ADLC, 12 novembre 2020, n° 20-D-17
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Aurélie Jean, rapporteure, et l’intervention de Mme Gwenaëlle Nouët, rapporteure générale adjointe, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Laurence Borrel-Prat, Mme Catherine Prieto et M. Savinien Grignon-Dumoulin, membres.
L’Autorité de la concurrence (section V),
Vu la lettre, enregistrée le 6 août 2014 sous le numéro 14/0068 F, par laquelle la société Santéclair a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire ;
Vu la décision n° 17-SO-02 du 15 février 2017, enregistrée sous le numéro 17/0121 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et notamment, le premier paragraphe de l’article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu la décision du 28 février 2017 par laquelle le rapporteur général adjoint a procédé à la jonction de l’instrcution des affaires enregistrées sous les numéros 14/0068 F et 17/0121 F ;
Vu les décisions de secret d’affaires n° 17-DSA-270 du 04 juillet 2017, n° 17-DSA-271 du 04 juillet 2017, n° 17-DSA-272 du 04 juillet 2017, n° 17-DSA-273 du 04 juillet 2017, n° 17-DSA-274 du 04 juillet 2017, n° 17-DSA-239 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-384 du 19 septembre 2017, n° 17-DSA-385 du 19 septembre 2017, n° 17-DSA-386 du 19 septembre 2017, n° 18-DSA-059 du 27 février 2018 ; n° 18-DEC-447 du 10 décembre 2018, n° 18-DEC-448 du 11 décembre 2018, n° 18-DEC-449 du 11 décembre 2018, n° 18-DEC-450 du 11 décembre 2018, n° 18-DECR-456 du 13 décembre 2018 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les observations présentées par la société Santéclair, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la Fédération des syndicats dentaires libéraux, les Chirurgiens-dentistes de France et le commissaire du Gouvernement ;
La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Santéclair, du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, des conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère, des Bouches du Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, de la Fédération des syndicats dentaires libéraux et des Chirurgiens-dentistes de France, entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 5 février 2020, le ministère des solidarités et de la santé (DGOS) ayant été régulièrement convoqué ;
Adopte la décision suivante :
Résumé
L’Autorité de la concurrence sanctionne le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CNOCD »), les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CDOCD ») de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la Fédération des syndicats dentaires libéraux (ci-après : « FSDL ») pour avoir, selon des modalités qui leur sont propres, participé à une infraction unique, complexe et continue visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires entre le 7 février 2013 et le 18 décembre 2018.
Elle sanctionne aussi la Confédération nationale des syndicats dentaires (ci-après : « CNSD »), devenue les Chirurgiens-dentistes de France (ci-après : « CDF »), pour avoir entravé l’activité de ces réseaux par des pratiques autonomes, de novembre 2014 au 18 décembre 2018.
L’infraction unique, complexe et continue du CNOCD, des CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et de la FSDL
Cette infraction a d’abord consisté en la mise en place, par le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL, d’une campagne destinée à encourager les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre leurs confrères adhérents à Santéclair devant les conseils départementaux. Après réception des plaintes, les présidents de ces conseils devaient convoquer les mis en cause à une procédure de conciliation et les inciter à résilier leur partenariat avec Santéclair.
Ces trois organismes ont aussi mis en œuvre des actions complémentaires individuelles visant à soutenir cette campagne et, plus généralement, à entraver l’activité de tous les réseaux de soins. Le CNOCD a notamment adressé aux CDOCD une circulaire leur laissant entendre que ces réseaux méconnaissaient le code de déontologie. Le CDOCD de l’Isère et la FSDL ont, quant à eux, encouragé les praticiens à se détourner des réseaux de soins par diverses communications professionnelles. Les actions de la FSDL ont, plus particulièrement, visé les réseaux Santéclair, Kalivia et Itélis mais également celui des assurances du Crédit Mutuel, alors en cours de création, ainsi que l’un de ses partenaires, la société GACD.
Enfin, les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont déconseillé à leurs ressortissants d’entrer ou de demeurer en relations contractuelles avec des réseaux, en faisant valoir qu’à défaut ils couraient le risque de méconnaître le code de déontologie. Certaines communications sont même allées jusqu’à préciser que de tels manquements étaient passibles de sanctions disciplinaires.
Toutes ces pratiques, visant un même objectif, ciblant une même catégorie de services et présentant un fort lien de complémentarité se sont inscrites dans un plan d’ensemble. Elles composent une infraction unique, complexe et continue.
Pour autant, si la FSDL, le CNOCD et le CDOCD de l’Isère avaient connaissance ou ne pouvaient ignorer l’ensemble des pratiques mises en œuvre dans le cadre de cette infraction unique, tel n’était pas le cas des autres CDOCD, qui n’ont donc été sanctionnés qu’au titre des pratiques qu’ils ont directement mises en œuvre.
Les pratiques de la CNSD
La CNSD a, par diverses actions de communication, appelé les praticiens à refuser ou à cesser toutes relations contractuelles avec des réseaux de soins. Elle a par ailleurs cherché
à dissuader les patients de s’orienter vers les praticiens recommandés par ces réseaux. Enfin, la CNSD a fait pression sur le groupe des assurances du Crédit Mutuel et sur ses partenaires potentiels pour lutter contre l’émergence d’un nouveau réseau de soins.
La compétence de l’Autorité pour connaître de ces pratiques
Les pratiques ordinales ne se sont pas inscrites dans leurs missions de service public et n’ont pas manifesté l’expression de prérogatives de puissance publique, à l’exception, principalement, de la procédure de conciliation. Cependant l’utilisation de cette procédure à des fins ouvertement anticoncurrentielles témoigne d’une mise en œuvre manifestement inappropriée de telles prérogatives.
Les pratiques syndicales constituent, quant à elles, des interventions sur le marché. Le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques
Les pratiques s’analysent comme des actions de boycott dirigées contre les réseaux de soins et destinées à entraver leur fonctionnement. Elles constituent, par leur objet même, des infractions au droit de la concurrence.
Bien qu’elle n’y soit pas tenue, l’Autorité de la concurrence a relevé que ces pratiques avaient eu des effets anticoncurrentiels puisqu’elles ont notamment conduit plusieurs chirurgiens-dentistes à résilier leur contrat d’adhésion aux réseaux Santéclair et Itélis.
La sanction de ces pratiques
Les pratiques de boycott issues de l’infraction unique, complexe et continue du CNOCD, des CDOCD et de la FSDL revêtent, comme celles issues de l’infraction autonome de la CNSD, une gravité particulière, d’autant plus qu’elles concernent le secteur de la santé.
Ces deux infractions ont causé un dommage certain mais limité à l’économie, notamment car le nombre de résiliations des praticiens affiliés à ces réseaux est demeuré peu élevé.
Prenant en compte le rôle particulier et déterminant de la FSDL, du CNOCD et du CDOCD de l’Isère dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue, la réitération des pratiques par le CNOCD et le CDOCD du Bas-Rhin et, enfin, le caractère plus limité de la participation des CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, l’Autorité de la concurrence a décidé d’infliger les sanctions pécuniaires suivantes :
- 3 000 000 euros au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes ;
- 57 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère ;
- 23 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes des Bouches-du-Rhône ;
- 4 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Dordogne ;
- 22 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Bas-Rhin ;
- 11 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Haut-Rhin ;
- 216 000 euros à la FSDL ;
- 680 000 euros à la CNSD, devenue les CDF.
Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr.
I. Les constatations
1. Seront successivement présentés la procédure (A), les secteurs concernés (B), les acteurs des secteurs (C), les pratiques constatées (D) et les griefs notifiés (E).
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
2. La société Santéclair a, par une lettre enregistrée le 6 août 2014 sous le numéro 14/0068 F, saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après : « l’Autorité ») de certaines pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire.
3. Le 27 avril 2015, le juge des libertés et de la détention (ci-après : « JLD ») du tribunal de grande instance (ci-après : « TGI ») de Paris a autorisé les services d’instruction à mener des opérations de visite et saisie dans les locaux de plusieurs organisations professionnelles et entreprises présentes dans ce secteur, dont le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CNOCD »), les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CDOCD ») des Bouches-du-Rhône, du Haut-Rhin, de l’Isère et de Dordogne, la fédération des syndicats dentaires libéraux (ci-après : « FSDL ») et le cabinet du docteur Z..., président de la FSDL.
4. L’ensemble des recours formés par les organismes mis en cause contre l’autorisation et le déroulement des opérations de visite et saisie a été rejeté, à l’exception de celui formé par le CDOCD du Haut-Rhin. En effet, la Cour de cassation a, par un arrêt du 12 septembre 2018, cassé et annulé l’ordonnance du 28 septembre 2016 par laquelle le premier président de la cour d’appel de Paris avait jugé régulières les opérations de visite et de saisie menées dans les locaux de ce conseil départemental de l’ordre. Tous les documents saisis lui ont été restitués le 20 septembre 2018.
5. Le 15 février 2017, l’Autorité s’est, par une décision enregistrée sous le numéro 17/0121 F, saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire.
6. Le 28 février 2017, le rapporteur général adjoint a décidé de joindre l’instruction des affaires enregistrées sous les numéros 14/0068 F et 17/0121 F.
B. LES SECTEURS CONCERNES
1. LES SOINS DENTAIRES
a) Les chirurgiens-dentistes
7. La chirurgie dentaire est une profession médicale réglementée par le code de la santé publique (ci-après : « CSP »).
8. Au 1er janvier 2017, plus de 40 000 chirurgiens-dentistes étaient en activité en France. L’exercice libéral, qui concerne 89 % de ces praticiens, est prédominant. Les 11 % de praticiens salariés sont employés en majorité dans les centres de santé et à l’hôpital2.
b) Le cadre juridique de la profession de chirurgien-dentiste
9. L’exercice de la profession de chirurgien-dentiste est régi par les dispositions des titres I, II et IV du livre Ier de la quatrième partie du CSP.
L’exercice de la profession
10. L’entrée dans la profession est subordonnée à la détention d’un diplôme français d’État de docteur en chirurgie dentaire, de chirurgien-dentiste ou d’un diplôme équivalent pour les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (article L. 4141-3 du CSP). L’exercice de la profession est également subordonné à l’inscription au tableau de l’ordre des chirurgiens-dentistes (article L. 4111-1 du CSP).
11. Les chirurgiens-dentistes en exercice, ainsi que les personnes qui demandent leur inscription au tableau de l’ordre, doivent communiquer, au conseil départemental de l’ordre dont ils relèvent, les contrats et avenants ayant pour objet l’exercice de leur profession (article
L. 4113-9 du CSP). Le dernier alinéa de cet article précise que « Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 ». Par ailleurs, le premier alinéa de l’article
L. 4113-10 du même code précise que « le défaut de communication des contrats ou avenants ou, lorsqu’il est imputable au praticien, le défaut de rédaction d’un écrit constitue une faute disciplinaire susceptible d’entraîner une des sanctions prévues à l’article
L. 4124-6 ou de motiver un refus d’inscription au tableau de l’ordre ».
Les règles déontologiques
12. L’article L. 4127-1 du CSP précise qu’un « code de déontologie, propre à chacune des professions de médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme, préparé par le conseil national de l’ordre intéressé, est édicté sous la forme d’un décret en Conseil d’Etat ».
13. Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes figure dans la partie réglementaire du CSP (articles R. 4127-201 à R. 4127-284). Il s’impose à tout chirurgien-dentiste inscrit au tableau de l’ordre, quelle que soit la forme sous laquelle il exerce sa profession. Les infractions aux dispositions de ce code relèvent de la juridiction disciplinaire de l’ordre (article R. 4127-201).
14. Les dispositions du code de déontologie édictent un certain nombre de principes généraux applicables à la profession, dont certains seront évoqués dans la description des pratiques constatées : l’indépendance professionnelle du chirurgien-dentiste (article R. 4127-209 du CSP) ; le libre choix du chirurgien-dentiste par le patient (article R. 4127-210 du CSP) ; l’interdiction de pratiquer la profession dentaire comme un commerce et, notamment, l’interdiction de tous procédés directs ou indirects de publicité (article R. 4127-215 du CSP) ; la détermination du montant des honoraires avec tact et mesure et l’interdiction d’abaisser ses honoraires dans un but de détournement de la clientèle (article R. 4127-240 du CSP) ; et l’interdiction de détourner ou de tenter de détourner la clientèle (article R. 4127-262 du CSP).
La procédure disciplinaire
15. Ni le Conseil national, ni les conseils départementaux de l’ordre ne disposent de compétences disciplinaires. Ils peuvent toutefois saisir la chambre disciplinaire de première instance (article R. 4126-1 du CSP) qui siège auprès des conseils régionaux de l’ordre (article L. 4124-7 du CSP).
16. Une procédure de conciliation précède la procédure disciplinaire.
17. Ainsi, l’article L. 4123-2 du CSP dispose que : « Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d’au moins trois de ses membres. (…) / Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation ». Conformément à cet article, c’est seulement en cas d’échec de la conciliation que le président du conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance.
18. La décision rendue par la chambre disciplinaire de première instance peut faire l’objet d’un recours devant la chambre disciplinaire nationale, la décision prise par cette dernière étant elle-même susceptible d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (article L. 4122-3 du CSP).
c) Les soins depensés et leur tarification
19. Les chirurgiens-dentistes peuvent prescrire tous les actes, produits et prestations nécessaires à l’exercice de l’art dentaire, qui comporte la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants (articles L. 4141-1 et L. 4141-2 du CSP).
20. Les régimes qui encadrent les tarifs des différents actes médicaux sont présentés ci-dessous. Ils sont amenés à évoluer du fait de la nouvelle convention dentaire, approuvée par arrêté du 20 août 20183 et conclue pour une durée de 5 ans.
Les tarifs conventionnels
21. Les tarifs des consultations, des soins conservateurs (détartrage, traitement d’une carie ou dévitalisation notamment) et des soins chirurgicaux (extraction, traitement des lésions osseuses ou gingivales) sont fixés dans le cadre d’une convention nationale. Ils sont pris en charge à 70 % par l’assurance maladie obligatoire.
22. Ces tarifs, dits opposables, s’imposent aux praticiens conventionnés, lesquels représentent plus de 99 % des chirurgiens-dentistes4. Ceux-ci ne peuvent y déroger qu’en cas d’exigence exceptionnelle du patient, par exemple sur l’horaire ou le lieu de la consultation.
Les tarifs libres
23. Les tarifs des soins prothétiques et orthodontiques5, des soins d’implantologie6 et de parodontologie7 sont fixés librement par les chirurgiens-dentistes sous réserve, comme le prévoit le code de déontologie, de faire preuve de « tact et mesure » dans la fixation des honoraires et de remettre un devis écrit au patient (article R. 4127-240 du CSP).
24. Le deuxième alinéa de cet article précise que les éléments d’appréciation de ces tarifs « sont, indépendamment de l’importance et de la difficulté des soins, la situation matérielle du patient, la notoriété du praticien et les circonstances particulières ».
25. Une exception concerne les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (ci-après la « CMU C »). Pour ces derniers, les chirurgiens-dentistes conventionnés doivent respecter des tarifs plafonnés, fixés par arrêté pour les prothèses dentaires et les traitements d’orthodontie inclus dans le panier de soins CMU C.
26. Au sein des actes à tarifs libres, une distinction peut être introduite entre les actes remboursables et non remboursables.
Les actes remboursables
27. Les soins prothétiques et les soins d’orthodontie commencés avant le 16ème anniversaire du patient sont remboursés à 70 %, sur la base de tarifs dits de responsabilité qui sont souvent inférieurs à leur coût réel8. C’est ainsi que depuis 2009, les dépassements, c’est-à-dire la différence entre le prix facturé au patient et la base du remboursement, représentent plus de 50 % des honoraires des chirurgiens-dentistes9.
28. Selon la Cour des comptes10, les actes prothétiques, beaucoup plus rémunérateurs en raison des dépassements d’honoraires qui peuvent être pratiqués, représentent 62 % des honoraires des omnipraticiens mais 12 % seulement de leurs actes, tandis que les soins conservateurs et chirurgicaux représentent 25 % des honoraires et 53 % des actes.
Les actes non remboursables
29. Les soins d’implantologie, de parodontologie et les soins d’orthodontie commencés après le 16ème anniversaire du patient ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie.
30. Ces actes non remboursables ont été estimés, pour l’année 2017 à 1,4 milliard d’euros, soit 12,4 % des dépenses globales en soins dentaires11.
2. L’ASSURANCE COMPLEMENTAIRE SANTE
a) Le financement des dépenses de soins dentaires
31. En 2017, les dépenses de soins dentaires ont représenté 11,3 milliards d’euros, soit 5,7 % de la consommation de soins et de biens médicaux12.
32. Le financement de ces dépenses est principalement assuré par trois catégories d’intervenants : l’assurance maladie obligatoire, les organismes complémentaires d’assurance maladie (ci-après : « OCAM ») et les ménages, le solde relevant de financements publics (dépenses liées à la CMU C et à l’aide médicale de l’État notamment).
33. En 2017, l’assurance maladie obligatoire n’a pris en charge que 33,2 % des dépenses de soins dentaires, alors que sa part dans le financement de l’ensemble de la consommation de soins et biens médicaux s’élève à 77,8 %. Ce sont donc les OCAM qui assument le rôle de premier financeur de la dépense dentaire avec une part de 40,9 % en 2017. La partie des dépenses financée par les ménages, appelée le reste à charge, reste néanmoins conséquente (22,2 %)13. Elle constitue un motif essentiel de renoncement aux soins selon le rapport de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) de septembre 201714.
b) Les OCAM
34. En contrepartie des cotisations versées par les clients ayant souscrit une assurance santé, les OCAM prennent en charge tout ou partie des dépenses de santé laissées à la charge de l’assuré après intervention de l’assurance maladie.
35. Selon la dernière estimation disponible pour 2014, 93,7 % de la population est couverte par une assurance complémentaire santé15, par le biais d’un contrat d’assurance complémentaire santé collectif ou d’un contrat d’assurance complémentaire santé souscrit à titre individuel.
36. En 2016, les contrats collectifs ont représenté 46 % des cotisations collectées16. Leur part devrait s’accroître, avec la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise, rendue obligatoire à compter du 1er janvier 2016 par le législateur17.
37. Les OCAM peuvent être classés en trois catégories en fonction de leur régime juridique :
- les mutuelles, sociétés de personnes de droit privé à but non lucratif, immatriculées au registre national des mutuelles. Elles ne peuvent intervenir que dans le domaine de l’assurance de personnes, et relèvent du code de la mutualité ;
- les sociétés d’assurances, personnes morales de droit privé. Elles interviennent principalement dans le domaine de l’assurance de dommages, et sont régies par le code des assurances ;
- les institutions de prévoyance (ci-après : « IP »), sociétés de personnes de droit privé à but non lucratif. Elles interviennent essentiellement dans le domaine de la prévoyance collective, et ne peuvent exercer leur activité que dans le domaine de l’assurance de personnes. Ces institutions relèvent du code de la sécurité sociale ou du code rural.
38. En 2016, 492 organismes exerçaient une activité de complémentaire santé. Il s’agit donc d’un marché particulièrement atomisé, cette situation étant essentiellement due aux mutuelles, qui représentent 74 % du nombre total d’OCAM pour seulement 52 % des cotisations collectées18.
39. Toutefois, depuis 2001, le nombre de mutuelles a été divisé par quatre et le nombre d’institutions de prévoyance par deux, tandis que le nombre de sociétés d’assurances n’a que peu baissé. Par ailleurs, toutes catégories d’opérateurs confondues, les 20 plus grands organismes concentrent la moitié du marché en termes de cotisations collectées.
40. C’est dans ce contexte de concurrence accrue que les OCAM ont développé des réseaux de soins.
c) Les réseaux de soins
Généralités
41. La constitution des réseaux de soins repose sur des conventions conclues entre des OCAM et des professionnels de santé.
42. Cette collaboration a été amorcée il y a une trentaine d’années par la mise en place et la généralisation du tiers payant au sein des pharmacies. Elle s’est progressivement étendue à d’autres formes de partenariat, d’autres professions de santé et d’autres prestations que le seul tiers payant. Cette extension reflète la volonté des OCAM de maîtriser les coûts, en constante progression, des dépenses de santé dans les secteurs dont ils sont les principaux financeurs (l’optique, les prothèses dentaires ou les audioprothèses). Elle répond également à leur souhait de développer le conseil aux assurés, tant en matière tarifaire que dans le domaine de la prévention et de l’assistance médicale. Les réseaux de soins apparaissent donc comme des outils de la gestion du risque par les OCAM.
43. Par ailleurs, « les réseaux de soins sont une des manifestations - et un des leviers - de la concurrence de plus en plus vive qui anime le secteur de la complémentaire santé »19. L’existence et les caractéristiques des réseaux de soins proposés aux assurés constituent en effet un élément fondamental dans le positionnement concurrentiel des OCAM, notamment vis-à-vis des entreprises qui, lorsqu’elles choisissent une complémentaire santé pour leurs salariés, sont particulièrement attentives à l’existence de réseaux20.
Le cadre juridique
La loi Le Roux
44. Le cadre juridique dans lequel interviennent les réseaux de soins a été fixé en dernier lieu par la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014, dite loi Le Roux21, pour permettre aux mutuelles de pratiquer la différenciation du taux de remboursement selon que l’assuré recourt ou non à un réseau de soins. Des mutuelles avaient en effet été condamnées pour ces pratiques, qui étaient en revanche autorisées pour les sociétés d’assurances et les institutions de prévoyance22.
45. La loi Le Roux est codifiée à l’article L. 863-8 du code de la sécurité sociale. Le I de cet article précise ainsi que « Les mutuelles, unions ou fédérations relevant du code de la mutualité, les entreprises d’assurance régies par le code des assurances et les institutions de prévoyance régies par le présent code peuvent, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, conclure avec des professionnels de santé, des établissements de santé ou des services de santé des conventions comportant des engagements relatifs, pour l’organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties ou, pour le professionnel, l’établissement ou le service, aux services rendus ou aux prestations ainsi qu’aux tarifs ou aux prix ».
46. Cette loi permet ainsi aux mutuelles de différencier les taux de remboursement de leur assuré en fonction de l’adhésion, ou non, de son praticien à leur réseau de soins. Mais, elle encadre également l’activité de ces réseaux, précisant notamment que les conventions ne peuvent comporter des dispositions tarifaires pour les actes et prestations remboursables par l’assurance maladie, à l’exception des secteurs des prothèses auditives, de l’optique et du dentaire, pour lesquels tous les prix peuvent être encadrés. La loi Le Roux a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui, pour écarter toute violation au principe d’égalité, a notamment relevé qu’« aucune exigence constitutionnelle n'impose que les différentes catégories de professionnels du secteur de la santé soient soumises à des règles identiques pour l'adhésion aux conventions conclues avec les organismes de protection sociale complémentaire »23.
Les critiques formulées par les instances ordinales et syndicats de chirurgiens- dentistes à l’encontre de la loi Le Roux
47. L’adoption de la loi Le Roux a fait l’objet de longs débats parlementaires opposant partisans et adversaires des réseaux de soins, parmi lesquels les principaux syndicats dentaires et les instances ordinales des chirurgiens-dentistes.
48. Ainsi, dans un article24 intitulé « Menace sur la liberté de choix », publié en janvier 2013, le CNOCD considérait que : « La proposition de loi Le Roux visant à autoriser les mutuelles à créer des réseaux de soins impacte la liberté de choix du patient et amplifie la menace sur l’indépendance professionnelle du praticien (....).
Sur le fond, la dimension exclusivement mercantile de cette extension aux mutuelles des réseaux de soins – réseaux dont l’efficience économique, quoiqu’en disent les mutuelles, reste à démontrer – heurte de plein fouet notre déontologie (…).
Et l’on ne peut pas objectivement supposer que tous les actes en dentisterie puissent se pratiquer à des prix bas sans aucune conséquence sur la qualité des soins, dont l’Ordre est le garant ».25
49. Par ailleurs, en réaction à l’adoption de cette loi, le CNOCD a, le 26 mars 2014, mis en ligne sur son site internet un article intitulé « Réseaux de soins : liberté, égalité ? » indiquant notamment :
« Pour l’Ordre, c’est peu dire que cette loi laisse un goût très amer, ne serait-ce que parce qu’elle dénature profondément la singularité du lien entre un thérapeute et son patient. Non, un patient n’achète pas un traitement dentaire comme il achète une voiture !
Outre l’indépendance thérapeutique, deux grands principes sont battus en brèche par cette loi, comme l’avait signalé l’Ordre dans ses observations envoyées le 6 janvier dernier au Conseil constitutionnel : la liberté de choix du praticien par le patient, d’une part, la rupture d’égalité entre deux professions médicales d’autre part (...) ».
50. En conclusion, le Conseil national indique qu’il « ne négligera aucune des voies de droit pour contester la décision du Conseil constitutionnel. En attendant, l’Ordre sera particulièrement vigilant sur toutes les questions touchant à la liberté thérapeutique et à l’indépendance professionnelle de ses ressortissants » (sic)26.
La signature d’une charte de bonnes pratiques
51. Parallèlement à l’adoption de la loi Le Roux, la Confédération Nationale des Syndicats Dentaires (ci-après : « CNSD ») a, le 26 juillet 2013, signé avec l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (ci-après : « UNOCAM »), un accord bilatéral définissant une charte de bonnes pratiques pour les relations entre les chirurgiens- dentistes et les organismes complémentaires d’assurance maladie.
52. La conclusion de cet accord constituait l’une des conditions préalables à la signature de l’avenant n° 3 de la convention dentaire27. La CNSD y voyait également un moyen d’encadrer les pratiques des réseaux de soins.
53. Aux termes de cette charte, l’UNOCAM s’est engagée notamment à inviter les organismes complémentaires d’assurance maladie : « (…) à renseigner avec discernement les adhérents ou les assurés sur leurs droits et prestations et sur l’estimation de leur reste à charge, en respectant les choix thérapeutiques opérés par le praticien (…) ; à ne formuler des commentaires sur les honoraires du chirurgien-dentiste traitant qu’à partir d’éléments significatifs qui peuvent être objectivés ; en réponse à une demande d’informations pour trouver un chirurgien-dentiste traitant émanant d’un adhérent ou d’un assuré, à communiquer le nom d’au moins trois praticiens, présentés dans un ordre aléatoire, exerçant indépendamment et correspondant aux souhaits de proximité de l’adhérent ou de l’assuré (l’adhérent ou l’assuré restant totalement libre du choix de son praticien traitant, quelles que soient les propositions des organismes complémentaires d’assurance maladie) (…) »28.
54. Mme X..., présidente de la CNSD lors de la signature de l’accord, a indiqué : « Nous devons aussi bien garder à l’esprit qu’une charte n’est pas un texte réglementaire ayant une valeur égale à un texte législatif et qu’on ne peut lui demander de réglementer et encore moins de supprimer les réseaux de soins. En revanche, elle doit permettre de canaliser les pratiques et, si celles-ci perdurent, de les mettre en lumière, de les dénoncer, de les combattre (…) »29.
55. Une commission de suivi de la charte a été chargée de contrôler le respect des engagements. Plusieurs réunions ont eu lieu entre 2013 et 201530, au cours desquelles Mme X... a indiqué avoir « fait remonter des témoignages, par exemple de patients concernant des détournements de patientèles. Mais cela n’avait aucun effet concret, nous avions le sentiment que la charte n’était pas respectée. C’est une des raisons pour lesquelles ces réunions ont cessé, il y a environ 2 ans, en 2015 ».31
Typologie des réseaux de soins
56. Un réseau de soins concerne toujours un secteur d’activité spécifique (optique, dentaire ou audioprothèse pour l’essentiel) et peut présenter diverses configurations :
- il peut se limiter au tiers payant ou comporter des engagements relatifs aux tarifs ou à la qualité de service par exemple ;
- il peut être « fermé » c’est-à-dire soumis à numerus clausus (ce qui n’est autorisé que pour les réseaux d’optique depuis la loi Le Roux) ou ouvert, sans numerus clausus ;
- il peut être constitué et géré en direct par les OCAM ou par un tiers, en l’occurrence une plateforme de gestion, pour le compte d’un ou plusieurs organismes complémentaires.
57. Apparues dans les années 2000, les plateformes de gestion qui servent d’intermédiaire entre les organismes complémentaires et les professionnels de santé ont pris une importance grandissante dans le secteur de l’assurance maladie complémentaire. L’Inspection générale des affaires sociales (ci-après : « IGAS ») en recense six (Carte Blanche, Itélis, Istya, Kalivia, Santéclair et Sévéane) et indique qu’elles couvraient en 2016, 45 millions de personnes (assurés et ayants droit), soit les trois quarts des personnes disposant d’une complémentaire santé contre seulement 38 millions de personnes en 201332.
58. Le rapport d’évaluation de l’IGAS relève en outre que ces plateformes se livrent à une vive concurrence et qu’elles s’efforcent de se différencier par la taille de leurs réseaux, les avantages qu’elles procurent et leurs principes d’action33.
Les réseaux dentaires
59. Le premier réseau dentaire, créé en 1996, est le réseau MFP/CNSD. Il repose sur un protocole d’accord conclu entre la Mutualité fonction publique (ci-après : « MFP ») et la Confédération nationale des syndicats dentaires.
60. Plusieurs réseaux dentaires sont également gérés par des plateformes. Leur composition est reprise dans le tableau ci-après :
61. Ces réseaux ne concernent qu’un nombre limité de professionnels (14 % pour le plus développé d’entre eux). Par ailleurs, Santéclair et Itélis ont complété ce réseau d’omnipraticiens par un réseau dédié à l’implantologie.
62. D’autres réseaux dentaires sont gérés en direct par les OCAM. Ainsi, la société des Assurances du Crédit Mutuel IARD propose, depuis juin 2015, un réseau dentaire comportant 850 chirurgiens-dentistes.
C. LES ACTEURS CONCERNES
1. LA SOCIETE SANTECLAIR
63. La société Santéclair (ci-après : « Santéclair ») est une société anonyme au capital social de 3 834 029 euros, ayant son siège social au 78, boulevard de la République à Boulogne-Billancourt (92100) et immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 428 704 977. Son objet principal est de concevoir, promouvoir et gérer un ensemble de services visant à l’amélioration de la prise en charge des frais de soins de santé35.
64. Cette société a été créée le 7 décembre 1999, à l’époque sous la dénomination : « Santé conseil service ». Un changement de dénomination est intervenu le 30 décembre 2002, à l’occasion des fusions par absorption des sociétés Haussmann conseil santé et Haussman gestion santé. Aujourd’hui, Santéclair est une filiale de plusieurs organismes complémentaires d’assurance maladie : Allianz, MAAF-MMA, IPECA Prévoyance et la Mutuelle Générale de la Police.
65. Santéclair est présente dans plusieurs secteurs de soins : l’optique, le dentaire, les audioprothèses, l’hospitalisation, le bien-être et la prévention. Elle met à la disposition des bénéficiaires, de ses actionnaires et d’autres organismes de complémentaire santé les prestations suivantes :
- des réseaux de professionnels de la santé partenaires s’engageant notamment à ne pas dépasser un tarif maximum pour un certain nombre de prestations ;
- un service d’analyse de devis de soins destiné à apprécier leur adéquation aux besoins des assurés et celle du prix par rapport au marché. Santéclair le présente ainsi : « Le service d’analyse des devis s’adresse aux assurés qui ne fréquentent pas les [praticiens] partenaires [de notre réseau]. On calcule le reste à charge. On simule ce que serait le reste à charge chez un praticien partenaire de la même zone pour un même plan de traitement (mêmes actes et mêmes matériaux). Dès lors qu’il y a une économie d’au moins 250 euros de reste à charge et que les soins n’ont pas été commencés, on s’autorise à signaler qu’il existe une alternative. Si l’assuré est intéressé, on lui communique au moins 3 adresses et au final c’est lui qui choisit son praticien »36.
66. Santéclair indique offrir ses services à 10 millions de bénéficiaires à travers 50 complémentaires santé. Elle emploie 220 salariés, dont 120 conseillers santé et 14 professionnels de santé. Elle dispose d’un réseau de 6 000 professionnels de santé partenaires.
67. En dentaire, à la date de la notification de griefs, le réseau de Santéclair compte plus de 2 700 chirurgiens-dentistes et 50 implantologues. Il réalise, en moyenne, 80 000 prises en charge chaque année37.
2. L’ORDRE NATIONAL DES CHIRURGIENS-DENTISTES
68. L’Ordre national des chirurgiens-dentistes rassemble toutes les personnes habilitées à exercer la profession de chirurgien-dentiste.
69. Ses attributions générales sont définies par l’article L. 4121-2 du CSP qui dispose que « l’ordre des médecins, celui des chirurgiens-dentistes et celui des sages-femmes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine, de l’art dentaire, ou de la profession de sage- femme et à l’observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l’article L. 4127-1. / Ils assurent la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme (…) ».
70. L’Ordre national des chirurgiens-dentistes accomplit ses missions par l’intermédiaire des conseils – départementaux, régionaux et national – et des chambres disciplinaires de l’ordre. L’article L. 4125-1 du CSP confère la personnalité civile à tous les conseils de l’ordre.
a) Le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes
71. Selon l’article L. 4122-1 du CSP, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CNOCD ») « remplit sur le plan national la mission définie à l’article
L. 4121-2. Il veille notamment à l’observation, par tous les membres de l’ordre, des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie prévu à l’article L. 4127-1 (…) ».
72. Il prépare également le code de déontologie, conformément à l’article L. 4127-1 du CSP.
73. Le Conseil national compte 19 membres, élus par les membres des conseils départementaux. Il élit en son sein les 8 membres du bureau.
74. Le Conseil national confie l’étude de certaines questions à des commissions spécialisées, telles que la commission des finances, la commission des contrats, la commission législation et Europe ou encore la commission exercice et déontologie etc. Ces commissions font des propositions qui sont soumises à validation du Conseil national de l’ordre38.
75. La coordination entre le Conseil national et les conseils départementaux est assurée par une réunion annuelle des conseils départementaux et régionaux et par l’envoi de circulaires. Selon M. Y..., président du Conseil national de l’ordre de juin 2015 à juin 2018 : « Les circulaires sont relativement fréquentes et peuvent traiter de tous les thèmes qui concernent l’activité d’un chirurgien-dentiste ou d’un conseil régional ou départemental »39.
76. Le Conseil national envoie également une lettre mensuelle ou bimensuelle à tous les chirurgiens-dentistes. Ces lettres sont consultables sur son site internet40.
b) Les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes
77. Conformément à l’article L. 4123-1 du CSP, chaque conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes (ci-après : « CDOCD ») « exerce, dans le cadre départemental et sous le contrôle du conseil national, les attributions générales de l’ordre, énumérées à l’article
L. 4121-2. / Il statue sur les inscriptions au tableau (…) ».
78. Il peut refuser l’inscription par décision motivée (article L. 4112-3 du CSP), notamment lorsque les engagements contractés par le praticien sont incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de le priver de l’indépendance professionnelle nécessaire (article L. 4113-11 du CSP).
79. Conformément à l’article L. 4113-9 du CSP, le conseil départemental de l’ordre est amené à examiner les contrats et avenants transmis par les chirurgiens-dentistes et ayant pour objet l’exercice de leur profession.
80. Les membres du conseil départemental de l’ordre sont élus par l’assemblée générale des chirurgiens-dentistes inscrits au tableau (article L. 4123-3 du CSP).
81. La communication des conseils départementaux vers les chirurgiens-dentistes de leur ressort s’appuie essentiellement sur des circulaires annuelles ou biannuelles, envoyées par courrier ou par courriel. De nombreux échanges plus informels peuvent également avoir lieu par téléphone ou par courriel41.
c) Les juridictions ordinales
82. La juridiction disciplinaire de l’ordre connaît des infractions aux dispositions du code de déontologie.
83. Les chambres disciplinaires de première instance siègent auprès des conseils régionaux. Chaque chambre est présidée par un membre du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Elle comprend en outre des membres élus par le conseil régional ou interrégional (article R. 4124-4 du CSP).
84. La chambre disciplinaire nationale connaît en appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de première instance. Composée pour moitié de conseillers issus du Conseil national et, pour moitié, d’anciens membres et de membres des autres conseils départementaux, régionaux, nationaux, elle est présidée par un membre du Conseil d’État42.
85. Les décisions de la chambre disciplinaire nationale peuvent faire l’objet d’un recours en cassation43 devant le Conseil d’État, comme indiqué au paragraphe 18.
