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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 novembre 2020, n° 17/03726

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cafpi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Olivier , Me Bouhenic

T. com. Paris, du 2 févr. 2017

2 février 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Cafpi exerce l'activité de courtage en crédit immobilier, en opérations bancaires et en produits d'assurance. Elle a été immatriculée au RCS d'Evry en date du 2 février 2009 et bénéficié, le 5 juin 2009, de l'apport de l'entreprise individuelle de courtage en prêts immobiliers développée par M. X.

Le 2 avril 2004, M. Y a signé un contrat d'agent commercial afin de représenter M. X dans le cadre de son activité de courtier en crédits immobiliers, sur le secteur de Paris 12e .

Par courrier en date du 25 septembre 2012, la société Cafpi a été informée par le Crédit Agricole d'Ile de France que 9 demandes de prêts qui lui avaient été présentées par l'agence de Paris 12e comportaient des documents falsifiés.

La société Cafpi a demandé dans son courrier du 25 septembre 2012 à M. Y d'apporter la preuve de ses diligences dans les 9 dossiers. En réponse, M. Y a démenti ces allégations, par courrier en date du 26 octobre 2012.

Les deux parties ont échangé plusieurs courriers sur ce même sujet jusqu'en janvier 2013.

Par courriers des 11 et 12 mars 2013, la société Cafpi a indiqué à M. Y que ce dernier aurait violé la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat d'agent commercial, en présentant un dossier de demande de prêt sous l'enseigne de WAA et Associés, et non pas sous l'enseigne Cafpi. Elle a alors suspendu immédiatement son contrat d'agent commercial.

Par courrier de son conseil en date du 14 mars 2013, M. Y a contesté formellement les faits qui lui étaient reprochés et pris acte de la rupture de son contrat d'agent commercial à l'initiative de la société Cafpi.

Par courrier en date du 18 mars 2013, la société Cafpi a répondu que la rupture était à la seule initiative de M. Y, précisant que son souhait était que ce dernier continue à exercer au sein de la société Cafpi.

N'ayant jamais été réintégré au sein de la société Cafpi, M.Y a fait assigner, par acte d'huissier de justice en date du 5 décembre 2013, la société Cafpi devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité pour rupture brutale et abusive du contrat d'agent commercial.

Par jugement rendu le 2 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Cafpi à payer à Monsieur Y la somme de 256 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice liée à la rupture du contrat par le mandant ;

- débouté Monsieur Y de sa demande de la somme de 32 000 euros au titre du préavis ;

- débouté la société Cafpi de sa demande à l'encontre de Monsieur Y de payer la somme de 92 384,70 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence ;

- débouté Monsieur Y de sa demande de 70 000 de dommages et intérêts complémentaires ;

- condamné la société Cafpi à payer à Monsieur Y la somme de 10 693 euros au titre des commissions dues ;

- débouté Monsieur Y de sa demande de condamner la société Cafpi à la somme de 3 944,79 euros au titre des contrats Vitae ;

- condamné la société Cafpi à payer la somme de 2 000 euros à Monsieur Y au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'en déboutant pour le surplus ;

- ordonné l'exécution provisoire sans caution ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société Cafpi aux dépens de la présente procédure, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Par déclaration du 17 février 2017, la société Cafpi a interjeté un appel total de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 novembre 2019, la société Cafpi, demande à la cour de :

Vu les dispositions du contrat d'agent commercial de Monsieur Y ;

Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce ;

Vu les pièces versées aux débats ;

- constater que :

- Les manquements reprochés par la Société Cafpi, à Monsieur Y, par rapport à ses obligations de loyauté et de non-concurrence envers son mandant, sont réels et sérieux et justifiaient la suspension de son contrat d'agent, en attendant ses explications,

- Monsieur Y n'a voulu fournir aucune explication, et est donc responsable de la rupture du contrat dont il a pris seul l'initiative,

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 2 février 2017, en ce que le tribunal de commerce de Paris a (i) accueilli la demande de Monsieur tendant à voir juger la rupture de son contrat d'agent imputable à la Société Cafpi, (ii) l'a condamné à verser à Monsieur Y une indemnité compensatrice liée à la rupture dudit contrat (256 000 euros), une somme de 10 693 euros au titre commissions prétendument dues et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et (iii) a débouté la Société Cafpi de ses demandes reconventionnelles.

