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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 20 octobre 2020, n° 17/06199

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pacifica (SA)

Défendeur :

Groupe Candy Hoover (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

T. com. Perpignan, du 14 nov. 2017

14 novembre 2017

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Dans la soirée du 22 octobre 2015, un incendie s'est déclaré dans la cuisine du logement de M.T., assuré auprès de la SA Pacifica dans le cadre d'une police multirisques habitation, formule « rééquipement à neuf ».

Selon les déclarations de l'assuré, l'incendie est né au niveau de la cuisine équipée de son habitation, alors qu'un cycle de lavage avait été initié sur le lave-vaisselle de marque Candy, modèle CDS 220 X-S.

Une expertise a été effectuée par le cabinet Polyexpert donnant lieu à un procès-verbal de constat du 18 novembre 2015 que les représentants de la société Groupe Candy Hoover ont refusé de signer puis à un rapport définitif en date du 7 janvier 2016.

Au titre de l'analyse des responsabilités, l'expert indique que 'la responsabilité du fabricant du lave-vaisselle à l'origine du sinistre (appareil de marque Candy réf MOD CDS 220x-s) est susceptible d'être recherchée dans le cadre de cette affaire sur le fondement de la loi des produits défectueux. En effet, l'incendie est bien interne à l'appareil et se situe dans la zone du bandeau de commande (non accessible pour un usager'. Il chiffre à la somme de 26 923,63 euros le recours éventuel à exercer

Faisant valoir qu'elle avait indemnisé son assuré et pris en charge différents frais pour un total de 29.512,28 euros et que ses démarches amiables en remboursement de cette somme auprès du constructeur étaient restées vaines, la société Pacifica a, par exploit du 26 avril 2017, fait assigner la société Groupe Candy Hoover devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d'obtenir paiement de cette somme.

Le tribunal, par jugement du 14 novembre 2017, a notamment :

- constaté que la société Groupe Candy Hoover ne rapporte la preuve de la date de mise en circulation de l'appareil,

- dit que la demande non prescrite est recevable,

- constaté que la SA Pacifica ne rapporte pas la preuve du défaut de l'appareil,

- débouté la SA Pacifica de ses demandes au principal,

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Pacifica aux dépens de l'instance.

La société Pacifica a régulièrement relevé appel, le 30 novembre 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.

Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 25 avril 2020 via le RPVA, de :

Vu les articles L. 121-12 du code des assurances, 1245 et suivants du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Candy Hoover, et déclaré la société Pacifica recevable en sa demande car non prescrite,

- infirmer le jugement entrepris :

 en ce qu'il a constaté que la société Pacifica ne rapportait pas la preuve du défaut de l'appareil,

 en ce qu'il a débouté la SA Pacifica de ses demandes au principal,

 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SA Pacifica aux dépens de l'instance,

Jugeant à nouveau,

- déclarer la société Candy Hoover responsable des dommages causés par un défaut de son produit, en l'occurrence le lave-vaisselle se trouvant dans l'immeuble de M.T., assuré auprès de la société Pacifica,

- condamner en conséquence la société Candy Hoover à payer à la société Pacifica les sommes de :

·25.970,08 euros, et subsidiairement celle de 22.054,58 euros,

outre les intérêts de cette somme au taux légal depuis le 20 janvier 2016, date de la mise en demeure,

 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

 6.808 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant non seulement les honoraires de la société Polyexpert intervenue au titre de l'expertise amiable, mais également ceux de la SCP S., C.-h. & Associés, son conseil,

- condamner la société Candy Hoover aux dépens de l'instance conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile avec distraction au profit des avocats de la cause, mais également aux frais et honoraires d'huissier pour l'exécution et le recouvrement des condamnations dont le créancier doit faire l'avance auprès de l'huissier et ce concernant les droits de recouvrement ou d'encaissement dont bénéficient les huissiers de justice au titre de l'article 10 du décret n° 96-101080 du 12 décembre 1996 dans sa rédaction issue du décret n° 2001-16212 du 8 mars 2001, si dans le délai de un mois qui suivra la signification du jugement, aucun règlement n'est intervenu contraignant le créancier à poursuivre par voie d'huissier,

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- sa qualité à agir résulte de la police d'assurance souscrite par M.T. qu'elle avait indemnisé,

- la preuve n'est pas rapportée de la prescription de son action régie par les dispositions de l'article 1245-15 du code civil, fixant son point de départ à la date de mise en circulation du produit qui n'est pas justifiée en l'espèce, la référence au numéro de série de l'appareil étant insuffisante,