3. LA FEDERATION DES SYNDICATS DENTAIRES LIBERAUX
86. La Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux (ci-après : « FSDL ») se présente comme la première organisation syndicale de la profession dentaire depuis 201544. Au 23 novembre 2017, elle comptait 2 352 adhérents45.
87. Tout comme la CNSD, la FSDL est une organisation syndicale représentative au sens de l’article L. 162-33 du code de la sécurité sociale. À ce titre, elle peut participer aux négociations conventionnelles avec l’assurance maladie46.
88. La FSDL est une fédération, constituée sous forme d’association, qui regroupe plusieurs syndicats régionaux47. L’Association Syndicale des Spécialistes en Orthopédie dento-faciale (ci-après : « ASSO ») est également membre de la FSDL.
89. Le bureau national est composé notamment d’un président, M. Z..., d’un secrétaire général, d’un secrétaire-adjoint, de plusieurs vice-présidents, d’un trésorier et de trésoriers adjoints. Selon son président, la FSDL est « une organisation centralisée : les syndicats régionaux doivent se plier aux décisions du bureau national »48.
90. La FSDL « défend l’exercice libéral, avec comme principes fondamentaux la liberté thérapeutique pour le praticien, le libre choix du patient, l’entente directe au niveau du paiement et le secret médical »49.
91. La FSDL édite une revue intitulée « Libéral Dentaire », publiée environ 2 fois par an et envoyée aux 40 000 praticiens. Toutes les 3 semaines environ, la FSDL adresse également une newsletter par courriel à environ 20 000 praticiens. Elle dispose d’un site Internet et est particulièrement active sur les réseaux sociaux (pages et groupes Facebook, Twitter) et sur le forum professionnel Eugenol50, sur lesquels sont systématiquement partagées les rubriques « actualité » et « édito » du site Internet51.
4. LA CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DENTAIRES
92. Créée en 1935, la CNSD, devenue les Chirurgiens-dentistes de France (ci-après : « CDF »), est une confédération réunissant 100 syndicats départementaux, qui regroupent eux-mêmes entre 12 000 et 13 000 adhérents, soit environ un tiers des chirurgiens-dentistes libéraux52. Premier syndicat lors des élections des Unions régionales des professionnelles de santé (URPS) de 2010, la CNSD est arrivée en deuxième position lors des élections du 11 décembre 201553.
93. Selon ses statuts, la CNSD « a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux des chirurgiens-dentistes et de la profession »54. Elle se présente comme « un syndicat modéré, consensuel », qui « a toujours considéré que les intérêts des chirurgiens-dentistes et des patients [devaient] se rejoindre » et qui a « toujours été signataire des accords conventionnels »55.
94. En mai 2012, Mme X... a été élue Présidente de la CNSD. Elle a été réélue en 2015. M. A... lui a succédé en mai 2018.
95. La CNSD édite la revue hebdomadaire « Le Chirurgien-Dentiste de France », tirée à 14 995 exemplaires en moyenne sur l’année56. Elle communique également grâce à « La lettre de la CNSD », qui est envoyée par courriel à toute personne qui en fait la demande,
« L’infoflash » et « La lettre aux Présidents », tous deux destinés aux cadres des syndicats départementaux (président, secrétaire et trésorier), à charge pour eux de faire suivre
« L’Infoflash » à leurs adhérents. La CNSD dispose enfin d’un site internet et est présente sur Facebook et Twitter57.
5. LES PRECEDENTES ACTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES ENGAGEES PAR LES ACTEURS
a) Les actions initiées par Santéclair
Devant le Conseil de la concurrence
96. Dénonçant une campagne de boycott émanant de l’ordre national des chirurgiens-dentistes, Santéclair a saisi le Conseil de la concurrence (ci-après : « le Conseil ») en 2005.
97. En l’espèce, le Conseil national de l’ordre avait, dans un premier temps, émis un avis favorable, au regard des règles de déontologie, sur le partenariat proposé par Santéclair aux chirurgiens-dentistes. Cependant, il avait par la suite retiré cet avis favorable et, relayé par plusieurs conseils départementaux, avait incité les chirurgiens-dentistes à dénoncer leur partenariat avec Santéclair, sous peine de poursuites disciplinaires.
98. Par une décision n° 09-D-07 du 12 février 200958, le Conseil a considéré qu’en diffusant une interprétation sciemment inexacte de la portée des avis du CNOCD sur les protocoles proposés aux chirurgiens-dentistes, le Conseil national et les conseils départementaux de l’ordre en cause devaient, dans les circonstances de l’espèce, être regardés comme ayant invité les chirurgiens-dentistes à évincer Santéclair du marché.
99. En effet, contrairement à ce qu’indiquaient les mis en cause, les avis rendus par le CNOCD n’emportaient, en eux-mêmes, aucune conséquence directe et ne liaient pas les instances disciplinaires appelées, le cas échéant, à se prononcer. Ainsi, en faisant pression sur les chirurgiens-dentistes pour qu’ils quittent ou s’abstiennent de rejoindre le réseau Santéclair, les instances ordinales en cause avaient mis en œuvre une pratique assimilable à un appel au boycott, enfreignant ainsi les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.
100. Dans ces conditions, le Conseil a notamment infligé une sanction pécuniaire de 76 000 euros au CNOCD et de 600 euros au CDOCD du Bas-Rhin.
101. La cour d’appel de Paris a rejeté les recours formés par le CNOCD et l’ensemble des CDOCD contre cette décision par un arrêt rendu le 19 janvier 201059, lui-même confirmé par la Cour de cassation60.
Devant la juridiction judiciaire
102. Parallèlement à la saisine de l’Autorité faisant l’objet de la présente procédure, Santéclair a assigné la FSDL devant le TGI de Paris le 29 janvier 2015, lui reprochant des pratiques de boycott et de concurrence déloyale.
103. Le TGI de Paris a, par un jugement du 22 octobre 201961, condamné la FSDL à verser à Santéclair 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements fautifs consistant, depuis 2013, à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises, au sens de L. 420-1 du code de commerce. Il a également ordonné à la FSDL de cesser ses menaces de poursuites disciplinaires et ses mots d’ordre de boycott, sous astreinte de 15 000 euros par infraction constatée. Enfin, il lui a ordonné de publier le dispositif de ce jugement sur son site Internet.
b) Les actions initiées par les syndicats de chirurgiens-dentistes
Devant l’Autorité
104. Le 30 avril 2015, la CNSD a saisi l’Autorité de pratiques mises en œuvre par Santéclair et les chirurgiens-dentistes affiliés à son réseau de soins dans le secteur des soins dentaires. La CNSD reprochait à Santéclair de se livrer à des pratiques de dénigrement, via une entente avec les chirurgiens-dentistes affiliés à son réseau de soins, dans le but de capter la patientèle des chirurgiens-dentistes non affiliés.
105. Estimant que les faits invoqués dans le cadre de la saisine n’étaient pas appuyés d’éléments suffisamment probants pour étayer l’existence de pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité a rejeté cette saisine par une décision du 24 octobre 201662.
106. La CNSD a contesté cette décision devant la cour d’appel de Paris qui, par un arrêt du 1er février 201863, a rejeté son recours. Elle a notamment relevé que la CNSD « n’expos[ait] pas en quoi le fait pour une société gestionnaire d’un réseau de santé de communiquer aux clients des organismes qui lui sont affiliés, les coordonnées de praticiens qui sont adhérents à ce réseau et sont susceptibles de proposer des tarifs moins élevés que ceux qui ont été fixés par devis, serait contraire au libre jeu de la concurrence et répréhensible en application de l’article L. 420-1 du code de commerce ». Elle a estimé que ces pratiques n’étaient pas constitutives d’un détournement de patientèle qui pourrait être contraire au droit de la concurrence, puisque, d’une part, Santéclair ne délivre qu’un avis sur la possibilité d’obtenir un « reste à charge moins élevé » et, d’autre part, les assurés n’ont aucune obligation de consulter les praticiens du réseau et restent libres du choix de leur praticien. Ainsi, quand bien même les conseillers de la société Santéclair transmettraient de façon spontanée, sans que les assurés le leur demandent, les coordonnées des praticiens affiliés au réseau, la cour d’appel a considéré que « ce procédé ne serait pas, par lui-même, constitutif d’une pratique anticoncurrentielle prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce, dès lors que ce réseau est ouvert à tous les praticiens qui souhaitent y adhérer et qu’en compensation de cet effet attendu d’augmentation de leur clientèle, les chirurgiens- dentistes adhérents au réseau prennent l’engagement de réduire leurs prix, ce qui est l’un des objectifs du libre jeu de la concurrence ».
Devant les juridictions judiciaires
107. Le 13 novembre 2014, la FSDL a présenté au Président du TGI de Nanterre une requête aux fins de constat64, sur le fondement des articles 145 et 493 du code de procédure civile. Alléguant un probable détournement de patientèle de la part de Santéclair et faisant état d’un risque de dépérissement des preuves, elle a sollicité la désignation d’un huissier de justice.
108. Par ordonnance du 18 novembre 2014, le Président du TGI de Nanterre a commis un huissier de justice en lui donnant mission, notamment, de se rendre au siège de Santéclair, de rechercher les scripts utilisés par les conseillers Santéclair lors de la prise en charge de devis transmis et de dresser un procès-verbal des opérations réalisées65.
109. Compte tenu de l’opposition de Santéclair à l’exécution de cette ordonnance, le Président du TGI de Nanterre a, par ordonnance du 6 janvier 2015, autorisé l’huissier de justice commis à requérir le concours de la force publique pour l’exécution de sa mission66, qu’il a finalement pu mener à bien le 4 février 201567.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
110. Seront successivement abordées les pratiques constatées (1) et leurs répercussions (2).
1. LA DESCRIPTION DES PRATIQUES CONSTATEES
a) Les pratiques conjointes du CNOCD, de la FSDL et du CDOCD de l’Isère
L’élaboration de l’argumentaire contre Santéclair
111. À partir de la fin de l’année 2012, plusieurs chirurgiens-dentistes s’estimant victimes de détournements de patientèle de la part de confrères adhérents à Santéclair68 ont contacté le CDOCD de leur ressort. Selon ces praticiens, leurs patients qui adressaient leur devis à leur mutuelle étaient ensuite orientés vers d’autres chirurgiens-dentistes adhérents de Santéclair pour être mieux remboursés. Certains des praticiens adhérents à ce réseau se seraient également prévalus de spécialités qui n’existent pas, telles que « spécialiste en implantologie »69.
Le cas du docteur 8…
112. Le 13 novembre 2012, le CDOCD des Bouches-du-Rhône a adressé au CNOCD une copie d’un courrier envoyé par Santéclair à un assuré avec le message suivant : « Un de nos confrères s’étonne de conseils donnés à une de ses patientes par sa mutuelle. Sur le document, que nous vous transmettons en pièce jointe, on constate l’analyse du devis mais aussi l’invitation certaine à un détournement de patientèle. Que répondre aux praticiens mis devant cette situation ? »70.
113. Dans sa réponse du 7 février 2013, le CNOCD a indiqué que cette lettre avait été soumise à la « réunion de la Commission Exercice et Déontologie (…) puis au Conseil National qui a décidé d’adopter la position suivante : il appartient à votre Conseil départemental, réuni en séance, de décider :
- soit d’effectuer une mise en demeure auprès du Docteur 8… afin qu’il cesse toute publicité, dans un délai à déterminer et, à défaut, le Conseil départemental se réserve la possibilité de porter plainte devant la Chambre Disciplinaire de Première Instance ;
- soit de porter plainte directement contre le Docteur 8... pour les motifs suivants :
(…) »71.
114. Huit « violation[s] » des dispositions du CSP imputables au docteur 8... sont identifiées, parmi lesquelles : « (…)
- Violation de l’article R. 4127-215 - alinéa 2-3° du code de la santé publique interdisant tous procédés directs ou indirects de publicité : la communication du nom et des coordonnées de ce chirurgien-dentiste à la patiente en question constitue une violation de la disposition déontologique.
- Violation de l’article R. 4127-262 du même code : interdiction de détournement de clientèle ; en l’espèce, il y a bien violation de cette disposition déontologique étant donné que la patiente a déjà un chirurgien-dentiste et qu’elle est orientée vers un autre.
- Violation de l’article R. 4127-240 – 3ème alinéa du code de la santé publique : il est interdit “d’abaisser ses honoraires dans un but de détournement de clientèle” : or, en l’espèce, il est mentionné qu’en consultant le Docteur 8..., cela permettra de faire une économie de 450 euros sur le reste à charge ».
115. Le 12 mars 2013, le CDOCD des Bouches-du-Rhône a, par lettre recommandée avec avis de réception, fait part de cette analyse au docteur 8..., en reprenant mot pour mot les huit paragraphes identifiant les violations du CSP, avant de conclure :
« Notre Conseil Départemental vous demande par la présente de cesser toute publicité et de vous mettre en conformité avec les textes qui nous régissent dans un délai de trois semaines. Vous devrez nous en fournir les preuves. Passé la date du 03 Avril 2013, le Conseil Départemental se réserve de porter plainte à votre encontre à la Chambre Disciplinaire de Première Instance »72.
116. Le 14 mai 2013, le docteur 8... a finalement résilié le contrat qu’il avait conclu avec Santéclair, « en raison des motifs invoqués par le Conseil de l’Ordre départemental des Bouches du Rhône, dont vous trouverez une copie ci-jointe »73.
117. M. B..., Président d’Honneur du CDOCD des Bouches-du-Rhône a toutefois déclaré :
« S’agissant de Monsieur 8..., c’est lui qui nous a demandé un avis sur l’accord de partenariat qu’il envisageait avec Santéclair. (…) Nous avons par conséquent demandé à Monsieur 8... de se mettre en règle avec les textes dans un certain délai. Nous ne lui avons jamais demandé de quitter Santéclair ». Cela a été confirmé par le docteur 8...74.
La circulaire du CDOCD des Bouches-du-Rhône du 24 juin 2013
118. Ces premiers échanges avec le Conseil national ont conduit le CDOCD des Bouches-du-Rhône à publier, dans une circulaire du 24 juin 2013, adressée à tous les chirurgiens-dentistes de son ressort, un article intitulé « PARTENARIATS ANTI DEONTOLOGIQUES ».
119. M. B..., président d’honneur de ce CDOCD, a expliqué à cet égard que : « Même s’il n’y a eu que deux cas qui ont posé question, de nombreux confrères nous avaient contacté à ce sujet, d’où l’idée de faire cet article destiné à répondre à leurs préoccupations »75.
120. Cette circulaire précise :
« Certains réseaux de soins établissent des partenariats avec des Chirurgiens-Dentistes. Les patients qui transmettent leur devis à ces organismes reçoivent après "analyse" le ou les noms des praticiens-partenaires qui appliquent des tarifs "plus avantageux" (l’histoire n’explique pas comment ces confrères parviennent à comprimer leurs frais pour aboutir à ces résultats attractifs).
L’Ordre qui a pour mission le respect du Code de la Santé Publique constate dans certains cas, comme la plupart des confrères choqués par ces procédés, l’infraction aux Articles R.4127-215, R.4127-262, R.4127-240, R.4127-225, R.4127-234 (et L.4113-9 du Code de la
Santé Publique quand les contrats ne nous ont pas été communiqués).
En effet, le praticien-partenaire peut bénéficier de procédés directs ou indirects de publicité et de détournement de patientèle. Il peut être amené à abaisser ses honoraires pour y parvenir et à faire de la publicité pour la firme qui l’utilise. Tout ceci peut s’assimiler à une pratique de l’Art dentaire comme un commerce.
Enfin, le principe du libre choix du praticien peut être violé.
C’est pourquoi une lettre leur est envoyée lorsque nous connaissons leur identité, afin qu’ils reviennent aux respects des textes qui nous régissent. En cas de refus leur dossier sera transmis à la juridiction professionnelle »76 (sic, soulignements ajoutés).
121. Selon M. B..., « L’analyse juridique présentée dans le document correspond à ce que les juristes du national (commission exercice et déontologie) nous avaient expliqué s’agissant du cas des docteurs 8... et 9... »77. Les articles du CSP cités et les principes déontologiques auxquels contreviendraient les partenariats conclus avec les réseaux de soins recoupent très largement ceux qui avaient été identifiés dans le courriel du Conseil national du 7 février 2013.
122. M. B... a ajouté concernant le contenu de cet article : « La lettre évoquée à la fin du document (" une lettre leur est envoyée… ") ne leur demande pas de quitter Santéclair mais seulement de ne pas se présenter comme spécialiste en implantologie puisque la spécialité n’existe pas. Nous voulions juste que les praticiens adhérents à Santéclair demandent cette modification des documents à Santéclair, afin de concilier ce partenariat avec les règles déontologiques. La transmission à la juridiction professionnelle ("en cas de refus leur dossier sera transmis à la juridiction professionnelle") n’est pas une menace mais seulement le moyen éventuel de trancher un litige entre les deux parties »78.
La campagne de plaintes contre les adhérents Santéclair
Les modalités de la campagne de plaintes
La réunion du 4 septembre 2013
123. La FSDL, M. C..., alors président du CNOCD, et ses conseillers ont notamment, lors d’une réunion qui s’est déroulée le 4 septembre 2013, abordé un point relatif à la « Charte de bonnes pratiques et surtout [aux] pratiques de Santé Clair qui perdurent »79 (sic). La FSDL était représentée par son président, M. Z..., et par deux vice-présidents, M. D... et M. E..., lequel est également membre du conseil départemental de l’ordre de l’Isère80. M. Z... a précisé à propos de l’organisation de cette réunion : « Je ne pense pas avoir sollicité moi- même le président de l’Ordre. E... était conseiller ordinal donc il est possible qu’il ait organisé cette entrevue avec C…»81.
124. Le compte rendu de cette réunion indique, concernant le point relatif à Santéclair : « L’Ordre nous indique qu’il travaille depuis longtemps sur ce dossier car la condamnation prononcée à leur encontre (120 000 euros) en 2008 pour avoir suggéré aux praticiens de ne pas signer de partenariat avec cette plateforme leur est restée en travers de la gorge. Leur avocat aurait comme angle d’attaque le fait que sur un contrat de partenariat "implanto", SantéClair imposerait un implant de gradient 4 (Titane) ce qui est contraire au Code de déontologie.
Nous leur donnons les images dégradantes publiées à l’encontre des médecins sur le blog de SantéClair où ces derniers sont représentés en "cochons" en train de faire les poches à leurs patients »82 (sic).
125. Dans un courriel ayant pour objet « d’autres idées pour renforcer nos liens étroits avec Sa nté CL air ? » (sic), adressé le 16 septembre 2013 aux membres du conseil d’administration de la FSDL, M. Z... a précisé : « après notre entrevue à l’Ordre (on en parlera samedi) avec E… il y a plusieurs angles d’attaque contre SantéClair :
- le contrat en implantologie obligeant les dentistes partenaires à poser des implants de gradient 4 en Titane est illégal
- l’application sur Itunes permettant de géo localiser les dentistes partenaires est illégale également (les confrères se verront avertir par l’Ordre)
- les propos ou images calomnieuses vont être analysées par C... et son avocat pour voir ce qu’ils peuvent en tirer »83.
126. Par ailleurs, lors du conseil d’administration de la FSDL du 15 mars 2014, l’importance stratégique de cette réunion a été soulignée, de même que ses conséquences, à savoir l’ « ouverture des relations avec notre CNO, relations quotidiennes ou bi hebdomadaires »84.
127. Les commentaires suivants sont apportés par M. Z... sur ces relations entre la FSDL et le CNOCD : « Nous ne parlions plus avec l’Ordre national depuis la condamnation du docteur 10… qui avait été notre avocat dans le litige avec la MGEN. Après la réunion de septembre 2013, j’ai eu des contacts plus fréquents avec le Docteur C..., par téléphone. Nous avons beaucoup échangé sur Dentexia et Pessoa, pas particulièrement sur Santéclair. E..., qui est un des seuls conseillers ordinaux cadres de la FSDL, avait également des relations avec le Docteur C.... Nos relations étaient donc en cours d’amélioration mais elles n’étaient pas bi- hebdomadaires »85.
Le plan d’action d’octobre 2013
128. Le 8 octobre 2013, le président de la FSDL a adressé aux autres membres du conseil d’administration de ce syndicat, dont M. E..., un courriel ayant pour objet « appel à la résistance contre Santéclair ». Ce dernier a transféré ce courriel à l’adresse institutionnelle du CDOCD de l’Isère et aux conseillers ordinaux, le 10 octobre 201386.
129. Il est ainsi rédigé :
« E… ne vous en a pas parlé pour l’instant mais il a eu une idée de génie que je vais raconter.
Etant donné que nous ne pouvons pas attaquer SantéClair lorsqu’il renvoie le devis de nos patients avec la mention " les honoraires sont au dessus de la moyenne régionale constatée. Vous économiserez XXXXX euros en nous contactant au 08…… ", E… a trouvé une faille dans certains courriers car le nom des praticiens partenaires est précisément indiqué.
De ce fait, après en avoir parlé à C… (qui est remonté come une pendule contre SantéClair depuis le procès perdu et les 80 000 euros envolés), il serait intéressant que le praticien qui verrait son patient recevoir ce courrier avec les 3 noms portent plainte contre chacun des signataires ou 1 seul au CO départemental dans un premier temps.
De là, une conciliation ordinale sera organisée pour violation des articles suivants du Code de Déontologie (...)
2 possibilités pour le praticien partenaire SantéCLair :
- accepter de quitter le réseau et tout est bien qui finit bien
- ne pas accepter de quitter le réseau et de ce fait, il se retrouve convoqué et jugé au Conseil Régional de l’Ordre. S’il perd, il peut faire appel et s’il gagne l’Ordre peut demander de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat pour créer une jurisprudence « SantéCair » c’est à dire qu’ils ne pourront plus communiquer les noms des partenaires sans que le patient ne le demande (c’était ce qui était initialement prévu dans la Charte et que la CNSD a accepté de modifier)
De toutes les façons, le but de la manœuvre n’est pas de se "taper" les confrères qui auraient signé chez SantéClair mais juste leur rappeler que ce n’est pas très confraternel de piquer les patients du voisin et de voir son nom apparaitre sur leurs courriers de tentative de détournement.
Il y a une portée symbolique, car c’est la FSDL qui incite les confrères à se défendre contre les réseaux et c’est l’Ordre qui mène la bataille.
Il faut bien sur profiter des bons rapports avec C... qui dans ce dossier est sur la même longueur d’onde (il se rattrape de son inaction dans le dossier MGEN). (...) »87(sic).
130. Le plan s’appuie donc sur les courriers que Santéclair adresse aux assurés, après analyse des devis, les informant des économies qu’ils pourraient réaliser auprès d’un praticien du réseau. La modalité d’action retenue consiste en une action disciplinaire menée à l’encontre des chirurgiens-dentistes dont le nom apparaît sur ces courriers.
131. Le courriel insiste sur la répartition des rôles entre la FSDL qui « incite les confrères à se défendre contre les réseaux », et l’Ordre, « qui mène la bataille ».
132. Les raisons qui ont conduit à cette répartition sont exposées par le président de la FSDL,
M. Z... (Alias « Patatrasse »88), sur le forum Eugenol, le 19 octobre 2014 : « Le Conseil de l’Ordre a demandé le boycott du partenariat SantéClair par courrier envoyé à tous les chirurgiens-dentistes de France. Tu ne t’en souviens plus, ce qui démontre que tu te ne sentais pas trop concerné à l’époque (mars 2009). SantéClair via ses avocats ont déposé une plainte contre l’Ordre pour dénigrement et ont gagné devant la justice (78000 euros) (…) Pourquoi crois-tu que cela soit nos adhérents qui attaquent individuellement chaque partenaire de ce réseau ? Ne penses-tu pas que nous en avons discuté avec l’Ordre avant d’entamer ces actions ? »89.
133. S’agissant de la conversation avec le président du CNOCD, M. C..., mentionnée dans le courriel du 8 octobre 2013, le président de la FSDL a indiqué : « Concernant la conversation entre C… et E..., je pense qu’elle portait sur "l’idée de génie" de E.... Monsieur C... a considéré que c’était une piste intéressante, libre ensuite à la chambre disciplinaire de statuer et de décider s’il y avait eu effectivement détournement de patientèle, publicité, compérage… »90.
134. Interrogé sur la mention relative à des « bons rapports avec C... qui dans ce dossier est sur la même longueur d’onde », M. Z... a déclaré : « C… a constaté que les pratiques de Santéclair étaient anti déontologiques et constituaient des pratiques commerciales déloyales. Sans nous soutenir, il nous a dit que notre action était légitime et que, si nous pouvions le prouver, nos actions disciplinaires pouvaient aboutir. Mais il n’a pas la capacité juridique d’influer sur les décisions qui seront prises par les juridictions disciplinaires. Cela nous a confortés dans notre action. Si C… n’avait pas partagé notre analyse juridique, nous n’aurions pas engagé des poursuites disciplinaires. Lorsqu’une plainte est déposée, une conciliation est organisée. Cela nous semblait être un bon moyen de faire de la pédagogie »91.
135. Si la position de M. C... a été décisive dans le lancement de la campagne de plaintes, elle a aussi contribué à en définir les modalités. En effet, dans le cadre des échanges qui ont suivi la présentation de ce plan, M. Z... a répondu le 9 octobre 2013, à M. F..., Président de la FSDL à La Réunion, qui avait demandé si le syndicat pourrait être fondé à porter plainte :
« Non F... la plainte doit venir du praticien pas du syndicat. Désolé mais c’est le deal avec C... »92. Cette réponse est commentée comme suit par M. Z... : « Cela renvoie aux conseils donnés par le Docteur C... : il n’est pas possible pour un syndicat d’attaquer Santéclair, seul un confrère peut le faire. Le syndicat n’est pas la victime des agissements de Santéclair, il ne peut donc pas agir »93.
136. Enfin, il est à noter que dans le cadre d’un échange de messages sur le réseau social Facebook avec un adhérent de la FSDL à propos d’un projet de plainte, M. Z... a écrit le 11 juin 2014 : « j’ai eu l’assurance il y a 6 mois par C... qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour détruire SantéCLair ça commence par-là »94.
La mise en œuvre de la campagne de plaintes
La mise en œuvre par la FSDL L’appel à la résistance contre Santéclair
137. Le message du 8 octobre 2013 dans lequel le président de la FSDL, M. Z..., expose le plan d’action contre Santéclair se conclut par : « Pour l’instant, c’est E… qui a le premier courrier dans l’Isère qui mentionne les noms des praticiens partenaires mais le but est d’en trouver 2 ou 3 autres histoire de placer cette action sur toute le territoire. Dans cette optique, nous avons envoyé ce courrier sur Midi Pyrénées et nous attendons les retours. Si vous êtes intéressés, on peut faire un envoi personnalisé ou national, à vous de voir »95 (sic).
138. Le courrier joint à ce message correspond à une newsletter intitulée « APPEL A LA RESISTANCE CONTRE SANTECLAIR », qui a été adressée le 7 octobre 2013 aux 989 inscrits à la liste de diffusion de la FSDL Midi-Pyrénées96.
139. Interrogé sur les modalités de diffusion de cet appel, M. Z... a indiqué que « La Newsletter Midi-Pyrénées a été utilisée dans d’autres régions et a été envoyée à nos adhérents. Elle a aussi été relayée dans les réseaux sociaux »97.
140. On peut citer à l’appui de ces déclarations qui attestent d’une diffusion nationale de l’appel à porter plainte :
- le message publié le 7 octobre 2013 sur le compte Facebook du « Docteur Z… »98 ;
- la newsletter de la FSDL de La Réunion intitulée « Appel à la résistance contre Santéclair », transmise le 6 novembre 2013 à une liste de diffusion comprenant 250 adresses électroniques de chirurgiens-dentistes réunionnais99.
141. Dans ces différents documents, il est fait appel aux confrères « dont les patients ont reçu une lettre via SantéClair en réponse à leur demande de renseignement sur leur devis » pour qu’ils portent plainte auprès du conseil départemental de l’ordre, pour « détournement de patientèle, compérage et publicité interdite par le Code de Déontologie » contre les chirurgiens-dentistes dont le nom « est donné au patient pour que celui [-ci] se détourne de son chirurgien habituel »100.
142. L’appel de la FSDL Midi-Pyrénées et le message Facebook du docteur Z... se concluent par :
« La FSDL qui vient de consulter le Conseil National de l’Ordre, vous soutiendra dans cette action afin de mettre un terme à ces pratiques inadmissibles. Pour plus de renseignements, contactez-nous par mail (...) »101.
143. La newsletter de la FSDL de La Réunion a indiqué quant à elle que : « La FSDL, en accord avec le Conseil National de l’Ordre, vous soutiendra dans cette action afin de mettre un terme à ces pratiques inadmissibles »102.
144. L’appel à porter plainte a également été relayé, sous une autre forme, par la FSDL Rhône-Alpes, dans sa lettre aux adhérents d’octobre 2013, mise en ligne sur le site internet de la FSDL nationale. On y relève un encart intitulé « détournement de patients » qui, après avoir repris dans le détail les pratiques reprochées à Santéclair, indique :
« Il faut que ces pratiques cessent. Nous devons réagir :
- demandez un courrier de témoignage à votre patient
- portez plainte contre ces praticiens auprès de votre Conseil départemental de l’Ordre.
- cela permettra au CDO d’exiger la communication du contrat qui les lie à Santéclair
- le CDO doit organiser une séance de conciliation où vous exprimerez votre ressentiment.
- vous demanderez que ces praticiens dénoncent leur adhésion à Santéclair.
- en cas de refus il n’y aura pas de conciliation et ils seront convoqués au tribunal régional de l’Ordre »103.
La volonté d’obtenir la résiliation du protocole entre Santéclair et les chirurgiens-dentistes
145. Lors de son audition, le président de la FSDL a indiqué que les séances de conciliation permettaient « d’expliqu[er] aux praticiens que le réseau auquel ils avaient adhéré ne respectait pas le code de déontologie et les mett[ait] en porte à faux car le réseau n’étant lui-même pas soumis au code de déontologie, ils étaient seuls responsables des pratiques. Nous ne demandions pas aux praticiens adhérents de quitter le réseau car cela est illégal »104.
146. Cependant, le document « conduite à tenir en cas de détournement manifeste d’un patient par un réseau de soins type Santéclair » accessible sur le site internet de la FSDL indique :
« Lors de la conciliation avec les chirurgiens-dentistes partenaires, il faut demander à ce que ces praticiens s’assurent auprès du réseau auquel ils ont adhéré que plus aucune publicité ne soit diffusée. Le mieux pour cela est que ces praticiens résilient leur partenariat. Dans le cas contraire, un PV de non-conciliation peut être signé et un juge administratif aura à se prononcer sur d’éventuelles sanctions lors d’une plainte redirigée en chambre disciplinaire régionale. Un avocat sera désigné pour défendre l’adhérent FSDL » (soulignement ajouté)105.
147. Le courrier du 11 janvier 2018 accompagnant la transmission de ce document aux services d’instruction indique qu’il est « accessible sur le site internet de la FSDL dans la rubrique « foire aux questions » et [qu’il ] s’adresse aux adhérents qui souhaiteraient connaître les recours dont ils disposent dès lors qu’ils ont manifestement été victimes d’un détournement de patientèle par un praticien affilié au réseau Santéclair ou à tout autre réseau qui mettrait en œuvre des pratiques anti-déontologiques similaires »106.
148. Par ailleurs, dans l’« Édito » du 14 avril 2014 consacré aux « réseaux de soins commerciaux » qui, comme chaque édito, a été partagé sur les réseaux sociaux107, la FSDL a présenté le bilan de son action en affirmant que :
« Depuis le début de l’année, une trentaine de plaintes ont été traitées lors de conciliations ordinales entre nos adhérents lésés et les partenaires de ce réseau. Ces conciliations aboutissent dans 90% des cas à la résiliation du contrat car la plupart du temps, le chirurgien-dentiste partenaire apprend que cette publicité (courrier envoyé aux patients avec 3 noms de praticiens) est faite à son insu et ce dernier ne peut raisonnablement cautionner de telles pratiques qui vont à l’encontre du Code de Déontologie » (sic, soulignement ajouté)108.
La mise en œuvre par le CNOCD
149. Une juriste du CNOCD a avisé le CDOCD de l’Isère de pratiques contraires au CSP par un courriel du 8 octobre 2013 ayant pour objet Santéclair109 et dont le président du Conseil national était en copie :
« A la demande de M. C..., veuillez trouver en pièce jointe l’étude de notre avocate, (…), relative à Santéclair.
Ce document vous est transmis à titre confidentiel, nous vous remercions de ne pas le diffuser.
Vous pouvez y lire que les conseils départementaux peuvent poursuivre disciplinairement les chirurgiens-dentistes ayant signé le contrat santéclair (vérifier déjà qu’ils ont bien transmis le contrat à votre conseil départemental en application de l’article L.4113-9 du code de la santé publique) dont les coordonnées sont transmises à des assurés santéclair par Santéclair directement. Il s’agit donc d’un procédé de publicité prohibé par l’article R.4127-215 du code de la santé publique au profit des chirurgiens-dentistes partenaires, ainsi que d’une tentative de détournement de clientèle interdite par l’article R.4127-262 du même code »110.
150. Ce courriel doit être rapproché des propos tenus dans un courriel du même jour du président de la FSDL « (...) Il faut bien sur profiter des bons rapports avec C... qui dans ce dossier est sur la même longueur d’onde »111 (sic).
La mise en œuvre par le CDOCD de l’Isère Le recours à la procédure disciplinaire
151. Le CDOCD de l’Isère comptait en son sein trois conseillers ordinaux également membres du conseil d’administration de la FSDL lors du lancement de la campagne de plaintes112.
152. Le 11 octobre 2013, le docteur L..., membre du conseil d’administration de la FSDL et du CDOCD de l’Isère, a porté plainte contre trois chirurgiens-dentistes113.
153. Dans un courrier du 7 mars 2014 adressé au Président du CDOCD du Rhône, le Président du CDOCD de l’Isère, M. G..., a présenté les modalités selon lesquelles a été traitée cette première plainte :
« Pour faire suite à ton appel téléphonique, Je te relate ce qui s’est passé dans l’Isère.
Suite à la plainte d’un praticien dont le patient lui a ramené un courrier de Santéclair précisant qu’il était trop cher, et que les praticiens de leur réseau appliquaient des tarifs inférieurs et permettaient un meilleur remboursement. Suivait trois noms de confrères membres du réseau.
Donc trois plaintes contre ces praticiens pour tentatives de détournement de clientèle et publicité indirecte où nous avons ajouté non-communication de contrat au Conseil de l’Ordre. Lors des conciliations, nous avons fait comprendre la situation à ces confrères qui se sont engagés à résilier leur adhésion à Santéclair. Cependant, nous avons sur mon intervention fait un constat de non conciliation au motif de non transmission du contrat. Ceci pour avoir les mains libres et c’est lors de notre réunion du Conseil qu’il a été décidé de ne pas les poursuivre considérant que nous avions atteint notre but »114 (sic).
154. M. G... a précisé que « Suite à cette première affaire, nous avons informé discrètement par le bouche à oreille la profession, ce qui nous a amené d’autres plaintes que nous avons traitées pareillement »115. En effet, de nouvelles plaintes contre des membres du réseau Santéclair ont été reçues par le CDOCD de l’Isère entre octobre 2013 et février 2014, en l’occurrence :
- la plainte déposée le 25 octobre 2013116 par le docteur H..., membre du bureau de la FSDL en 2013117, contre le docteur I... ;
- les plaintes déposées le 30 octobre 2013 puis le 27 janvier 2014 par le docteur J..., adhérent à la FSDL, contre le docteur I...118 et contre deux chirurgiens-dentistes lyonnais119 ;
- la plainte déposée le 3 février 2014 par le docteur 11… contre six praticiens120. Cette plainte a été rédigée à partir d’une des lettres-types de la FSDL121.
155. Interrogé par le Président du CDOCD de l’Indre sur les résultats des conciliations mises en place après les plaintes, M. G..., président du CDOCD de l’Isère, a dressé le bilan suivant dans un courriel du 31 mars 2015 : « Pour les Praticiens reçus en conciliation pour publicité indirecte illicite, 100% de réussite avec résiliation du contrat. Actuellement, pas de suite disciplinaire »122. Ce bilan a toutefois été nuancé par M. E... lors de son audition, qui a relevé qu’il y avait eu des procès-verbaux de non-conciliation qui n’ont cependant pas été transmis par le président du conseil départemental à la chambre disciplinaire de première instance123.