Statuer de nouveau,

- débouter Monsieur Y de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- prendre acte de la violation manifeste par Monsieur Y de ses engagements contractuels envers la société Cafpi, tant durant qu'après la période contractuelle, tels que stipulés à l'article 5.3 du contrat d'agent conclu le 2 avril 2004,

- condamner Monsieur Y à payer à la société Cafpi de la somme de 111 288,50 euros, au titre de la violation de la clause de non-concurrence stipulée à l'article 5.3 alinéa 3 du contrat conclu le 2 avril 2004,

- fixer la créance de Monsieur Y, au titre des commissions restant dues, à 4 361 euros,

- ordonner, le cas échéant, la compensation de la créance de la société Cafpi retenue à l'encontre de Monsieur Y, avec la créance de ce dernier à l'encontre de la société Cafpi, ,

- condamner Monsieur Y à payer à la société Cafpi la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur Y aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître  Z conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour accueillerait la demande d'indemnité compensatrice liée à la rupture du contrat, à l'encontre de la société Cafpi, en son principe :

- fixer le montant de l'indemnité de rupture à 6 361,52 euros correspondant à 5% de la moyenne annuelle des commissions versées à l'agent durant la période contractuelle, en application de l'article 8.3. du contrat d'agent,

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 novembre 2017, M. Y demande à la cour de :

Vu l'article 12 de la loi du 25 juin 1991,

Vu les articles 1134 et suivants du code civil,

Vu les articles 1147 et suivants du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- constater que Monsieur Y n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 février 2017 en ce qu'il a :

Condamné la société Cafpi à lui payer la somme de 256 000 euros au titre de l'indemnisation liée à la rupture unilatérale du contrat par le mandant ;

Condamné la société Cafpi à lui payer la somme de 10 693 euros au titre des commissions sur les dossiers en cours ;

Débouté la Cafpi de toutes ses demandes ;

- recevoir Monsieur Y en son appel incident ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 2 février 2017 et statuant à nouveau ;

- condamner la société Cafpi à payer à Monsieur Y la somme de 32 000 euros au titre des trois mois de préavis ;

- condamner la société Cafpi à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et d'image par lui subi ;

- condamner la société Cafpi à lui payer la somme de 3 944,79 euros au titre des commissions sur les contrats Vitae ;

- condamner la société Cafpi à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la faute grave privative du droit à l'indemnité compensatrice de rupture et l'imputabilité de la rupture L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).

L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayant droits bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Par ailleurs, l'article L. 134-16 prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité.

Il est de principe enfin que les parties peuvent licitement convenir à l'avance d'une indemnité de rupture, dès lors que celle-ci assure à tout le moins la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial.

L'article L. 134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Il est admis que la faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

En l'espèce, la société Cafpi allègue de fautes graves commises par M. Y en ce que ce dernier d'une part, aurait présenté au Crédit d'Ile de France plusieurs dossiers de demande de prêt comportant des pièces se révélant être des faux, et d'autre part, aurait violé la clause de non-concurrence prévue dans son contrat d'agent commercial.

Concernant le premier grief relatif aux dossiers de demande de prêt comportant des faux présentés par M. Y, la société Cafpi se fonde essentiellement sur un courrier du Crédit Agricole du 25 septembre 2012 (pièce 4 de Cafpi) faisant état de « 9 dossiers de demande de prêts avec des documents falsifiés ou avec un fort doute de falsification » (...) « certains documents font apparaître des « erreurs » manifestement grossières, et à ce titre détectables par un profane. Ces « erreurs » attestent d'un défaut de vérification et de contrôle de votre part, au regard notamment de la cohérence des éléments communiqués avec les pièces originales sur la base desquelles vous devez y procéder ».

A la suite de ce courrier du Crédit Agricole, la société Cafpi a multiplié les mises en demeure à l'encontre de M. Y de septembre 2012 à janvier 2013 à l'effet de lui demander des explications concernant les dossiers dont il est allégué par leur partenaire banquier qu'ils sont porteurs de fausses pièces. (pièce 5, 7, 9 et 11 de Cafpi)

M. Y a répondu à chaque fois qu'il avait respecté le process de vérification des pièces prévu par le réseau Cafpi (pièces 6, 8, 10 de Cafpi) et il produit des attestations de salariés qui ont travaillé dans la même agence que lui, en ce sens. (Pièces 28 à 35 de M. Y)

Il fait également valoir qu'un rapport d'audit sur l'agence du 12e dont il était le Senior, a été établi en juin 2011 et n'avait révélé aucun dysfonctionnement. (Pièce 56 de Cafpi)

M. Y rappelle, sans être contesté sur ce point, que tous les documents étaient en la possession de Cafpi et que les dossiers litigieux ont été validés par la banque et ont donné lieu à des ouvertures de prêts exécutés sans incident particulier.