- le lave-vaisselle était défectueux au sens de l'article 1245-3 alinéa 1er, la preuve en étant rapportée par le procès-verbal établi contradictoirement et opposable à la société Groupe Candy Hoover mais également par des présomptions graves, précises et concordantes, l'expert ayant indiqué, sans être contredit que l'incendie était interne à l'appareil et qu'il se situait dans la zone du bandeau de commande,

- le tribunal n'avait pas expliqué en quoi le procès-verbal de constat établi par la société Polyexpert était de nature à discréditer les conclusions du rapport, alors qu'il mentionnait à l'identique que l'incendie trouvait sa source dans l'appareil au niveau de la zone de commande, inaccessible à l'installateur comme à l'utilisateur,

- aucune autre cause n'avait été établie ni davantage le fait de la victime ou le fait d'un tiers qui aurait pu détériorer l'appareil, les photographies adverses produites aux débats n'étant pas probantes à cet égard,

- par application de l'article 1245-1 du code civil, sa créance d'indemnisation n'est pas limitée à la seule évaluation par l'expert mais englobe les sommes effectivement versées à son assuré, sauf à appliquer la franchise de 500 euros et à déduire la vétusté du lave-vaisselle.

Formant appel incident, la société Groupe Candy Hoover sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 avril

2020 :

Vu les articles 31, 122 et 123 du code de procédure civile, les articles L. 121-12 et L. 112-3 du Code des Assurances, les articles 542 et 901,4° du code de Procédure Civile, l'article 1245-15 du code Civil, l'article 1245-8 du code civil, l'article 1245-1 du code civil, ensemble le décret n°2005-113, l'article 9 du code de procédure civile, l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- dire et juger recevable la société Groupe Candy Hoover en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal :

- dire et juger que les conditions générales et particulières du contrat d'assurance en cours au moment du sinistre ne sont pas produites par la société Pacifica, en conséquence,

- dire et juger la société Pacifica irrecevable en l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Groupe Candy Hoover,

- En conséquence, l'en débouter,

A titre subsidiaire :

- infirmer la décision du 14 novembre 2017 du Tribunal de Commerce de Perpignan en ce qu'elle a déclaré l'action de la société Pacifica non-prescrite et recevable,

- en conséquence, dire et juger que l'action de Pacifica est forclose,

- en conséquence, débouter la demanderesse de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre très subsidiaire :

- confirmer la décision du 14 novembre 2017 du Tribunal de commerce de Perpignan en en ce qu'elle a débouté la société Pacifica de l'intégralité de ses demandes,

- en conséquence, dire et juger que la société Pacifica ne rapporte pas la preuve du défaut de l'appareil qu'elle incrimine,

A titre infiniment subsidiaire :

- Par extraordinaire, si une quelconque condamnation devait intervenir à l'égard de la société Groupe Candy Hoover, dire et juger qu'une franchise d'un montant de 500 euros doit être déduite des sommes réclamées en application du décret n°2005-113 et que le montant du lave-vaisselle, à hauteur de 234,50 euros, doit également être déduit des sommes réclamées en application de l'article 1245-1 du code civil ;

- dire et juger la quittance subrogatoire non-valable du fait du défaut de preuve de paiement à M et Mme T., à hauteur de la somme qui y est répertoriée,

- en tout état de cause, dire et juger que les honoraires de Polyexpert ne sont pas justifiées par une facture,

- en tout état de cause, dire et juger que la somme de 3 915,20 euros intégrée au sein des pertes matérielles, vétusté déduite, et immatérielle des époux T., n'est pas justifiée,

- dans le cas extrêmement extraordinaire où une quelconque condamnation financière devrait intervenir à l'égard de la société Groupe Candy Hoover, dire et juger que cette condamnation ne saurait être supérieure à 9 051,66 euros pour les pertes matérielles, vétusté déduite, et immatérielle des époux T., et à 13 002,92 euros pour le coût de décontamination et de réparation des désordres,

En tout état de cause :

- condamner la société Pacifica à payer à la société Groupe Candy Hoover la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- confirmer la décision du 14 novembre 2017 du Tribunal de Commerce de Perpignan en ce qu'elle a condamné la société Pacifica aux dépens et la condamner aux dépens au titre de la procédure d'appel, incluant le timbre fiscal.