Les décisions des juridictions ordinales à la suite des plaintes déposées
156. En application de l’article L. 4123-2 alinéa 2 du CSP, en cas d’échec de la conciliation, le CDOCD doit transmettre la plainte à la juridiction disciplinaire. Dans les faits, peu de plaintes ont été transmises aux juridictions ordinales124. En particulier, le CDOCD de l’Isère n’en a transmis aucune125.
157. Lorsque les juridictions disciplinaires ont été saisies, elles ont désavoué les positions soutenues par les conseils départementaux de l’ordre. S’agissant des plaintes déposées par le docteur J... contre les praticiens lyonnais, la chambre disciplinaire de première instance de la région Rhône-Alpes les a rejetées au motif qu’aucun des griefs allégués n’était fondé. Ces décisions ont été intégralement confirmées par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes.
158. S’agissant du défaut de communication du contrat au CDOCD, la chambre disciplinaire nationale a jugé « que le fait, pour regrettable qu’il soit, que cette communication n’ait pas été faite dans le mois suivant la conclusion de ce contrat, contrairement aux dispositions de l’article L.4113-9 du code de la santé publique, n’est pas, en l’espèce, de nature à justifier une sanction dès lors, notamment, qu’il s’agissait d’un contrat-type déjà soumis à de très nombreuses reprises aux instances de l’Ordre (...) »126.
159. Les griefs de compérage (article R. 4127-224 du CSP), de détournement de clientèle (article
R. 4127-262 du CSP) et de publicité (article R. 4127-215 du CSP) ont également été écartés, tant en première instance qu’en appel.
160. La chambre disciplinaire nationale a en effet considéré : « qu’un réseau de soins, dépendant notamment de compagnies d’assurances ou de mutuelles, permet aux patients affiliés à ces organismes de bénéficier des soins dispensés par des praticiens qui se sont engagés à respecter diverses obligations dont, en particulier, un plafonnement de leurs honoraires par type d’acte pratiqué ; que le contrat instituant un tel réseau, intitulé « accord de partenariat réseau implantologie orale » émanant de la société Santéclair (...) ne comporte, par lui- même aucune disposition qui puisse donner lieu à une accusation de compérage, de détournement de patientèle ou de publicité ; que ce contrat ne prévoit pas en effet que les honoraires pratiqués par le praticien puissent varier selon que le patient concerné est ou non bénéficiaire du réseau de soins ; que le fait que les tarifs pratiqués par le praticien signataire du contrat et portés à la connaissance des patients bénéficiaires puissent influencer ceux-ci dans le choix de leur chirurgien-dentiste est le résultat d’une information des patients et ne peut être regardé comme une tentative par ce praticien d’opérer en sa faveur un détournement de patientèle ; qu’enfin l’article 3.3 dudit contrat prévoit expressément que les coordonnées des praticiens adhérents au réseau de soins et s’engageant donc notamment à en respecter la grille tarifaire ne seront communiquées aux patients bénéficiaires comme étant les praticiens adhérents les plus proches géographiquement que si ces patients en font la demande ; que ce dispositif ne constitue pas une action de publicité mais seulement une information des réseaux de soins pour leur permettre de bénéficier des avantages offerts par le réseau de soins ; qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus le Docteur J... a lui-même produit la lettre de la Société Santéclair à Madame (…) lui indiquant que les noms des trois chirurgiens-dentistes proposés lui étaient communiqués à sa demande et que le Docteur J... n’établit pas que cette affirmation ait été erronée ; qu’en outre, et en tout état de cause, un agissement contraire ne serait pas le fait du Docteur 20… et contredirait les clauses du contrat signé par lui (...) » (soulignements ajoutés).
161. La chambre disciplinaire a également analysé les éléments extérieurs au contrat et en a conclu : « que les agissements prêtés à la plateforme téléphonique de la Société Santéclair et qui seraient de nature commerciale ne peuvent en tout état de cause, être retenus à l’encontre des praticiens concernés et justifier que leur soient infligées des sanctions (...) » et « que le fait d’adhérer à un réseau de soins et par suite, de limiter ses honoraires pour chaque acte à un montant mentionné dans le contrat d’affiliation ne peut être regardé comme susceptible de conduire le chirurgien-dentiste à aliéner son indépendance professionnelle au sens de l’article R. 4127-209 du code de la santé publique ». Elle a également précisé que les manquements allégués en cours d’exécution du contrat (par exemple, la communication des coordonnées de praticiens adhérents sans demande préalable du patient) ne pourraient « en tout état de cause » être retenus à l’encontre du praticien127.
162. Au total, selon la FSDL, « Entre trente et quarante plaintes ont été déposées par des praticiens avec le soutien de la FSDL »128. Outre les deux affaires examinées ci-dessus, cinq autres dossiers similaires ont donné lieu à des décisions de rejet de chambres disciplinaires de première instance. Sur ces cinq décisions, deux ont fait l’objet d’un appel qui, dans les deux cas, a été rejeté par la chambre disciplinaire nationale. Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi en cassation formé contre ces deux décisions les 19 décembre 2018 et 1er février 2019129.
163. Aucune des décisions rendues n’a conclu à l’existence d’une violation des règles prohibant le compérage, le détournement de clientèle et la publicité.
La coordination entre le CNOCD, la FSDL et le CDOCD de l’Isère Les messages internes de la FSDL sur la coordination avec le CNOCD
164. Par courrier du 22 novembre 2013, Santéclair a interpellé le Conseil national de l’ordre à propos d’une newsletter diffusée par la FSDL de La Réunion (voir paragraphes 140 et 143) appelant à porter plainte et précisant :
« La FSDL, en accord avec le Conseil National de l’Ordre, vous soutiendra dans cette action afin de mettre un terme à ces pratiques inadmissibles ».
165. Le courrier de Santéclair se concluait ainsi : « Je vous remercie de bien vouloir m’indiquer s’il est vrai que le Conseil National de l’Ordre cautionne et encourage la tenue de tels propos, qui relèvent du dénigrement et du boycott »130.
166. Ce courrier a suscité des discussions au sein de la FSDL. Ainsi, en réponse à un courriel du 30 janvier 2015 adressé par un membre du bureau de la FSDL à M. F…, président de la FSDL de La Réunion indiquant : « Tu as vu F... !! Tu es cité par SantéClair. Ca te fait plaisir au moins ?! »131, M. E..., vice-président de la FSDL, a écrit :
« ouai sauf que les écrits de F... à l’époque nous posent probleme car il a diffusé des informations internes sur nos relations avec le Conseil National de l’Ordre et que c’est maintenant une pièce qui affaiblit notre défense devant les tribunaux
il faut faire très attention à ce que l’on écrit et communique »132 (sic).
167. Le 31 janvier 2015, toujours à propos de cette newsletter, M. E..., vice-président de la FSDL et membre du CDOCD de l’Isère, a adressé à M. Z..., président de la FSDL, et à M. N…, secrétaire général de ce syndicat, un courriel ainsi rédigé :
« ci-dessous une réaction curieuse de [H…, membre du bureau de la FSDL], avec qui je travaille en harmonie en Rhône Alpes et pourtant on dirait qu’il ne comprend rien à la stratégie que nous avons mise en place action conjugée et concertée de la FSDL et de l’Ordre National avec des précautions pour ne pas être attaquables »133 (soulignement ajouté).
168. Comme indiqué, M. E... a joint, à la suite de son message, ses échanges avec M. H... à qui il explique notamment : « parce qu’il a impliquer l’Orde National sans son accord et surtout parce que cela démontre une collusion pour organiser un boycott l’Ordre National doit rester une institution impartiale et non partisanne qui doit rester dans son rôle de gardien du respect de la déontologie et du code de la santé
évoquer des accords possibles pour orienter l’action de l’Ordre peut être notre seule pièce à charge susceptible de nous faire condamner ainsi que l’Odre National
c’est notre point faible dans ce dossier »134 (sic).
Les informations transférées par M. E... sur la mise en œuvre de la campagne de plaintes
169. Dans un courriel du 24 octobre 2013, adressé à M. C... et à M. Z... en copie, M. E... a écrit :
« encore un confrère qui se retrouve avec un détournement de patient par des praticiens adhérents de Santéclair (voir texte ci dessous et pièce jointe)
cela se généralise et va entrainer des tensions entre les confrères cela peut se traduire par des conflits au sein de la profession
il faut arrêter cette dérive au plus tôt
nous allons commencer à mettre en cause quelques confrères dans l’Isère puis dans toutes les régions en déposant plaintes devant les conseils de l’ordre départementaux
[cela va] remonter au niveau national qui va être interrogé sur la conduite à tenir
nous ne voulons pas mettre l’Ordre en porte à faux mais notre argument principal est de faire respecter notre code de déontologie
nous vous tiendrons informés de nos actions et de leurs évolutions pour une concertation efficace »135 (sic, soulignements ajoutés).
170. Différentes pièces recueillies au cours de l’instruction indiquent que M. E... a régulièrement informé le président du CNOCD, mais également le CDOCD de l’Isère, des résultats de la campagne de plaintes.
171. Ainsi, par un courrier à en-tête du CDOCD de l’Isère, daté du 2 janvier 2014, M. E... a transmis au président du CNOCD le contrat passé entre le docteur I... et Santéclair en précisant : « Ce confrère a résilié son contrat suite à deux plaintes et conciliations organisées par notre Conseil de l’Ordre Départemental de l’Isère »136.
172. Il a également communiqué au président du CNOCD des informations portant plus généralement sur les objectifs communs de lutte contre les réseaux de soins. Ainsi, le 14 février 2014, il a adressé à M. C..., président du CNOCD, et à M. Z..., président de la FSDL, un courriel ayant pour objet « santesombre dans la Drôme », afin de leur faire savoir que l’un des membres du conseil de l’ordre de la Drôme était adhérent du réseau137.
173. De même, dans un courriel du 19 novembre 2014, M. E... a écrit à M. C... : « ci dessous et ci-joint les courriers et protocole d’un nouveau réseau créé par le Crédit Mutuel !!!! on n’a pas fini »138.
174. S’agissant des conseillers ordinaux de l’Isère, le 4 décembre 2013, M. E... leur a transféré ses échanges avec le docteur J..., adhérent à la FSDL, qui lui a écrit, à propos de la résiliation du docteur I..., adhèrent à Santéclair : « Après cette "conciliation", il y a un praticien implanto de moins signataire Santéclair dans l’Isère, c’est peut etre une goutte d’eau mais ça peut faire une rivière, voire plus… »139.
175. D’autres transferts de courriels de la FSDL aux conseillers ordinaux de l’Isère sur le thème des plaintes contre les partenaires Santéclair, mais aussi Itélis, ont eu lieu en 2013 et 2014140.
b) Les pratiques du CNOCD
176. Après la réunion de septembre 2013 et le lancement de la campagne de plaintes, le CNOCD a partagé sa position critique sur les réseaux de soins, au moyen d’une circulaire diffusée largement auprès des CDOCD et d’un atelier de formation.
La circulaire « protocoles » du 7 novembre 2013
La proposition de la présidente de la commission exercice et déontologie
177. Lors d’une réunion de travail du 10 juillet 2013141, le bureau du CNOCD a décidé, sur proposition de Mme T…, présidente de la commission exercice et déontologie et secrétaire générale du CNOCD, « d’adresser une circulaire aux Conseils départementaux globalisant les points posant problème de façon générale dans les protocoles (en ne citant aucune assurance ou mutuelle) afin de les renseigner »142.
178. Les précisions suivantes ont été apportées par Mme T... lors de son audition par les services d’instruction :
« Suite à l’envoi de nombreux protocoles par les CDO qui nous demandaient un avis, nous avons considéré que la multiplication des réseaux soulevait de nombreuses interrogations. Les CDO souhaitaient que nous formulions un avis mais nous ne pouvions pas le faire car cela ne relève pas de nos missions. Nous souhaitions leur rappeler que c’était à eux de rendre un avis individuel, et à chaque praticien, que c’était à lui de prendre ses responsabilités. La circulaire a été rédigée en essayant d’anticiper toutes les difficultés qui pourraient survenir au cours de la vie du contrat.
Nous voulions aider les départements, tout en respectant la décision du conseil de la concurrence de 2009 »143 (soulignement ajouté).
179. La circulaire « protocoles »144, diffusée aux conseils départementaux, régionaux et interrégionaux, est datée du 7 novembre 2013. Elle rappelle le rôle de chacun et énumère les grands principes posés par le CSP :
« Il appartient aux Conseils départementaux d’analyser les conventions et protocoles que peuvent signer les chirurgiens-dentistes inscrits à leurs Tableaux.
Leurs remarques et avis ne peuvent être adressés qu’au seul chirurgien-dentiste concerné et les actions du Conseil départemental de l’Ordre ne peuvent être orientées que vers ce seul chirurgien-dentiste.
Au regard du code de la santé publique, il est important de se pencher sur les points suivants (qui ne sont pas exhaustifs) : (...) ».
180. Cette circulaire de plus de quatre pages recense ensuite 43 « points », regroupés en onze thèmes, qui se réfèrent plus ou moins directement aux dispositions du code de déontologie.
181. Sont reproduites, ci-après, les dispositions relatives à trois thèmes qui sont au cœur des actions menées contre Santéclair : la transmission des contrats, le détournement de patientèle et l’indépendance des chirurgiens-dentistes145.
182. Cette circulaire s’inscrit dans la continuité de la consultation adressée par le CNOCD au CDOCD des Bouches-du-Rhône en février 2013 concernant le docteur 8... mentionnée au paragraphe 113 ci-dessus. Les points d’attention identifiés par la circulaire recoupent également très largement le contenu d’un document intitulé « PROTOCOLE IMPLANTO SANTECLAIR – Note de synthèse globale GW »146 à propos duquel Mme T... a déclaré :
« C’est moi qui ai rédigé ce document en janvier 2014. Il s’agit d’un document interne, d’une analyse du protocole Santéclair implantologie. (...) Elle n’a pas été diffusée. L’analyse portait notamment sur le cahier des charges qui ne conduisait à retenir que certaines marques d’implants dont les prix et les données physico-chimiques semblaient incompatibles avec la grille tarifaire et les préconisations du protocole »147.
183. Outre le rappel de principes généraux posés par le CSP, tels que l’interdiction de la publicité et du détournement de patientèle, cette circulaire contient des interdictions, obligations ou recommandations dont les sources ne sont pas précisées et notamment :
- « Si une liste de praticiens signataires est adressée à un patient, il faut qu’il y ait une preuve que ce dernier ait bien fait une demande à sa complémentaire santé en vue d’obtenir les coordonnées de praticiens signataires du protocole » ;
- « Un chirurgien-dentiste ne doit pas être limité ou contraint par des considérations économiques et de rentabilité. La seule limite est ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des soins » ;
- « Attention à l’adéquation des tarifs imposés avec la qualité des soins ; attention aux laboratoires de prothèse imposés, et aux dispositifs médicaux imposés ».
184. Interrogés sur l’interprétation à donner à certaines notions telles que le détournement de patientèle ou l’abaissement des tarifs dans un but de détournement de patientèle, Mme T... (GW), présidente de la commission exercice et déontologie et secrétaire générale du conseil de l’ordre et M. Y... (GB), président du CNOCD de 2015 à 2018, ont apporté les précisions suivantes :
GW : Un praticien ne peut, par exemple, pas faire de publicité mettant en avant son appartenance au réseau, par une affiche ou un [prospectus]. (...)
Il ne faut pas aller chercher des patients seulement pour des soins rémunérateurs. (...)
GW : La connaissance du patient, une approche globale par une équipe de soins et le suivi des soins dentaires sont importants. L’implantologie et la prothèse ne peuvent donc être dissociées des autres soins dentaires.
La captation de patients vise certains protocoles qui ne proposent que l’implant ou la prothèse, qui sont des soins rémunérateurs. Certains patients disaient que le réseau leur avait, en dehors de toute sollicitation, envoyé un courrier leur disant d’aller chez un autre praticien pour que leur implant soit mieux remboursé.
GB : L’abaissement des tarifs dans un but de détournement de patientèle pourrait viser un praticien qui signe un protocole le conduisant à abaisser significativement ses propres tarifs pour les clients envoyés par le réseau.
On pourrait aussi imaginer un protocole imposant un tarif systématiquement inférieur de 10% au tarif du devis soumis à l’organisateur du réseau.
L’adéquation des tarifs imposés avec la qualité des soins a été mentionnée parce que certaines grilles tarifaires imposées par les protocoles pour les pièces implantaires étaient irréalistes par rapport aux normes imposées. Elles conduisaient les praticiens à travailler à perte.
Il y a peu de jurisprudence sur ces questions, et notamment sur la notion de détournement de patientèle, car 90% des litiges se concluent au stade de la conciliation et ne donnent pas lieu à décision de justice. La circulaire a été conçue en reprenant les articles du code de déontologie et en mettant en perspective toutes les questions susceptibles de se poser »148 (sic, soulignement ajouté).
Le contenu de la circulaire : les suites à donner
185. La circulaire se termine par le paragraphe suivant :
« Pour conclure, nous vous renvoyons aux termes du dernier alinéa de l’article L. 4113-9 du code de la santé publique : « Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 »149.
186. Lors de son audition, Mme T... a répondu à la question suivante :
« Question : Quelle devrait être la réaction d’un CDO qui constaterait qu’un contrat de partenariat avec un réseau de soins est incompatible avec le code de la santé publique ? » :
Réponse :
GW : Le CDO devrait dans ce cas écrire au confrère en lui expliquant quels points sont contraires au code et lui demander de faire modifier le protocole sur ces points et apporter la preuve de cette demande. Si le praticien ne s’exécute pas, le CDO pourrait le poursuivre disciplinairement. Ces démarches doivent viser individuellement chaque praticien. En tout état de cause, la décision incombe au CDO concerné »150.
187. Cette position est en effet celle rappelée dans la lettre-type adressée par le CNOCD « dès lors qu [’un conseil départemental lui] demande [son] avis sur un contrat-protocole particulier »151. Le courrier adressé le 16 septembre 2014 au CDOCD des Alpes Maritimes en constitue un exemple152. Il indique notamment qu’il « incombe aux Conseils départementaux d’émettre, éventuellement, un avis ayant le caractère de décision faisant grief sur les contrats qui leur sont obligatoirement communiqués par les chirurgiens- dentistes en vertu de l’article L. 4113-9 du code de la santé publique » (sic).
188. Interrogée sur la notion d’« avis ayant le caractère de décision faisant grief », Mme T... a indiqué qu’il s’agissait de « la demande du CDO au confrère de se mettre en conformité avec les règles déontologiques, par exemple en demandant la suppression ou la modification de certaines clauses »153.
Le recours à la circulaire
189. En dépit de l’adoption de la loi Le Roux et des diverses décisions rendues par les juridictions disciplinaires rappelées aux paragraphes 157 et suivants ci-dessus, la présidente de la commission exercice et déontologie et secrétaire générale du CNOCD a déclaré, en audition, le 21 décembre 2017, « [qu’] actuellement, en cas de question des CDO sur les protocoles de réseaux de soins, nous les renvoyons toujours à cette circulaire »154.
L’atelier de formation « Réseaux et Loi Leroux – Transmission des plaintes par les conseils départementaux »
190. Le CNOCD réunit chaque année les conseils départementaux et leur propose des ateliers de formation animés par des conseillers nationaux155.
191. Lors du congrès des 17 et 18 octobre 2014, le CNOCD a organisé un atelier intitulé
« Réseaux et Loi Leroux – Transmission des plaintes par les conseils départementaux »156 (sic).
192. Deux diaporamas de présentation distincts ont été utilisés lors de cet atelier : « Réseaux et Loi Leroux »157 (sic) et « Rédaction et transmission des plaintes à la CDPI »158.
193. La présentation « Réseaux et Loi Leroux » (sic) se compose de trois parties : un rappel historique (situation avant la loi Le Roux et modifications apportées par la loi Le Roux), les actions du CNOCD (devant le Conseil constitutionnel et devant la Commission européenne) et les réseaux en pratique (difficultés rencontrées et illustrations ; rôle des CDO).
194. Dans la partie historique, il est souligné à propos des modifications apportées par la loi Le Roux que « L’objectif poursuivi ne se limite pas à une amélioration du remboursement : il s’agit avant tout de faire baisser des prix »159.
195. Dans la partie consacrée aux « réseaux en pratique », les « difficultés rencontrées » sont ainsi résumées : « La signature de conventions (ou protocoles) entre chirurgiens-dentistes d’une part et mutuelles ou assurances d’autre part, pourrait avoir pour conséquence une mise à mal des dispositions de notre code de déontologie ».160 Suivent des développements portant sur des thèmes similaires à ceux de la circulaire du 7 novembre 2013, comme
« Indépendance professionnelle et liberté de prescription »161 ou encore « Procédés publicitaires et tentative de détournement de clientèle »162 et qui mettent par exemple en exergue le fait que « Certains protocoles exigent certains engagements tarifaires de la part de leurs partenaires »163.
196. Ces difficultés sont suivies d’une présentation du rôle des CDOCD, qui consiste à « analyser les conventions et protocoles (...) et [à] vérifier le respect des dispositions de notre code de déontologie par les chirurgiens-dentistes »164.
197. Une sous-partie est ensuite consacrée à la nécessité de « ne pas sortir des attributions de service public ». Il y est indiqué : « L’Ordre peut difficilement agir à l’encontre des organismes complémentaires d’assurance maladie sans sortir de ses attributions de service public.
Son action est essentiellement limitée au respect, par ses membres (les chirurgiens- dentistes), de leurs devoirs professionnels (...) ».
« En revanche, les chirurgiens-dentistes eux-mêmes, à titre individuel ou par l’intermédiaire de groupements constitués en vue de la défense de leurs intérêts (syndicats par exemple) pourraient agir à l’encontre de ces organismes dont les pratiques déloyales (et peut-être anticoncurrentielles) nuisent à leurs intérêts »165.
198. Enfin, une diapositive du document est spécifiquement consacrée au rôle des CDOCD dans l’analyse des protocoles unissant des praticiens à des réseaux de soins166. Il y est notamment précisé que « les CDO reçoivent souvent des plaintes de chirurgiens-dentistes non adhérents à des protocoles et qui se plaignent de procédés de publicité indirects effectués par les organismes au profit de leurs chirurgiens-dentistes partenaires » et qu’ils « transmettront [c]es plaintes (...) ».
199. Le président du CDOCD de Dordogne, qui a assisté à cet atelier, en a fait un compte rendu lors de la séance du conseil du 10 décembre 2014. Il a insisté sur les directives du CNOCD qui invitent les CDOCD à « sanctionner tout en restant dans la légalité en cas de détournement de patientèle »167.
200. Le compte rendu de cet atelier de formation, diffusé par le CDOCD de Dordogne à ses ressortissants via une circulaire de janvier 2015, est encore plus explicite : « L’Ordre dispose de tout un arsenal répressif pour dissuader les confrères de signer des contrats de réseau avec des mutuelles, qui pourraient entraîner des détournements de clientèle »168.
c) Les pratiques de la FSDL
201. Les pratiques complémentaires mises en œuvre par la FSDL visent Santéclair et d’autres réseaux de soins.
Les pratiques de la FSDL contre Santéclair
202. Un ensemble d’actions complémentaires à la campagne de plaintes contre Santéclair est mentionné dans le compte rendu du conseil d’administration de la FSDL du 15 mars 2014169. Ce dernier énonce notamment :
« Pas de signataire = pas de réseaux.
- power point contre Santéclair
- interpeller le Conseil Départemental de l’ordre pour savoir si l’enquête est en place afin de répertorier les praticiens partenaires (comme l’Isère)
- encourager à nos adhérents à être irréprochables
- Combattre le réseau Santéclair avec les gros fournisseurs d’implants (distorsion de concurrence entre Dentaurum et les autres)
- chaque président régional transmet au président ordinal départemental la lettre de l’Isère
- Prochain LD 2-3 mois contre Santéclair » (sic).
203. Les actions menées par la FSDL sont également résumées par son vice-président, M. E... le 26 février 2015, dans le cadre d’une discussion au sein de la liste de diffusion du conseil d’administration de la FSDL :
« je t’assure 25… que nous faisons le maximum possible avec le prochain Libéral Dentaire en mettant la pression sur les conseils de l’ordre départementaux en épaulant les confrères qui déposent plainte en finançant l’avocat pour les confrères qui mènent en disciplinaire des santé sombres en maintenant des rapports serrés avec le conseil de l’ordre national sur ces dossiers en participant à des réunions d’explication et de motivation des confrères en motivant des ex signataires pour avoir leurs témoignages en récupérant toutes les données possible et leur exploitation après analyse etc. »170
204. La FSDL a effectivement largement communiqué à l’encontre de Santéclair. Son action s’est prolongée par l’offre d’une aide matérielle aux plaignants potentiels et le soutien aux initiatives du CDOCD de l’Isère. Tout comme la campagne de plaintes, ces actions complémentaires s’inscrivent dans le cadre d’une étroite collaboration entre la FSDL, le CNOCD et le CDOCD de l’Isère.
Les actions de communication
205. Le compte rendu de l’assemblée générale de la FSDL du 29 novembre 2014 présente ainsi la stratégie de communication mise en œuvre à l’encontre de Santéclair171 :
« On ne peut pas attaquer la société Santéclair car elle relève du Code de commerce et donc n’est soumise à aucun code de déontologie. La FSDL doit communiquer sur le fait que chaque praticien, adhérent à de la FSDL, qui verra un de ses patients détourné par un système de réseau sera défendu par le syndicat dans une action auprès du Conseil de l’Ordre pour faire respecter le code de déontologie.
Ne jamais dire de boycotter Santé Clair et de ne pas signer pour entrer dans le réseau sous peine de poursuites judiciaires » (sic).
206. La FSDL a élaboré plusieurs documents de communication.
Contenu
Le dossier « Analyse des conséquences de la création des réseaux de soins tels que Santéclair »
207. D’après le président de la FSDL, le dossier « Analyse des conséquences de la création des réseaux de soins tels que Santéclair »172 a : « été rédigé par un cadre FSDL de la région Rhône-Alpes et par le Docteur I... »173.
208. Ce document présente la société Santéclair et son activité de réseau de soins dentaires de façon très critique. On peut notamment y lire :
« Les chirurgiens-dentistes partenaires de ce réseau s’engagent par contrat à pratiquer des honoraires fixés très en dessous du marché en échange du rabattage de clientèle fait par la société Santéclair, lorsque les patients adressent un devis à leur assureur pour connaître les montants de prise en charge. (...)
La société Santéclair les orientent vers les praticiens du réseau. Ses salariés répondent aux patients / assurés en affirmant que leur praticien habituel pratique des honoraires plus élevés que la moyenne. Ils les incitent à les quitter pour aller consulter un chirurgien-dentiste du réseau qui leur fera faire des économies substantielles. Depuis cet automne ces patients reçoivent par écrit, et sans qu’ils le demandent, les coordonnées de trois praticiens Santéclair. Parfois une secrétaire les appelle à leur domicile pour les inciter à quitter leur chirurgien-dentiste habituel. (...)
Les chirurgiens adhérents du réseau attendent de celui-ci une publicité active et ciblée pour leur cabinet en contradiction avec les règles de déontologie et de confraternité. Cela s’appelle du compérage et doit être condamné par les instances ordinales. »
Ces confrères ne sont pas conscients qu’ils deviennent dépendants du réseau auquel ils se sont liés. Avec 30 % de patients adressés par le réseau, ils ne peuvent plus économiquement s’en détacher sans graves conséquences pour l’équilibre économique de leur cabinet dentaire. A partir de ce seuil, le réseau peut exiger des baisses d’honoraire. Ils ont de fait cédé gratuitement leur cabinet dentaire au réseau dont ils deviennent de simples sous-traitants.
Déjà dans ses contrats actuels, la société Santéclair impose aux chirurgiens-dentistes adhérents de suivre un cahier des charges très restrictif dont les clauses obligent à n’utiliser qu’une seule marque d’implants et un ou deux laboratoires de prothèses, sans les nommer dans les documents. (...)
La profession dentaire serait ainsi mise à terme, en état de dépendance et de contrainte avec la complicité de praticiens qui souhaitent bénéficier de détournements de clientèle.
Il n’y a que la prise de conscience des enjeux par tous les confrères pour faire barrage à cette dérive des réseaux. (...)
Sans praticien adhérent il n’y a pas de réseau. Les chirurgiens-dentistes qui ont cédé en signant des contrats liberticides bafouent notre code de déontologie et la confraternité »174 (sic, sauf soulignements ajoutés).
Modalités de diffusion
209. Ce dossier a initialement été transmis par M. E..., vice-président de la FSDL, au président du CNOCD, M. C..., le 27 janvier 2014, avec copie au président de la FSDL, M. Z.... Il était accompagné d’un courriel ainsi rédigé :
« voilà C… notre analyse complète sur le réseau
tu pourras en tirer des arguments pour ta communication (...)
il va falloir résister »175.
210. Cette transmission avait été annoncée dans un courrier à en-tête du CDOCD de l’Isère daté du 2 janvier 2014176.
211. Le même jour, soit le 27 janvier 2014, M. C..., président du CNOCD a diffusé le document en pièce jointe (fichier Santéclair.docx) aux membres du bureau du CNOCD. Il a été examiné lors de la réunion de travail du bureau du 29 janvier 2014, sans autre suite mentionnée que « dont acte »177.
212. Le 28 janvier 2014, ce document a été envoyé par courriel par M. Z... à M. N...178, alors secrétaire adjoint de la FSDL, avec la consigne suivante :
« Il faut diffuser cela partout mais sans en tête FSDL et surtout sans que l’adresse IP puisse être reconnue ([d’]après C..., il faut que cela soit anonyme). Tu sais faire ou on va dans un café internet ? Il faudrait créer un pseudo sur Facebook SantéSombre et balancer ça sur tous les groupes sachant que les administrateurs peuvent être emmerdés »179 (sic).
213. Lors de son audition, M. Z... a expliqué le contexte de ce courriel :
« J’ai constaté que Santéclair commençait à récupérer des commentaires échangés entre nous sur nos groupes Facebook. Sachant quelle utilisation Santéclair pouvait en faire, je n’ai pas souhaité que ce document puisse être identifié comme un document FSDL. (...) Je pense que le document a été mis en ligne par un adhérent FSDL, de façon anonyme.
Il faut savoir qu’à cette époque, il nous avait été reproché d’inciter les chirurgiens-dentistes à attaquer leurs confrères »180.
214. Il a également déclaré :
« Je ne sais plus pourquoi il est indiqué "d’après C... [alors président du CNOCD], il faut que cela soit anonyme", peut-être parce que des marques de sociétés sont citées. Je lui ai vraisemblablement soumis le document pour avoir son avis et il a dû nous mettre en garde ayant lui-même eu affaire à Santéclair »181.
215. Le 28 janvier 2014, M. N..., secrétaire adjoint de la FSDL, a effectivement posté sur le groupe Facebook « Les chirurgiens-dentistes ne sont pas des pigeons et encore moins des moutons » un message intitulé « enfin des infos qui sortent sur santeclair, on va le faire dégonfler son réseau de mauvaise qualité », contenant un hyperlien vers le dossier « Analyse des conséquences de la création des réseaux de soins tels que Santéclair »182.
216. Concomitamment, le 28 janvier 2014, un sujet intitulé « SCOOP : le scandale SantéSombre !!!!!! » a été ouvert sur le forum Eugenol. On peut y lire : « Pour tout ceux qui ne connaissaient pas le système SANTE SOMBRE, vous allez découvrir le véritable visage de ce réseau de soins commercial » (sic). La pièce jointe à ce message n’est plus accessible mais les échanges entre les participants à cette conversation confirment la mise en ligne du document « Analyse des conséquences de la création des réseaux de soins tels que Santéclair »183.
Le témoignage du docteur I... publié dans l’édition spéciale du « Libéral Dentaire » de juin 2014 et sur le site internet de la FSDL
Éléments de contexte
217. L’édition spéciale du « Libéral Dentaire » de juin 2014 édité par la FSDL comporte sous le titre « Témoignage » un article débutant ainsi : « Depuis quelques années, des praticiens sont confrontés à la perte de patients qui se font soigner à l’étranger, dans des centres low- cost, et maintenant dans des réseaux de soins... Le Dr I..., implantologiste à Grenoble, nous livre ici son témoignage sur SantéClair : un sujet brûlant pour la profession. Extraits »184. Cet article indique également que le témoignage est disponible dans son intégralité sur le site internet de la FSDL185 où il a été mis en ligne le 26 mai 2014 sous le titre « A propos d’une expérience avec Santéclair... ! ». Il était encore accessible sur le site Internet de la FSDL à la date de la notification de griefs186.
218. L’origine de ce témoignage est exposée en ces termes par M. Z..., président de ce syndicat :
« Il y a eu une plainte déposée contre le docteur I.... Lors de la conciliation, un cadre de la FSDL était présent, il accompagnait le praticien qui avait poursuivi le Docteur I... pour détournement. Le docteur I... a renoncé à son partenariat avec Santéclair et nous a expliqué comment se déroulait le partenariat dans les faits. Nous avons jugé utile de recueillir le témoignage de ce praticien qui avait vu, de l’intérieur, le fonctionnement de Santéclair »187.
219. On notera que préalablement à la publication de ce témoignage, M. E..., vice-président de la FSDL, avait sollicité l’avis du président du CNOCD, dans un courriel du 28 janvier 2014 : « tu trouveras ci-joint l’article rédigé par notre confrère I…, ex-adhérent du réseau SANTECLAIR
il veut le faire paraitre dans des revues professionnelles
je lui ai conseillé de le faire valider par un avocat connaissant ce dossier pour lui éviter une mise en cause par SANTECLAIR
peux tu demander l’avis expertise de ton avocate »188. Contenu
220. Dans l’article « A propos d’une expérience avec Santéclair... ! », la FSDL rapporte les propos du docteur I... qui présente ainsi le discours commercial de Santéclair :
« Quand le patient envoie son devis établi par son praticien à sa complémentaire santé pour connaître ses remboursements, en réponse, il reçoit un ou plusieurs appels téléphoniques et un courrier lui indiquant que s’il choisit de se faire soigner par un partenaire du réseau Santéclair, le reste à sa charge sera très nettement inférieur pour une qualité de soin équivalente voire supérieure, puisque les praticiens membres sont des "spécialistes" très compétents posant des implants de qualité. (....)
Après ce discours commercial une liste comportant 3 noms de praticiens agréés Santéclair de sa région, avec adresse et téléphone, est adressée au patient. (....) »189.
221. Ce praticien dénonce par ailleurs sans détour les manquements supposés aux règles de déontologie :
« N’est-il pas interdit d’exercer la profession comme un commerce ?
Qu’en est-il de la liberté du choix de dispositifs médicaux utilisés sachant qu’après c’est à nous d’en assurer la responsabilité ? (...)
Confrère vous avez dit confrère ? Les membres de ce réseau peuvent-ils ignorer qu’ils lèsent les confrères par le détournement de patient ? (...) ».
222. L’article conclut en appelant à la mobilisation des praticiens contre Santéclair :
« Je comprends que certains confrères portent plainte à l’Ordre départemental des chirurgiens-dentistes pour détournement de patientèle, pour compérage et pour pratique de l’art dentaire comme un commerce. (...)
Oui, personnellement, je suis content d’avoir vu de l’intérieur comment cela se déroule et tout aussi content de les avoir quittés !
Alors maintenant VOUS qui êtes membre du réseau, faites comme moi, réfléchissez sur le bienfondé d’y rester !!!
Et VOUS, mes chers confrères, Santéclair vous proposera un jour ou l’autre de vous enrôler avec eux, j’espère alors que les lignes qui précèdent vous aideront à prendre une décision réfléchie.
Tous ensemble nous devons veiller à pouvoir poursuivre une pratique libérale de notre métier.
Les praticiens doivent pratiquer l’art dentaire sans le brader, en toute indépendance, et en toute éthique. La santé n’est pas un commerce et les praticiens ne sont pas à vendre ! » 190 (soulignements ajoutés).
223. On retrouve des éléments de langage similaires dans l’interview du docteur I..., publiée en juin 2014 dans le Libéral Dentaire, sous le titre « Témoignage » :
« SantéClair est une plateforme de services qui ne dépend ni du code de la santé, ni du code des assurances et encore moins de notre code de déontologie. Tout est extrêmement cadré : on vous impose la marque d’implant, le laboratoire de prothèse, et jusqu’aux tarifs, de type low-cost. Et là, vous vous dites : qu’en est-il de la liberté de choix, de produits, et d’honoraires pour le praticien... ? Et pour le patient à qui l’on tient un discours commercial pour l’inciter à se faire soigner par un partenaire du réseau ! Tous les arguments sont bons, sans compter la transmission des coordonnées de trois praticiens agréés, et vivement recommandés. Il faut quand même oser détourner le patient de son chirurgien-dentiste habituel ! (...)