Les reproches de négligences graves de la part de la société Cafpi à l'égard de M. Y ne sont donc pas étayés par d'autres éléments que les allégations de la banque Crédit Agricole dans son courrier de septembre 2012. La société Cafpi n'a pas apporté d'éléments justificatifs à l'appui de ces reproches sur la présence de faux dans les dossiers de demande de prêts auprès de son partenaire banquier alors que c'était à elle et non à M. Y de le faire. En outre, la société Cafpi n'en a pas tiré comme conséquence que cette faute rendait impossible le maintien du lien contractuel puisqu'elle n'a pas mis fin à l'exécution du contrat d'agent commercial un mois après sa mise en demeure concernant les griefs soulevés par le courrier du Crédit Agricole comme le lui permettait l'article 7 dudit contrat sur les conditions de résiliation anticipée. (Contrat en pièce 1 de Cafpi)

La société Cafpi invoque dans le cadre de la présente procédure des dossiers de prêts encore plus anciens déposés par M. Y auprès du Crédit Foncier courant 2010 (email du Crédit Foncier en pièce 28 de la société Cafpi), sans davantage de précisions. Or, ce n'est que par un courrier des 11 et 12 mars 2013 reprochant à M. Y des faits distincts, c'est-à-dire la violation de la clause de non-concurrence, que la société Cafpi a décidé de suspendre le contrat de son agent. (Pièces 12 et 13 de Cafpi)

Concernant le second grief de Cafpi à l'encontre de M. Y, il concerne la violation de l'obligation de non-concurrence prévue dans le contrat qui lie les parties à l'article 5-3 du contrat dont l'alinéa 1 régit l'obligation durant l'exécution du contrat comme suit : « l'Agent commercial s'interdit expressément pendant toute la durée du présent contrat à s'intéresser, sans l'accord exprès, préalable et écrit du Mandant à des activités concurrentes de celles développées par ce dernier et notamment d'accepter un mandat de représentation d'une entreprise concurrente du Mandant ».

La validité de cette clause n'est remise en cause que sur l'alinéa 2 c'est-à-dire les obligations de non-concurrence après la cessation du contrat.

En revanche, M. Y nie les faits qui lui sont reprochés à l'appui de ce grief, c'est-à-dire des « documents afférents à un dossier W, que vous auriez présenté non pas sous l'enseigne CAFPI, mais sous la société WAA & Associés. » qui est un courtier concurrent. Il lui est également reproché d'avoir découpé ses cartes de visite comportant le logo Cafpi pour les envoyer à des agences immobilières partenaires de Cafpi situées à Paris 12e ou 4e et d'avoir utilisé des imprimés de demandes de prêts éditées avec le logo Cafpi en effaçant les références à l'enseigne Cafpi.

Pour démontrer la réalité de ce grief, la société Cafpi produit les pièces suivantes : un courrier de HSBC du 6 février 2013 mentionnant un accord de prêt en faveur de M. et Mme W ne mentionnant aucunement le nom de M. Y (Pièce 23 de la société Cafpi), un courriel de Mme A, assistante régionale au sein de Cafpi, du 12 mars 2013 (pièce 35 de la société Cafpi : compte-rendu de son intervention en date du 11 mars 2013) et les attestations d'assistantes travaillant dans la même agence que M. Y  (attestations de Mmes B et C en pièces 21 et 22 de Cafpi).

Tout d'abord, le courriel de Mme A ne relate que des témoignages indirects et émane d'une salariée de la société Cafpi ayant un lien de subordination avec l'appelante, il s'agit donc d'une pièce dotée d'une force probante très faible. Quant à Mme B également salariée de Cafpi, elle est témoin direct mais atteste seulement avoir vu « le document HSBC du dossier W sur lequel il manquait le nom du conseiller sous l'en-tête WWA » et qu'il lui « semble reconnaître l'écriture de Y » sur ce document. Quant à Mme C, également salariée de Cafpi, elle dit avoir « saisi sur Precisio le dossier W » et avoir « coupé une partie des cartes de visite de M. Y pour un envoi Mailing auprès de toutes les agences immobilières du 12e et 4e suite à sa demande ».

Ces éléments sont insuffisants pour prouver que M. Y a effectivement violé l'obligation de non-concurrence à laquelle il était tenu par le contrat le liant à la société Cafpi pendant l'exécution de son contrat.

