui-même, et de l'existence de fissures déjà présentes sur une partie de l'immeuble.
Pour autant, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance, ces informations n'étaient pas de nature à permettre à un acquéreur profane de se rendre compte de la faiblesse des fondations. L'expert M. S. écrit à ce propos que « la nature des désordres et surtout leur niveau d'importance ne pouvaient pas être perçus par un profane » (p. 23), et il doit être rappelé que l'acquéreur profane n'est jamais obligé de se faire conseiller lors de la vente par un homme de l'art (3e Civ., 3 mai 1989, nº 87-18.908 ; Assemblée plénière, 27 octobre 2006, nº 05-18.977 ; 3e Civ., 3 novembre 2011, nº 10-21.052).
Or, la faiblesse des fondations constitue en réalité un élément essentiel du litige. En effet, l'instabilité chronique du sol d'assise ne présenterait en soi-même aucune difficulté si le bâtiment avait été construit, dans les règles de l'art, sur des fondations suffisamment profondes et solides pour résister à ce phénomène naturel.
Ce n'est donc pas en réalité la nature du terrain, ni l'aspect de la maison, tous éléments connus des acquéreurs lors de la vente, qui constituent le vice majeur affectant l'immeuble, mais bien l'insuffisance de ses fondations, cause première des fissures et lézardes constatées par l'expert, provoquées par les mouvements du sol auxquels la structure trop légère du bâtiment ne peut pas efficacement résister.
En ce sens, il y a lieu de considérer que le bien vendu était affecté lors de la vente d'un vice caché aux acquéreurs, consistant dans la faiblesse des fondations de l'immeuble.
Ceci étant posé, il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus, notamment la commande d'une étude spécifique par les consorts L. et T. le 5 avril 2016, et la connaissance qu'ils ont eue ensuite du rapport Alpha B. réalisé le 4 août 2016, que lors de la vente ils avaient une parfaite connaissance du vice constitué par l'insuffisance des fondations de l'immeuble.
Les vices cachés aux acquéreurs étaient donc connus des vendeurs avant la vente.
En conséquence, Mme T. ne peut bénéficier de la clause de non garantie insérée dans l'acte de vente (article 1643 du code civil), et est tenue envers les acquéreurs de tous dommages et intérêts (article 1645).
En réparation, dans le dispositif de leurs écritures, les consorts D. et C. réclament la fixation de leur préjudice au visa du rapport de M. S., soit la somme principale totale de 343 588,40 EUR TTC comprenant d'après l'expertise (p. 25) la somme de 323 264,30 EUR TTC au titre des travaux de reprise uniquement pour la maison, outre indexation [la différence, soit 20 324,10 EUR TTC, correspond au coût proposé par l'expert pour les travaux de la piscine].
La maison a été vendue pour le prix total de 330 000 EUR, dont 314 000 EUR s'appliquant au bien immobilier (acte de vente page 5).
Or, concernant le principal, selon l'article 1644 du code civil l'acquéreur qui choisit l'action estimatoire, ce qui est le cas en l'espèce, ne peut que « se faire rendre une partie du prix ».
Il convient par conséquent, avant dire droit sur ce point, d'inviter les parties à conclure sur l'application en l'espèce de l'article 1644 du code civil, au regard des circonstances de la cause et des autres textes régissant la matière.
2. Sur la question de la garantie décennale et des vices cachés concernant la piscine :
Le tribunal de grande instance a jugé que Mme T. avait fait effectuer sur la piscine en juillet 2016 des travaux de gros œuvre, de sorte qu'elle pouvait être qualifiée de constructeur d'un ouvrage au sens de l'article 1792-1 du code civil. Il a estimé ensuite que des vices affectant l'ouvrage le rendaient impropre à sa destination, ainsi que cela résultait de l'expertise judiciaire.
Mme T. se défend d'avoir fait réaliser des travaux de gros œuvre, et considère qu'il s'agissait simplement de « travaux d'entretien courant » pour un coût modique de 350 EUR (conclusions page 14). Elle estime par conséquent que la qualification de constructeur la concernant doit être rejetée.
Les consort D. et C. considèrent pour leur part que les désordres atteignant la piscine doivent être qualifiés de vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil, le jugement étant réformée sur ce point, mais que les travaux réalisés par Mme T. sur cet ouvrage au mois de juillet 2016 relèvent par contre de l'article 1792.
Le tribunal a retenu l'application de l'article 1792.
Il résulte du dossier les éléments suivants.
Le 16 août 2016 la société Jaune et Bleu a émis à l'intention de Mme Élisabeth T. une facture nº 41989 pour 4200 EUR concernant la fourniture et la pose d'un « lineur » d'étanchéité et quelques autres travaux associées, notamment la reprise d'une arrête en béton. Le 20 avril 2016 la société Aquilus Piscines avait émis pour sa part une facture de 129 EUR pour la remise en route du circuit d'aspiration de la piscine.