Je voudrais inviter mes confrères à s’interroger sur ces pratiques qui transforment l’art dentaire en un commerce. La dimension lucrative nous éloigne trop des valeurs de Santé publique il est urgent de réagir. Déjà de nombreuses plaintes ont été déposées auprès du Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes pour détournement de patients et compérage »191 (soulignements ajoutés).
Le diaporama PowerPoint « Dossier Santéclair »
224. Lors de son audition, le président de la FSDL a indiqué :
« Ce PowerPoint reprend en partie le document " analyse des conséquences de la création d’un réseau de soins..." mais est davantage axé sur Santéclair »192.
225. Trois versions du diaporama PowerPoint « Dossier Santéclair » ont été versées au dossier :
- la première a été transmise le 18 novembre 2014 par la FSDL Ile-de-France à sa liste de diffusion193. Cette même version a été mise en ligne sur le forum Eugenol, par
M. Z..., président de la FSDL, le 26 novembre 2014, dans le cadre d’un sujet intitulé
« Santéclair/22… invitée à l’ADF »194 ;
- une autre version195 a été transmise le 11 mars 2015 par M. Z... aux membres du bureau de la FSDL et mise en ligne sur la « zone cadre » du site de la FSDL, qui est accessible aux membres du conseil d’administration du syndicat. M. Z... indique dans le message de transmission qui a pour objet « AG powerpoint SantéSombre » :
« Pour ceux qui souhaitent avoir une base de travail pour la présentation de l’action de la FSDL contre SantéClair lors d’une AG »196 ;
- une troisième version a été saisie dans les locaux de la FSDL de La Réunion197. Non datée, on peut établir à partir d’une diapositive qui reprend un extrait d’un procès-verbal de constat du 4 février 2015, que cette version est postérieure à cette date. M. F..., président de la FSDL de La Réunion, a déclaré à son propos : « C’est un PowerPoint réalisé par un membre de la FSDL nationale. Je l’ai présenté lors d’une assemblée générale, pour les adhérents, une seule fois en 2015, me semble-t- il. Il s’agissait de montrer où en était le dossier Santéclair »198.
226. Ces trois versions présentent toutes la même structure : une présentation de Santéclair à travers son fonctionnement et ses partenaires, une rubrique « comment se défendre » et enfin, des développements sur les échanges entre Santéclair et la FSDL (blog de Santéclair, assignation...).
227. Dans ce support de communication, la FSDL décrit les pratiques de Santéclair comme des pratiques de détournement de patientèle199 et développe un ensemble d’arguments visant à démontrer que l’adhésion à Santéclair fait perdre aux chirurgiens-dentistes leur indépendance thérapeutique, notamment en leur imposant la marque d’implant Dentaurum200.
228. En conclusion, une diapositive201 invite très directement les praticiens à ne pas adhérer au réseau Santéclair, à agir auprès des confrères en les encourageant à ne pas signer ou en les prévenant des conséquences et à déposer plainte auprès de leur CDOCD (une autre diapositive propose une lettre-type de plainte202). Cette invitation à ne pas signer a été débattue au sein du conseil d’administration de la FSDL comme en atteste un courriel saisi lors des perquisitions : « Je suis un peu tracassé par un mail dans lequel j’ai lu que nous devions ré-écrire notre présentation sur les réseaux de soins, en éliminant toute formule pouvant évoquer un appel au boycott dédits réseaux. (...)203 ».
Les autres actions de communication de la FSDL
229. L’argumentaire développé par la FSDL contre Santéclair est repris dans de nombreux autres supports de communication, qui visent plus généralement tous les réseaux de soins dentaires, en les assimilant à Santéclair.
230. Ainsi, par exemple, la pratique des réseaux est analysée dans l’éditorial du Libéral dentaire d’octobre 2013204 qui insiste notamment sur le fait que « La pression économique se fera sentir sur tout notre exercice. Les chirurgiens-dentistes adhérents aux réseaux deviennent de simples prestataires de service. On connaît les pratiques de la grande distribution que l’on veut nous appliquer. L’intérêt des assurés n’est qu’un prétexte au détriment de la liberté de choix des patients » et qui se conclut par :
« Il est important que chaque praticien refuse d’entrer dans ces réseaux s’il ne veut pas que ceux-ci lui imposent ses honoraires et ses choix thérapeutiques ».
231. L’Édito « Réseaux de soins commerciaux » du 14 avril 2014, évoqué au paragraphe 148, affirme également que les pratiques de Santéclair « vont à l’encontre du Code de Déontologie », sont « anticoncurrentielles » et que « le réseau commercial qui propose des soins à des tarifs imbattables instaure une concurrence déloyale à partir du moment où nos patients sont systématiquement détournés de nos cabinets suite à l’envoi d’un devis pour connaître leur reste à charge ».205 Cet édito vise également le réseau Kalivia : « (...) déjà, se profile à l’horizon l’apparition de petits nouveaux comme le réseau Kalivia (Malakoff Mederic + Harmonie Mutuelle) regroupant plus de 10 millions d’assurés et sévissant dans le secteur des opticiens ». Comme chaque éditorial du syndicat, il a été publié sur le site Internet de la FSDL et partagé sur les réseaux sociaux206.
232. Enfin, dans un article intitulé « Témoignage d’une praticienne suite à un détournement de patient », toujours accessible depuis la page d’accueil du site internet de la FSDL à la date de la notification de griefs207, il est indiqué :
« 12…. 43 ans omnipraticienne (64), nous interroge sur les détournements de patient dont elle est de plus en plus fréquemment victime depuis quelques mois, la FSDL lui apporte les réponses pour lui expliquer le danger des réseaux commerciaux mis en place par les organismes complémentaires ainsi que la conduite à tenir. (...)
« Comment éviter ce détournement de patientèle à un moment où le vote de la Loi Le Roux en décembre 2013 autorise désormais la multiplication de ces réseaux de soins commerciaux y compris au sein même des mutuelles ? »
La solution passe évidemment par des actions fortes et ciblées de la FSDL. Nous avons mis en place une procédure pour aider nos adhérents lorsqu’ils sont confrontés à ce type de pratiques antis déontologiques. En multipliant nos actions avec votre soutien, nous finirons par éradiquer totalement ces réseaux commerciaux qui tentent de détourner grossièrement nos patients alors que ces derniers ne souhaitent qu’une chose finalement : connaître le montant de leur remboursement chez leur praticien traitant habituel qui les suit depuis des années et en qui, ils ont entièrement confiance »208 (soulignements ajoutés).
Le courrier anonyme intitulé « message confraternel »
233. Il s’agit d’un courrier anonyme datant de février 2015, accompagné d’une liste de praticiens adhérents à Santéclair et adressé à plusieurs centaines de praticiens et à plusieurs instances ordinales209.
234. Il débute ainsi :
« Chère consoeur, cher confrère,
Vous trouverez au verso la liste des praticiens partenaires Santéclair dans le Var. (Janvier 2015) ». Il y est également indiqué : « Nous attirons votre attention sur le fait que ce courrier est envoyé à plus de 500 dentistes du Var (et environs proches), de Grasse à Cassis en passant par Draguignan, Manosque et Hyères »210.
L’origine du message
235. Peu avant l’envoi de ce courrier, des conversations (reproduites ci-après) ont eu lieu sur Facebook entre M. Z..., président de la FSDL et M. P..., adhérent de ce syndicat211. Elles permettent d’établir que M. P... en est à l’origine et qu’il a organisé sa diffusion en concertation avec le président de la FSDL.
Le contenu du message
236. La liste de partenaires Santéclair, qui est jointe au courrier, comprend des praticiens installés dans le Var, les Bouches-du-Rhône les Alpes-Maritimes et les Alpes-de-Haute-Provence.
237. Le « message confraternel » en lui-même est constitué de deux parties qui s’adressent distinctement à ceux qui ne figurent pas sur la liste et à ceux qui y figurent.
238. Pour ceux qui ne figurent pas sur la liste et qui sont potentiellement victimes de détournements de patientèle, les consignes sont les suivantes :
« vous avez été, êtes ou serez victime de cette tentative de détournement de vos patients. Si vous connaissez ces confrères personnellement, tentez de les raisonner avant que des actions ne les visent. Car si vous décidez de poursuivre l’un de ces praticiens devant votre Ordre départemental après avoir constaté qu’un de vos patients avait subi une tentative de détournement, vous serez dans votre droit. (….)
Si vous faites un devis et que votre patient appartenant à une des complémentaires santés suivantes ne revient jamais, recontactez-le et demandez-lui ce qui a motivé sa décision… Et faites-en état au Conseil de l’Ordre de votre département ! » 212(sic).
239. Quant à ceux qui font partie de la liste, ils sont informés qu’ils contreviennent à plusieurs articles du code de la santé publique : « violation du devoir de confraternité par détournement de clientèle (Art R4127-262), l’exercice de la profession comme un commerce avec publicité (Art. R4127-215), et compérage (Article R4127-224) ». Il est ensuite expliqué : « Tout cela vous expose à des plaintes devant l’Ordre. Votre nom circule, y compris sur des listes publiques (ex : http://partenaires.itelis.fr/partners?access_token=uqmh7iawƸttype=p), vous ne maîtrisez plus dans quelles proportions, et vous êtes bien dans un schéma d’anti-confraternité où le plaignant sera en général dans son droit pour vous faire condamner par une chambre disciplinaire régionale. Dès maintenant, vous risquez une plainte et une convocation par votre Ordre Départemental !
« Nous attirons votre attention sur le fait que ce courrier est envoyé à plus de 500 dentistes du Var (et environs proches), de Grasse à Cassis en passant par Draguignan, Manosque et Hyères. Vous n’êtes que 87 sur toute cette zone à avoir intégré ce protocole et à lui permettre de fonctionner. 87 personnes qui captent la patientèle des 450 autres… Vous comprendrez les rancœurs des confrères à proximité qui n’ont pas forcément la même charge de structure ou pas la même vision d’un exercice libéral non dicté dans sa manière de fonctionner, que vous collaborez à enterrer. (…) ».
240. Au final, il leur est demandé de mettre un terme à leur partenariat avec Santéclair, au titre de la confraternité :
« Il est inconcevable que vous deveniez les soignants varois exclusifs de ces patients contrariés dans leur choix que des "rabatteurs" vous adressent dans la plus totale irrégularité en violant plus de 3 articles du Code de Déontologie auxquels vous êtes soumis.
Ne soyez plus la pierre angulaire de ce système ! (….)
Mais plus concrètement, nous vous demandons dans le cadre d’une confraternité réciproque de bien vouloir réfléchir à tout cela et contacter SantéClair (Tel ; 0810 000 227) pour prendre vos dispositions afin de ne pas être confronté à cela, un jour. A suivre... ».
241. Enfin, comme convenu avec M. P..., adhérent de la FSDL, le président de la FSDL a informé le conseil d’administration de la FSDL, par un courriel du 9 février 2015, de la réception de ce courrier en indiquant : « Ce genre d’initiative est assez intéressante car elle met les partenaires de ce réseau devant leur responsabilité. Est-ce que cela va se reproduire dans d’autres départements ??? Peut-être, qui sait »213.
242. Il justifie également la démarche de diffusion de cette liste en ces termes :
« Son but n’est pas de leur faire comprendre qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, car nous savons tous que l’intérêt majeur d’être dans un réseau est de récupérer les patients du voisin, mais de leur mettre une bonne HONTE en diffusant leurs noms à l’ensemble des praticiens varois.
A chaque journée de formation, séminaire etc…, ces gens-là sentiront désormais le regard dégouté des consoeurs et des confrères à qui ils piquent sciemment des patients.
Les praticiens qui résilient ne sont pas ceux qui lisent les écrits de la FSDL, mais ceux qui sont convoqués à l’Ordre et qui se paient un grand moment de solitude honteux. Nous n’arriverons pas à les convaincre car la seule chose qu’ils comprennent, c’est de leur faire comprendre que leur image sera salie par leur partenariat quoiqu’ils fassent »214 (sic sauf soulignements ajoutés).
La réaction du CNOCD au message
243. Le CNOCD a reçu ce « message confraternel » le 6 février 2015, accompagné d’un message destiné aux « responsables ordinaux et syndicaux », rédigé comme suit :
« Il est des actions qui ne peuvent être encouragées en public sous peine de sanctions judiciaires, alors que le simple bon sens et la résistance face aux aberrations qui rongent notre profession implique justement que de telles initiative voient le jour. Sans dénigrer l’existence de réseaux de Soins, nous nous plaçons du point de vue du détournement de patients et des règles de confraternité qui sont régulièrement bafouées. Il n’y a aucune menace dans ce courrier à l’égard de nos confrères, nous espérons que celui-ci provoquera un électrochoc qui permettra de mettre à plat leur adhésion à un tel système au détriment de leur confrère. Même si vous ne pouvez cautionner officiellement une telle action, ce que nous comprenons très bien, nous espérons que vous saurez profiter de ce fait accompli pour saisir l’opportunité d’enfoncer le clou (convoquer les praticiens adhérents et non déclarés comme tels et ainsi leur explique[r] que ce courrier n’est pas un fantasme, avec l’effet que nous espérons tous que cela aura sur eux). Quant à la liste, elle est issue de sites publics, consultable par tous, y compris les 8 millions d’adhérents du protocole SantéClair »215 (sic sauf soulignements ajoutés).
244. Le 24 avril 2015, Mme T..., secrétaire générale du CNOCD et présidente de la commission exercice et déontologie, a adressé un courriel aux CDOCD du Var, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône et des Alpes-de-Haute-Provence, responsables des praticiens figurant sur la liste. Il a pour objet « communication des contrats au Conseil départemental de l’Ordre » et indique :
« Le Conseil national de l’Ordre a reçu ce courrier anonyme que nous vous transmettons, et qui contient la liste des chirurgiens-dentistes partenaires d’une complémentaire santé (voir en PJ).
Nous vous remercions de vérifier si vos ressortissants ont bien respecté l’obligation de transmettre leur contrat les liant à une complémentaire santé à leur conseil départemental de l’Ordre d’inscription, en application des dispositions de l’article L.4113-9 du code de la santé publique.
A défaut il vous appartient de prendre les mesures qui s’imposent »216.
245. Le courriel rappelle ensuite la mission de l’ordre et l’existence de la circulaire relative aux protocoles.
246. Pour justifier l’envoi de ce courriel, Mme T... a indiqué : « La liste de praticiens concernés me semblait conséquente. Le sujet était dans le feu de l’actualité et émouvait beaucoup de praticiens. J’ai donc souhaité que les CDO vérifient que ces contrats avaient bien été déclarés par les confrères figurant dans la liste. Si tel n’était pas le cas, les CDO devaient rappeler leur obligation de transmission aux praticiens concernés. Cela pouvait par ailleurs permettre aux praticiens de savoir qu’ils figuraient sur cette liste, ce qui n’est pas toujours le cas.
Je pense que les CDO ont vérifié mais nous ne pouvons pas le savoir et je n’ai pas souvenir de retours particuliers »217.
247. Les éléments recueillis au cours de l’instruction ont révélé que le président du CDOCD du Var a donné suite à ce courriel. En effet, il y a répondu le 26 avril 2015 en ces termes : « Le courrier anonyme citant le seul "Santéclair" a été réceptionné au conseil départemental du Var voici quelques semaines.
Après concertation avec Mme 13… [juriste au sein du CNOCD]218, j’avais rédigé un courrier (projet ci-joint) qui ne cite aucun groupe complémentaire en particulier (chat échaudé …), et qui a été adressé aux praticiens cités. Ceux-ci avaient dû être destinataires du mail anonyme car ils semblent peu surpris et certains y font référence… » 219.
248. Le président du CDOCD du Var a également fait part de sa réaction aux trois autres CDOCD concernés en leur adressant, le 26 avril 2015, un courriel indiquant : « Pour votre information, ci-dessous copie du courriel en réponse à T… et 7..., et en pièce jointe, le courrier qui a été adressé aux praticiens "signalés" dans le Var »220.
Le soutien apporté aux plaignants
249. La FSDL a mis en place un ensemble de dispositions propres à simplifier et donc à favoriser l’exercice de l’action disciplinaire par les praticiens.
250. Lors de son audition, M. Z..., président de ce syndicat, a précisé que :
« Le soutien de la FSDL s’adresse aux seuls adhérents, au titre de leur adhésion qui comprend la protection juridique. Cela permet, pour le confrère qui dépose une plainte, de ne pas avoir de frais d’avocat à payer. En conciliation, il n’y avait pas d’avocat pour le confrère mais nous lui proposions d’être accompagné par un cadre de la FSDL.
Nous avions proposé 2 ou 3 modèles de lettre-type, que les praticiens pouvaient personnaliser.
Nous avions un rôle de conseil et d’accompagnement des praticiens qui s’estimaient victimes d’un détournement de patientèle. Par exemple, nous leur expliquions que, sans attestation CERFA du patient, l’action n’avait aucune chance d’aboutir »221.
251. En plus de ces actions dédiées spécifiquement aux adhérents de leur syndicat, les représentants de la FSDL ont fourni à d’autres chirurgiens-dentistes des conseils et modèles de lettre-type, via les réseaux sociaux. Ainsi, M. Z... a communiqué le 27 octobre 2013 sur le groupe Facebook « les chirurgiens-dentistes ne sont pas des pigeons et encore moins des moutons », un modèle de « lettre type Ordre : Santeclair.pdf », accompagné du commentaire suivant :
« Dans le cas où vos patients demandent la liste des partenaires SantéClair et l’obtiennent, vous pouvez quand même demander à l’Ordre de vérifier l’enregistrement du contrat au CDO. Dans les cas où vos patients n’ont rien demandé, veuillez me contacter en "message privé" pour la conduite à tenir »222 (soulignement ajouté).
L’établissement d’une liste de partenaires Santéclair
252. Comme l’a révèlé un courriel du 16 février 2015, adressé au conseil d’administration de la FSDL223, il existe un listing Santéclair, à propos duquel M. Z..., président de ce syndicat, a déclaré :
« Ce listing contient tous les noms des partenaires Santéclair (environ 3000). Il m’a été remis par un cadre FSDL qui a obtenu les identifiants d’un adhérent Santéclair, permettant d’accéder à la liste de tous les chirurgiens-dentistes adhérents. Il est toujours en ma possession mais n’a jamais été diffusé, en dehors du CA. Il ne s’agissait pas pour nous de faire une chasse aux sorcières mais nous voulions avoir une idée du profil des partenaires Santéclair.
Au départ, il y avait plusieurs fichiers, fournis notamment par les Docteurs P... et 6...224. Ils ont été fusionnés et complétés. Depuis 2015, il n’a pas été mis à jour »225.
253. Une version papier de ce fichier « contrats_santéclair_16_02_2015.xls » a été saisie dans les locaux de la FSDL de La Réunion226. Elle comporte effectivement une liste de praticiens sur la France entière avec le nom, l’adresse et le type d’activité.
254. Contrairement à ce qu’a indiqué M. Z..., cette liste a été diffusée en dehors du conseil d’administration. Ainsi, M. Z... l’a transférée le 29 avril 2015 à l’adresse [email protected]. Il déclare à ce propos : « L’adresse "[email protected]" est celle d’une adhérente active qui souhaitait porter plainte contre des confrères mais voulait avoir confirmation qu’ils étaient bien adhérents Santéclair. Il m’est arrivé de l’envoyer à quelques confrères de confiance pour les mêmes raisons, parfois en faisant une capture d’écran de la région concernée »227.
255. Ce fichier a également permis à M. P..., adhérent de la FSDL228, d’établir la liste de praticiens accompagnant le « message confraternel » présenté plus haut, aux paragraphes 233 et suivants.
256. Enfin, il a été utilisé pour dresser un bilan de l’implantation de Santéclair par département. En effet, dans un courriel du 17 février 2015, M. E..., vice-président de la FSDL et membre du CDOCD de l’Isère a écrit aux membres de ce conseil départemental : « tableau très instructif ou l’on voit qu’il y a des départements très contaminés (….) c’est là que nous constatons que dans l’Isère nous arrivons à limiter la pénétration de Santéclair »229. Ce courriel a été envoyé dans le cadre du transfert du courriel du 16 février 2015 du président d’honneur de la FSDL, le docteur 6... (MB94), ayant pour objet « mise à jour listing Santéclair » et accompagné en pièce jointe du fichier
« Contrats_santeclair_16-02-2015.xls ».
257. Le 25 février 2015, M. E... a également adressé un courriel à M. C... ayant pour objet
« Implantation Santéclair en % de praticiens par departement » qui débute par « % de pénétration de Santéclair par département. Voici ci-dessous le tableau avec classement dans ordre décroissant »230. Là encore, la lecture du message où apparait la signature de MB94 permet de faire le lien avec le fichier constitué par la FSDL à travers notamment la mention suivante : « Le dernier fichier remis à jour devenant trop lourd et ne passant plus par mail, vous pouvez le charger avec le lien suivant (...) ».
258. Les résultats de la démarche de suivi de l’implantation du réseau Santéclair ont ainsi été partagés par la FSDL avec le CNOCD et le CDOCD de l’Isère.
Les pratiques de la FSDL contre les autres réseaux de soins
Les plaintes contre les partenaires du réseau Itélis
259. Les principes et objectifs des actions menées contre les partenaires du réseau Itélis sont résumés dans un courriel de M. Z..., président de la FSDL, du 20 novembre 2014, qui a notamment été adressé au président du CNOCD. Il en ressort que :
« Nos adhérents et nos cadres sont en train de se battre jour après jour contre le réseau SantéClair et leurs partenaires (une trentaine de plaintes et de conciliations sont en cours, des procédures en chambres disciplinaires vont avoir lieu). La même procédure concerne les partenaires du réseau Itelis dans toute la France (j’en suis à 5 plaintes personnelles déposées et traitées, 93 autres vont être suivies sur Paris suite à l’action groupée de l’un de nos cadres).
La FSDL a fait de ce combat contre les réseaux son cheval de bataille et ne lâchera pas un millimètre de terrain, qu’on se le dise »231.
260. La volonté de la FSDL d’élargir la campagne de plaintes aux partenaires du réseau Itélis est confirmée par le compte rendu de l’assemblée générale du 29 novembre 2014 qui indique 232 :
« Des praticiens d’Itélis ont résilié leur partenariat mais l’action de la FSDL se poursuit car Itélis continue de mettre en ligne via un accès non sécurisé et ouvert à tous une liste de noms de praticiens.
Procédure en cours contre ces réseaux
Trois praticiens en chambres disciplinaires : deux dans le Rhône et un en Bourgogne.
Le dossier de Bourgogne sera la référence en termes de jurisprudence car il est fort probable que ce dossier aille jusqu’au Conseil d’État. Affaire à suivre.
Auvergne : cinq plaintes contre cinq praticiens d’Itélis
M. O… dans les hauts de seine (92) : action en cours contre 98 praticiens d’Ile de France » (sic).
261. Par ailleurs, dans un sujet intitulé « Réseau Itélis, la contrattaque », ouvert le 8 septembre 2014 sur Eugenol, M. Z... (alias « Patatrasse ») a communiqué, sous forme anonymisée, la plainte qu’il a transmise au président du conseil de l’ordre départemental pour plusieurs infractions déontologiques :
« Je vous demande par la présente d’enregistrer ma plainte contre les Docteurs (...) pour les raisons qui suivent : à 50 mètres de mon cabinet, j’ai découvert une affiche publicitaire vantant les économies substantielles réalisées chez les chirurgiens dentistes partenaires du réseau Itélis (voir pièce jointe).
En cherchant sur internet, cela ne m’a pas pris plus d’une minute pour trouver le nom et l’adresse de ces chirurgiens dentistes « Itélis » les plus proches de mon cabinet dentaire à l’adresse web suivante (….) »233.
262. Ainsi, la FSDL a incité les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre les partenaires du réseau Itélis. Comme pour Santéclair, elle a également communiqué sur ces plaintes et les risques encourus. C’est ainsi que « Patatrasse » a écrit le 1er novembre 2014 dans le cadre d’un sujet « Toujours santeclair » ouvert sur le forum Eugenol : « En ce moment 93 confrères parisiens sont convoqués à l’Ordre pour s’expliquer sur la publicité effectuée par AXA dans le cadre du réseau Itelis et hier je me suis entretenu lors d’une conciliation avec 4 confrères qui ont compris le problème et souhaitent éviter de se retrouver en chambre disciplinaire.
Si vous voulez que les réseaux disparaissent, ne comptez pas sur la CNSD pour vous aider (ils signent des chartes qui ne servent à rien et qui, d’un point de vue légal ne s’applique qu’aux syndiqués CNSD) mais adressez-vous à votre représentant FSDL » 234(sic).
263. Enfin, interrogé sur le bilan des plaintes déposées contre les partenaires Itélis et les suites données, le président de la FSDL a indiqué : « Un dentiste parisien a relevé 93 noms des partenaires du réseau Itélis, qui apparaissaient en accès libre. J’ai moi-même déposé plainte contre 5 partenaires. En conciliation, j’ai demandé aux praticiens concernés de demander à Itélis de supprimer cet accès libre. Cela a été fait, par Itélis, dans tous les départements. De ce fait, le praticien parisien a retiré les 93 plaintes évoquées »235.
Les pratiques visant à entraver la création d’un réseau dentaire pour les Assurances du Crédit Mutuel
Le contexte
264. La société Assurances du Crédit Mutuel (ci-après : « ACM ») intervient dans les principales branches de l’assurance, dont l’assurance santé. Les contrats d’assurance qu’elle élabore et gère sont distribués dans les réseaux bancaires du Crédit Mutuel et du CIC. Dans le domaine de l’assurance santé, elle propose des contrats individuels et, depuis janvier 2016, des contrats collectifs, qui couvrent au total environ un million cinq cent mille bénéficiaires.
265. Les ACM ont entrepris en 2014 des démarches pour la création d’un réseau dentaire, axé sur l’implantologie. M. Q..., responsable du service santé des ACM, a déclaré :
« Il était important pour les ACM de proposer un réseau dentaire, en plus de l’audioprothèse et de l’optique. En effet, il nous fallait combler un retard par rapport à nos concurrents qui le proposaient déjà. Nous savions que le marché de la complémentaire santé allait évoluer avec l’entrée en vigueur de l’ANI au 1er janvier 2016 et que les entreprises allaient être particulièrement demandeuses de ce type de service. Lorsqu’elles choisissent une complémentaire santé pour leurs salariés, les entreprises sont particulièrement attentives à l’existence de réseaux »236.
266. M. R... qui était à l’époque président des sociétés GACD, Euroteknica et Lyra, spécialisées dans la fourniture de matériel dentaire, a été associé à la réflexion menée sur ce projet de réseau. Il a reçu l’appui de Mme S..., consultante qui avait travaillé à la mise en place du réseau implantologie de Santéclair237.
267. Ainsi, il a été décidé que, lors du congrès de l’Association Dentaire Française (ci-après : « ADF ») de novembre 2014, GACD organiserait une réunion au cours de laquelle M. Q... interviendrait pour présenter le projet de partenariat dentaire des ACM. Un courriel d’invitation a été adressé par Mme S...238 à certains chirurgiens-dentistes. Ce courriel239 proposait un rendez-vous le jeudi 27 novembre à 18h45 sur le stand Lyra. Il précisait que, dans le cadre de la construction de son réseau d’implantologie dentaire, le Crédit Mutuel souhaitait proposer à ses adhérents une implantologie innovante et qu’il recommandait, d’une part, les implants Euroteknica et, d’autre part, la solution Lyra avec la caméra 3Shape.
Les pressions exercées sur le président de GACD
268. Après avoir eu connaissance de cette invitation, la FSDL a contacté le président de GACD pour une action présentée ainsi dans un article publié sur son site internet le 22 novembre 2014 sous le titre « Réseau implantologie Crédit Mutuel/CIC » :
« (…) La FSDL a été choquée de constater que, parmi les fournisseurs exclusifs vraisemblablement choisis par les financiers de ce réseau, nous retrouvions les sociétés GACD, Euroteknica (implants) et Lyra (imagerie 3D), toutes dirigées par M. R....
La Réaction de la FSDL
Devant l’urgence de la situation, le Président de la FSDL a entrepris de téléphoner directement à M. R..., pour le prévenir de l’image déplorable qui pourrait être associée à son entreprise si un tel projet voyait le jour, d’autant plus que le lieu de rendez-vous prévu pour la fameuse réunion était devant son stand » 240.
269. Cet appel téléphonique a été confirmé par M. R..., président de GACD, qui a précisé :
« M. Z... [président de la FSDL] m’a téléphoné, il a fait pression sur moi de façon intolérable : selon lui, les chirurgiens-dentistes allaient arrêter d’acheter des produits chez GACD…
Il m’a indiqué qu’il était opposé à ce réseau et notamment du fait des prix fixés trop bas selon lui. Le réseau encouragerait également le détournement de patientèle et n’accorderait des avantages qu’à certains dentistes »241.
Les consignes diffusées aux chirurgiens-dentistes
270. Afin de conforter sa démarche auprès du président de GACD, la FSDL a engagé une action simultanée vis-à-vis des chirurgiens-dentistes, ainsi résumée dans l’article précité du 22 novembre 2014 : « Dans le même temps, un message à destination de toute la profession a été envoyé sur les réseaux sociaux, afin que le maximum de consoeurs et de confrères contactent à leur tour le service commercial de GACD pour exprimer leur mécontentement »242.
271. L’article précise également : « Tous les acteurs de la profession (syndicats et Conseil National de l’Ordre) ont également été alertés », ce dont atteste un courriel envoyé le 19 novembre 2014 par le président de la FSDL au président du CNOCD et à la présidente de la CNSD notamment243.
272. Le 19 novembre 2014, un sujet relatif à la « Création réseau implanto Crédit Mutuel/GACD/Euroteknika » a effectivement été ouvert sur Eugenol par le président de la FSDL (sous le pseudonyme « Patatrasse »). Il indique :
« Je vous demande de lire attentivement le document ci joint.
Une invitation à créer un réseau sur le modèle SantéSombre où on annonce la couleur "les patients seront orientés…"
Prenez vos dispositions vis à vis des sociétés suivantes :
-CREDIT MUTUEL
-EUROTEKNIKA
-GACD
Pour ma part, je compte aller leur demander des explications sur leur stand le jeudi soir. En attendant, faites savoir à ces deux fournisseurs si vous appréciez la création de ce type de réseaux »244.
273. La volonté de la FSDL de porter atteinte aux réseaux de soins et à leurs partenaires est illustrée par un nouveau post de son Président publié sur Eugenol :
« Je viens d’avoir Mr R... au téléphone pendant de longues minutes. Après m’avoir expliqué qu’il avait déjà raté le marché "SantéClair" (sic) au profit de Dentaurum, il m’a confirmé l’avancée de ce réseau et a été surpris de mon appel et surtout qu’il attendrait le feu vert de l’Ordre avant de déployer son réseau.
Nous connaissons tous les dérives de ce genre de pratiques, et même si au niveau déontologique ils obtiennent le feu vert du Conseil National de l’Ordre (sait-on jamais, sur le papier on peut gommer certaines imperfections), les plate formes téléphoniques se feront un plaisir de détourner nos patients vers leurs partenaires sans la moindre trace écrite car tout se fera par téléphone. Il sera difficile de faire respecter la moindre "pseudo Charte" alors que nos patients seront réorientés sans le moindre scrupule par ces financiers vers les partenaires de ce réseau, à qui on a promis monts et merveilles.
J’ai prévenu Mr R... que la FSDL mettrait tout en œuvre pour que son projet tombe à l’eau et que la publicité de cette "affaire" aurait des répercussions sur toutes ses sociétés (GACD, PROMODENTAIRE et LYRA) s’il persistait sur cette voie »245 (sic sauf soulignement ajouté).
274. Cet objectif de faire échouer le projet de réseau des ACM a été réaffirmé dans un courriel diffusé par la FSDL Ile-de-France aux praticiens, le 20 novembre 2014, sous le titre
« SANTECLAIR BIS AVEC GACD », qui précise :
« En attendant, nous invitons tous les consoeurs & confrères disponibles à être présents le jeudi 27 novembre à 18h45 sur le stand Lyra (stand 2N04) afin de faire obstruction à la mise en place de ce nouveau réseau »246.
Les réactions des chirurgiens-dentistes à l’égard des sociétés GACD, Euroteknika et Lyra
275. L’appel du Président de la FSDL a immédiatement été suivi de messages de chirurgiens-dentistes faisant état, sur le forum Eugenol, de leurs interventions auprès de GACD et d’Euroteknica247.
276. Les messages suivants ont notamment été relevés :
277. Ces interventions ont été confirmées par le président de GACD, M. R..., qui a affirmé : « (...) nous avons été victimes de réactions très violentes des chirurgiens-dentistes, sur le forum Eugenol notamment.
Toutes les sociétés du groupe ont été touchées.
GACD a reçu des appels de chirurgiens-dentistes indiquant qu’ils ne souhaitaient plus être clients ou souhaitant annuler leurs commandes (...) »253.
278. M. R... a été contraint254 de diffuser un courriel le 21 novembre 2014255, pour nier l’existence d’un accord contractuel avec le Crédit Mutuel ou avec tout autre réseau de soins. Cette action a été saluée par la FSDL256 qui, dans l’article précité du 22 novembre 2014, remercie « (...) celles et ceux qui nous ont prévenu et suivi pour mettre une pression suffisante afin de freiner la création de ce nouveau réseau, prouvant s’il le fallait encore que l’union fait la force pour lutter contre ce genre de manipulation »257.
279. Dans le cadre de la rétrospective des actions de la FSDL pour l’année 2014, le Président de la FSDL Aquitaine s’est d’ailleurs félicité d’avoir « (...) démantelé un réseau de paro- implanto avant sa mise en place (...). Un confrère non adhérent qui a fait parti des confrères démarchés pour adhérer au réseau nous a alertés. Nous avons fait circuler l’info aussi largement que possible. En 1 journée, la plateforme téléphonique a reçu plus de 200 coups de fils pour résilier des contrats de fournitures. Lors de l’ADF, le stand GACD a littéralement été pris d’assaut par les confrères et consœurs furieux »258.
Les réactions des chirurgiens-dentistes à l’égard du Crédit Mutuel
280. Les caisses de crédit mutuel des professions de santé ont également été la cible d’actions des chirurgiens-dentistes hostiles au projet de création d’un nouveau réseau.
281. M. Q..., responsable du service santé de la société ACM, a expliqué : « J’ai eu connaissance du mécontentement de certains dentistes par l’intermédiaire des directeurs des caisses de crédit mutuel des professions de santé (CMPS), qui ont notamment pour clients des chirurgiens-dentistes. Il y a eu des appels à la plateforme mais cela est resté assez marginal et limité dans le temps (2 semaines) »259.
282. À titre d’exemple, le 23 novembre 2014, un chirurgien-dentiste a adressé le courriel suivant au directeur du CPMS de Lyon :
« (...) Je suis sollicité par de nombreux établissements bancaires que notre profil intéresse et qui me proposent des rachats de mes crédits etc…Travaillant en parfaite confiance avec votre établissement, je m’y suis toujours refusé.
Cependant, la constitution d’un tel réseau de soins imposerait un changement radical de mes avoirs détenus chez vous, en commençant par les parts B, puisque je ne me sentirais plus sociétaire d’un établissement œuvrant contre ma profession.
Le but du présent courriel est de porter cela à votre attention afin que vous puissiez relayer cette information à votre hiérarchie nationale, ne doutant pas que l’importance de la caisse du cmps de Lyon par votre intermédiaires aura du poids pour avertir les décideurs de telles entreprises que le crédit mutuel en s’engageant dans cette voie risque bien de voir partir l’ensemble de ses clients chirurgiens dentistes»260 (sic).
283. Ce courrier a également été transmis à M. Z..., président de la FSDL, qui a précisé à ce chirurgien-dentiste : « ils en ont reçu quelques-unes cette semaine et des réunions de crise ont été organisées dans l’urgence d’après ce que je sais »261.