Elle expose en substance que :

- rien ne démontre que la police d'assurance produite en cause d'appel était en cours au moment du sinistre de sorte que la qualité pour agir de l'appelante n'est toujours pas établie,

- la question de la prescription n'a pas été visée dans la déclaration d'appel et la cour ne peut qu'écarter des débats, la discussion sur prescription par la société Pacifica,

- l'action de la société Pacifica est forclose au visa de l'article 1245-15 car la vente du lave-vaisselle est intervenue en début d'année 2007 peu après sa fabrication survenue à la mi-décembre 2006, de sorte que l'assignation du 26 avril 2017 est tardive,

- la preuve n'est pas rapportée de l'imputabilité du dommage au lave-linge ni de la défectuosité de celui-ci, l'expert s'étant limité à des affirmations péremptoires sans rechercher les causes potentielles du sinistre bien que l'appareil ait été antérieurement démonté, bricolé" et remonté par un non professionnel,

- ce rapport ne lui est pas contradictoire et la convention FFSA invoquée au soutien de l'opposabilité du procès-verbal de constat ne s'applique qu'entre assureurs et de simples éventualités restent insuffisantes d'autant que les circonstances du sinistre restent incertaines en l'absence de production de la déclaration du sinistre,

- le quantum de la créance est lui-même incertain en l'état des contradictions affectant sur ce point également le procès-verbal de constat et le rapport d'expertise et de l'absence de pièces probantes complètes les corroborant.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2020

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la qualité à agir de la société Pacifica :

La société Pacifica produit aux débats le contrat d'assurance souscrit par M.T. auprès de sa compagnie visé dans le rapport d'expertise mais également la quittance subrogative signée par celui-ci le 8 septembre 2016.

Etant subrogée dans les droits et actions de son assurée, elle a bien qualité pour agir.

Sur la prescription :

Il incombe à la partie qui soutient la prescription de l'action engagée par son adversaire d'en rapporter la preuve.

L'article 1386-15 du code civil (ancienne rédaction) devenu 1245-5 dispose que sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

L'article 1386-5 précise qu'un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement.

Il est ainsi de principe qu'un produit est mis en circulation lorsqu'il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu'il est entré dans un processus de commercialisation dans lequel il se trouve en l'état, offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé. La mise en circulation implique donc une remise du produit fini d'une entreprise à une autre à des fins de commercialisation.

La date de mise en circulation ainsi définie marque le point de départ du délai de prescription et il incombe à la société Groupe Candy Hoover de la justifier.

Elle se limite à évoquer la fiche signalétique du lave-vaisselle indiquant qu'il a été produit au cours de la semaine 50 de l'année 2006 (mi-décembre) puis à soutenir que ses produits fabriqués sont livrés dans la semaine qui suit pour conclure qu'elle s'est donc dessaisie du lave-vaisselle « début 2017 » de sorte que l'action engagée le 26 avril 2017 est 'forclose'.

Or, elle ne démontre pas la date exacte de ce dessaisissement ni davantage qu'elle se serait effectivement dessaisie du produit avant le 26 avril 2007 se limitant à procéder par voie d'affirmation.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action non prescrite.

Sur le fond :

Aux termes de l'article 1386-4, devenu 1245-3 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu'il estime défectueux de prouver le défaut invoqué et il est constant que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

En l'espèce, la société Pacifica subrogée dans les droits et actions de la victime se prévaut du procès-verbal de constatation que le représentant de la société Groupe Candy Hoover a refusé de signer et du rapport d'expertise rédigé à sa suite dans lequel l'expert conclut en termes identiques que : 'la responsabilité du fabricant du lave-vaisselle à l'origine du sinistre (appareil de marque Candy Référence Mod Cds 220 la SA Pacifica-s) est susceptible d'être recherchée dans le cadre de cette affaire sur le fondement de la loi des produits défectueux. En effet l'incendie est bien interne à l'appareil et se situe dans la zone du bandeau de commande (non accessible par un usager)'.

Les discordances horaires sur des éléments factuels relevées entre le procès-verbal et le rapport ne caractériseraient pas à elles seules les insuffisances des opérations expertales. Par contre, dans ces deux documents, l'expert se limite à situer l'origine de l'incendie dans une zone du lave-vaisselle non accessible pour un simple usager, sans donner son avis sur une quelconque défectuosité au sens de la définition légale ci-dessus rappelée puisqu'il n'a procédé à aucune investigation, recherche et analyse sur ce point au regard d'un lave-vaisselle fabriqué dix ans plus tôt dont l'historique n'est même pas retracé et l'environnement décrit.

Ce rapport ne permet donc pas de retenir qu'il existerait des présomptions graves, précises et concordantes autorisant à conclure au caractère défectueux du lave-vaisselle au sens des dispositions légales précitées.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté la société Pacifica de ses demandes.

Sur les frais et les dépens :

La société Pacifica, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et payer à la société Groupe Candy Hoover une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Dit que la société Pacifica a qualité pour agir,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 14 novembre 2017,

Déboute la société Pacifica de l'ensemble de ses demandes,

Dit que la société Pacifica supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la société Groupe Candy Hoover une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.