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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 5 novembre 2020, n° 18/01644

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

PJA Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Dauphin , Me Carnoye

T. com. Romans-sur-Isère, du 22 mars 201…

22 mars 2018

EXPOSE DU LITIGE :

M. X et la Société PJA Diffusion ont entretenu, à compter de l'année 2001, des relations d'agence commerciale, aux termes desquelles M. X assurait la représentation des vins de la Société PJA Diffusion.

Suivant statuts en date du 23 mars 2011, la société X a été constituée et immatriculée au RCS de Romans sur Isère sous le numéro 534.186.927.

M. X a fait apport du droit de présentation de la clientèle d'agent commercial à l'EURL; Dans ces conditions, l'EURL X a poursuivi le mandat de représentation dans le cadre d'un contrat d'agent commercial, et ce suivant avenant en date du 20 avril2011.

M. X est décédé le 1er novembre 2014.

Cet évènement n'a pas eu pour conséquence d'éteindre la personnalité morale de la Société EURL X.

Par requête du 8 décembre 2014, ses héritiers ont présenté une demande de nomination d'administrateur provisoire et par ordonnance du 15 décembre 2014, la Selarl AJ Partenaires représentée par Maître Y, a été désignée en ce sens. La mission de l'administrateur provisoire a été ultérieurement prorogée.

Il ressort des courriers adressés par le Conseil de l'EURL X en date des 23 juin et 31 mars 2015 à la Société PJA Diffusion qu'il était mis fin au contrat d'agence commerciale par l'EURL X et que l'EURL et les héritiers de M. X entendaient faire valoir des droits au titre de l'indemnité compensatrice de cessation du contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de Commerce.

Par courrier du 13 avril 2015, la Société PJA Diffusion contestait devoir quelques sommes que ce soit étant donné que la résiliation du contrat d'agent commercial a été à l'initiative de l'agent commercial lui-même, excluant de ce fait son droit à indemnité, et que les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de Commerce ne sont pas applicables lorsque l'agent commercial est une personne morale.

L'EURL X représentée par son administrateur provisoire, a alors saisi le Tribunal de commerce de Romans sur Isère en sollicitant l'application de l'article L. 134-12 du Code de commerce et l'octroi de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial par suite de la cessation d'activité de la société, consécutive selon elle au décès de Monsieur X.

Le Tribunal a rejeté cette demande par jugement du 22 mars 2018, dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de Maître Y MJ Partenaires, en relevant :

- que jusqu'au 31 mars 2011, X, en tant que personne physique, était protégé par les dispositions du Code de commerce,

- que depuis le 20 avril 2011, l'activité d'agent commercial a été apportée à l'EURL X, ladite personne morale exerçait alors l'activité d'agent commercial,

- que l'article 11 des Statuts de l'EURL prévoit que « La Société n'est pas dissoute par le décès de l'associé unique » et que de ce fait le décès de X n'avait pas affecté la poursuite de son activité sous forme de Société,

- que la Société X avait juridiquement la possibilité de céder le contrat la liant à la Société PJA Diffusion, qu'elle avait également la possibilité d'y mettre fin, ce qu'elle avait d'ailleurs fait,

- que dans ces circonstances, les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce n'ont pas vocation à s'appliquer.

L'EURL X a interjeté appel selon déclaration d'appel du 10 avril 2020.

La clôture a été prononcée le 3 septembre 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 19 juin 2018, la société X représentée par maître B... demande à la cour de :

- vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, et l'article L. 143-1 du code de commerce,

- dire que l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial est due à la concluante par suite de la cession d'activité de la société consécutive au décès de M. X, unique gérant et associé de l'EURL,

- condamner la société PJA Diffusion à lui payer la somme de 41.007,58 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015 jusqu'à complet paiement,

- réformer le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et dire qu'il est dû sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4.000 euros pour la procédure de première instance,

- en cause d'appel, condamner la société PJA Diffusion à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance d'appel.