Les actions menées à l’annonce de la mise en place du réseau dentaire Kalivia
284. À partir de février 2015, la société Kalivia a engagé des démarches de recrutement pour le réseau dentaire qu’elle avait décidé de constituer en complément de ses réseaux optique (créé en 2010) et audioprothèse (créé en 2012). Elle a notamment envoyé un courrier à tous les chirurgiens-dentistes pour présenter sa démarche262.
285. À cette occasion, un sujet intitulé « kalivia, c’est parti…. » a été ouvert sur Eugenol, le 27 février 2015 par un dénommé « Kon » qui indique : « Courrier reçu ce jour pour affiliation à leur réseau »263.
286. Ce sujet a suscité plusieurs interventions de M. Z... sous son pseudonyme « Patatrasse ». Ainsi, il a indiqué dans un premier temps, le 27 février 2015 à 23h51 :
« À chaque patient détourné par leur plate forme, la FSDL défendra ses adhérents en les accompagnant dans leur plainte auprès du Conseil de l’Ordre Départemental avant la chambre disciplinaire pour publicité, compérage et tentative de détournement de patient.
Ce n’est pas une assignation ou d’autres tentatives d’intimidation qui nous empêcheront de faire respecter le Code de Déontologie auquel chaque praticien est soumis.
Faites passer le message »264.
287. Puis, le 28 février 2015 à 10h38, il a diffusé un article intitulé « LE CHOIX » signé en tant que président de la FSDL. Cet article, également disponible sur le site internet de la FSDL265, débute par l’annonce du lancement d’une opération de recrutement par Kalivia, puis expose :
« Bientôt, la marque de ses implants, le choix de son laboratoire de prothèse seront imposés par la signature d’un avenant dans son cahier des charges comme c’est déjà le cas dans le réseau concurrent SantéClair qui regroupe 8 millions d’assurés.
Les autres réseaux comme Itélis (Axa), Sévéane (Groupama et ProBTP) etc. ne manqueront [pas] également d’appliquer ces méthodes commerciales en promettant au chirurgien dentiste partenaire une augmentation de son chiffre d’affaire allant jusqu’à 15%. »266
288. L’article conclut ainsi s’agissant de l’adhésion à Kalivia : « Faites votre choix, mais gardez toujours à l’esprit que la FSDL défendra ses adhérents victimes de détournement de patientèle et que ces chirurgiens dentistes partenaires se retrouveront devant les tribunaux ordinaux si la moindre publicité est faite par ces plates formes assurantiels pour orienter de manière insidieuse nos patients vers leurs partenaires ».
289. Enfin, en réponse à une intervention de « TTDAM » qui avait souhaité « Bienvenue à Kalivia dans le nouveau monde »267, il a fait état de sanctions auxquelles s’exposeraient les partenaires des réseaux :
« Je te souhaite TTDAM de ne jamais profiter d’un détournement de patient de l’un de nos adhérents car nous ne raterons pas, crois-moi.
Une structure de 7 salariés qui doit fermer 3 mois après que le praticien ait été condamné pour publicité, compérage et détournement de patientèle n’aura que très peu de chances de s’en sortir et s’il y a récidive, c’est le bouillon.
Assure-toi bien qu’un télé conseiller de ces plates formes n’incite pas un patient qui n’en a pas fait la demande à venir te voir car ce n’est pas ton avocat qui te sortira du pétrin dans lequel tu t’es mis tout seul, juste pour grappiller quelques patients à tes voisins »268(sic).
d) Les pratiques du CDOCD de l’Isère
La stratégie de veille mise en place par le CDOCD de l’Isère
Le courrier de 2014
290. Le compte rendu de la réunion du CDOCD de l’Isère du 7 janvier 2014 évoque la stratégie de veille et de contrôle mise en place par celui-ci :
« AFFAIRE DES CONTRATS AVEC LES MUTUELLES – Faire un routage écrit précisant l’obligation de communication des contrats au conseil pour vérification des clauses anti déontologiques. Une simple attestation est insuffisante (Dr 14…, le Conseil détient déjà un liste de 220 praticiens en faute passible de sanction disciplinaire. (Projet du Dr E…)».269
291. Pour conduire cette action, le CDOCD a décidé d’adresser un courrier et une attestation sur l’honneur à tous les chirurgiens-dentistes du département. Le courrier, daté du 19 janvier 2014 et l’attestation sur l’honneur ont été envoyés avec l’appel de cotisations 2014270.
292. Le courrier rappelle que les contrats et avenants ayant pour objet l’exercice de la profession de chirurgiens-dentistes doivent obligatoirement être transmis au CDOCD territorialement compétent en application de l’article L. 4113-9 du CSP. Cette transmission permet aux conseils départementaux de s’assurer que ces contrats ou avenants respectent les règles déontologiques, conformément à l’article L. 4121-2 du CSP.
293. Il précise :
« En cas de non transmission, le Conseil de l’Ordre peut engager des poursuites disciplinaires à son encontre, en application de l’article L. 4113-10 du code de la santé publique.
Plusieurs plaintes, déposées auprès de notre Conseil Départemental par des confrères à l’encontre d’autres praticiens pour publicité anticonfraternelle, détournement de patients et compérage, sont en cours de procédures. Or nous avons constaté qu’aucun des contrats qui liaient ceux-ci à des assurances complémentaires ne nous avaient été communiqués.
Outre la faute disciplinaire pour non transmission de ces contrats, notre Conseil de l’Ordre n’a pas pu vérifier leur conformité déontologique ce qui aurait pu éviter des situations conflictuelles. L’adoption par l’Assemblée Nationale, le 19 décembre 2013, de la proposition de loi sur les réseaux de soins appelée PPL LEROUX, nous impose la vigilance sur les adhésions à ces conventions.
Votre Conseil Départemental de l’Isère a donc décidé lors de sa séance du 7 janvier 2014, d’adresser à tous les chirurgiens dentistes du département un courrier personnalisé afin qu’ils respectent leurs obligations. Chaque praticien devra compléter le document ci - joint et transmettre les différents contrats professionnels qu’il a contractés (d’exercice, d’association, de location des locaux professionnels, d’adhésion à des accords avec des assurances complémentaires, des mutuelles, des réseaux de soins, etc.) »271 (sic sauf soulignements ajoutés).
294. Ce courrier s’accompagne d’un modèle d’attestation sur l’honneur qui exige notamment la communication des « contrats d’adhésion (...) avec une assurance complémentaire, mutuelle ou réseau de soins ».
Cette attestation se conclut par une série d’engagements272 :
- « En cas de non communication des contrats signés, je m’engage à transmettre un exemplaire au Conseil Départemental de l’Ordre de l’Isère.
- Je m’engage à communiquer tout contrat conclu après cette date.
- Je joindrai une déclaration sur l’honneur qu’il n’y a aucune lettre ou avenant liés aux contrats transmis.
- Je suis informé de mes obligations qui sont énoncées dans l’article L. 4113 – 9 du code de la santé publique et des conséquences en cas de non communication de mes contrats professionnel » (sic).
295. M. G..., président du CDOCD de l’Isère, a, dans un courrier adressé le 7 mars 2014 au président du CDOCD du Rhône, précisé à propos de cette action :
« En nous appuyant sur la circulaire du National signée T…, sur le contrôle du contenu des contrats professionnels, nous avons rappelé par mail aux praticiens leurs obligations et ceci à plusieurs reprises et récemment dans un courrier joint aux appels de cotisation, une demande expresse de nous communiquer tous leurs contrats pour vérification »273.
296. La circulaire « protocoles » du Conseil national, mentionnée aux paragraphes 177 et suivants, a donc été l’un des éléments qui a conduit le CDOCD de l’Isère à engager une démarche de recensement des protocoles. Ceci est confirmé par Mme M..., membre du CDOCD de l’Isère et du conseil d’administration de la FSDL, qui a déclaré : « Le 7 novembre 2013, le docteur T..., secrétaire générale du CNO, a envoyé une lettre circulaire n° 1550 dont l’objet est les protocoles. Elle rappelle un certain nombre de règles relatives à la transmission des contrats (transmission obligatoire, liberté d’adhésion, libre choix du praticien, détournement de patientèle, secret professionnel et médical…). Cette circulaire est un rappel à l’ordre qui vient préciser les choses. Donc nous avons rappelé à nos confrères leurs obligations résultant du CSP. C’est ce qui a justifié nos envois aux praticiens leur demandant la transmission de leur contrat qui mentionne explicitement l’art L 4113-9 du CSP, comme le fait la circulaire »274.
Le courrier de 2015
297. La même stratégie de veille a été reconduite en 2015, avec l’envoi d’un courrier type et d’une attestation sur l’honneur275 à propos desquels Mme M... a indiqué : « Nous avons fait un nouvel envoi en 2015, selon les mêmes modalités (courrier envoyé à tous les confrères avec l’appel à cotisations) car nous avons considéré qu’il fallait rappeler ces règles (envoi obligatoire de tous les contrats). Nous souhaitons avoir un rôle éducatif et non répressif »276.
298. L’attestation sur l’honneur est en tout point identique à celle de 2014. Quant au courrier, il débute comme suit :
« Lors de l’appel de cotisation 2014, vous avez reçu un courrier de rappel concernant la communication des contrats signés dans le cadre de votre activité professionnelle.
Le but n’est pas de vous ajouter de nouvelles contraintes mais nous devons tous respecter l’Article L 4113-9 du code de la santé publique qui met à la charge exclusive des professionnels de santé l’obligation de transmettre à leurs Conseils départementaux les contrats qu’ils concluent dans le cadre de leur exercice. Notre déontologie et le code de la santé publique sont notre protection contre la marchandisation et la financiarisation des professions de santé. Ce n’est pas par hasard si certains veulent déréglementer les professions libérales. Le Conseil de l’Ordre est en charge par la loi de les faire respecter »277.
299. Puis, après un rappel des obligations de communication et des sanctions prévues, le CDOCD de l’Isère indique :
« Nous avons découvert que des confrères sont présents sur des listings de réseaux de soins disponibles sur internet alors que nous n’avons pas reçu leur contrat de partenariat. Nous leur accordons 30 jours pour régulariser leur situation ».
300. Enfin, le conseil départemental précise qu’il lui incombe de vérifier le respect de nombreuses obligations qui recoupent largement les points de vigilance identifiés par la circulaire
« protocoles » du 7 novembre 2013 du CNOCD.
Le contrôle exercé par le CDOCD de l’Isère sur les contrats transmis par les chirurgiens-dentistes
301. Une commission des contrats, présidée par Mme M..., a été créée afin de procéder à l’analyse des contrats transmis par les praticiens adhérents aux réseaux de soins278. La stratégie définie au niveau national est rappelée dans un courriel du président du CDOCD de l’Isère :
« Attention ne pas attaquer directement les mutuelles qui ne dépendent pas de notre code de la santé mais uniquement les praticiens.
Ne pas interdire les protocoles mais faire la chasse aux articles litigieux en demandant un avenant. Agir comme nous devons le faire avec tous les contrats professionnels. Il ne faut pas risquer d’être attaqué pour boycotte »279(sic).
302. Selon Mme M..., cette commission a notamment été amenée à demander aux praticiens des modifications de contrats signés avec la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (ci-après : « MGEN ») et avec Santéclair280.
303. Concernant Santéclair, Mme M... a précisé : « La clause 3.4 posait problème en particulier car Santéclair ne la respectait pas en diffusant des noms de praticiens, sans demande du patient, qui se retrouvait orienté malgré lui. En ne respectant pas cette clause, Santéclair mettait le praticien en contradiction avec l’article R 4127-225 du CSP »281. La clause 3.4 subordonnait en effet la communication des coordonnées des praticiens signataires à une demande de l’assuré282.
304. Par conséquent, le conseil départemental de l’Isère a « demandé aux confrères de demander un avenant à Santéclair en faisant modifier cet article non conforme à la déontologie »283.
305. Comme Mme M... l’a souligné, ce n’est toutefois pas la clause elle-même qui était susceptible d’être contraire aux règles déontologiques, mais sa mise en œuvre par Santéclair qui aurait pu être contestée. Il n’appartenait donc pas aux praticiens d’exiger la modification de ce contrat-type. Lors de son audition, Mme M... a par ailleurs admis que « ni Santéclair, ni d’autres mutuelles ou réseaux n’acceptent de modifier les contrats »284.
306. Le cas du docteur U… constitue un exemple des suites données par le CDOCD de l’Isère après transmission d’un contrat conclu avec Santéclair.
307. Le docteur U... a été convoqué le 2 décembre 2013 à une séance de conciliation dans laquelle l’un des deux conciliateurs était le Président du conseil de l’ordre de l’Isère, M. G...285. Dans le compte rendu que le docteur U... fait de cette séance, il souligne, concernant M. G... :
« l’ins[is]tance voir la pression qu’il a exercé sur moi en me demandant de me retirer du contrat santé clair alors que j’étais convoqué uniquement pour mon retard dans l’envoi de mes contrats avec les organismes complémentaires » (sic sauf soulignement ajouté).
308. Il a également indiqué : « De plus à la fin de la conciliation, que je n’ai pas signé, le président énervé, n’a pas apprécié, je lui ai demandé ce que cela pouvait entrainer ; il a répondu un avertissement, un blame ou peut[-être] une interdiction de travailler pendant quelques jours puisqu’il m’a certifié que l’article 3.4 de la convention santéclair était antidéontologique »286 (sic sauf soulignement ajouté).
309. Le 4 décembre 2013, M. U... a communiqué au CDOCD de l’Isère le contrat de partenariat conclu avec Santéclair287. Puis, par courrier du 27 février 2014, il a écrit au Président du CDOCD pour lui demander : « Vous m’avez convoqué début décembre 2013. Me demandez-vous, toujours, de résilier le contrat qui me lie à SantéClair ? Quelle clause, accusez-vous, d’être antidéontologique ? »288.
310. La réponse du Président du CDOCD de l’Isère a été la suivante :
« En réponse à votre courrier du 27 février 2014, je tiens à vous préciser que non seulement, je suis dans l’obligation de vérifier le contenu du contrat Santéclair mais aussi le contenu de tous les contrats que vous avez contractés.
Je suis également contraint de le faire pour tous les praticiens du département. (...)
Ainsi, tout contrat, contenant des clauses anti déontologiques, devra faire l’objet d’un avenant qui supprimera ces clauses, pour être validé. La non-présentation d’un exemplaire écrit pour vérification entrainera la non-validation de ce protocole.
Tout contrat non validé par le Conseil de l’Ordre ne pourra être contracté par un Chirurgien-dentiste, voire devra être résilié. Faute de quoi, le praticien s’expose à des poursuites disciplinaires.
Actuellement, nous recensons les praticiens qui ont signé des contrats et nous leur demandons de nous en fournir un exemplaire, pour étude.
Cette lourde tâche nous est demandée par le Conseil National »289 (soulignements ajoutés).
La stratégie du CDOCD de l’Isère diffusée aux autres CDOCD
311. Le CDOCD de l’Isère a adressé à tous les conseils départementaux et au Conseil national de l’ordre un courrier du 20 janvier 2014, accompagné du courrier et du formulaire adressés le 19 janvier 2014 aux chirurgiens-dentistes de l’Isère présentés ci-dessus.
312. L’objectif de CDOCD de l’Isère était ainsi décrit : « Il nous a semblé indispensable de vous faire connaître notre initiative, car il faut que l’ensemble des Conseils Départementaux aient une attitude identique devant une situation qui peut devenir polémique »290.
313. Outre le rappel des articles du CSP permettant aux CDO de contrôler l’absence d’articles antidéontologiques dans les contrats signés par les chirurgiens-dentistes, ce courrier situe la démarche du CDOCD de l’Isère dans le double contexte de l’adoption de la loi Le Roux et des plaintes reçues contre une plateforme :
« La proposition de loi sur les réseaux de soins, appelée PPL LEROUX, a été adoptée le 19 décembre 2013.
Notre Conseil Départemental de l’Isère a déjà reçu plusieurs plaintes de confrères à l’encontre d’autres chirurgiens-dentistes adhérents à une plateforme commerciale qui a créé un réseau de soins au service de nombreuses assurances et mutuelles. Ces plaintes portent sur des détournements de patients par des publicités anti confraternelles personnalisées.
Lors de la mise en œuvre des séances de conciliation, nous avons constaté que tous les praticiens mis-en cause avaient omis de communiquer les contrats qui les liaient professionnellement à un réseau de soins comme il l’en est fait obligation »291 (sic).
314. Le 10 février 2015, le CDOCD de l’Isère a de nouveau adressé un courrier type à l’ensemble des conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Ce courrier reprend les termes de celui du 19 janvier 2014 et y ajoute le paragraphe suivant : « Manifestement nos confrères ignorent un certain nombre de leurs obligations ce qui va poser des problèmes confraternels et déontologiques dans le contexte actuel » 292.
315. Les comptes rendus de réunion du CDOCD de l’Isère des 4 février293 et 4 mars 2014294 font état de messages de félicitation reçus des présidents des CDOCD de Haute-Corse, du Cantal, de Paris, de l’Essonne et de l’Aisne.
316. Par un courriel du 29 janvier 2014, M. E... a d’ailleurs informé le Président du CNOCD de la réaction du Président du CDOCD de Haute-Corse et a ensuite transféré ce courriel au Président de la FSDL295.
317. De plus, ainsi qu’ils y étaient invités, plusieurs CDOCD ont adressé à leurs ressortissants des lettres-types s’inspirant de celles du conseil de l’ordre de l’Isère.
318. Il s’agit notamment des conseils départementaux de l’ordre de Dordogne, du Tarn-et-Garonne296 et des Hautes-Alpes. Ce dernier a adressé à ses ressortissants un courrier du 27 mars 2014, transposant celui du CDOCD de l’Isère du 19 janvier 2014, et accompagné du même formulaire, que chaque chirurgien-dentiste doit compléter et retourner297.
319. Le CDOCD des Pyrénées Orientales a lui aussi fait parvenir à ses ressortissants une circulaire datée du 9 mars 2015298. Elle reprend sous le titre « engagements professionnels » la trame du courrier de janvier 2015 adressé aux chirurgiens-dentistes et un paragraphe du courrier du 10 février 2015 destiné aux CDOCD (« Manifestement certains de nos confrères ignorent un certain nombre de leurs obligations ce qui va poser des problèmes confraternels et déontologiques dans le contexte actuel »). Il y est également indiqué : « Nous vous avions déjà transmis une feuille "d’engagement professionnel". Nous renouvelons cet envoi au VERSO afin que ceux qui auront oublié d’y répondre puissent se mettre à jour avec leurs obligations ».
320. Enfin, le CDOCD des Bouches-du-Rhône a adressé, le 14 avril 2014, à cinq chirurgiens- dentistes de son ressort, un courrier similaire299 à celui que le CDOCD de l’Isère avait adressé à ses praticiens le 19 janvier 2014.
321. M. B..., Président d’Honneur du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, a déclaré à ce propos :
« Je ne peux pas expliquer la ressemblance avec le courrier du CDO de l’Isère dont je n’ai aucun souvenir. (...)
Nous savions que ces praticiens (tous localisés dans la même zone géographique) étaient adhérents mais ne nous avaient pas transmis leur contrat (par exemple grâce à des appels téléphoniques d’autres praticiens). Après la réception de cette lettre, les praticiens se sont mis en règle. C’était un envoi ponctuel.
Désormais, les praticiens nous envoient leurs contrats. Nous n’avons plus de doléance de ce type de la part d’autres confrères »300.
322. Le CDOCD des Bouches-du-Rhône n’a donc adressé ce courrier qu’aux chirurgiens- dentistes qui lui avaient été signalés comme étant adhérents à un réseau de soins. Ceci est confirmé par le paragraphe inséré dans ce courrier : « Certains de nos confrères apprennent par mail que vous êtes partenaire d’un réseau de soins. Pourtant, nous n’avons à ce jour reçu aucun contrat de votre part »301.
Le soutien apporté par la FSDL à l’action du CDOCD de l’Isère
323. Comme convenu lors du conseil d’administration de la FSDL du 15 mars 2014302, la FSDL est intervenue auprès des conseils départementaux de l’ordre, via ses cadres régionaux, afin de soutenir l’action du CDOCD de l’Isère.
324. Lors de son audition, M. Z... a précisé : « Nous avions demandé à nos cadres régionaux d’interpeller leurs CDO respectifs pour les inciter à vérifier que tous les contrats avaient bien été transmis. En Isère, c’était plus facile puisque le Docteur E... était conseiller ordinal. Certains conseils départementaux ont alors aussi demandé, par courrier à leurs ressortissants, la communication des contrats »303.
325. La FSDL a également contribué à la diffusion du courrier adressé par le CDOCD de l’Isère à ses ressortissants, « chaque président régional » étant invité à « [transmettre] au président ordinal départemental la lettre de l’Isère »304.
326. Ainsi, le 31 mars 2014, le président de la FSDL Bourgogne a écrit au président du CDOCD de Saône-et-Loire et a joint à ce courrier les lettres adressées en 2014 par le CDOCD de l’Isère aux chirurgiens-dentistes et aux conseils départementaux, en indiquant :
« Le syndicat FSDL Bourgogne demande par la présente au Conseil Départemental de la Saône et Loire, et par extension au Conseil National de l’Ordre de Chirurgiens-Dentistes, de mettre en garde sans ambages les confrères, et de démontrer sans ambiguïté les risques auxquels seront soumis ces confrères qui profiteraient de ce système de détournement de patientèle.
Nous comptons en effet, comme cela se fait déjà dans d’autres départements, engager des procédures judiciaires pour les confrères touchés par des situations avérées de détournement de patientèle.
Nous pensons que l’Ordre doit clarifier la situation en compilant le nom de tous les signataires de ces protocoles, et en obtenant un droit de sanctions contre ceux qui omettraient de déclarer leurs contrats passés avec les complémentaires santé »305.
327. Enfin, lorsque le CDOCD des Pyrénées Orientales a envoyé à ses ressortissants une circulaire inspirée de celle de l’Isère306, M. E... l’a fait suivre :
- aux membres du conseil de l’ordre de l’Isère, en précisant : « cela fait plaisir nous n’avons pas bossé pour rien »307 (sic) ;
- aux membres du conseil d’administration de la FSDL, accompagnée des commentaires suivants :
« Cela fait plaisir ils ont fait en partie un copier / coller des phrases que j’ai rédigées pour le conseil départemental de l’Isère
le CDO de l’Isère avait envoyé, pour les motiver, aux 100 conseils départementaux les courriers adressés à tous les confrères de l’isère.
cela marche et fait tache d’huilee »308 (sic).
Une stratégie validée par le CNOCD
328. Le CNOCD a été destinataire des courriers du CDOCD de l’Isère309. Ils ont été respectivement portés à l’ordre du jour des réunions de travail des membres du bureau du 20 janvier 2014310 et du 11 mars 2015311.
329. Selon M. E..., le CNOCD avait été informé avant même l’envoi du courrier aux autres CDOCD. Interrogé sur un courriel du 29 janvier 2014 par lequel il informe M. C..., alors président du CNOCD, de la première réponse reçue suite à cet envoi312, il a déclaré :
« Nous n’avons pas envoyé un courrier aux autres CDO sans en informer au préalable le national. M. C... était au courant et si je lui écris, c’est qu’il est d’accord, qu’il l’a approuvé. Il était donc normal de l’informer des retours reçus.
Comme j’étais chargé de ces questions par le CDO, j’ai eu des échanges avec M. C... sur ces sujets, en qualité de président de la commission des contrats. J’informais donc
M. C... régulièrement »313.
330. Dans le cadre de ses échanges avec le docteur U..., le président du CDOCD de l’Isère avait par ailleurs précisé, à propos du contrôle exercé sur les contrats transmis : « Cette lourde tâche nous est demandée par le Conseil National »314.
e) Les pratiques du CDOCD de Dordogne
Les courriers, mailing et circulaires
Le courrier du 29 janvier 2014
331. Début 2014, le CDOCD de Dordogne a adressé à tous les praticiens du département un courrier315 inspiré de celui du CDOCD de l’Isère, dans une version simplifiée, qui indique :
« Outre la faute disciplinaire pour non transmission de ces contrats, notre Conseil doit vérifier leur conformité déontologique pour éviter des situations conflictuelles. L’adoption par l’Assemblée Nationale, le 19 décembre 2013, de la proposition de loi sur les réseaux de soins, PPL LEROUX, nous impose la vigilance sur les adhésions à ces conventions » (sic). Le formulaire annexé à ce courrier316 est identique à celui du CDOCD de l’Isère.
Le mailing du 27 février 2014
332. Le 27 février 2014, un mailing ayant pour objet « réseaux de soins » a été adressé par
M. V…, président du CDOCD de Dordogne, aux chirurgiens-dentistes de son ressort. Il développe diverses considérations liées à l’adoption de la loi « permettant aux mutuelles de créer des réseaux de soins » et se conclut par : « Enfin, il faut savoir que le fait de signer un contrat avec une mutuelle (dont vous devrez nous transmettre copie) qui prétendra orienter des patients vers un praticien plutôt que vers un autre sera considéré par le Conseil Départemental de l’Ordre comme du détournement de patientèle et donc sanctionné comme tel, dès lors qu’une plainte de confrère nous parviendra »317 (soulignement ajouté).
333. Ce courriel du 27 février 2014 a ensuite été transmis par le président du conseil de l’ordre de Dordogne aux CDOCD limitrophes et au CDOCD de l’Isère318 puis mis en ligne sur Eugenol dans un sujet intitulé « Lettre du CO de Dordogne », ouvert le 12 mars 2014 par
« 24… », avec le commentaire suivant : « Merci de diffuser largement copie de cette lettre que m’a adressée la FSDL IDF.
Merci au CO de Dordogne de prendre position. En espérant que d’autres CO suivent »319.
334. Dans un courrier du 26 mars 2014, le Conseil national de l’ordre a reproché au président du CDOCD de Dordogne d’avoir exprimé une position syndicale en utilisant l’adresse électronique de l’ordre et de méconnaître la procédure disciplinaire320.
335. M. V... a répondu au président du CNOCD par un courriel du 31 mars 2014 ainsi rédigé :
« D’autre part, je persiste à considérer que le fait de signer un protocole avec une mutuelle qui pourrait entraîner certains patients vers son exercice s’assimile à du détournement de clientèle.
Mais vous avez raison, j’aurais dû édulcorer mes propos afin que cela ne puisse pas se retourner contre le CDO en cas d’action des polices politiques de notre gouvernement (DGCCRF, Inspection du travail, fisc) »321.
Le mailing du 17 septembre 2014
336. Le 17 septembre 2014, le président du CDOCD de Dordogne a envoyé aux praticiens du département un nouveau courriel ayant pour objet « Résiliation de convention » et indiquant :
« Je me permets de vous transmettre pour information, le mail que j’ai adressé à la société SEVEANE pour résilier les contrats que j’avais étourdiment signés avec cette société »322.
337. Le courriel précise que cette résiliation intervient après une analyse qui fait apparaître que les réseaux de soins contreviennent à de nombreux articles du CSP, reproduits dans le courriel.
338. Il se conclut par : « J’ajouterai que, en tant que président du conseil de l’ordre de mon département, je serai particulièrement vigilant pour que nos confrères ne s’aventurent pas à signer des conventions qui pourraient les conduire dans des situations inextricables, comme je l’ai déjà précisé dans un précédent mail »323.
339. M. V..., président du CDOCD de Dordogne, a expliqué à propos de ce courriel : « En tant que Président, je considère que je dois faire preuve d’exemplarité. J’ai donc repris tous mes contrats, je les ai vérifiés et j’ai résilié ceux qui me semblaient contraires au code de la santé publique. Dans le contrat conclu avec SEVEANE, je me suis aperçu que certaines clauses n’étaient pas conformes aux règles déontologiques. Ce mail permettait également de rappeler leurs obligations déontologiques aux confrères. Mon rôle est de faire de la prévention. J’ai donc souhaité alerter les confrères et leur conseiller d’éviter de se mettre dans des situations administratives complexes à gérer. Je pense que je faisais référence au mail de février 2014 évoqué précédemment »324.
La circulaire de janvier 2015
340. La circulaire diffusée au début de l’année 2015 par le CDOCD a été à nouveau l’occasion de faire part des risques de sanctions auxquels s’exposent les chirurgiens-dentistes adhérant aux réseaux de soins. Il y est indiqué :
« (…) L’Ordre dispose de tout un arsenal répressif pour dissuader les confrères de signer des contrats de réseau avec des mutuelles, qui pourraient entraîner des détournements de clientèle.
Nous n’hésiterons pas à nous en servir lorsque le cas se présentera, mais vu la pusillanimité de nos confrères des autres Conseils Départementaux, nous risquons de nous retrouver bien seuls si cela se produit… »325 (soulignements ajoutés).
Les courriers individuels
341. Le message diffusé à l’aide des circulaires et mailings est complété par des courriers individuels qui sont adressés aux praticiens après réception de leurs contrats ou après que le CDOCD de Dordogne a eu connaissance de leur adhésion à un réseau de soins.
342. Deux courriers du 2 juillet 2014326 et du 30 juillet 2014327 indiquent :
« A toutes fins utiles, nous tenons à vous préciser que tout détournement de patientèle consécutif, entre autres, à l’adhésion à un réseau de soins entrainerait une plainte du Conseil Départemental de l’Ordre contre le praticien avec les risques que cela comporte conformément à l’article R 4127-262 du Code de la Santé Publique ».
343. Mme W..., actuelle présidente du CDOCD de Dordogne, et M. V… ont précisé que « ce courrier est celui qui est envoyé lorsqu’un praticien nous transmet un contrat-protocole » et qu’il leur « semble utile, à l’occasion de cet accusé de réception, de leur rappeler les règles déontologiques concernant les protocoles »328.
344. Figurent également au dossier cinq courriers adressés par le CDOCD de Dordogne à des chirurgiens-dentistes, pour leur demander communication des contrats conclus avec un réseau de soins329. Les circonstances ayant conduit à l’envoi de ces courriers varient selon les cas mais sont systématiquement liées à l’appartenance au réseau Santéclair330. Ainsi, deux courriers du 14 avril 2015331 font référence à un « document dans lequel il apparaît que vous faites partie du réseau Santéclair en "tant que chirurgien dentistes partenaire" ».
345. Les courriers en cause, après avoir rappelé les dispositions du CSP relatives à la transmission obligatoire des contrats et les sanctions disciplinaires encourues en cas de non transmission, indiquent :
« Notre Conseil est chargé de vérifier la conformité déontologique de ces contrats pour éviter d’éventuelles situations conflictuelles.
De plus, des faits de détournement de patientèle qui découleraient de l’adhésion à un réseau de soins entraineraient le dépôt d’une plainte du Conseil Départemental de l’Ordre contre le praticien conformément à l’article R 4127-262 du Code la Santé Publique ».
346. Interrogé sur l’un de ces courriers, M. V... a explicité ainsi la démarche du CDOCD de Dordogne :
« Nous préférons faire de la prévention plutôt que de traiter des litiges. Nous souhaitons que les confrères s’interrogent sur les contrats avant de les signer. Si une mutuelle promet de leur envoyer des patients, c’est intéressant pour eux, à condition que les patients n’aient pas déjà un praticien. Si un partenariat leur semble non déontologique, ils ne doivent pas le signer, mais cela vaut pour tous les contrats, pas seulement pour les contrats- protocoles »332.
347. Enfin, il peut être noté que le 30 avril 2015, soit quelques jours après avoir reçu l’un de ces courriers, un praticien a résilié son partenariat avec Santéclair333.
f) Les pratiques des CDOCD du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
Les circulaires hiver du CDOCD du Haut-Rhin
La circulaire hiver 2013-2014
348. La circulaire « hiver 2013-2014 »334, datée de janvier 2014, comporte un encadré dédié à la signature des protocoles avec les réseaux de soins intitulé « VOUS AVEZ SIGNE UN PROTOCOLE ? ».
349. Elle indique que le conseil de l’ordre « ne peut laisser s’installer des pratiques concurrentielles déloyales ».
350. Elle énumère également neuf pratiques prohibées, parmi lesquelles figurent notamment « Le détournement de patientèle », « L’abaissement de tarifs dans le but de détourner la patientèle », « La pratique de notre profession comme un commerce » et « L’adéquation des tarifs imposés avec la qualité des soins »335, et se poursuit ainsi :
« Cette liste loin d’être exhaustive, qui entache l’indépendance du praticien, peut se superposer à des données contractuelles transcrites dans des conventions ou protocoles.
(...) Aussi, le Conseil de l’ordre des Chirurgiens-Dentistes du Haut-Rhin a décidé d’appliquer pleinement le dernier alinéa de l’article L. 4113-9 du code de la santé publique :
« Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 »
Conformément à ces articles, le Conseil vous invite à nous transmettre dans un délai d’un mois, les contrats et protocoles vous liant professionnellement »336.
351. Cet article est inspiré de la circulaire « protocoles » du CNOCD du 7 novembre 2013 dont il reprend en grande partie l’argumentaire.
352. Enfin, cette circulaire est invoquée dans le courrier de résiliation adressé à Santéclair le 10 février 2014 par un chirurgien-dentiste du Haut-Rhin : « Suite à une circulaire du Conseil Départemental des Chirurgiens Dentistes, je me vois dans l’obligation de me plier à leurs exigences afin d’éviter des sanctions disciplinaires prévues à l’article L.4124-6 du code de la santé publique »337.
La circulaire hiver 2014-2015
353. Datée de janvier 2015, cette circulaire débute par un éditorial de la présidente du CDOCD qui, après avoir évoqué les « évènements récents et à venir qui bousculent toute notre profession », écrit : « Alors comment défendre notre exercice libéral ?
A titre individuel, signer un protocole avec un réseau de soins c’est indéniablement mettre le doigt dans l’engrenage de la soumission aux groupes financiers et leur assureurs. C’est aussi pratiquer un détournement de patientèle devenu "légal" »338 (sic).
354. Ainsi, la présidente du CDOCD du Haut-Rhin fait part de sa position concernant les réseaux de soins et n’hésite pas à qualifier leurs pratiques de détournement de patientèle.
Les pratiques du CDOCD du Bas-Rhin
355. La circulaire hiver 2014-2015 du CDOCD du Bas-Rhin contient deux pages « spécial réseaux », dans lesquelles le conseil départemental prend manifestement position contre les réseaux de soins dentaires et les pratiques qui leur sont attribuées.
356. Ainsi, un article intitulé « A propos du... tact & mesure » débute par : » Notre code de déontologie nous impose de déterminer nos honoraires avec tact et mesure envers nos patients, mais pourquoi pas envers les Confrères aussi ! En effet, certains d’entre nous, ne s’égarent-ils pas de cette notion en abaissant leurs honoraires prothétiques dans le cadre d’un partenariat avec une compagnie d’assurances assurant la couverture santé de ses assurés ? »339.
357. Puis, après avoir présenté ces partenariats comme obéissant « à une seule logique mercantile » dont le succès est assuré par l’intervention de sociétés de conseils aux assurés
« qui ne sont pas tenues au respect de notre code de déontologie » et qui peuvent de ce fait agir « comme de véritables rabatteurs de patientèle », l’article conclut : « Les confrères partenaires des compagnies d’assurances sont donc les bénéficiaires certains d’un détournement de patientèle et en ayant connaissance des agissements des sociétés de conseils aux assurés deviennent complices de détournement de patientèle.
Nos confrères partenaires d’un réseau peuvent-ils alors s’enorgueillir de respecter notre code de déontologie ? On pourrait en douter et le CDO saisira la CDP [chambre disciplinaire de première instance] contre les praticiens indélicats pour tous détournements de patientèle avéré »340.
358. Par cette présentation, le CDOCD du Bas-Rhin indique donc aux praticiens que leur participation à des réseaux de soins est en soi critiquable et leur fait courir un risque certain d’être poursuivis par les instances ordinales.
359. Par ailleurs, le CDOCD du Bas-Rhin accompagne cette mise en garde de deux autres articles qui pointent les risques économiques d’une adhésion aux réseaux de soins. Le premier article intitulé « La stratégie gagnante d’un réseau de soins partenarial ou comment exploiter les chirurgiens-dentistes ! » expose que la démarche du réseau de soins consiste « par apport d’assuré(e)s du réseau de soins, [à] booster le chiffre d’affaires du cabinet dentaire partenaire de 30 % ou plus grâce à la prise en charge de soins prothétiques nombreux », puis « Une fois atteint ce seuil, rénégocier la grille tarifaire à la baisse avec le praticien ». Il se conclut par : « Les grands gagnants à ce jeu là semblent être les réseaux de soins partenariaux et les grands perdants, les chirurgiens-dentistes signataires d’une convention avec un réseau partenarial. Un homme ou une femme averti(e) en vaut deux, à vous de choisir ».