Il en résulte que la société Cafpi échoue à démontrer l'existence d'une faute grave commise par la société Cafpi pour justifier une résiliation immédiate de son contrat et alors que le contrat de M. Y a été suspendu par la société Cafpi sans que cette dernière ne donne aucun terme à cette suspension, M. Y n'a fait que prendre acte d'une rupture qui est imputable à la société Cafpi.

A défaut de prouver l'existence d'une faute grave telle que prévue à l'alinéa 1 de l'article L. 134-13 du code de commerce, l'indemnité compensatrice de la rupture du fait du mandant est due à l'agent commercial ainsi que les commissions éventuellement restant dues.

Sur le quantum de l'indemnité de rupture

La société Cafpi soutient que la rupture ne lui étant pas imputable aucune indemnité de rupture n'est due, et subsidiairement demande que soit fait application de l'article 8-3 du contrat d'agent commercial et de fixer l'indemnité de rupture à 6.361,52 euros correspondant à 5 % de la moyenne annuelle des commissions versées à l'agent durant la période contractuelle.

M. Y sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce,

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

Or, en l'espèce, compte tenu de la durée de la mission d'agence commerciale de 2004 à 2013 soit 9 années et de l'implication de M. Y au sein de la société Cafpi qui est reconnue par cette dernière durant leur relation commerciale, il n'existe pas de raison de s'écarter de cet usage.

C'est pourquoi conformément aux dispositions de l'article L. 134-16 du code de commerce, sera réputée non écrite la clause contractuelle insérée dans l'article 8-3 du contrat limitant l'indemnité de rupture à 5 % de la moyenne annuelle des commissions versées pendant l'exécution du contrat en ce que cette clause déroge au détriment de l'agent commercial aux dispositions de l'article L. 134-12 du même code, l'indemnité de 5 % ne permettant pas la réparation intégrale du préjudice subi par M. Y.

Le préjudice a donc été justement évalué par le tribunal de commerce aux deux dernières années de commissions, cette indemnisation compensant la perte de clientèle pour M. Y.

Sur la base des liasses fiscales faisant apparaître pour les années 2010 à 2012 les sommes perçues de la société Cafpi par M. Y, et alors que ces chiffres ne sont pas contestés de façon pertinente par les appelantes (pièces 46 à 48 de M.Y), il convient de fixer l'indemnité due de la manière suivante en prenant en compte la moyenne des commissions perçues sur les trois dernières années précédant la cessation du contrat (2010 à 2012):

2010: 142 084 euros; 2011: 146 957 euros; 2012: 95 504 euros, soit une moyenne de 128 000 euros.

Ainsi, l'indemnité de rupture due à M. Y sera évaluée à hauteur de 256 000 euros (128 000 euros sur deux années).

La décision du tribunal de commerce sera donc confirmée sur le quantum de l'indemnité compensatrice de rupture due par la société Cafpi à M. Y.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. Y sollicite en outre le paiement d'une indemnité de préavis de trois mois, demande qui n'a pas été accueillie par le tribunal.

La société Cafpi réplique que M. Y doit être débouté de toute indemnité liée à la cessation du contrat du fait de la faute grave qu'il a commise.

Sur ce ;

Aux termes de l'article L. 134-11 du code de commerce, « Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure. »

En l'espèce, il s'agit d'un contrat d'agence commerciale ayant duré plus de trois années. La rupture étant imputable à la société Cafpi et en l'absence de faute grave de l'agent, M. Y a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois. En effet, il ressort des circonstances de la rupture que le mandant qui a procédé à une suspension immédiate du contrat de M. Y n'a pas permis à ce dernier d'exécuter un quelconque préavis.

Il sera donc fait droit à une indemnité compensatrice de préavis sur la base annuelle des recettes de 2012 de M. Y : 95 000 euros/12 x 3 soit 23 750 euros.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a débouté M. Y de ce chef de demande.

Sur les commissions restantes dues

La société Cafpi critique le jugement qui l'a condamnée à payer la somme de 11.619 euros pour les commissions au titre des contrats en cours et demande que le quantum soit limité à la somme de 4 361 euros, se décomposant comme suit : 1 312 euros au titre du dossier Becker, 1 252 euros au titre du dossier Larnicol, 1 118 euros au titre du dossier HOZE, et 679 euros au titre du dossier LeBreton.

Elle soutient que pour les autres dossiers cités par M. Y, ils ont été soit annulés, soit traités par un autre conseiller commercial, soit ont généré une commission qui a déjà été perçue par M. Y.