Elle fait valoir que :

- suivant la doctrine, le principe de l'indemnité est acquis du seul fait de la cessation du contrat, qu'il soit à durée indéterminée ou déterminée, même s'il prend fin par le décès de l'agent, ou son état de santé lorsque l'âge, l'infirmité ou la maladie fait que la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée (L. 134-13 al 4),

- la loi ne distingue pas entre l'exercice à titre individuel et sous forme sociétaire,

- la règle est d'ordre public, seule une disposition expresse permettrait de l'écarter,

- à la date de mise en demeure, et jusqu'à ce jour, aucune décision de la Cour de cassation n'est venue conforter la thèse adverse, en outre, l'EURL n'a qu'un associé,

- cette position a été adoptée par la cour d'Aix-en-Provence en 2017 dans des conditions identiques, le décès de M. X unique associé et gérant entraîne de fait l'impossibilité de poursuivre l'activité.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2019, la société PJA Diffusion demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2018 par le Tribunal de commerce de Romans sur Isère,

- en conséquence,

- débouter l'EURL X de l'ensemble de prétentions,

- condamner l'EURL X à lui verser la somme de 5.000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'EURL X aux entiers dépens de l'instance, avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les articles L. 134-12 alinéa 3 et L. 314-13 2° du Code de commerce ne s'appliquent pas à l'agent commercial personne morale, jusqu'au 23 mars 2011, X, personne physique, exerçait comme agent commercial auprès de la Société PJA Diffusion mais à compter de cette date, l'activité d'agent commercial a fait l'objet d'un apport à la Société EURL X,

- la doctrine et la jurisprudence ont cette analyse,

- la rupture du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de la société X, ce qui exclut toute indemnisation à son profit,

- l'exploitation de l'activité d'une entreprise unipersonnelle peut être poursuivie malgré le décès de son associé gérant unique et le décès de cet associé gérant unique n'a pas eu pour conséquence la rupture du contrat d'agent commercial.

Il convient pour un plus ample exposé des prétentions et arguments des parties de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En droit, aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial « peut être une personne physique ou une personne morale ».

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose que :

« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent. »

L'article L. 134-13 précise :

« La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence. »

Les deux derniers articles susvisés ne précisent pas s'appliquer aux seuls agents commerciaux personnes physiques et la Loi n'a donc pas entendu distinguer entre les deux catégories. En conséquence, les dispositions susvisées ont vocation à s'appliquer également aux personnes morales sauf à n'appliquer qu'aux seules personnes physiques celles ne concernant manifestement qu'elles comme l'infirmité ou la maladie et qui tendent à plus de protection de l'agent.

En l'espèce, l'activité d'agent commercial de M. X a fait l'objet d'un apport à l'EURL X nouvellement créée, de sorte que la personne morale exerçait dès lors l'activité d'agent commercial.

Il ressort de l'article L. 223-41 du Code de commerce qu'une SARL n'est pas dissoute par le décès d'un associé, sauf stipulation contraire des statuts. S'agissant d'une EURL, l'exploitation de son activité peut donc être poursuivie malgré le décès du gérant associé unique.

Les statuts de l'EURL X prévoient expressément que la société n'est pas dissoute par le décès de son associé unique. L'article 10 stipule « qu'en cas de décès de l'associé unique, la société continue de plein droit entre ses ayant droits et héritiers et le cas échéant son conjoint survivant ». L'article 11 précise que « la société n'est pas non plus dissoute par le décès de l'associé unique ou de l'un des associés ». L'EURL X n'a donc pas été dissoute par le décès de M. X.

C'est ensuite l'EURL X qui a pris l'initiative de la résolution du contrat d'agent commercial à effet du 31 janvier 2015, ce qui résulte en substance des courriers des 23 janvier et 31 mars 2015.

En application de l'article L. 134-13 2°, l'indemnisation est exclue dès lors que la rupture est à l'initiative de l'agent, ce qui exclut tout droit à indemnité au profit de l'EURL.

Le jugement est en conséquence confirmé par substitution de motifs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'appelante qui succombe sur ses prétentions est condamnée aux dépens d'appel et à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement querellé.

Condamne l'EURL X à payer à la Sarl PJA Diffusion les dépens d'appel et la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.