360. Le second article résume, à partir du témoignage d’une consœur espagnole, la situation en Espagne où « En 15 ans seulement, suite à l’ouverture de 9 facultés privées (non soumises au numerus clausus) et la mainmise des cabinets dentaires par les assurances et les mutuelles, les cabinets dentaires espagnols sont passés d’un système de soins qui était comparable au nôtre, à un véritable cauchemar pour la profession et pour les patients ». Il se termine lui aussi par une mise en garde : « En vous faisant partager ce témoignage, je souhaitais vous rendre attentif à l’expérience vécue par notre consœur, qui doit nous inciter à être très vigilants. Restons sur nos gardes »341.
Les bulletins de liaisons communs aux CDOCD du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
Le bulletin de l’été 2014
361. Ce bulletin comporte un encart intitulé « Loi Leroux »342 (sic) signé B.L., c’est-à-dire
M. 15…, vice-président du CDOCD du Bas-Rhin343. Il est ainsi rédigé :
« Si la Loi Leroux est passée, au grand dam de la profession, elle entérine bon nombre de protocoles individuels, déjà existants, proposés aux Chirurgiens Dentistes par les mutuelles et les assurances complémentaires.
Les signataires de ces protocoles, comme tous Chirurgiens Dentistes, sont tenus de respecter les dispositions du code de la santé publique.
Sont toujours interdits, le détournement de patientèle, la publicité et le "dumping" sur les honoraires lors d’une consultation ou de soins chez les patients adhérents à ces réseaux.
De plus soyez vigilants, sur les sites internet de ces mutuelles, pour qu’aucun signe distinctif ne mette en évidence votre nom d’une façon qui pourrait être apparentée à de la publicité.
Enfin, n’oubliez pas que tous les protocoles signés doivent être transmis à votre Conseil Départemental de l’Ordre »344 (sic).
362. Par ailleurs, sur la même page, un encart intitulé « obligation de communication et d’indépendance »345 rappelle que les engagements contractuels, parmi lesquels figurent « les conventions conclues avec des mutuelles ou assurances complémentaires, participation à un réseau de soins etc. » doivent être communiqués à l’ordre et que l’absence de communication constitue une faute passible de sanctions disciplinaires ou d’un refus d’inscription au tableau.
Le bulletin de l’été 2015
363. Ce bulletin comporte un article signé M.D, les initiales de M. 4…346, membre du CDOCD du Bas-Rhin347, qui indique :
« Et si demain nous vivions sans réseau de soins….
Les patients posséderaient
• le libre choix du praticien
• la liberté du choix de leur traitement
• un remboursement identique à prime constante
Cette liberté, cette égalité ne sont malheureusement pas accordées aux patients ayant souscrit un contrat santé responsable inféodé à un réseau de soins.
Les praticiens de l’art dentaire, adhérents à ces réseaux de soins, perdent également leur indépendance professionnelle en acceptant de diminuer leurs honoraires prothétiques, pratiqués habituellement, pour les assurés sociétaires des compagnies d’assurances vantant les mérites de leur contrat santé partenarial.
Ils contreviennent de ce fait à l’article R 4127-209 du Code de la Santé Publique qui stipule que le Chirurgien Dentiste ne peut aliéner son indépendance professionnelle de quelque façon et sous quelque forme que ce soit.
A méditer… »348.
g) Les pratiques de la CNSD
La position de la CNSD à l’égard des réseaux de soins
364. En 1996, un protocole d’accord a été conclu entre la MGEN et la CNSD. Il a ensuite été étendu à la MFP. La présidente de la CNSD, de 2012 à 2018, le présente ainsi : « Dès 1996, nous avons signé le protocole avec la MGEN. Pour nous, ce n’est pas un réseau mais un accord conventionnel permettant des remboursements améliorés pour les patients et des plafonds pour certains actes (couronnes par exemple) »349. À la date de la notification de griefs, plus de 24 000 praticiens adhèraient à cet accord qui couvre les traitements prothétiques et d’orthopédie dento-faciale. Il fixe notamment des plafonds d’honoraire par type d’acte350.
365. Cet accord constitue depuis lors pour la CNSD le modèle-type de « réseaux négociés », c’est-à-dire de réseaux dont « les modalités de fonctionnement et les conditions sont négociées au niveau national ou départemental entre un organisme d’assurance maladie complémentaire et un syndicat ou plusieurs syndicats représentatifs de praticiens »351.
366. Les plafonds négociés dans le cadre du protocole MFP/CNSD semblent par ailleurs constituer pour la CNSD une référence en-deçà de laquelle aucune négociation ne peut aboutir. En témoigne une directive adoptée par le conseil des départements352 des 4 et 5 avril 2014 et ainsi libellée :
« PARTENARIATS COMPLEMENTAIRES DIRECTIVE 1
Argumentaire :
Les partenariats avec les organismes de complémentaire santé sont amenés à se développer. Or, les propositions actuelles de conventionnement se fondent sur des plafonds d’honoraires déconnectés des réalités économiques de nos cabinets.
En conséquence :
Le Conseil des Départements de la CNSD, réuni à Paris les 4 et 5 avril 2014
• demande que les plafonds d’honoraires de prothèse et d’orthodontie du protocole MFP restent une référence dans toute négociation avec les organismes complémentaires qui souhaitent contractualiser avec la CNSD.
(...) ADOPTEE »353.
367. Les réseaux négociés sur le modèle du protocole MFP/CNSD sont les seuls acceptables selon la CNSD, qui les oppose aux « réseaux non négociés » dont « les modalités de fonctionnement et les conditions sont établies dans un contrat par l’assurance complémentaire et proposées individuellement aux praticiens sans participation de syndicats. Les complémentaires évitent ainsi les contraintes d’une négociation »354.
368. La position de la CNSD à l’égard de ces deux catégories de réseaux est claire : « Pour nous, il y a des réseaux équilibrés auxquels nous sommes favorables (les réseaux négociés) mais nous sommes opposés aux réseaux non négociés qui ne raisonnent qu’en termes tarifaires »355.
369. Cette opposition aux « réseaux non négociés » s’est manifestée à plusieurs reprises.
Les pressions exercées lors de la constitution d’un réseau dentaire par les ACM
370. Au moment de l’annonce du projet de création du réseau dentaire par les ACM, la CNSD a été mise en cause par la FSDL en raison de ses liens avec la société GACD (partenaire pressenti de ce réseau) et interpelée en ces termes par le président de la FSDL : « Allez-vous demander des explications à votre partenaire ou résilier vos accords ?
La FSDL se met à votre disposition lors de l’ADF pour envisager une action contre ces agissements qui dénaturent notre exercice et mettent en danger l’équilibre économique de nos structures libérales »356.
371. Si la CNSD n’a pas donné suite à la proposition de la FSDL, elle a lancé différentes actions, exposées dans la lettre aux Présidents n° 14/74 du 24 novembre 2014, intitulée « Affaire réseau CREDIT MUTUEL - CIC/GACD/S... et CNSD »357.
Le positionnement de la CNSD par rapport aux réseaux de soins
372. La lettre aux Présidents n° 14/74 du 24 novembre 2014 est d’abord l’occasion pour Mme X... de préciser la position de la CNSD par rapport aux réseaux de soins.
373. Dans un paragraphe intitulé « Réflexion générale sur notre positionnement par rapport aux réseaux de soins », elle explique : « Vous le savez, la CNSD n’a jamais été opposée aux partenariats gagnants/gagnants avec des assureurs complémentaires : le protocole MFP en est la démonstration. Notre objectif était à l’époque que toute la profession y adhère. L’opposition irresponsable de la FSDL (qui n’avait jusqu’alors jamais dénoncé et encore moins combattu les réseaux) et la guérilla qu’elle a menée, a abouti à la loi Le ROUX et à la légitimation de tous les réseaux (nous souhaitions que seuls les réseaux négociés le soient).
Nous avons toujours farouchement combattu tous les réseaux mis en place par les plateformes assurantielles type Santéclair, pratiquant les détournements systématiques de patients. Et nous continuons à le faire en demandant à nos confrères à ne pas y adhérer ou d’en sortir. Car sans confrères adhérents, ces réseaux ne pourraient pas fonctionner !
Pour contrer ces pratiques et dans le contexte de la loi Le ROUX, nous avons négocié avec l’UNOCAM la "Charte de bonnes pratiques". C’est aujourd’hui notre ligne rouge et le seul texte auquel tout le monde peut se référer sans risque de condamnation par l’Autorité de la Concurrence.
Autant nous combattrons les réseaux qui ne respecteraient pas les engagements inscrits dans cette charte (qui peut encore être améliorée), autant il serait incohérent de le faire pour les réseaux respectueux de ces principes »358.
Les mises en garde de GACD
374. Le partenariat entre la CNSD et GACD permet, d’une part, aux adhérents de la CNSD de bénéficier de conditions avantageuses lors des achats chez GACD et, d’autre part, à la CNSD de bénéficier de « sponsoring » lors de l’organisation de réunions. En septembre 2014, ce partenariat a été reconduit pour trois ans359.
375. C’est dans ce contexte que la lettre aux Présidents n° 14/74 précise concernant GACD :
« Rien dans ce partenariat ne donne à la CNSD un droit de regard sur les pratiques commerciales de GACD, ni une exclusivité dans les avantages accordés.
Il n’en demeure pas moins que nous avons à plusieurs reprises averti R... [président de la GACD et des sociétés Euroteknica et Lyra] sur les dangers en termes d’images à se lier avec des réseaux ou des low-cost, au vu de la sensibilité exacerbée de la profession sur ces sujets et des combats menés par la CNSD. Nous n’avons pas manqué de le lui rappeler ces derniers jours ».
376. Il y est également indiqué concernant les « suites à cette affaire » : « En ce qui concerne GACD, il faut espérer que la leçon a été bien comprise et qu’ils y réfléchiront à deux fois avant de tisser des liens avec des réseaux (un dérapage avéré nous obligera à dénoncer ce partenariat). Il n’en demeure pas moins que d’autres avec lesquels nous n’avons pas de lien, n’auront pas les mêmes scrupules »360 (soulignements ajoutés).
377. Ces mises en garde illustrent la nature « des combats menés par la CNSD »361.
Les consignes d’action au sein des crédits mutuels des professions de santé
378. La lettre aux présidents indique également au sujet des suites de l’affaire : « En ce qui concerne le GACM [groupement des assurances du Crédit Mutuel]: il apparaît que certains syndicats départementaux ont des liens avec le CIC/Crédit Mutuel via les « CMPS » : nous vous demandons de mettre la pression, via ces structures, pour inciter le GACM à abandonner le projet »362 (soulignement ajouté).
379. Ces pressions ont été effectivement mises en œuvre, comme en témoigne le compte rendu de réunion du bureau confédéral du 12 décembre 2014 où il est indiqué à propos du « Réseau Crédit Mutuel » :
« Les Crédits Mutuels des Professions de Santé, banques dédiées et gérées par les professions médicales libérales du même groupe, ont fait une motion unanime condamnant ce réseau, grâce à l’action de notre confrère 16…, Président du CMPS 06, lors de l’Assemblée Générale des CMPS. Dans chaque CMPS où nous sommes présents, nous continuons à mettre la pression sur les ACM pour qu’elles abandonnent le projet »363 (soulignement ajouté).
380. Enfin, le principe d’une surveillance du réseau dentaire finalement mis en place a été acté par le bureau confédéral le 19 juin 2015 : « Les Assurances du Crédit Mutuel lancent un réseau de soins basé sur le plafonnement des actes de prothèses les plus fréquemment réalisés, avec la promotion de la Carte Avance Santé. La CNSD sera vigilante par la voie de ses confrères en relation avec le Crédit Mutuel »364 (soulignement ajouté).
Le manifeste des chirurgiens-dentistes rédigé par la CNSD
381. En novembre 2014, à l’occasion des débats relatifs au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la CNSD a lancé une campagne de mobilisation, par le biais d’un « manifeste des chirurgiens-dentistes » que chaque praticien était appelé à signer365. Ce manifeste a notamment été relayé dans la revue « Le chirurgien- dentiste de France », « La lettre de la CNSD »366 et sur le stand de la CNSD au Congrès de l’ADF. Un site internet dédié a été ouvert afin de recueillir les signatures, les manifestes signés pouvant également être envoyés par voie postale367.
382. Ce manifeste dénonçait notamment « les calomnies, les mensonges et les détournements de patientèle de la part de plateformes financières bien connues, confortées par la bénédiction des pouvoirs publics (Loi Leroux relative aux « réseaux ») ». En le signant, chaque chirurgien-dentiste signataire s’engageait à « rejeter toute adhésion et à sortir des "réseaux" pratiquant la désinformation et le détournement systématique des patients, et le non-respect de la charte signée par les complémentaires santé (...) »368 (sic, soulignement ajouté).
383. Selon la présidente de la CNSD, « Cette action a rencontré peu de succès. Les autres organisations syndicales n’ont pas suivi. Aucune suite n’a été donné tant le nombre de réponses a été faible »369. 3 480 signatures électroniques et 342 signatures papier370 ont été recueillies.
Le dossier « Les réseaux en question » de juin 2015 et le prospectus à remettre aux praticiens
384. Le 25 juin 2015, dans son numéro 1 668, la revue éditée par la CNSD, « Le Chirurgien- dentiste de France », a consacré un dossier spécial aux réseaux de soins (« Dossier : Les réseaux en questions »). Pour Mme X..., il s’agissait de « revenir sur l’historique de nos relations avec les réseaux, depuis le protocole MFP et rétablir la réalité des faits, notamment face aux attaques de la profession »371.
385. Dans l’éditorial, 17…, vice-président de la CNSD, affirme qu’ « il appartient donc aux chirurgiens-dentistes de ne pas s’approcher des réseaux de soins qui ne sont pas négociés »372.
386. Un peu plus loin, il explique que « les chirurgiens-dentistes qui cèdent aux chants des sirènes de ces structures et signent les accords individuels non négociés, le font parfois pour rendre service à leurs patients, mais pensent aussi qu’ils gonfleront ainsi leur chiffre d’affaires et leurs résultats. Sans se soucier des effets pervers et mercantiles de cette démarche, ils oublient qu’en se soumettant à ces organismes, ils vont perdre le contrôle de leur cabinet et seront pris dans un engrenage qui finira par les broyer »373.
387. Surtout, ce numéro consacré aux réseaux est l’occasion pour la CNSD de présenter « la manière dont [elle] entend défendre les praticiens et les patients face à des dérives de plus en plus fréquentes » et plus particulièrement « un [prospectus] (…) à remettre en même temps que le devis à vos patients pour un complément d’information » et « un comparateur de mutuelle pour aider vos patients à s’y retrouver »374. Selon Mme X..., « L’objectif était d’inciter les patients à réfléchir, à s’interroger aussi sur la qualité des soins et sur leur liberté de choisir leur praticien. (...)
Ces documents sont aussi accessibles sur le site Internet, (...). Ces documents viennent d’être remis en ligne à la suite du reportage de l’émission Capital diffusée sur M6 dimanche 15 octobre 2017 »375.
388. L’objectif poursuivi par la CNSD avec ce prospectus est exposé dans l’un des articles du CDF n° 1668 : « La CNSD a décidé d’agir en amont de la réception du courrier en provenance de la plateforme ou de la complémentaire, en créant le document à télécharger sur le site confédéral destiné à parer la déstabilisation et la perte du patient provoquées par la réponse de la complémentaire à la demande de renseignements sur ses prestations. Il est essentiel de l’informer sur les pratiques de certains réseaux de soins »376.
389. Ce prospectus377, qui a été présenté comme « un document "anti-plateformes" très percutant »378, à l’occasion du 13ème congrès de la CNSD en mai 2015, précise notamment :
« Vous avez choisi votre chirurgien-dentiste Vous avez confiance en lui
Votre mutuelle tentera peut être de vous détourner vers un autre chirurgien-dentiste, qui vous proposera un « TRAITEMENT MOINS CHER » (...)
Ce chirurgien-dentiste s’est engagé à CASSER LES PRIX en échange d’un apport de CLIENTS supplémentaires.
Les soins bucco-dentaires ne sont pas des marchandises mais des traitements médicaux. Gardez cette liberté, choisissez votre praticien et la qualité de votre prestation » (sic).
390. Les chirurgiens-dentistes ont donc été chargés de remettre ces prospectus à leurs patients et de les informer conformément aux consignes présentées dans l’article précité du CDF n° 1668 :
« À la fin de l’établissement du plan de traitement et lors de la remise du devis, le chirurgien- dentiste doit informer son patient du risque de détournement de la part de la complémentaire ou de sa plateforme, et de la tentative de rupture de la relation de confiance établie. Nous vous invitons donc à remettre ce feuillet à vos patients avec chaque devis réalisé. Il appartient maintenant à chacun de vous de mener la lutte au quotidien contre le détournement de patientèle. Il en va de la survie de votre liberté d’honoraires et de la relation de confiance entre votre patient et vous, mais aussi de sa liberté de choix de son praticien ! À utiliser sans modération ! »379.
391. Selon A..., secrétaire général de la CNSD jusqu’en 2018 et président actuel, « le bilan de cette action est difficile à tirer. Nous n’avons pas cherché à l’évaluer et je ne sais pas si les [prospectus] sont utilisés par les confrères. Je n’ai pas connaissance de retours des syndicats départementaux»380.
392. Un devis, versé au dossier, établi par un praticien le 25 avril 2016, pour des traitements et actes bucco-dentaires, reprend le texte de ce prospectus381.
L’observatoire des réseaux de soins de la CNSD
393. Le 25 novembre 2013, l’ « Observatoire citoyen des restes à charge en santé », qui regroupe Santéclair, le magazine « 60 millions de consommateurs »382 et le Collectif interassociatif sur la santé383 a publié un communiqué de presse intitulé « Soins dentaires : des dérives inacceptables »384. Ce communiqué de presse fait notamment état, de manière générale, de l’importance du reste à charge dans les soins dentaires, résultant de pratiques des chirurgiens-dentistes que l’Observatoire juge critiquables (dépassements d’honoraires, choix thérapeutiques onéreux, etc.).
394. Selon Mme X..., présidente de la CNSD, l’observatoire des réseaux de soins de la CNSD a été créé en « réaction à l’observatoire de Santéclair. Formellement, c’est […] notre service juridique qui compile tous les éléments qui nous remontent de la base concernant les réseaux (ex : confrères s’estimant victimes de détournement de patientèle) »385.
395. Les travaux de cet observatoire ont fait l’objet d’une certaine publicité de la part de la CNSD.
396. Ainsi, le 5 octobre 2016, la CNSD a publié un communiqué de presse386 intitulé
« Observatoire des réseaux de soins : un constat implacable », accompagné d’une pièce jointe. Selon ce communiqué de presse, « Sous couvert d’amélioration de l’accès de soins, c’est une atteinte aux libertés fondamentales des patients qui se met inéluctablement en place. La baisse artificielle des tarifs ne se fait pas sans dégâts. La preuve en a été apportée par le scandale Dentexia, low-cost qui a lésé des milliers de patients. (...) Au final, le constat est sans appel : les pratiques de plateformes dénommées « réseaux de soins » remettent fondamentalement en cause :
Le libre choix du patient
Le respect du secret médical La liberté thérapeutique
L’indépendance professionnelle La qualité des soins »387.
397. La pièce jointe à ce communiqué de presse, intitulée « La loi Leroux du 27 janvier 2014 - Un premier bilan après 30 mois d’application »388 (sic), affirme que l’observatoire des réseaux de soins s’est « appuyé sur les témoignages de milliers de chirurgiens-dentistes correspondants » pour dresser ce bilan, sans néanmoins qu’aucun élément ne vienne étayer cette allégation. Ce document complète le communiqué de presse en précisant en quoi les réseaux remettent en cause les droits des patients et la qualité des soins. Ainsi, s’agissant du libre choix du patient, il explique que « sous prétexte d’examiner le devis et d’estimer le reste à charge, les plateformes détournent systématiquement le patient vers un praticien de leur réseau. Ce détournement est opéré par le démarchage téléphonique, par les courriers vantant les prix attractifs des adhérents du réseau ou par la diffusion de listes indicatives ».
398. Concernant le secret médical, il est affirmé que « plusieurs réseaux (...) réclament au patient (...) des documents couverts par le secret médical. Le chantage au remboursement permet ainsi une banalisation des informations confidentielles, collectées sans véritable consentement des intéressés, au mépris de toutes les règles qui associent le caractère confidentiel des données de santé avec le principe général de dignité de la personne humaine »389.
399. S’agissant enfin de la qualité des soins, il est indiqué que « le professionnel adhérent au réseau, souvent en mal de patients, diminue son honoraire ou augmente sa cadence, en diminuant le temps passé par soin. Mais seulement au détriment de l’écoute du patient, de son information, de la précision du geste technique. (...) L’encouragement par les plateformes d’une pratique "industrielle" chez leurs adhérents se traduit par des comportements préjudiciables aux droits élémentaires des patients ».
400. Le document conclut ainsi : « Mais, de manière indiscutable, les centaines de témoignages et de dossiers adressés à l’Observatoire des réseaux de soins démontrent une régression indiscutable des droits fondamentaux des patients et une dérive productiviste qui menace la qualité des actes réalisés dans ces réseaux ».
401. Le 6 octobre 2016, un article intitulé « RÉSEAUX DE SOINS = DÉTOURNEMENT DE PATIENTÈLE »390 a été publié sur le site internet de la CNSD. Il renvoie à une interview de Mme X... sur le site internet egora.fr391. Cet article comporte également des liens hypertextes permettant d’accéder au communiqué de presse consacré à l’Observatoire des réseaux de soins décrit ci-dessus, ainsi qu’à sa pièce jointe. Dans l’interview accordée au site
« Egora.fr », X... affirme notamment, s’agissant d’une étude démontrant que les réseaux de soins avaient permis une baisse des tarifs : « Dans (...) le système de financement des soins dentaires, toute baisse artificielle des soins dentaires entraîne forcément une baisse de la qualité et de la sécurité. Et l’exemple de Dentexia est frappant. Pendant des années, on a dit aux patients qu’ils allaient pouvoir se faire soigner aussi bien et moins cher, et le scandale est arrivé »392.
2. LES CONSEQUENCES DE CES PRATIQUES
a) Les répercussions pour Santéclair
Les résilitations du protocole Santéclair
402. Santéclair a réalisé le 26 juin 2017 un « point sur les résiliations depuis octobre 2013 à ce jour » qui précise que : « Parmi les résiliations enregistrées chez Santéclair pour différents motifs, nous en avons recensé 110 qui sont susceptibles d’être liées à une pression syndicale et/ou ordinale »393. Une copie de ces lettres de résiliation a été communiquée par Santéclair394 ; d’autres ont été recueillies au cours de l’instruction.
403. 44 lettres de résiliation, reproduites en partie ci-après, peuvent directement être rattachées aux pratiques des syndicats professionnels et instances ordinales constatées plus haut.
Le maillage du réseau implantologie
404. En raison des résiliations qui sont intervenues à la suite des consignes diffusées par les conseils de l’ordre et les syndicats de chirurgiens-dentistes395, Santéclair a dû lancer un appel d’offres du 15 février au 30 avril 2015 visant à reconstituer son réseau implantologie. Mme 19…, directrice des réseaux de soins de la société saisissante, a précisé :
« A l’époque nous avions perdu un bon tiers du réseau et nous n’avions plus de partenaires dans de nombreuses grandes villes : Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Marseille, Nice, Grenoble, Lyon. Le réseau ne comptait plus qu’une petite vingtaine de partenaires à cause des plaintes et des résiliations qui ont suivi. (…).
La reconstitution du réseau a été très particulière car nous avons dû prendre une consultante qui est allée voir les chirurgiens-dentistes, pour leur présenter le réseau sans identifier au départ Santéclair »396.
405. Concernant la répartition géographique des praticiens partenaires du réseau, elle a indiqué :
« Nous n’avons toujours pas de praticien à Nice et à Grenoble. Nous n’avons pas non plus de praticien à Lyon en mesure de rendre la prestation complète car il a un diplôme spécifique (spécialiste qualifié en implantologie et chirurgie orale) ce qui ne lui permet pas de poser des prothèses sur implant.
A Bordeaux et à Nantes, nous n’avons qu’un centre dentaire et ce n’est pas l’idéal car nous aurions aussi voulu des libéraux. (...)
Il n’y a qu’à Paris et sur l’Ile de France que nous n’avons pas de difficulté pour trouver des praticiens »397.
b) Les répercussions pour les autres réseaux de soins
Les résilitations des conventions de partenariat Itélis
406. Sans constater des résiliations massives, M. 2..., président du directoire de la société Itélis, a fait état de dix à quinze « résiliations individuelles pour des motifs de déontologie »398. Il a transmis quelques lettres de résiliation invoquant des pressions exercées par les instances ordinales et syndicales. Elles sont en partie reproduites dans le tableau à la page suivante.
Les difficultés rencontrées par le réseau dentaire de Kalivia
407. Lors de la constitution du réseau dentaire en février 2015, Kalivia a lancé une campagne d’adhésion à destination des dentistes. Le Président de Kalivia a reconnu que « lors des opérations de phoning, certains échanges ont été difficiles avec les dentistes. Des consignes syndicales ont été évoquées contre les réseaux. Nous n’avons pas d’éléments très concrets, il s’agissait plutôt d’une ambiance délétère. Cela pouvait être très difficile pour les personnes qui travaillaient sur la plateforme téléphonique »399.
c) Les répercussions pour le réseau dentaire des ACM et pour les sociétés GACD, Euroteknika et Lyra
408. En raison des actions constatées, les ACM ont renoncé à la réunion de présentation du réseau dentaire, prévue le 27 novembre 2014, lors du congrès d’ADF400.
409. De plus, la création du réseau prévue pour le début de l’année 2015 a été différée à juin401, dans une configuration très différente de celle initialement prévue.
410. Comme l’a indiqué M. Q..., responsable du service santé des ACM, le projet de départ était axé sur l’implantologie et des tarifs accessibles au plus grand nombre :
« Ce partenariat devait être axé sur l’implantologie. (...)
Concernant les tarifs, nous avons fait un état des lieux de la technologie dentaire pour déterminer un tarif praticable par les dentistes. Nous avons considéré que la technologie permettait d’atteindre un tarif de 700 euros pour un implant, notre enjeu étant d’en faire bénéficier nos clients et de pouvoir ainsi leur assurer un reste à charge de 0 euros. Nous ne souhaitions pas imposer de technologie particulière ; nous recherchions des partenaires d’accords pour pratiquer ces tarifs.
Nous avions en effet constaté que l’implantologie se développe partout, sauf en France, où les prix restent très élevés, d’où notre volonté d’axer notre réseau sur ce domaine »402.
411. Or, M. Q... indique que ce projet a dû être réaménagé :
« Après la polémique, nous avons réfléchi à la façon de poursuivre le projet. Nous savions que de nombreux dentistes sont opposés aux réseaux de soins mais nous respectons les critères de la loi Leroux donc nous n’avons pas souhaité renoncer à notre projet. Par ailleurs, 90 % de la concurrence proposent des réseaux dentaires. Il nous était donc indispensable d’en proposer un à nos clients.
Les réactions des dentistes auprès des CMPS ont fait apparaître que le tarif envisagé pour l’implantologie était trop clivant, trop polémique. Nous avons donc réorienté le projet sur la prothèse (prothèse full céramique), et non plus sur l’implant mais la philosophie générale est restée la même »403 (sic).
412. La comparaison du projet initial avec la convention Intégral’dentaire finalement proposée par les ACM confirme l’abandon de toute référence à l’implantologie. Ainsi, l’objet du partenariat qui visait à « faciliter l’accès des Assurés à l’implantologie et aux soins prothétiques »404 se limite désormais à « faciliter l’accès des Assurés à des soins prothétiques »405. Toute référence à des actes d’implantologie406 a été supprimée de la grille d’engagement tarifaire finalement proposée.
413. Les partenaires pressentis du réseau dentaire des ACM ont également souffert de cette campagne de communication.
414. Ainsi, le président de GACD, M. R..., a confirmé que les sociétés de son groupe ont été la cible directe des réactions des chirurgiens-dentistes hostiles au projet de réseau dentaire des ACM. Il a précisé :
« GACD a reçu des appels de chirurgiens-dentistes indiquant qu’ils ne souhaitaient plus être clients ou souhaitant annuler leurs commandes. La société a effectivement perdu des clients à cette période, pendant environ 6 mois. Nos commandes se font essentiellement par téléphone. Il y a peu de trace écrite de ces réactions.
Euroteknika a été touchée également. Cette société, active dans un secteur en pleine croissance à l’époque, a connu une progression de CA moindre que ce qu’elle aurait pu être sans cet épisode. Nos sociétés ont été perturbées pendant au moins 6 mois : nous avons reçu de nombreux retours de clients mécontents, nos équipes ont été démotivées etc. Par ailleurs, il est vraisemblable que nous ayons perdu certaines commandes qui auraient dû être passées lors du salon de l’ADF »407.
415. Il a également déclaré : « Depuis cet épisode, nous avons renoncé à organiser tout partenariat avec des réseaux »408.
416. Ainsi, les actions engagées à l’encontre des sociétés du groupe GACD ont entraîné non seulement l’abandon de la collaboration avec les ACM mais aussi la décision, pour ces sociétés, de ne plus s’engager à l’avenir dans un quelconque partenariat avec un réseau de soins.
417. Cette décision a été saluée sur le forum Eugenol par le Président de la FSDL :
« Merci Monsieur R... pour ce message que je mets en ligne immédiatement mais je vous rappelle que la profession et plus particulièrement le syndicat que je préside combat les réseaux de quelque forme que ce soit et être partenaire ou fournisseur pour cette plate forme donnera une image négative de vos sociétés et aura des répercussions inévitables sur la confiance que vous souhaitez instaurer avec vos clients»409.
418. De même, la FSDL s’est félicitée des conséquences des actions menées dans un article intitulé « ADF : Bilan positif », publié sur son site internet le 1er décembre 2014410 et qui indique notamment :
« Inquiétés par les retombées de cette affaire d’autres industriels et fournisseurs du monde dentaire sont venus nous rencontrer pour connaître nos positions sur la création des réseaux. Nous leur avons affirmé à tous notre volonté de lutter jusqu’au bout et avec tous les moyens mis à notre disposition contre ces réseaux mais aussi contre la dentisterie low cost ».
d) Les répercussions pour les partenaires de Santéclair
Les difficultés rencontrées par l’association Génération implant (GI)
419. L’association Génération Implant, créée en 2006 par M. 3..., propose des actions de formation continue pour les chirurgiens-dentistes et plus particulièrement des formations en implantologie dentaire411.
420. La plupart des supports de communication de la FSDL contre Santéclair présentés ci-dessus mettent l’accent sur l’adhésion des formateurs de Génération Implant au réseau implantologie de cette plateforme. Par exemple, le dossier « analyse des conséquences de la création des réseaux de soins tels que Santéclair » indique : « Actuellement le réseau est constitué de 2800 praticiens dont 200 réalisent de l’implantologie et 32 implantologues exclusifs issus principalement de praticiens liés à la société « Génération implants », créée par 3… (...) »412.
421. Ces actions menées contre Génération Implant ont été relayées et amplifiées sur les réseaux sociaux ainsi qu’il ressort des déclarations de son fondateur : « Génération Implant a fait l’objet de campagnes de dénigrement sur les forums et notamment sur Eugenol (...).
En plus [des] poursuites ordinales, GI et moi-même avons été dénigrés pendant de nombreux mois sur Internet. Par exemple, j’ai en mémoire un message disant que l’on viendrait "me faire coucou" à l’occasion d’une formation que j’organisais »413.
422. Plusieurs exemples de messages diffusés sur les réseaux sociaux ont effectivement été recueillis au cours de l’instruction414.
423. Ces actions de communication associant Génération Implant à Santéclair ont conduit les formateurs de Génération implant à résilier leur partenariat avec Santéclair415. M. 3... a précisé le contexte de ces résiliations :
« Lors du congrès ADF, en novembre 2014, les formateurs de GI se sont réunis. Certains se sont plaints d’être associés à la polémique, alors même qu’ils n’avaient pas signé le protocole Santéclair. Ceux qui l’avaient signé ont estimé que les inconvénients de leur adhésion l’emportaient sur les avantages. Donc nous avons tous décidé de démissionner de Santéclair (pour ceux qui y étaient encore) et de communiquer sur ces résiliations. La campagne a pris la forme [d’une] newsletter mais cela n’a pas suffi. Peu à peu, tous les formateurs ont quitté GI »416.
424. Une lettre d’information, diffusée le 9 janvier 2015, par l’association Génération Implant à ses adhérents417 précise que :
« L’année dernière Generation Implant et moi-même avons été au centre d’une vive polémique sur les réseaux sociaux. Cette polémique est née de la signature fin 2012 par 7 formateurs sur 15, d’un protocole avec Santéclair, suite à un appel d’offre pour la constitution d’un réseau national regroupant 35 implantologues.
Cette signature de la part de quelques formateurs relève d’une décision personnelle, et indépendante de leur appartenance au réseau Generation Implant. En outre, Generation Implant n’a en rien cherché à favoriser le développement de ce réseau constitué en très forte majorité de praticiens n’ayant aucun lien avec notre association.
En 2015, la décision a été collégialement prise qu’aucun formateur Generation Implant ne pourra faire partie du Réseau Implantologie Santeclair. Dans le cas contraire il ne sera plus formateur Generation Implant »418.
425. Cette décision a été amplement relayée par la FSDL qui l’a intégrée au PowerPoint « dossier Santéclair »419. Elle a également été mise en ligne sur le forum Eugenol, par M. Z..., président de la FSDL, accompagnée du commentaire suivant :
« Le combat mené par la FSDL commence à porter ses fruits. Nos adhérents qui attaquent systématiquement ces CON frères devant les conseils de l’Ordre départementaux pour détournement de patientèle, publicité et compérage ne se laisseront pas faire et nous serons derrière eux pour éradiquer ces pratiques illégales »420.
426. Selon les informations communiquées par Santéclair, six des sept membres du réseau implantologie, qui étaient formateurs de l’association Génération Implant, ont résilié leur partenariat421.
427. Cette mauvaise publicité a eu des conséquences financières importantes pour l’association. Selon M. 3... :
« Le chiffre d’affaires de GI s’est effondré à cette période. Cela a "torpillé" l’association. J’ai dû licencier. Les effectifs de l’association et le nombre de formations organisées ont également diminué.
Du fait de ces pressions, certains formateurs ont souhaité quitter Génération Implant, même ceux qui n’étaient pas adhérents Santéclair car le simple fait d’appartenir à Génération Implant leur était reproché.
Avant cet épisode, nous organisions des formations partout en France. Après la polémique, nous avons eu des difficultés à recruter des formateurs et à attirer des apprenants »422.
428. Ces déclarations sont confirmées par l’évolution du nombre de formateurs occasionnels (15 en 2014, 7 en 2015, 2 en 2016), par celle du nombre de formations (26 en 2014, 21 en 2015, 5 en 2016) et par celle du chiffre d’affaires (484 800 euros en 2014, 229 298 euros en 2015 et 83 472 euros en 2016)423.
Le fournisseur d’implants Dentaurum
429. La société Dentaurum France distribue, sur le territoire national, les produits fabriqués par le groupe allemand Dentaurum KG (produits dentaires pour l’orthodontie, l’implantologie et pour les laboratoires de prothèses)424.
430. La FSDL a largement communiqué sur le fait que les implants de la société Dentaurum étaient imposés aux chirurgiens-dentistes partenaires du réseau implantologie de Santéclair, au prix de 74 euros pièce, en insistant sur le fait qu’il s’agissait de tarifs « de type low cost », rendus possibles par l’utilisation d’un « système implantaire non premium et peu connu »425.
431. Interrogé sur les conséquences de la diffusion de ces informations, le Directeur général de Dentaurum France a déclaré :
« Compte tenu des choix de communication de Santéclair dans la presse notamment, les implantologues libéraux ont réagi auprès de Dentaurum France ; il y a eu des réactions et des pressions de la part de certains clients qui étaient mécontents de voir Dentaurum fournir en implants le réseau Santeclair. Tout cela est resté très vague et diffus. Il n’y a jamais eu d’écrit. C’est ma force de vente qui m’a fait remonter ces réactions de mécontentement.
Certains laboratoires de prothèses nous ont fait remonter également le mécontentement de leurs clients chirurgiens-dentistes qui leur reprochaient de se fournir chez Dentaurum pour la même raison »426.