M. Y demande la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce ;

L'article L. 134-6 du code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

L'article L. 134-7 du code de commerce qui consacre le droit de suite ou le principe des commissions récurrentes dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

L'article R. 134-3 du même code précise que le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises ; que ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé ; et que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement M. Y verse aux débats des tableaux établis par lui-même qui ne sont étayés par aucun justificatif (pièce 18 de M.Y) et qui sont partiellement démentis par les pièces produites par la société Cafpi extraites de son outil de gestion interne, le logiciel Precisio (pièces 48 et 49 de Cafpi). Aussi il ne sera fait droit qu'au paiement des seules les commissions non contestées par la société Cafpi à hauteur de 4 361 euros.

Le jugement de première instance sera infirmé quant au quantum des commissions restant dues à M. Y après la cessation du contrat.

Sur les dommages et intérêts complémentaires : le préjudice moral et d'image

M. Y a formé un appel incident sur le rejet de sa demande au titre de dommages et intérêts complémentaires en faisant valoir que l'attitude harcelante de la société Cafpi durant l'année qui a précédé la rupture de son contrat l'a mis en difficulté et a une conséquence directe sur son chiffre d'affaires qui a chuté.

S'il est vrai que le chiffre d'affaires de 2012 de M. Y a fortement diminué en 2012 en comparaison des années précédentes, il n'est pas suffisamment prouvé par ce dernier que les différentes mises en demeure de la Cafpi qui lui ont été adressées à compter de septembre 2012 ont eu une incidence directe sur son activité et sont la cause de cette diminution. Il n'est pas non plus démontré que les demandes d'explications de la société Cafpi à la suite du courrier de leur partenaire du Crédit Agricole peuvent être qualifiées de comportement fautif pouvant engager sa responsabilité à l'encontre de M. Y en ayant constitué une atteinte à la réputation de ce dernier dans le milieu du courtage en région parisienne. La cour relève que M. Y a d'ailleurs pu remonter dès avril 2013 un cabinet de courtage au nom de XX à Paris 18e (Pièces 16 et 17 de Cafpi et conclusions de M. Y en page 17)

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. Y de ce chef de demande.

Sur les demandes au titre des contrats Vitae

Les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande en paiement de M. Y de ce chef au motif que ces commissions étaient directement réglées par la société Vitae qui n'est pas dans la cause.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Cafpi au titre de la violation de la clause de non-concurrence

La société Cafpi critique le jugement de première instance qui a rejeté sa demande en indemnisation pour violation par M. Y de la clause de non-concurrence prévue dans le contrat d'agent commercial après cessation du contrat.

La validité de cette clause contractuelle est remise en cause par M.Y qui sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce ;

L'article 5-3 al 2 du contrat prévoit que « l'agent commercial s'interdit également pendant une durée de deux ans après la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, dans un rayon de 100 kilomètres autour du secteur mentionné à l'article 3, de s'intéresser directement ou indirectement à des activités concurrentes de celles exploitées par le Mandant, et notamment d'accepter la représentation des produits et services d'une entreprise concurrente du Mandant, sur le territoire, pour les produits et services ainsi que la clientèle objet du présent contrat. »

Comme cela été relevé à bon escient dans le jugement de première instance, l'article 3 du contrat ne précise pas le secteur de M. Y mais il est constant qu'il s'agit de Paris 12e.

Or, le caractère indispensable à la protection des intérêts de Cafpi de cette clause de non-concurrence n'est pas démontré. Le périmètre de 100 kms autour de Paris 12e apparaît excessif alors que Cafpi détient un réseau dense d'une dizaine d'agences à Paris intramuros et que cette clause empêche l'agent de travailler pendant deux années sur l'entière région Ile de France, ce qui constitue une entrave à la liberté de travail et à la liberté de commerce disproportionnée car non justifiée par un intérêt légitime et nécessaire de Cafpi.

La clause prévue par l'alinéa 2 de l'article 5-3 du contrat d'agent commercial signé entre les parties sera donc réputée non écrite et la société Cafpi sera déboutée de ce chef de demande reconventionnelle.

Sur les frais et dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé dans sa décision sur les frais et dépens de première instance.

La société Cafpi, succombant au principal dans son appel, supportera les entiers dépens et participera en outre à hauteur de la somme de 4.000 euros aux frais irrépétibles que M. Y a dû engager dans le cadre de cet appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, excepté sur le rejet de la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et sur le quantum des commissions restant dues à M. Y,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

CONDAMNE la société Cafpi à payer à M. Y les sommes de :

- 23 750 euros au titre de l'indemnisation compensatrice de préavis,

- 4 361 euros au titre des commissions restant dues,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Cafpi à payer à M. Y la somme de 4 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Cafpi aux entiers dépens de l'appel.