Il est impossible, sur la foi de ces éléments, qui sont ceux discutés par les parties, de considérer que Mme T. était lors de ces travaux un « constructeur » au sens de l'article 1792 du code civil. Le changement du lineur en effet, ainsi que quelques reprises ne peuvent pas être considérés comme des travaux suffisamment importants pour justifier l'application de ce texte. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance, il ne s'agit pas de travaux de construction mais d'entretien de l'ouvrage dont l'essentiel était déjà édifié.
Il reste à savoir si la question des vices cachés peut être soulevée ici.
L'existence de vices n'est pas contestable. Dans son rapport M. S. écrit à ce sujet : « Toutes les composantes techniques nécessaires au bon fonctionnement de la piscine sont hors service interdisant toute utilisation. La mise en service, ne serait-ce que pour filtrer et clarifier l'eau afin de permettre le contrôle visuel du fond de bassin, est parfaitement impossible » (p. 20).
Le vice de l'ouvrage est manifeste. Les autres éléments du dossier démontrent qu'il préexistait à la vente du 21 avril 2017.
Il résulte en effet d'un rapport du 9 septembre 2016, établi par la société Jaune et Bleu qui avait procédé au début de l'été à la réfection du liner (cf. ci-dessus), que le filtre à sable et la vanne 6 voies doivent être refaits à neuf car « il y a d'énormes problèmes d'étanchéité sur la vanne » et le filtre « est inapproprié pour une piscine d'extérieur ». De même, le robot est hors service et nécessite d'être changé à neuf. Les vannes dans le local technique risquent de fuir et doivent être également changées. Ce document précise que le lineur a été installé provisoirement jusqu'à la rénovation totale du bassin car « Les clients ont un projet de reconstruction bassin / terrasse d'ici 2 à 3 ans ».
Ce document témoigne de ce que Mme T. était parfaitement informée, plusieurs mois avant la vente, de l'impossibilité de faire fonctionner normalement la piscine, ce que confirme l'expert dans son rapport page 20.
Aucun élément dans le dossier ne permet de dire que cette information a été portée à la connaissance des acquéreurs avant la vente.
Il reste à savoir si les consorts D. et C. pouvaient s'en persuader eux-mêmes. Sur ce point l'expert ne se prononce pas, ni Mme T. d'ailleurs qui se contente dans ses écritures d'argumenter sur le rejet de la garantie décennale (p. 14 et 15).
Étant donné la nature très technique des désordres constatés par M. S., il est manifeste que seule une longue observation du fonctionnement de la piscine aurait pu permettre aux acquéreurs de s'en rendre compte. Or, il n'est pas habituel que lors de la visite d'un immeuble agrémenté d'une piscine l'on se livre à des investigations aussi poussées. D'évidence par conséquent les consorts D. et C. n'ont pu ici que faire confiance à Mme T.. En conséquence, la cour estime que le vice caché atteignant cet ouvrage, connu du vendeur avant la vente, n'était pas apparent aux yeux des acquéreurs.
L'expert évalue la réparation à 20 324,10 EUR TTC (p. 25). Ce montant, avec indexation, est retenu par le tribunal dont le jugement sera donc sur ce point confirmé, par substitution des motifs.
Le jugement doit également être confirmé en ce que le tribunal a statué sur l'article 700 du code de procédure civile, à l'égard de Mme T. et de M. L., et sur les dépens. Par adoption des motifs, le jugement sera de même confirmé en ce que le tribunal a dit n'y avoir lieu de statuer sur l'exécution provisoire.
Étant donné la réouverture des débats sur l'application de l'article 1644 du code civil, les autres demandes seront pour l'heure réservées.
Il est équitable cependant qu'en l'état de la procédure Mme T. paie aux consorts D. et C. ensemble la somme de 2000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront également réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce que le tribunal de grande instance a :
- rejeté les demandes formées contre M. Lionel L. ;
- par substitution des motifs, condamné Mme Élisabeth T. à payer et aux consorts D. et C. la somme de 20 324,10 EUR TTC au titre des travaux de reprise concernant la piscine, avec indexation ;
- statué sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'exécution provisoire ;
- statué sur les dépens.
Infirme le jugement pour le reste, et statuant à nouveau :
Juge que la maison était atteinte avant la vente de vices cachés concernant les fondations, connus de Mme Élisabeth T. ;
Avant-dire droit sur la réparation :
Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à conclure sur l'application en l'espèce de l'article 1644 du code civil, au regard des circonstances de la cause et des autres textes régissant la matière ;
Renvoie l'affaire devant le magistrat chargé de la mise en état à son audience du Jeudi 14 janvier 2021 à 09h00.
Condamne Mme Élisabeth T. à payer aux consorts D. et C. ensemble la somme de 2000 EUR, en l'état, au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour ;
Réserve pour l'heure toutes les autres demandes et les dépens d'appel.