Il indique également concernant d’éventuelles démarches entreprises auprès de Dentaurum France par des représentants d’organisations syndicales ou d’instances ordinales :
« Je n’ai jamais été directement contacté.
Toutefois, lors des visites des commerciaux, certains chirurgiens-dentistes ont invoqué les positions de leur syndicat et/ou de leur conseil de l’ordre pour exprimer leur mécontentement à l’égard des liens entre Dentaurum et Santéclair. Cela concernait indifféremment tous les syndicats de chirurgiens-dentistes et plusieurs conseils régionaux de l’Ordre mais je ne peux vous préciser lesquels car les faits sont éloignés.
Ceci s’est déroulé en 2014. L’élément déclencheur a été la promulgation de la loi Leroux.
Je pense que Dentaurum a été particulièrement visé parce que Mme 22…, directrice générale de Santéclair a beaucoup communiqué dans la presse à cette époque.
J’ai fait remonter ces éléments à la maison mère Dentaurum KG (en partie à l’oral, le tout en allemand). Dentaurum KG a été surprise car elle ne subissait pas cette pression directement en raison de son modèle de vente indirecte »427 (sic).
432. Dans un message sur le forum Eugenol, en date du 26 novembre 2014, M. Z..., alias
« Patatrasse », s’est félicité en ces termes des résultats de l’action de la FSDL :
« campagne d’information contre (...) SantéClair non stop avec des résultats intéressants (Dentaurum, fournisseur principal en implant va fermer à cause d’une chute de son CA 2014) »428.
E. LES GRIEFS NOTIFIES
433. Le 18 décembre 2018, les griefs suivants ont été notifiés :
GRIEF N° 1 :
Il est fait grief aux organismes suivants :
- le CNOCD,
- la FSDL,
- le CDOCD de l’Isère,
- le CDOCD des Bouches-du-Rhône,
- le CDOCD de Dordogne,
- le CDOCD du Haut-Rhin
- le CDOCD du Bas-Rhin,
d’avoir participé à une entente unique, complexe et continue, en mettant en œuvre des pratiques visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires, et en particulier de Santéclair. Cette pratique a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de l’assurance complémentaire santé et des services relevant de la pratique de l’art dentaire, en limitant ou en contrôlant la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique, ce qui est prohibé par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1 du TFUE.
Cette entente a été mise en œuvre du 7 février 2013 jusqu’à la date de la présente notification de griefs.
Les griefs sont notifiés aux entités précitées, en considération de l’étendue de leur responsabilité individuelle à l’entente unique, complexe et continue et de la période au cours de laquelle elles y ont pris part ou en ont eu connaissance, c’est-à-dire :
- au CNOCD pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, dans son ensemble, du 7 février 2013 à ce jour ;
- à la FSDL pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, dans son ensemble, du 4 septembre 2013 à ce jour ;
- au CDOCD de l’Isère pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, dans son ensemble, du 4 septembre 2013 à ce jour ;
- au CDOCD des Bouches-du-Rhône pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, du 12 mars 2013 à ce jour ;
- au CDOCD de Dordogne pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, du 29 janvier 2014 à ce jour ;
- au CDOCD du Haut-Rhin pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, de janvier 2014 à ce jour ;
- au CDOCD du Bas-Rhin pour sa participation à l’infraction unique complexe et continue décrite ci-dessus, de l’été 2014 à ce jour.
GRIEF N° 2 :
Il est fait grief à la CNSD d’avoir mis en œuvre une entente visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires, et en particulier de Santéclair. Cette pratique a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de l’assurance complémentaire santé et des services relevant de la pratique de l’art dentaire, en limitant ou en contrôlant la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique, ce qui est prohibé par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1 du TFUE.
Cette entente a été mise en œuvre de novembre 2014 jusqu’ à la date de la présente notification des griefs.
II. Discussion
434. Seront successivement examinés la compétence de l’Autorité (A), la procédure (B), l’applicabilité du droit de l’Union (C), la définition des marchés (D), le bien-fondé des griefs notifiés (E), l’imputabilité (F) et les sanctions pécuniaires (G) et non pécuniaires (H).
A. SUR LA COMPETENCE DE L’AUTORITE
435. La compétence de l’Autorité pour connaître des pratiques mises en œuvre par le CNOCD et les CDOCD d’une part, la FSDL et la CNSD d’autre part (4), sera examinée après un bref rappel des pratiques litigieuses (1), de la présentation des arguments des parties (2) et des principes applicables (3).
1. LES PRATIQUES LITIGIEUSES
436. Aux termes du premier grief notifié, il est reproché au CNOCD, à la FSDL et aux CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin d’avoir participé à une entente unique, complexe et continue en mettant en œuvre des pratiques visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires, et en particulier de Santéclair.
437. Ces pratiques ont revêtu plusieurs formes :
- l’organisation, par la FSDL, le CNOCD et le CDOCD de l’Isère, d’une campagne de plaintes contre les adhérents de Santéclair ;
- la campagne de communication de la FSDL encourageant ses adhérents ou ses sympathisants à porter plainte contre les praticiens affiliés au réseau Santéclair, à résilier leur contrat d’adhésion ou à refuser d’adhérer à ce réseau et à mettre en doute la compatibilité de telles adhésions au regard du code de déontologie. Cette campagne de communication a également conduit la FSDL à informer ses adhérents et ses sympathisants du nombre de plaintes déposées et du nombre de résiliations obtenues ;
- la décision de la FSDL de soutenir les chirurgiens-dentistes désireux de porter plainte en mettant à leur disposition des modèles de lettre-type de plainte, en leur offrant la possibilité d’être accompagnés par un cadre de la FSDL lors de la séance de conciliation et d’être conseillés par un avocat rémunéré par le syndicat et en leur fournissant la liste des praticiens partenaires du réseau de Santéclair susceptibles d’être visés par une plainte ;
- la mise en place, par la FSDL, d’actions de communication et la tenue de propos dénigrants à l’encontre de certains fournisseurs ou partenaires, réels ou supposés, de Santéclair ;
- la mise en œuvre, par la FSDL, de campagnes de communication contre d’autres réseaux de soins, dont Itélis et Kalivia ;
- la mise en œuvre, par la FSDL, d’actions visant à empêcher la création d’un réseau dentaire par les assurances du Crédit Mutuel ;
- la critique du CNOCD de la compatibilité des réseaux de soins au code de déontologie, laquelle s’est principalement matérialisée par l’envoi d’une circulaire du 7 novembre 2013 intitulée « protocoles » à l’ensemble des conseils départementaux et l’organisation d’un atelier intitulé « Réseaux de soins et Loi Leroux – Transmission des plaintes par les conseils départementaux » (sic) lors de la réunion des conseils départementaux des 17 et 18 octobre 2014 ;
- l’élaboration et la transmission, par le CDOCD de l’Isère, de deux courriers envoyés aux praticiens isérois au début des années 2014 et 2015, leur rappelant l’obligation de transmettre leurs contrats et émettant des doutes quant à la conformité des contrats d’adhésion à des réseaux de soins aux règles déontologiques. Ces courriers ont par la suite été transmis à tous les autres conseils départementaux afin qu’ils s’en inspirent ;
- les pressions mises en œuvre par le CDOCD de l’Isère en vue d’obtenir la résiliation des contrats d’adhésion souscrits par les praticiens du ressort ;
- la communication, au moyen de courriers individuels, collectifs ou de circulaires, par les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, laissant supposer que l’adhésion à des réseaux de soins est contraire aux règles déontologiques et passible de sanctions disciplinaires.
438. Aux termes du second grief notifié, il est reproché à la CNSD d’avoir mis en œuvre une entente visant également à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires, et en particulier de Santéclair.
439. Cette pratique a consisté à appeler les chirurgiens-dentistes à refuser ou à cesser toutes relations contractuelles avec les réseaux de soins tels que Santéclair, à faire pression sur les partenaires potentiels de tels réseaux ou à dissuader les patients de s’orienter vers les praticiens recommandés par ces réseaux.
2. LES ARGUMENTS DES PARTIES
440. Dans leurs observations en réponse à la notification de griefs et au rapport, le CNOCD et les CDOCD ont soutenu que l’Autorité n’était pas compétente pour connaître des pratiques qui leur sont reprochées.
441. Ils estiment que les circulaires ou les publications professionnelles qu’ils ont diffusées ne reposent pas sur une interprétation erronée du CSP et, en particulier, des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes. Ils en déduisent que ces documents ont été diffusés dans le cadre de leurs missions de service public, notamment rappelées à l’article L. 4121-2 du CSP. Ils précisent par ailleurs que les courriers individuels envoyés à certains chirurgiens-dentistes manifestent l’usage non manifestement disproportionné de leurs prérogatives de puissance publique. Ils indiquent également qu’ils n’ont jamais pris position contre un réseau de soins ni incité les praticiens à ne pas conclure de contrats avec un de ces réseaux ou à résilier ces contrats. Enfin, ils considèrent que les différentes décisions rendues en matière disciplinaire et citées par les services d’instruction dans le rapport sont postérieures aux faits qui leur sont reprochés et qu’elles ne peuvent donc être prises en compte dans le cadre de l’appréciation, par l’Autorité, de sa compétence.
442. Les CDOCD soutiennent, en outre, qu’ils n’ont jamais prétendu être compétents pour infliger une sanction en raison de la méconnaissance des règles déontologiques.
443. Enfin, les CDOCD de l’Isère, du Bas-Rhin et de Dordogne mentionnent qu’ils n’ont pas participé personnellement à certaines des pratiques qui leur sont reprochées. Le premier précise que la majorité de ces pratiques sont imputables à M. E..., vice-président de la FSDL, qui a essentiellement agi dans le cadre de ses fonctions syndicales, et non en tant que représentant du CDOCD de l’Isère. Le deuxième indique que les articles rédigés par M. 4..., membre du conseil départemental dépourvu de tout mandat pour le représenter, mentionnés dans la circulaire « Hiver 2014 – 2015 », ne lui sont pas imputables. Enfin, le troisième relève que les courriels collectifs des 27 février et 17 septembre 2014 et la circulaire de janvier 2015 ont uniquement exprimé l’opinion personnelle de M. V..., qui exerçait alors les fonctions de président du conseil départemental.
444. La FSDL et le CDF, qui s’est substitué à la CNSD, soutiennent également que les actions qui leur sont reprochées s’inscrivent dans le cadre des missions syndicales qui leur sont dévolues par la loi, si bien que l’Autorité est incompétente pour en connaître.
445. Le CDF précise que ses actions de communication litigieuses, qui s’inscrivent dans le cadre de sa mission de défense des intérêts dont il a la charge, ne constituent pas des interventions sur le marché et n’ont pas entravé l’activité des réseaux de soins. Le CDF ajoute qu’il n’a jamais été opposé par principe aux réseaux de soins dentaires, que ses actions de communication visaient uniquement à mettre en lumière les différences substantielles entre les réseaux de soins « ouverts » et « négociés » et qu’il n’a jamais critiqué nommément un réseau en particulier. Il précise qu’il n’a pas fait subir de pressions aux adhérents de Santéclair, bien qu’il considère ce réseau illicite, et qu’il n’a pas appelé les chirurgiens-dentistes, notamment par le biais du « Manifeste des chirurgiens-dentistes », à éviter de contracter avec cette plateforme ou à mettre un terme à leur relation avec celle-ci. Il précise enfin que le prospectus qu’il a élaboré était conforme aux règles du CSP et qu’il tendait uniquement à rappeler aux patients qu’ils sont libres de choisir leur praticien.
446. La FSDL indique enfin que les différentes pratiques qui lui sont reprochées, notamment la campagne de plaintes, s’inscrivent dans le cadre de son action syndicale. Elle ajoute qu’en l’état des jurisprudences existantes en droit disciplinaire à la date des faits, elle ne pouvait anticiper le caractère illégal de ses démarches. La FSDL précise également qu’elle n’a pas critiqué l’existence même des réseaux de soins mais les pratiques de certains d’entre eux, comme le démarchage téléphonique intensif réalisé par Santéclair. Elle estime que les pratiques mises en œuvre par cette plateforme sont anticoncurrentielles. Elle précise que c’est pour cette raison qu’en réponse aux interrogations des praticiens sur ces pratiques, elle les a encouragés à s’en plaindre aux autorités compétentes. Cependant, elle indique n’avoir exercé aucune pression sur les praticiens adhérents à Santéclair pour qu’ils quittent ce réseau.
3. LES PRINCIPES APPLICABLES
a) Principes applicables aux pratiques ordinales
447. Il est constant, en droit de l’Union comme en droit interne, que les règles de concurrence s’adressent aux entreprises, c’est-à-dire à toute entité qui exerce une activité économique, quel que soit son statut juridique ou son mode de financement429.
448. Il est également constant qu’une activité qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique, échappe à l’application des règles de concurrence.
449. En droit de l’Union, ce principe a été rappelé, notamment, dans plusieurs arrêts de la Cour430. Ainsi, il ressort par exemple de l’arrêt Wouters que « Selon la jurisprudence de la Cour, une activité qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, points 18 et 19, concernant la gestion du service public de la sécurité sociale) ou se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, arrêts du 19 janvier 1994, SAT Fluggesellschaft, C-364/92, Rec. p. I-43, point 30, concernant le contrôle et la police de l’espace aérien, et du 18 mars 1997, Diego Cali &Figli, C-343/95, Rec. p. I-1547, points 22 et 23, concernant la surveillance antipollution de l’environnement maritime) échappe à l’application des règles de concurrence du traité ».
450. En droit national, la Cour de cassation a jugé que « les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution et de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 entrant dans son champ d’application, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence »431.
451. Le Tribunal des conflits a, quant à lui, jugé que si les règles définies au livre quatrième du code de commerce – relatif à la liberté des prix et de la concurrence – s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public, l’Autorité n’est, en revanche, pas compétente pour sanctionner la méconnaissance des règles prohibant les pratiques anticoncurrentielles « en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l’organisation du service public ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique »432.
452. S’agissant des ordres professionnels, le Conseil, puis l’Autorité, saisis à plusieurs reprises de pratiques mises en œuvre par ces organismes, ont tout d’abord rappelé que ceux-ci étaient des « organismes investis d’une mission de service public, celle d’assurer le respect des devoirs professionnels et la défense de l’honneur de la profession », dotés à cette fin de prérogatives de puissance publique433.
453. S’agissant des limites de leur compétence en matière de décisions prises par un ordre ou un organisme professionnel, il a été précisé que s’ « il n’appartient pas au Conseil de la concurrence de se prononcer sur la légalité de (...) décisions dès lors qu’elles sont de nature administrative, cette dernière notion implique non seulement que la décision en cause ait été prise dans l’accomplissement de la mission de service public de l’organisme privé dont elle émane, mais, en outre, qu’elle comporte l’exercice d’une prérogative de puissance publique »434. Le Conseil, puis l’Autorité, se sont en revanche reconnus compétents pour apprécier la légalité de pratiques mises en œuvre par les ordres professionnels dès lors que « ces organismes interviennent par leurs décisions hors de cette mission ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique »435 ou lorsque ces pratiques sont « détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif »436.
454. Ainsi, en application de ces principes, dans une affaire relative à l’ordre national des pharmaciens, le Conseil a considéré qu’un ordre « peut donner son avis aux pouvoirs publics sur les questions relevant de sa compétence », mais qu’ « il sort de sa mission en diffusant des mises en garde constituant un appel à un boycott collectif du portage de médicaments à domicile »437. Confirmant cette position, la Cour de cassation a jugé que la pratique en cause, qui reposait sur une interprétation inexacte du CSP, « ne manifestait pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique, sortait de la mission de service public qui lui est conférée en tant qu’ordre professionnel, et constituait une intervention sur le marché du portage de médicaments à domicile dont le Conseil de la concurrence pouvait connaître »438.
455. De manière analogue, dans une décision relative à l’activité de nettoyage et entretien de prothèses dentaires amovibles, le Conseil a considéré que « lorsqu’un ordre professionnel, sortant de la mission de service public qui lui est conférée en tant qu’ordre professionnel, adresse à des tiers un courrier ou une note dans lequel il se livre à une interprétation de la législation applicable à son activité, il intervient dans une activité de services entrant dans le champ d’application de l’article L. 410-1 du code de commerce »439.
456. Dans une autre décision relative à l’ordre national des chirurgiens-dentistes, le Conseil, ayant considéré que cet ordre était sorti de sa mission de service public en mettant en place une communication sciemment erronée ayant pour but d’évincer du marché la société Santéclair, s’est estimé compétent pour examiner « les comportements qui, parce qu’ils invitent les professionnels à adopter telle ou telle attitude sur le marché sur lequel ils opèrent, sous la forme de mises en garde ou de consignes, constituent une intervention dans une activité de services »440.
457. La Cour de cassation a confirmé cette analyse, au motif que « le Conseil national de l’ordre et certains conseils départementaux, en adressant une lettre-type et une circulaire à l’ensemble des chirurgiens-dentistes de leur ressort, afin de les inciter à ne pas adhérer ou à résilier leur adhésion aux conventions litigieuses, et en laissant clairement entendre que sa décision de retrait de l’avis du 20 septembre 2001 impliquait de telles conséquences, ont diffusé une interprétation de la portée d’avis déontologiques sur les protocoles proposés aux chirurgiens-dentistes, qu’ils n’ont usé d’aucune prérogative de puissance publique [...] lorsqu’ils ont fait connaître [...], par circulaire, aux praticiens inscrits à l’ordre le contenu de cette lettre, que les menaces dirigées contre ces praticiens dans la circulaire qui leur a été adressée n’ont pas davantage constitué la mise en œuvre d’un dispositif contraignant, de nature disciplinaire et articulé au nom de l’intérêt général et de l’action publique »441.
458. Par ailleurs, s’agissant plus particulièrement des mesures disciplinaires mises en œuvre par un ordre professionnel, le Conseil et l’Autorité, considèrent, avec constance, que « le pouvoir disciplinaire est une des prérogatives de puissance publique à la disposition de l’ordre », que « l’engagement par un conseil de l’ordre d’une action disciplinaire à l’encontre d’un de ses membres ne relève donc pas en principe [de leur] champ de compétence » et qu’ « il en va de même lorsqu’un conseil de l’Ordre s’adresse nominativement à l’un de ses membres en lui demandant de modifier son comportement au motif d’une contrariété avec les règles de déontologie, le cas échéant sous peine d’engager à son encontre une action disciplinaire : une telle mise en demeure s’inscrit bien dans l’exercice du pouvoir disciplinaire »442.
459. Le Conseil a également précisé, s’agissant d’actions disciplinaires engagées par le syndicat national des médecins anatomo-cyto-pathologistes à l’encontre de médecins ne suivant pas ses consignes en matière tarifaire, que « la mise en œuvre d’une action disciplinaire par une instance professionnelle n’est pas susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle lorsqu’elle n’est pas exercée dans le cadre d’une action plus large à visée anticoncurrentielle ». Toutefois, au cas d’espèce, il a considéré que « l’action disciplinaire [...] n’est pas isolable du reste des incitations du syndicat et participe à l’ensemble de la pratique anticoncurrentielle » et « apparaît comme un moyen de contrôle, de pression et de sanction à l’égard des médecins dérogeant aux consignes ». Elle a, partant, estimé que « si la mise en œuvre d’actions disciplinaires fait partie des prérogatives du conseil départemental et ne saurait en elle-même être considérée comme anticoncurrentielle, elle a néanmoins renforcé en l’espèce les effets des consignes diffusées et de l’action du Syndicat national. Elle apparaît dans ces conditions comme une composante des pratiques anticoncurrentielles »443.
460. L’Autorité est également compétente pour connaître de pratiques relevant de prérogatives de puissance publique dès lors que celles-ci ont été mises en œuvre de manière manifestement inappropriée.
461. En effet, l’Autorité est tenue, lorsque les pratiques visées par les griefs sont susceptibles d’affecter de manière sensible le commerce entre les États membres, de veiller à l’application effective du droit de la concurrence de l’Union de manière à assurer un effet utile aux articles 101 et 102 du TFUE444. Par ailleurs, comme l’a souligné la Cour, en vue d’assurer l’application effective de l’article 101 du TFUE dans l’intérêt général, il importe que les autorités nationales puissent procéder à l’imposition d’une amende lorsqu’une entreprise a violé de propos délibéré ou par négligence l’article 101, paragraphe 1, du TFUE445.
462. À cet égard, le Tribunal de l’Union a eu l’occasion de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE à des pratiques tarifaires ordinales dans le cadre d’un recours contre une décision de la Commission sanctionnant des pratiques consistant, notamment, en des menaces de sanctions ou des dépôts de plaintes, mises en œuvre par l’Ordre national des pharmaciens afin d’imposer des prix minimaux sur le marché français des analyses de biologie médicale et de restreindre le développement de groupes de laboratoires.
463. La Commission avait estimé, en effet, que ces pratiques avaient pris « l’apparence, et seulement l’apparence de décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique »446.
464. Le Tribunal, appelé à se prononcer sur le point de savoir si les pratiques incriminées entraient dans le champ d’application de l’article 101 du TFUE ou constituaient une activité de puissance publique ne relevant pas de ces dispositions, a estimé que « même si, dans [les] circonstances [de l’espèce], il n’est pas nécessaire de prendre définitivement position sur la question de savoir dans quelle mesure l’exercice par l’ordre de son pouvoir disciplinaire se rattache à l’exercice d’une prérogative de puissance publique, de sorte qu’il tombe en dehors du champ d’application de l’article 101 TFUE, il doit encore être précisé que l’existence d’une telle prérogative ne saurait offrir une protection absolue contre toute allégation de comportement restrictif de concurrence, puisque l’exercice manifestement inapproprié d’un tel pouvoir consisterait, en tout état de cause, en un détournement de ce pouvoir »447.
465. Par ailleurs, dans le prolongement de la jurisprudence du Tribunal, l’Autorité s’est déclarée incompétente s’agissant de décisions de l’Ordre des avocats au barreau de Limoges rejetant des demandes d’inscription au tableau, celles-ci s’inscrivant dans le cadre des missions dévolues par la loi aux ordres des avocats et manifestant l’exercice, dans une mesure non manifestement inappropriée, de prérogatives de puissance publique448.
466. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 10 octobre 2019, la cour d’appel de Paris a ainsi résumé la jurisprudence européenne : « À cet égard, il résulte du point 207 de l’arrêt du Tribunal de l’Union ONP e.a./Commission, précité, que, si une activité qui, par sa nature, par les règles auxquelles elle est soumise et par son objet se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique, échappe à l’application des règles de concurrence du TFUE, en revanche, « l’exercice manifestement inapproprié » de telles prérogatives, à ce titre constitutif d’un détournement de pouvoir, est quant à lui soumis aux règles de la concurrence »449. Selon la cour, « Il résulte de cet arrêt que seul l’exercice dans une mesure manifestement inappropriée de prérogatives de puissance publique emporte l’application du droit de la concurrence. (…) La cour considère que, pour pouvoir qualifier l’exercice de prérogatives de puissance publique de « manifestement inapproprié », il faut que le mal-fondé de la décision prise en vertu de telles prérogatives ressorte avec la force de l’évidence, de sorte que seule la volonté de l’auteur de la décision de détourner le pouvoir qui lui a été confié est susceptible d’expliquer ladite décision »450.
467. Dans le même sens, l’Autorité a également décliné sa compétence pour connaître d’actions de communication et de mesures de nature judiciaire et disciplinaire diligentées par le Conseil national de l’Ordre des médecins (« CNOM ») aux fins de dénoncer, sur le fondement de plusieurs dispositions jugées essentielles du code de déontologie (interdiction des ristournes, du compérage ou du partage d’honoraires), les agissements, d’une part, de la société Groupon proposant des réductions aux internautes en cas d’achats groupés de différentes prestations de soins médicaux ou non médicaux à visée esthétique, d’autre part, des médecins recourant aux services de cette société. L’Autorité a, en effet, estimé que les comportements en cause du CNOM relevaient de l’accomplissement de la mission de service public qui lui est confiée et comportaient l’exercice, dans une mesure non manifestement inappropriée, de prérogatives de puissance publique451.
468. Enfin, dans un arrêt du 15 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a jugé que « c’est à juste titre que l’Autorité a retenu que les pratiques d’un ordre professionnel qui tendent, sous couvert d’exercer un pouvoir disciplinaire dans l’intérêt de la profession, à unifier et contrôler les prix pratiqués par ses membres, constituent un exercice manifestement inapproprié des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées, lui permettant de retenir sa compétence pour apprécier leur conformité au droit de la concurrence »452.
b) Principes applicables aux pratiques syndicales
469. L’Autorité est compétente pour connaître des pratiques d’organisations professionnelles, telles qu’un syndicat, dès lors qu’elles ne sont pas la simple manifestation de la défense des intérêts des membres de la profession concernée mais qu’elles constituent, au contraire, une intervention sur le marché.
470. Ainsi, dans la décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010453, l’Autorité a précisé que « pour trancher la question de la compétence de l’Autorité à l’égard d’actes émanant d’organisations professionnelles, il convient de faire la part entre :
- les comportements qui, parce qu’ils invitent des opérateurs économiques à adopter telle ou telle attitude sur le marché, en particulier sous la forme de mises en garde ou de consignes, constituent une intervention sur un marché ;
- et ceux qui relèvent purement de la défense des intérêts professionnels des membres de l’organisation sans constituer une intervention sur un marché (…)454.
471. Le Conseil a par ailleurs rappelé à plusieurs reprises que « la défense de la profession par tout syndicat créé à cette fin ne l’autorise nullement à s’engager, ni à engager ses adhérents dans des actions collectives visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence ou susceptibles d’avoir de tels effets (…) »455.
4. L’APPRECIATION AU CAS D’ESPECE
472. Les parties soutiennent, comme résumé aux paragraphes 440 à 446 de la décision, qu’en luttant contre les pratiques des réseaux de soins qu’elles estiment contraires aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes, elles ont agi dans le cadre de leurs missions. Elles considèrent que ces réseaux méconnaissent essentiellement les principes de liberté de choix du praticien et les interdictions de tous procédés directs ou indirects de publicité, de détournement ou de tentative de détournement de clientèle, de compérage et de pratique de la profession dentaire comme un commerce, principes issus des articles R. 4127-201 et suivants du CSP. Elles reprochent plus particulièrement à Santéclair de démarcher activement et spontanément des clients. Le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL relèvent que les différentes décisions citées par les services d’instruction et rendues en matière disciplinaire sont postérieures aux pratiques qui leurs sont reprochées et qu’elles ne peuvent donc leur être opposées pour justifier de la conformité du comportement de Santéclair aux principes déontologiques précités. La FSDL ajoute que les pratiques de Santéclair sont aggravées par le fait que son réseau implantologie n’intègre qu’un nombre restreint de praticiens, en méconnaissance de la loi du 27 janvier 2014 et du droit de la concurrence.
473. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 447 et suivants, l’Autorité est compétente pour connaître de pratiques ordinales ou syndicales qui outrepassent le cadre des missions de ces organismes. Tel est notamment le cas des pratiques par lesquelles ceux-ci diffusent à leurs membres une interprétation erronée des règles déontologiques qui leur sont applicables pour les inciter à adopter un certain comportement sur le marché. L’Autorité est également compétente pour connaître des pratiques d’un ordre professionnel qui n’ont pas été prises dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique ou qui témoignent d’une mise en œuvre manifestement inappropriée de ce l’Autorité pour connaître des pratiques ordinales et syndicales en cause implique-t-il, au préalable, d’apprécier la conformité de l’activité des réseaux de soins, et plus spécifiquement de Santéclair, aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes.
En ce qui concerne la conformité de l’activité des réseaux de soins aux règles déontologiques
474. La jurisprudence administrative considère avec constance que l’activité des réseaux de soins est conforme aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes.
475. En particulier, le Conseil d’État, dans une décision du 4 février 2000456, a jugé qu’un protocole d’accord signé entre un syndicat de dentistes et une mutuelle visant à améliorer l’accès des adhérents de cette mutuelle à certains traitements de prothèses dentaires en plafonnant le coût de tels soins ne méconnaît pas les principes d’indépendance professionnelle des praticiens, d’interdiction de tous procédés, directs ou indirects, de publicité, ni d’interdiction de détournement ou de tentative de détournement de clientèle. S’agissant de ce dernier principe, le Conseil d’État a expressément relevé que « la circonstance que l’amélioration du remboursement de certains soins prothétiques liée à l’adhésion [à un] protocole pourrait constituer un élément du choix de leur chirurgien- dentiste par les patients ne saurait être regardée comme constituant un détournement ou une tentative de détournement de clientèle ».
476. Le point spécifique du plafonnement conventionnel des coûts des prestations des chirurgiens-dentistes affiliés à un réseau de soins a, par la suite, été expressément entériné par la loi Le Roux du 27 janvier 2014457.
477. Conformément à ce texte, « les mutuelles, unions ou fédérations relevant du code de la mutualité, les entreprises d’assurance régies par le code des assurances et les institutions de prévoyance régies par le présent code peuvent, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, conclure avec des professionnels de santé, des établissements de santé ou des services de santé des conventions comportant des engagements relatifs, pour l’organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties ou, pour le professionnel, l’établissement ou le service, aux services rendus ou aux prestations ainsi qu’aux tarifs ou aux prix ».
478. Dans le prolongement de cette ligne jurisprudentielle et de la consécration légale des réseaux de soins, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes a, dans plusieurs décisions rendues entre juillet 2016 et mars 2017, affirmé « que le fait d’adhérer à un réseau de soins et par suite, de limiter ses honoraires pour chaque acte à un montant mentionné dans le contrat d’affiliation ne peut être regardé comme susceptible de conduire le chirurgien-dentiste à aliéner son indépendance professionnelle au sens de l’article R. 4127-209 du code de la santé publique »458.
479. S’agissant plus spécifiquement du protocole implantologie signé entre des chirurgiens-dentistes et Santéclair, elle a relevé qu’il « ne comporte, par lui-même aucune disposition qui puisse donner lieu à une accusation de compérage, de détournement de patientèle ou de publicité ». Elle a ensuite indiqué, avec constance, que « le fait que les tarifs pratiqués par le praticien signataire du contrat et portés à la connaissance des patients bénéficiaires puissent influencer ceux-ci dans le choix de leur chirurgien-dentiste est celles-ci. Aussi, l’examen de la compétence de résultat d’une information des patients et ne peut être regardé comme une tentative par ce praticien d’opérer en sa faveur un détournement de patientèle ». En outre, elle a également jugé que « l’article 3.3 [du protocole implantologie] prévoit expressément que les coordonnées des praticiens adhérents au réseau de soins et s’engageant donc notamment à en respecter la grille tarifaire ne seront communiquées aux patients bénéficiaires comme étant les praticiens les plus proches d’eux géographiquement que si ces patients en font la demande ; que ce dispositif ne constitue pas une action de publicité mais seulement une information des intéressés pour leur permettre de bénéficier des avantages offerts par le réseau de soins ».
480. Le Conseil d’État, saisi de pourvois en cassation contre des décisions de la chambre disciplinaire nationale, a confirmé cette analyse459.
481. À cet égard, il a notamment relevé qu’en « jugeant que les praticiens mis en cause par M. D... n’ont, en laissant Santéclair transmettre leurs coordonnées à tous ses patients adhérents qui en font la demande, ainsi que la moyenne des tarifs pratiqués dans la zone géographique, pas recouru à un procédé direct ou indirect de publicité prohibé par ces dispositions, la chambre disciplinaire nationale n’a ni commis d’erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ». En outre, il a précisé que « le contrat d’adhésion à Santéclair signé par les praticiens mis en cause par M. D... ne stipule ni que les honoraires pratiqués par les praticiens adhérents varient selon que le patient est, ou non, bénéficiaire des services de Santéclair ni que Santéclair s’engage à orienter les patients bénéficiaires vers les praticiens adhérents. Par suite, en jugeant que ces praticiens n’ont pas méconnu l’interdiction de compérage et n’ont pas commis de détournement ou de tentative de détournement de clientèle en devenant, par la souscription d’un tel contrat, praticiens adhérents à Santéclair, la chambre disciplinaire nationale n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis »460.
482. Ainsi, au 7 février 2013 – date correspondant au début des pratiques les plus anciennes en l’espèce, aucun élément ne permettait aux instances ordinales et syndicales de considérer que les conventions unissant des chirurgiens-dentistes à des réseaux de soins étaient contraires au code de déontologie. Au contraire, l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 4 février 2000461 devait les inciter à la prudence quant à l’appréciation de la conformité de telles conventions et de leurs modalités d’exécution.
483. S’agissant du réseau Santéclair, cette prudence s’imposait d’autant plus pour trois raisons.
484. D’une part, l’article 3.3 du protocole implantologie de Santéclair comme l’article 3.4 de son protocole omnipratique précisaient que la communication, par cette société, des coordonnées des différents praticiens signataires de l’une de ces conventions à ses adhérents s’effectuait uniquement sur demande de ces derniers462, conformément aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes et à la jurisprudence du Conseil d’État du 4 février 2000 précitée.
485. D’autre part, ni les extraits des émissions télévisées « Capital » et « Enquête de santé » produits par la FSDL, ni aucun autre document versé aux débats ne démontrent qu’à la date des pratiques litigieuses, Santécl adhérents le nom des praticiens affiliés à son réseau, en méconnaissance des articles 3.3 et 3.4 de ses protocoles précités. Au contraire, il ressort de l’instruction qu’en application de son processus habituel de fonctionnement, cette plateforme ne délivre ce type d’information que sur demande de ses adhérents. Ce sont ces derniers qui envoient d’abord les devis établis par leurs chirurgiens-dentistes à leur OCAM. Santéclair n’examine ainsi que les devis transmis par les OCAM avec lesquels elle collabore. Elle contacte ensuite les patients, généralement par courrier, pour les informer du montant de leur prise en charge et de leur reste à charge. Elle leur indique également, le cas échéant, qu’ils peuvent bénéficier d’un traitement équivalent et moins onéreux. Cette information objective peut conduire certains patients à solliciter des informations complémentaires sur cette modalité de prise en charge. C’est dans ce cadre que Santéclair les renvoie alors vers des chirurgiens-dentistes de son réseau situés à proximité de leur domicile.
486. Enfin, et même à considérer que Santéclair ait pu délivrer spontanément à ses adhérents le nom de ses chirurgiens-dentistes partenaires en méconnaissance des articles 3.3 ou 3.4 de ses protocoles, un tel comportement n’a pas été jugé contraire au droit des pratiques anticoncurrentielles par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er février 2018, mentionné supra au paragraphe 106. En outre, ce comportement est uniquement imputable à Santéclair et ne saurait, en tout état de cause, être directement reproché aux praticiens affiliés au réseau eux-mêmes et justifier qu’il leur soit intimé de rompre leurs contrats d’affiliation aux réseaux.
487. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les organismes en cause se sont livrés en l’espèce à une interprétation erronée du code de déontologie, en considérant que le principe et les conditions d’exécution des conventions conclues entre des praticiens et des réseaux de soins méconnaissaient les dispositions de ce code, alors qu’aucune circonstance de fait ou de droit ne leur permettait sérieusement de tirer une telle conclusion.
488. La circonstance que la conformité des conventions de Santéclair et des conditions de leur exécution ait seulement été expressément tranchée par des décisions de justice postérieures au début des pratiques litigieuses demeure sans influence sur ce point.
489. Enfin, la FSDL n’est pas fondée à se prévaloir de l’aggravation des pratiques antidéontologiques de Santéclair qu’elle impute au fait que son réseau implantologie n’intègre qu’un nombre restreint de praticiens, en méconnaissance de la loi du 27 janvier 2014 et du droit de la concurrence, pour justifier ses actions. En effet, d’une part, il existait, à l’époque des faits, à tout le moins, de sérieux doutes quant à la méconnaissance, par Santéclair, des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes. D’autre part, et en tout état de cause, la FSDL, en tant qu’instance syndicale, est tenue d’agir dans le respect de la légalité. À cet égard, si elle estimait avoir identifié des pratiques potentiellement illégales du fait de leur contrariété avec le droit de la concurrence, la loi du 27 janvier 2014 ou le CSP, il lui appartenait, conformément aux missions qui lui sont assignées, de les contester devant les organismes compétents. Cependant, en choisissant de prendre position contre les réseaux de soins comme elle l’a fait, la FSDL n’a pas agi dans le cadre de ses missions mais est intervenue sur le marché.
