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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 2 novembre 2020, n° 20/08982

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque de Luxembourg (SA)

Défendeur :

Epoka (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseiller :

M. de Chergé

Avocats :

Me Busquère-Beaury, Me Rambert, Me Bencheikh , Me Grappotte-Benetreau

T. com. Paris, du 23 avr. 2020

23 avril 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Depuis 2007 la société anonyme Banque de Luxembourg faisait appel à la société par actions simplifiée Epoka, société française domiciliée <adresse>

En mars 2018, la société Banque de Luxembourg a cessé de passer commande à Epoka et a confirmé le 5 septembre 2018 la fin des relations commerciales.

Par acte d'huissier du 11 janvier 2019 la société Epoka a fait assigner la Banque de Luxembourg devant le tribunal de commerce de Paris.

La société Banque de Luxembourg a soulevé une exception d'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris et plus généralement des tribunaux français au profit du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg.

Par jugement du 23 avril 2020, le tribunal de commerce a statué comme suit :

- dit la société Banque de Luxembourg recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence, l'en a débouté et s'est déclaré compétent ;

- dit que le greffe procéderait à la notification de la décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties ;

- dit qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, la voie de l'appel était ouverte contre la décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification ;

- enjoint la société Banque de Luxembourg de conclure sur le fond, et renvoie la cause à l'audience du 1er juillet 2020 (6e chambre, 12 heures).

Par déclaration du 09 juillet 2020, la société Banque de Luxembourg a interjeté appel statuant sur la compétence.

Par ordonnance du 10 juillet 2020, la société Banque de Luxembourg a été autorisée à assigner la société Epoka à jour fixe pour l'audience du 28 septembre 2020.

Par conclusions signifiées le 17 septembre 2020, la société Banque de Luxembourg demande à la cour de :

Vu les articles 4 et 7 du Règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012.

- juger la société Banque de Luxembourg recevable et bien fondée en son appel et en son exception d'incompétence ;

- infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 23 avril 2020 en ce qu'il a :

« Dit la société Banque de Luxembourg recevable mais mal fondée en son exception d'incompétence, l'en déboute et se déclare compétent,

Dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,

Dit qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, la voie de l'appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,

Enjoint la société Banque de Luxembourg de conclure sur le fond, et renvoie la cause à l'audience du 1er juillet 2020 (6e Ch. 12h) ».

- juger la société Banque de Luxembourg recevable et bien fondée en son exception d'incompétence.

- juger le tribunal de commerce de Paris incompétent pour statuer sur les demandes formées par la société Epoka contre la Banque de Luxembourg,

- juger que les demandes formées par la société Epoka contre la Banque de Luxembourg par assignation du 11 janvier 2019 sont de la compétence exclusive du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, sis Cité Judiciaire, 2080 Luxembourg.

- condamner la société Epoka à payer à la Banque de Luxembourg la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions signifiées le 18 septembre 2020, la société Epoka demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil, vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Banque de Luxembourg à payer à la société Epoka (laquelle vient aux droits de la société Meanings à la suite d'une fusion-absorption) la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque de Luxembourg aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la compétence territoriale

La société Banque de Luxembourg fait valoir, sur le fondement de l'article 4.1 du règlement européen 1215/2012 du 12 décembre 2012, que le principe de compétence territoriale est celui du domicile du défendeur à savoir le Luxembourg ; que sur le fondement de l'article 7 du règlement européen 1215/2012 du 12 décembre 2012, les juridictions compétentes sont celles du Luxembourg au motif qu'en matière contractuelle sont territorialement compétentes les juridictions du lieu d'exécution de l'obligation servant de base à la demande à savoir, qu'en matière de fourniture de service, celles de l'État membre où en vertu du contrat les services ont été ou auraient dû être fournis c'est-à-dire, pour les prestations intellectuelles, le lieu auquel le résultat procuré par ces services est remis à celui qui est leur destinataire et qui les a commandés (Civ 1, Cass 14 novembre 2007 n° 06-21.372 et 27 mars 2007 n° 06-14.402). Dès lors, la juridiction compétente est située au Luxembourg car c'est à son siège social qu'elle a reçu le résultat des services.

La société Epoka fait valoir, sur le fondement de l'article 5 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, qu'en matière contractuelle et s'agissant des contrats de fourniture de service il est possible de déroger au principe de compétence territoriale du domicile du défendeur pour le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; qu'à l'appui de jurisprudences qui ne sont pas transposables au cas d'espèce la société Banque de Luxembourg confond le lieu de la fourniture du service, critère retenu pour les prestations de service, et le lieu de livraison qui est le critère retenu pour la vente de marchandises. Dès lors le lieu où le service est fourni est situé, pour la société Ekola, en France d'où les prestations intellectuelles ont été réalisées et non pas à Luxembourg où la société Epoka a été amenée à présenter son travail et où elle a envoyé des supports annexes à ses prestations intellectuelles (représentant 15 % du volume d'affaire annuel).

Ceci étant exposé,

A titre liminaire, le litige opposant les parties est fondé sur la rupture brutale et lorsque la décision de rupture et le préjudice en résultant se produisent dans deux pays différents, il est jugé que la rupture est soumise à la loi du lieu du fait générateur.

La CJUE considère que l'action en réparation fondée sur une rupture brutale des relations commerciales est une action de nature contractuelle.

Le principe de compétence territoriale posé par le Règlement Européen du 12 décembre 2012 est celui du domicile du défendeur (article 4.1.)

L'article 5 du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 prévoit toutefois la possibilité de saisir un autre juge. Ainsi, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, il est possible de saisir le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. En matière contractuelle, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu où l'obligation a été exécutée.

L'article 7 du Règlement Bruxelles I Bis dispose que : Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

- pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis.

En l'espèce, la société Epoka est une société française immatriculée à Paris qui n'a pas d'établissement secondaire à Luxembourg. La Banque de Luxembourg est immatriculée et établie à Luxembourg et n'a aucun établissement en France.

Les prestations fournies par la société Epoka sont des prestations de conseil en communication et publicité. Ce sont donc des prestations intellectuelles qui ont été élaborées et conçues en France.

Les prestations réalisées par la société Epoka, lors de déplacement dans les locaux de la Banque de Luxembourg ont été également créées en France et ne représentent qu'une partie mineure de ses prestations, de l'ordre de 15 % du volume d'affaires annuel, de sorte que le lieu d'exécution des prestations se situe en France.

Il s'en déduit que la juridiction compétente peut donc être celle dans le ressort duquel les services ont été exécutés. Par conséquent, la cour confirme la décision du tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du présent litige.

La société Banque de Luxembourg partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu de supporter la charge des dépens

Il paraît équitable d'allouer à la société Epoka, la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société Banque de Luxembourg à payer à la société la société Epoka la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Banque de Luxembourg aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.