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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 27 octobre 2020, n° 19/19351

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Edi 8 (SAS), Place Des Editeurs (SAS)

Défendeur :

Editions Larousse (SASU), Vorwerk France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocat :

SELARL Lexavoue Paris-Versailles

T. com. Paris, du 21 oct. 2019

21 octobre 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La société EDI 8 est une société d'édition en charge de la publication de nombreux ouvrages illustrés notamment aux éditions First.

La société Place des Editeurs est en charge des éditions de la maison Solar.

La société Vorwerk France gère la promotion et la commercialisation du robot de cuisine commercialisé sous la marque « THERMOMIX » en France.

La société Editions Larousse a conclu le 08 mars 2017 un contrat de licence non exclusif sur cette marque pour la France avec la société Vorwerk Internationale, titulaire de la marque.

Les sociétés Editions Larousse et Vorwerk France ont fait assigner le 27 décembre 2018 les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire s'agissant de deux publications intitulées « Mes meilleures recettes au Thermomix » chez First et « I love ma cuisine au Thermomix » chez Solar, après les avoir mises en demeure par deux courriers du 23 février 2018 de renoncer à leurs projets.

Elles sollicitent du tribunal essentiellement qu'il fasse interdiction aux maisons d'édition de poursuivre l'exploitation des deux ouvrages en cause, ainsi que de tout autre reprenant la dénomination « THERMOMIX », qu'il leur ordonne de communiquer le montant des tirages concernés et qu'il condamne les défenderesses à diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Saisi d'un incident d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris par les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs, le tribunal de commerce de Paris a, dans un jugement du 21 octobre 2019, statué notamment en ces termes :

- Dit la SA EDI8 et la SA PLACE DES EDITEURS recevables, mais mal fondées en leur exception de compétence, les en déboute et se déclare compétent,

- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la SA EDI8 et la SA PLACE DES EDITEURS aux entiers dépens du jugement qui seront liquidés avec le jugement définitif,

Les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs ont interjeté appel de la décision le 30 octobre 2019 et, suivant ordonnance du 7 novembre 2019, ont été autorisées à assigner à jour fixe pour l'audience du 15 septembre 2020.

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2020 par les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs qui demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement du 21 octobre 2019 retenant la compétence du tribunal de commerce de Paris,

Et statuant à nouveau, de :

- Déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur les demandes formulées par les sociétés Editions Larousse et Vorwerk,

En conséquence,

- Ordonner la transmission du dossier par le greffe du Tribunal de Commerce de Paris au greffe de cette juridiction,

- Condamner les sociétés Vorwerk France et Editions Larousse à verser à la société EDI 8 la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les sociétés Vorwerk France et Editions Larousse aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

- Débouter Vorwerk France et Editions Larousse de leurs demandes.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2020 par les sociétés Editions Larousse et Vorwerk France qui demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- Débouter EDI 8 et Place des Editeurs de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner in solidum les sociétés EDI8 et Place des éditeurs au paiement de 7 000 euros au sociétés Larousse et Vorwerk France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs aux entiers dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés directement par les avocats des appelants conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises telles que susvisées.

- Sur l'exception d’incompétence :

L'article L721-3 du code du commerce dispose que Les tribunaux de commerce connaissent « :

1°) Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2°) De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3°) De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »

Selon l'article L716-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à la cause, « Les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. »

En droit, une action fondée exclusivement sur des actes de concurrence déloyale qui n'implique aucun examen de l'existence ou de la méconnaissance d'un droit de propriété intellectuelle, pour lequel le tribunal judiciaire a une compétence exclusive, relève de la seule compétence du tribunal de commerce.

Les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs soutiennent essentiellement que l'action des demanderesses est incontestablement liée à la marque « THERMOMIX » et à une question de concurrence déloyale connexe relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Elles mettent en avant le fait que les intimées sollicitent du tribunal qu'il interdise tout usage de la dénomination « THERMOMIX », ce qui revient à demander l'interdiction de l'usage de la marque en cause, et constatent que l'ensemble de l'argumentation développée est basé en réalité sur la défense de la marque « THERMOMIX ».

Elles opposent également les courriers de mise en demeure qui ont explicitement opposé cette marque.

Elles dénoncent le comportement des sociétés Editions Larousse et Vorwerk France qui ont, selon elles, déguisé un procès en contrefaçon de marques en contentieux de responsabilité civile pour écarter l'application des règles encadrant le monopole découlant d'une marque et l'exception légale dite de « référence nécessaire » qui trouverait à s'appliquer.

Les sociétés Editions Larousse et Vorwerk France contestent cette présentation des faits soulignant, qu'à aucun moment, elles n'ont entendu agir sur le terrain du droit des marques mais uniquement sur celui de la concurrence déloyale, de sorte que le présent litige pour être solutionné, ne nécessite nullement l'examen de l'existence ou de la méconnaissance des droits de propriété intellectuelle sur les marques « THERMOMIX », rappelant que la société titulaire des droits sur la marque n'est pas partie à l'instance.

Elles reprochent uniquement, selon elles, aux appelantes leurs agissements parasitaires au travers de la captation d'une valeur économique constituée par la notoriété du robot THERMOMIX et de leur volonté de se placer ainsi dans leur sillage.

Elles estiment être fondées à agir sur le terrain du parasitisme qui justifie de démontrer, lui aussi, l'absence de nécessité de l'utilisation de la dénomination « THERMOMIX », de sorte qu'il ne peut leur être reproché d'avoir tenté d'user de l'action en concurrence déloyale comme action de repli.

Elles ajoutent que rien ne leur interdit d'agir sur le seul terrain de la concurrence déloyale si les conditions en sont réunies.

Sur ce, la cour constate, comme le tribunal, que les sociétés Editions Larousse et Vorwerk France n'ont pas fait le choix d'invoquer au soutien de leurs demandes d'interdiction et de dommages et intérêts leurs éventuels droits de propriété intellectuelle et, plus particulièrement, le droit des marques, mais ont préféré se placer sur le seul terrain de la concurrence déloyale et parasitaire fondée sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, prétendument commise par les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs à l'encontre d'autres sociétés commerciales.

Ainsi les faits tels que dénoncés ne soulèvent pas de question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction que celle déjà saisie et n'exigent notamment pas un examen de l'existence ou de la méconnaissance d'un droit de propriété intellectuelle.

Il sera ajouté que le titulaire d'un droit privatif est libre d'agir exclusivement sur le terrain de la concurrence déloyale ou du parasitisme à l'encontre de faits susceptibles de relever de la contrefaçon, de sorte que les appelantes ne sont pas fondées à critiquer le choix procédural des intimées.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal de commerce de Paris a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs visant à renvoyer l'affaire au tribunal judiciaire de Paris.

Le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

- Sur les autres demandes :

Les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SELARL G. & Associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente instance.

L'équité et la situation des parties commandent de condamner in solidum les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs à verser aux sociétés Editions Larousse et Vorwerk France une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 21 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne les sociétés EDI 8 et Place des Editeurs in solidum aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SELARL G. & Associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile, et au versement aux sociétés Editions Larousse et Vorwerk France d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.