En ce qui concerne la compétence de l’Autorité pour connaître de la campagne de plaintes mise en œuvre par le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL
490. Il ressort des éléments constatés aux paragraphes 123 et suivants ci-dessus que le CNOCD, la FSDL et le CDOCD de l’Isère ont participé à la mise en œuvre d’une campagne de plaintes contre les chirurgiens-dentistes adhérents au réseau Santéclair.
491. Comme l’indique le courriel du 8 octobre 2013 envoyé par le président de la FSDL aux autres membres du conseil d’administration de ce syndicat463, cette campagne visait à encourager les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre leurs confrères, adhérents à Santéclair, devant le conseil départemental de l’ordre territorialement compétent, pour méconnaissance des articles R. 4127-224 et R. 4127-262 du CSP, relatifs à l’interdiction du compérage et du détournement ou de la tentative de détournement de clientèle et de l’article R. 4127-247 du même code, imposant aux chirurgiens-dentistes de transmettre pour avis, au conseil départemental intéressé, les contrats qui les lient à une entreprise.
492. Conformément à l’article L. 4123-2 du CSP, l’examen de ces plaintes devait d’abord conduire le président du CDOCD concerné à convoquer le plaignant et le mis en cause en vue d’une conciliation. Or, comme le précise le courriel du président de la FSDL du 8 octobre 2013 précité, l’objectif de la conciliation était d’obtenir que les praticiens adhérents au réseau Santéclair quittent ce dernier, sous peine d’engagement de la procédure contentieuse devant la chambre disciplinaire de première instance.
493. C’est également ce qui ressort du courrier du 7 mars 2014 (voir paragraphe 153) envoyé par M. G..., président du CDOCD de l’Isère, à son homologue du Rhône, lequel précise : « Lors des conciliations, nous avons fait comprendre la situation [aux] confrères qui se sont engagés à résilier leur adhésion à Santéclair. (…) c’est lors de notre réunion du Conseil qu’il a été décidé de ne pas les poursuivre considérant que nous avions atteint notre but »464.
494. Dans le même sens, le Dr U..., convoqué à une séance de conciliation par le président du CDOCD de l’Isère à la suite de la transmission de son contrat d’adhésion au réseau Santéclair, a précisé que ce dernier avait insisté pour qu’il résilie ce contrat. Dans son compte rendu de la séance de conciliation rappelé aux paragraphes 307 et 308 ci-dessus, il a souligné« l’insistance voir la pression [que M. G...] a exercé sur [lui] en [lui] demandant de [se] retirer du contrat Santéclair alors [qu’il était] convoqué uniquement pour [s]on retard dans l’envoi de [s]es contrats avec les organismes complémentaires » (soulignement ajouté).
495. Il a également indiqué : « De plus à la fin de la conciliation, que je n’ai pas signé, le président énervé, n’a pas apprécié, je lui ai demandé ce que cela pouvait entraîner ; il a répondu un avertissement, un blâme ou peut [-être] une interdiction de travailler pendant quelques jours puisqu’il m’a certifié que l’article 3.4 de la convention santéclair était antidéontologique »465 (sic et soulignement ajouté).
496. La campagne de plaintes litigieuse, fondée sur le respect des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes, visait donc à obtenir la résiliation des contrats conclus par ces derniers avec Santéclair.
497. Cependant, et comme relevé aux paragraphes 474 à 488 ci-dessus, cette pratique repose sur une interprétation erronée de ces règles déontologiques. En effet, les organismes en cause n’ont produit aucun élément permettant d’établir qu’à la date de la mise en œuvre de cette pratique, les conventions unissant les praticiens à Santéclair ou leurs modalités d’exécution méconnaissaient les principes d’interdiction du compérage, du détournement ou de la tentative de détournement de clientèle. Cette campagne de plaintes constitue donc, sous couvert de cette interprétation erronée des règles de déontologie, une intervention dans une activité de services en ce qu’elle invite les praticiens à adopter un comportement spécifique sur le marché. Ainsi, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme s’inscrivant air indiquait spontanément et systématiquement à ses dans le cadre des missions du CNOCD et du CDOCD de l’Isère rappelées à l’article L. 4121-2 du CSP qui leur confère, notamment, la responsabilité de veiller au respect des règles déontologiques de la profession de chirurgien-dentiste. La participation à la mise en œuvre d’une telle campagne ne manifeste, par ailleurs, en elle-même, l’exercice d’aucune prérogative de puissance publique.
498. De plus, si l’organisation de séances de conciliation par le CDOCD de l’Isère, à la suite des dépôts de plaintes, s’inscrit bien dans le cadre de la procédure disciplinaire prévue au CSP et implique la mise en œuvre de telles prérogatives, la circonstance que cette étape précontentieuse ait été utilisée pour faire pression sur des praticiens afin qu’ils résilient leur contrat d’adhésion au réseau Santéclair démontre que l’exercice de ces prérogatives a été manifestement inapproprié, celles-ci n’ayant pas été utilisées pour des motifs liés à l’intérêt général et à l’action publique, mais dans un but manifestement anticoncurrentiel. En outre, l’organisation de ces séances de conciliation s’inscrit dans le prolongement de la campagne de plaintes et vise à évincer Santéclair du marché. Dans ces conditions, l’Autorité est bien compétente pour connaître de la participation du CNOCD et du CDOCD de l’Isère à la campagne de plaintes.
499. Par ailleurs, l’Autorité est également compétente pour connaître de cette pratique à l’égard de la FSDL, en ce qu’elle traduit une intervention sur le marché et non l’exercice, par ce syndicat, de la seule défense des intérêts des chirurgiens-dentistes qui y adhérent.
En ce qui concerne la compétence de l’Autorité pour connaître des autres pratiques du CNOCD
500. Les circulaires « protocoles » du 7 novembre 2013466 et les ateliers-formations d’octobre 2014 du CNOCD mentionnés aux paragraphes 176 et suivants des constatations reposent, au moins pour partie, sur une interprétation erronée des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes.
501. En effet, s’appuyant sur le CSP, la circulaire, relative à l’analyse des conventions et protocoles susceptibles d’être signés par des chirurgiens-dentistes avec les réseaux de soins, recense 43 « points » à contrôler lors de l’examen de ces contrats.
502. La plupart de ces « points » de contrôle constituent la stricte reprise des règles déontologiques qui s’imposent aux chirurgiens-dentistes, comme l’obligation de transmission de ces contrats au CDOCD compétent, le libre choix du praticien par le patient ou le fait que la profession de chirurgien-dentiste ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
503. Cependant, la circulaire élaborée et diffusée par le CNOCD comporte également des interdictions, des obligations et des recommandations qui reposent sur une interprétation erronée de certaines dispositions du CSP. C’est le cas de ses points 15 et 19 qui, s’appuyant sur l’article R. 4127-262 du CSP prohibant le détournement ou la tentative de détournement de clientèle, précisent qu’il « ne doit pas y avoir de captation de patients d’autres cabinets par le biais du réseau » et que « si une liste de praticiens est adressée à un patient, il faut qu’il y ait une preuve que ce dernier ait bien fait une demande à sa complémentaire santé en vue d’obtenir les coordonnées de praticiens signataires du protocole ». C’est également le cas des points 22 et 29 qui, se fondant sur les principes d’indépendance et de liberté de prescription des chirurgiens-dentistes mentionnés aux articles R. 4127-209 et R. 4127-210 du CSP, précisent qu’ « un chirurgien-dentiste ne doit pas être limité ou contraint par des considérations économiques et de rentabilité. La seule limite est ce qui est nécessaire à la qualité et à l’efficacité des soins » et que les CDOCD doivent faire « attention à l’adéquation des tarifs imposés avec la qualité des soins ».
504. Ces quatre points de la circulaire sont contraires aux règles applicables aux réseaux de soins, qui, comme le précisait déjà le Conseil d’État dans sa décision du 4 février 2000467, ne méconnaissent pas les principes d’indépendance professionnelle des praticiens, d’interdiction de détournement de clientèle ni d’interdiction de tous procédés, directs ou indirects, de publicité. Ils véhiculent une interprétation erronée des dispositions du code de déontologie, d’autant plus préjudiciable que l’avant dernière phrase de la circulaire rappelle qu’en application de l’article L. 4113-9 du CSP, « les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 » du même code.
505. Par ailleurs, l’un des diaporamas PowerPoint intitulé « Réseaux et Loi Leroux »468 (sic), présenté lors des ateliers-formation, insiste sur le caractère potentiellement antidéontologique des réseaux de soins.
506. En effet, après une présentation détaillée des différents contentieux engagés par le CNOCD contre la loi Le Roux, le diaporama indique que « La signature de conventions (ou protocoles) entre chirurgiens-dentistes d’une part et mutuelles ou assurances d’autre part, pourrait avoir pour conséquence une mise à mal des dispositions de notre code de déontologie »469. De plus, certains de ses développements abordent des thèmes similaires à ceux de la circulaire du 7 novembre 2013, tels que les passages intitulés « Indépendance professionnelle et liberté de prescription »470 ou encore « Procédés publicitaires et tentative de détournement de clientèle »471, qui mettent en exergue le fait que « Certains protocoles exigent certains engagements tarifaires de la part de leurs partenaires »472, alors qu’il s’agit d’un élément participant de la définition même d’un réseau de soins. La circonstance, avancée par le CNOCD, que certains participants aux ateliers-formation n’aient pas compris que la présentation relative à la loi Le Roux « sous entenda[it] l’illicéité des réseaux de soins » demeure sans incidence sur l’appréciation objective de cette présentation.
507. En outre, d’après le président du CDOCD de Dordogne et comme indiqué aux paragraphes 199 et 200 des constatations, l’intervention du CNOCD était motivée par la volonté de lutter contre le risque de détournement de clientèle.
508. Ainsi, la circulaire « protocoles » du 7 novembre 2013 et les ateliers-formation du CNOCD d’octobre 2014 reposent, pour partie, sur une interprétation erronée des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes, insistant en particulier sur la contrariété des réseaux de soins à ces règles. Ces pratiques s’inscrivent, à cet égard, dans le prolongement de la campagne de plaintes examinée plus haut à laquelle le CNOCD a également participé et destinée à conduire les praticiens adhérents à Santéclair à résilier le contrat les unissant à ce réseau de soins. Les pratiques en cause contribuent au succès de cette campagne, en indiquant aux CDOCD, susceptibles d’être saisis de plaintes dirigées contre des praticiens adhérents au réseau Santéclair, l’interprétation à retenir des règles déontologiques.
509. Dans ces conditions, la circulaire du 7 novembre 2013 et les ateliers formations, qui n’impliquent la mise en œuvre d’aucune prérogative de puissance publique, ne peuvent être regardés comme relevant des missions de service public du CNOCD. L’Autorité est donc compétente pour en connaître.
En ce qui concerne la compétence de l’Autorité pour connaître des autres pratiques du CDOCD de l’Isère et des pratiques du CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
510. La majeure partie des autres pratiques du CDOCD de l’Isère et des pratiques des CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin s’est traduite par l’envoi, aux praticiens de leur ressort respectif, de circulaires ou de publications professionnelles.
511. Ces documents laissent entendre que les réseaux de soins contreviennent aux règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes.
512. C’est le cas des deux séries de courriers envoyés par le CDOCD de l’Isère à l’ensemble des praticiens de son ressort en 2014 et 2015 et de la circulaire édictée par le CDOCD du Haut-Rhin pour l’année 2014-2015, ainsi qu’il ressort des paragraphes 290 et suivants et 353 et suivants des constations. C’est également le cas pour les bulletins de liaison commun aux CDOCD du Haut-Rhin et du Bas-Rhin décrits aux paragraphes 361 et suivants ci-dessus et pour le courrier adressé par le CDOCD de Dordogne à l’ensemble des praticiens de son ressort le 29 janvier 2014, mentionné au paragraphe 331.
513. Certaines de ces circulaires ou de ces publications professionnelles indiquent, en outre, qu’une méconnaissance des règles déontologiques, notamment à raison de la conclusion d’un contrat avec un réseau de soins, est passible de sanctions disciplinaires.
514. C’est le cas des circulaires du CDOCD des Bouches-du-Rhône du 24 juin 2013, du CDOCD de Dordogne de janvier 2015, du CDOCD du Haut-Rhin pour l’année 2013-2014 et du CDOCD du Bas-Rhin pour l’année 2014-2015, comme l’indiquent respectivement les paragraphes 118 à 122, 340, 348 à 352 et 355 à 360 des constatations. C’est également le cas pour les courriels adressés par le président du CDOCD de Dordogne à l’ensemble des praticiens du ressort les 27 février et 17 septembre 2014 détaillés aux paragraphes 332 à 339 ci-dessus.
515. Ainsi, les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont, par les circulaires et publications professionnelles précitées, largement diffusé une interprétation erronée des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes en mettant en garde ces derniers quant au respect de ces règles par les réseaux de soins. Ce faisant, ils ne peuvent être regardés comme ayant agi dans le cadre de leur mission de service public, ni comme ayant exercé leurs prérogatives de puissance publique.
516. La circonstance, avancée par les CDOCD de l’Isère, du Bas-Rhin et de Dordogne, que certaines des pratiques litigieuses sont uniquement susceptibles d’engager la responsabilité des personnes physiques les ayant mises en œuvre, et non celle du conseil départemental, demeure sans influence au stade de l’examen de la compétence de l’Autorité pour en connaître. Ces arguments, qui relèvent de l’appréciation du fond des pratiques, seront examinés plus bas, aux paragraphes 599 et 611 à 613.
517. L’Autorité est donc compétente pour connaître de ces pratiques.
518. Par ailleurs, les pratiques en cause ont également, mais dans une moindre mesure, consisté en l’envoi, par les CDOCD des Bouches-du-Rhône et de Dordogne, de courriers individuels aux chirurgiens-dentistes de leur ressort, comme il a été constaté aux paragraphes 112 à 117, 320 à 322 et 341 à 347 ci-dessus. La majorité de ces courriers rappellent à leur destinataire qu’ils doivent transmettre les contrats qu’ils ont conclus avec des réseaux de soins tout en leur précisant que ces réseaux méconnaissaient les règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes. Deux d’entre eux, envoyés par le CDOCD des Bouches-du-Rhônes aux docteurs 8... et 9..., sont cependant plus prescriptifs puisqu’ils mettent en demeure leurs destinataires de se conformer aux règles déontologiques, dont l’interdiction de détournement de clientèle. Ces courriers individuels s’insèrent à première vue dans le cadre des missions dévolues par la loi aux conseils départementaux. Cependant, ils traduisent en réalité, eu égard au contexte et à leurs termes, l’application des prises de position ordinales et syndicales contre les réseaux de soins, qui se sont manifestées dans le cadre du plan d’ensemble exposé aux paragraphes 713 à 732 ci-dessous. L’Autorité est donc également compétente pour en connaître.
En ce qui concerne la compétence de l’Autorité pour connaître des autres pratiques de la FSDL
519. La FSDL a communiqué de manière offensive contre les réseaux de soins et, plus particulièrement Santéclair, comme cela a été indiqué aux paragraphes 202 à 248 des constatations (diffusion anonyme d’une présentation de Santéclair comme violant la déontologie et la confraternité ; diffusion du témoignage d’un praticien ayant quitté le réseau et appelant ses confrères à faire de même ; diffusion d’un PowerPoint avec une lettre-type de plainte). Elle a également mis en œuvre une campagne de plaintes similaire à celle développée avec le CNOCD et le CDOCD de l’Isère contre Santéclair, à l’encontre des réseaux Itélis et Kalivia, ainsi que cela ressort des paragraphes 259 à 263 et 284 à 289 ci- dessus. Enfin, il ressort des paragraphes 264 à 283 qu’elle a mis en place plusieurs actions pour lutter contre l’émergence d’un réseau de soins développé par le Crédit Mutuel, notamment en menaçant l’un des futurs partenaires de ce réseau. L’ensemble de ces pratiques ne peuvent être regardées comme s’inscrivant dans le cadre des missions de la FSDL, syndicat des chirurgiens-dentistes libéraux en charge de la défense des intérêts collectifs et individuels de ces membres. Elles constituent des interventions sur un marché et ressortent de la compétence de l’Autorité.
520. Il en va de même pour le soutien apporté à ses adhérents et l’établissement d’une liste des partenaires adhérents à Santéclair, pratiques mentionnées aux paragraphes 249 à 258 des constatations et qui s’inscrivent dans le cadre des pratiques mises en œuvre contre les réseaux de soins décrites au paragraphe précédent.
En ce qui concerne la compétence de l’Autorité pour connaître des pratiques de la CNSD
521. La CNSD a, dans plusieurs documents largement diffusés, critiqué les réseaux de soins, estimant qu’ils contreviennent aux règles déontologiques. Elle a également invité les praticiens à ne pas y adhérer et les patients à ne pas se détourner de leur praticien habituel, à peine de subir des soins dentaires dégradés, comme cela ressort des paragraphes 381 à 401 des constatations. Elle a également fait pression sur différents opérateurs économiques partenaires du futur réseau de soins développé par le Crédit Mutuel pour éviter que celui aboutisse, comme indiqué aux paragraphes 370 et 371 et 374 à 380 ci-dessus.
522. Ces pratiques, qui ne s’inscrivent pas dans le cadre des missions syndicales de la CNSD, constituent autant d’interventions sur le marché qui relèvent de la compétence de l’Autorité.
B. SUR LA PROCEDURE
1. EN CE QUI CONCERNE LA MOTIVATION DES DECISIONS D’AUTO-SAISINE ET DE JONCTION
523. La CNSD, devenue CDF, soutient que la décision, enregistrée sous le numéro 17/0121 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire et la décision par laquelle un rapporteur général adjoint a décidé de joindre l’instruction de cette affaire à celle enregistrée sous le numéro 14/0068 F sont entachées d’un défaut de motivation.
524. Cependant, selon une pratique décisionnelle473 et une jurisprudence474 constantes, d’une part, il revient à l’Autorité d’apprécier souverainement l’opportunité de se saisir d’office. En outre, elle n’est tenue de rendre compte ni des informations qui ont emporté sa décision de se saisir, ni des conditions dans lesquelles ces informations sont parvenues à sa connaissance. La CNSD, devenue CDF ne peut donc utilement soutenir que la décision numéro 17/0121 F par laquelle l’Autorité a décidé de se saisir d’office n’est pas motivée.
525. D’autre part, les décisions prises sur le fondement de l’article R. 463-3 du code de commerce telles que les décisions de jonction475 ou de disjonction476 n’ont pas à être motivées et elles sont insusceptibles de recours. La CNSD, devenue CDF, ne peut donc davantage se prévaloir du défaut de motivation de la décision par laquelle le rapporteur général adjoint a décidé de joindre l’instruction des affaires 14/0068 F et 17/0121 F pour contester la régularité de la procédure.
2. EN CE QUI CONCERNE LA VIOLATION DU SECRET MEDICAL
526. Le CDOCD de l’Isère soutient que la procédure est entachée de nullité au motif que les pièces saisies lors des perquisitions qui étaient couvertes par le secret médical n’ont pas été retirées du dossier et que sa demande de protection de ces pièces au titre du secret des affaires a été rejetée par la rapporteure générale adjointe de l’Autorité.
527. Mais, conformément à l’article L. 464-8-1 du code de commerce, « les décisions prises par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 463-4 de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée peuvent faire l’objet d’un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la cour d’appel de Paris ou son délégué ». Outre que la procédure spécifique de protection du secret des affaires n’a pas pour vocation d’assurer la protection du secret médical, il n’appartient pas, selon le texte rappelé, au collège de l’Autorité de se prononcer sur la légalité d’une décision du rapporteur général de refuser d’accorder la protection au titre du secret des affaires. Dans ces conditions, le CDOCD de l’Isère n’est pas recevable à contester, devant l’Autorité, la décision par laquelle la rapporteure générale adjointe a rejeté sa demande formulée au titre du secret des affaires au motif qu’elle était irrégulière en la forme.
528. Par ailleurs, s’agissant de la protection du secret médical, il convient de rappeler que la Cour de cassation477, saisie d’un pourvoi par le CDOCD de l’Isère contre l’ordonnance du 28 septembre 2016 du premier président de la cour d’appel de Paris relative à la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l’Autorité, a estimé que les représentants de ce CDOCD « ont été consultés sur le point de savoir si les documents appréhendés comportaient des éléments relevant du secret médical, et que lorsque des réponses négatives n’ont pas été données, […], M. G... [président du CDOCD] a procédé à l’occultation des informations nominatives relevant du secret médical sur les documents ou supports d’information concernés ». La Cour a considéré que ce procédé était suffisant pour garantir le respect du secret médical, précisant par ailleurs qu’il incombait au conseil départemental de l’ordre d’indiquer précisément, le cas échant, « les documents dont il estimait que, relevant [du secret médical], ils ne pouvaient pas être saisis ».
529. Enfin, constatant qu’en dépit des précautions prises lors des opérations de visite et saisie, certaines pièces au dossier contenaient encore des informations susceptibles de relever du secret médical, les services d’instruction ont, par courriel du 7 mai 2018478, invité Mme M..., actuelle Présidente du CDOCD de l’Isère, à assister à une procédure visant à occulter ces informations. Mme M... a décliné cette invitation479. La procédure d’occultation a néanmoins été réalisée par les services d’instruction de l’Autorité le 21 juin 2018480.
530. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du secret médical doit, en tout état de cause, être écarté.
3. EN CE QUI CONCERNE L’IMPARTIALITE DE L’INSTRUCTION
531. En premier lieu, le CNOCD soutient que les services d’instruction ont méconnu le principe d’impartialité en décidant de lui notifier des griefs alors que la saisine de la société Santéclair enregistrée sous le numéro 14/0068 F excluait expressément qu’il ait participé aux pratiques dénoncées.
532. Cependant, comme la cour d’appel de Paris l’a rappelé à plusieurs reprises481, « le Conseil (devenu « Autorité ») est toujours saisi in rem de l’ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement d’un marché et peut, sans avoir à se saisir d’office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé qui, quoique non expressément visées dans sa saisine, ont le même objet ou le même effet ». Ainsi, en l’espèce, les services d’instruction ont pu notifier au CNOCD des griefs relatifs à des pratiques non dénoncées par Santéclair dans sa saisine sans pour autant méconnaître, de ce seul fait, le principe d’impartialité.
533. En second lieu, le CNOCD et les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin estiment que le rapport des services d’instruction n’a pas répondu à l’ensemble de leurs observations, passant sous silence des arguments essentiels au débat contradictoire et que le rapport dénature leurs arguments. Le CNOCD prétend également avoir fait l’objet d’un procès d’intention en raison de sa prise de position dans le cadre du débat précédant l’adoption de la loi Le Roux et de la précédente sanction qui lui a été infligée par le Conseil en 2009.
534. Mais, selon une jurisprudence constante, les rapporteurs de l’Autorité disposent d’un pouvoir d’appréciation quant à la conduite de leurs investigations482. Ils fondent la notification de griefs sur les faits qui leur paraissent de nature à en établir le bien-fondé et n’ont pas à répondre à tous les arguments développés par les parties483. La cour d’appel de Paris484 a notamment indiqué, à cet égard, qu’il « ne peut être reproché aux rapporteurs d’avoir retenu les éléments « à charge» » des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu’ils ont pour fonction d’instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité ayant en charge d’examiner le bien- fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l’interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d’interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties (…) ». Plus récemment, la cour485 a relevé que « le rapport des rapporteurs n’a pas pour objet d’établir une liste exhaustive des milliers de pièces figurant au dossier. Les rapporteurs, qui, à l’issue de l’instruction contradictoire, se sont forgés une opinion sur la réalité des pratiques et leur caractère anticoncurrentiel, ont pour mission de présenter leur analyse de la façon la plus claire possible, afin de permettre aux parties de répondre aux arguments qui vont leur être opposés devant le Collège. Il est dès lors légitime que les rapporteurs visent les seules pièces, ou passages de pièces, qui leur paraissent utiles soit pour appuyer leur démonstration sur ces pièces, soit pour exposer en quoi celles-ci ne contredisent pas l’analyse retenue. Une telle façon de faire ne saurait donc caractériser un défaut d’impartialité de leur part, étant rappelé que les parties, quant à elles, ont tout loisir d’exploiter l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles non visées, ou non visées de façon exhaustive, par les rapporteurs dans le rapport ».
535. En l’espèce, il n’est pas contesté que les mis en cause ont eu accès à l’ensemble des pièces du dossier, qui ont pu être discutées au cours de la procédure. Ils ont ainsi eu toute latitude pour apporter les éléments utiles à leur défense dans les écritures présentées en réponse à la notification de griefs et au rapport et, à l’oral, le jour de la séance. Par ailleurs, aucune règle de droit positif n’imposait aux services d’instruction de répondre, dans leur rapport, à l’ensemble des observations des parties présentées en réponse à la notification de griefs. En outre, la seule circonstance que la notification de griefs constate que le CNOCD a déjà été sanctionné pour des pratiques anticoncurrentielles et qu’il a pris parti en défaveur des réseaux de soins avant l’adoption de la loi Le Roux – outre qu’il s’agit d’un constat objectif, demeure sans incidence sur l’appréciation du caractère partial de la procédure. En effet, les griefs qui lui ont été notifiés ne reposent pas sur ces éléments mais sur des pratiques distinctes, comme le rappellent les paragraphes 111 à 200 de la présente décision. Enfin, la dénaturation des pièces du dossier alléguée par les organismes en cause repose, en réalité, sur une divergence d’interprétation d’éléments de preuve ou d’analyse des données du dossier par rapport aux services d’instruction, qui relève de l’appréciation du fond des pratiques en cause et qui sera traitée plus bas.
536. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité de l’instruction doit être écarté.
4. EN CE QUI CONCERNE L’IMPRECISION DU GRIEF NOTIFIE ET SA MODIFICATION AU STADE DU RAPPORT
537. Les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin soutiennent que la notification de griefs leur reproche d’avoir participé à une infraction unique complexe et continue tout en admettant, de manière contradictoire, qu’ils n’ont pas participé à une action concertée avec le CNOCD, la FSDL et le CDOCD de l’Isère. Ils estiment qu’ils ne peuvent donc pas précisément savoir ce qui leur est reproché. Ils ajoutent qu’au stade du rapport, les services d’instruction leur reprochent un nouveau grief, tiré de la mise en œuvre de pratiques constitutives de décisions d’associations d’entreprises.
538. Cependant, si le grief notifié à l’ensemble des organismes en cause consiste en la participation à une infraction unique complexe et continue visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires, il est expressément circonscrit à la participation individuelle de chacun des participants à cette infraction. S’agissant des CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, cette participation se limite aux pratiques complémentaires à la campagne de plaintes qu’ils ont mises en œuvre. Le grief qui leur a été notifié est donc suffisamment précis.
539. Par ailleurs, les autorités et juridictions européennes comme nationales considèrent qu’une infraction unique, complexe et continue est composite, car elle peut être constituée d’une succession d’accords, de pratiques concertées ou de décisions d’associations d’entreprises, eux-mêmes constitutifs d’infractions aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE486.
540. Au cas d’espèce, la référence aux décisions d’associations d’entreprises mises en œuvre par les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin au stade du rapport ne constitue donc pas un nouveau grief mais seulement l’explicitation des différentes composantes du grief d’infraction unique, complexe et continue qui leur a été notifié initialement. D’ailleurs, il ressort clairement du paragraphe 195 du rapport que ces décisions d’associations d’entreprises renvoient à des pratiques complémentaires identifiées dans la notification de griefs, notamment à son paragraphe 557.
541. Dès lors, ces quatre CDOCD ne sont pas non plus fondés à soutenir que le rapport contient un nouveau grief.
C. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
1. LES PRINCIPES APPLICABLES
542. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE487, trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union : l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
543. Concernant le premier élément, le point 19 des lignes directrices précise que : « [l]a notion de « commerce » n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l’établissement »488.
544. Concernant le deuxième élément, il est précisé aux points 78 et 79 des lignes directrices, que : « [l]es ententes horizontales couvrant l’ensemble d’un État membre sont normalement susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l’entente qui s’étend à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité. La capacité qu’ont ces accords de cloisonner le marché intérieur est due au fait que, normalement, les entreprises qui participent à des ententes dans un seul État membre doivent se protéger contre les concurrents d’autres États membres. Si elles ne le font pas et si le produit concerné par l’accord est commercialisable, l’entente risque d’être affaiblie par la concurrence d’entreprises d’autres États membres » (soulignements ajoutés).
545. Dans le cas d’ententes s’étendant à l’intégralité ou à la vaste majorité du territoire d’un État membre, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu Tribunal de l’Union européenne, ci-après le « Tribunal »), dans un arrêt du 14 décembre 2006, a jugé « qu’il existe, à tout le moins, une forte présomption qu’une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l’ensemble du territoire d’un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d’affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l’analyse des caractéristiques de l’accord et du contexte économique dans lequel il s’insère démontre le contraire »489. Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à cet égard que : « (…) le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE »490.
546. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »491.
547. Enfin, s’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt, que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »492.
548. Le point 52 des lignes directrices précitées se réfère à deux seuils cumulatifs en deçà desquels un accord est présumé, du point de vue de la Commission européenne, ne pas affecter sensiblement le commerce entre États membres :
- la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % ;
- et, dans le cas d’accords horizontaux, le chiffre d’affaires annuel moyen réalisé dans l’Union par les entreprises en cause avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros.
2. L’APPRECIATION AU CAS D’ESPECE
549. En premier lieu, le service lié à la pratique de l’art dentaire peut faire l’objet d’un courant d’échanges en zone transfrontalière. Plus largement, la Cour de justice, amenée à se prononcer dans le cadre de l’examen de la légalité d’aides d’État, a estimé qu’il « ne saurait être exclu (…) que des médecins spécialistes en art dentaire soient en concurrence avec leurs confrères établis dans un autre État membre »493, cet élément lui permettant de conclure que la condition relative à l’existence d’un courant d’échange était remplie. Au cas d’espèce, les chirurgiens ont expressément admis l’existence d’une telle affectation, comme le démontre le témoignage d’un chirurgien-dentiste publié dans l’édition spéciale du
« Libéral Dentaire » de juin 2014, mentionné au paragraphe 217 de la présente décision.
ne suffit pas pour exclure que 550. Par ailleurs, pour le service de la pratique de l’art dentaire comme pour celui relatif à l’activité de gestion de réseaux de soins, le courant d’échanges entre États membres peut également se traduire par la volonté d’opérateurs économiques ressortissants d’un autre État membre actifs sur ces marchés, de venir s’établir sur le territoire national.
551. L’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les services en cause relatifs à la pratique de l’art dentaire et l’activité des réseaux est donc établie.
552. En second lieu, les pratiques constatées ont notamment été élaborées et mises en œuvre par des instances à compétence nationale et ont couvert l’ensemble du territoire national (voir les paragraphes 111 et suivants ci-dessus), contrairement à ce que soutient le CNOCD qui prétend qu’elles ne concernaient que quelques départements. Du reste, ces pratiques, qui ont été mises en œuvre à l’encontre de l’ensemble des plateformes gérant des réseaux de soins, ont notamment expressément visées les plateformes Itélis, Kalivia et Santéclair, réunissant à elles trois 27 millions d’assurés494.
553. Les pratiques en cause sont donc susceptibles d’avoir affecté, au moins potentiellement, le commerce entre États membres de manière sensible. Les conditions d’affectation du commerce entre États membres et de sensibilité de cette affectation sont donc également remplies, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les autres mises en cause.
554. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques litigieuses doivent être examinées au regard du droit de la concurrence de l’Union et du droit national et respectivement des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
D. SUR LA DEFINITION DES MARCHES
1. LE DROIT APPLICABLE
555. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »495.
556. Au niveau national, l’Autorité estime que « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (…). Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »496.
557. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de l’Union que « (…) l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »497.
558. Cette appréciation a été partagée par le Conseil puis l’Autorité de la concurrence qui, lorsque
« (…) les pratiques (…) sont recherchées au titre de la prohibition des ententes (…) », estiment qu’ « (…) il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »498.
2. L’APPRECIATION AU CAS D’ESPECE
559. En l’absence de changements notables dans le secteur concerné, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de retenir une définition des marchés pertinents différente de celle retenue par l’Autorité dans sa décision n 09-D-07 précitée499. Dans cette affaire, qui concernait déjà les protocoles proposés aux chirurgiens-dentistes par les organismes d’assurances complémentaires santé et les plateformes de gestion, telles que Santéclair, le Conseil avait constaté que les pratiques de l’ordre des chirurgiens-dentistes avaient directement concerné plusieurs marchés : le marché des services relevant de la pratique de l’art dentaire, telle que définie à l’article L. 4141-1 du CSP, et le marché de l’assurance complémentaire santé.
560. S’agissant du marché des services relevant de la pratique de l’art dentaire, les offreurs sont les chirurgiens-dentistes tandis que la demande émane des patients. La dimension géographique de ce marché est, vraisemblablement, le plus souvent locale, limitée par les contraintes de déplacement des demandeurs, sous réserve des éléments mentionnés au paragraphe 549 ci-dessus.
561. S’agissant du marché de l’assurance complémentaire santé, les pratiques en cause visent les réseaux de soins proposés aux chirurgiens-dentistes par les organismes d’assurances complémentaires santé (mutuelles, sociétés d’assurance et institutions de prévoyance), directement ou par l’intermédiaire de plateformes, telles que Santéclair. Comme l’a précisé le Conseil dans sa décision n° 91-D-04 du 29 janvier 1991 relative à certaines pratiques de groupements d’opticiens et d’organismes fournissant des prestations complémentaires à l’assurance maladie citée dans la décision n° 09-D-07 précitée, « l’assurance de la part des dépenses de santé non couvertes par l’assurance maladie est une activité de services ; (…) ces services sont offerts aussi bien par des sociétés mutualistes que par des organismes qui ne sont pas régis par le code de la mutualité, dont notamment des sociétés d’assurance ; (…) tous ces acteurs, qui entendent garantir la protection complémentaire de celle dispensée par la sécurité sociale, sont donc concurrents dans l’exploitation de marché (…) »500.
562. Il résulte de la pratique décisionnelle de l’Autorité en matière de contrôle des concentrations qu’à l’exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, les marchés de produits d’assurance sont considérés comme étant de dimension nationale, compte tenu des préférences des consommateurs, de l’existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation concernant ce secteur d’activité501. S’il est constant que l’examen des marchés pertinents dans le cadre du contrôle des concentrations poursuit un objectif différent de celui auquel il est procédé en matière de pratiques anticoncurrentielles et ne lie pas l’Autorité lorsqu’elle statue dans ce domaine502, il n’est toutefois nullement exclu que, dans certains cas, les constats opérés lors de l’examen d’une concentration puissent éclairer l’analyse du marché propre à l’examen des pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs et en tout état de cause, l’Autorité a déjà eu l’occasion de relever, dans le cadre d’une décision de non-lieu relative à des pratiques mises en œuvre par la société Kalivia dans le secteur de l’optique-lunetterie, que le marché de services d’assurance complémentaire était de dimension nationale503.
563. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL, il n’y a pas lieu de définir plus précisément les marchés pertinents dont l’identification est, en l’espèce, suffisante pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre.
E. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
564. Conformément au paragraphe 433 de la décision, le premier grief est relatif à une infraction unique complexe et continue (ci-après : « IUCC ») impliquant le CNOCD, la FSDL et les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin (1). Le second grief, imputé au CNSD, est constitué par une pratique d’association d’entreprises contraire au droit de la concurrence (2).
1. EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF N° 1
565. Seront successivement étudiés l’existence d’accords de volontés entre les organismes mis en cause relatifs aux pratiques constitutives de l’IUCC (a), le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques (b), la constitution d’une infraction unique, complexe et continue (c), et la participation individuelle de chaque organisme à cette infraction (d).
a) S’agissant des accords de volontés
Les principes applicables
566. Les articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent les ententes, pratiques concertées et décisions d’association d’entreprises restrictives de concurrence qui résultent d’accords de volontés entre entités autonomes.
567. S’agissant des pratiques mises en œuvre par des organismes collectifs (syndicats, associations, ordres professionnels, etc.), la Cour de cassation a jugé, par un arrêt de principe du 16 mai 2000504, que ces organismes représentent « la collectivité de [leurs] membres et (...) [qu’] une pratique susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en oeuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente, au sens de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, entre ses membres ».
568. Il ressort d’une jurisprudence constante que ce type d’entente peut résulter de tout acte émanant des organes d’un groupement professionnel, tel qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. En effet, « l’élaboration et la diffusion, à l'initiative d'un syndicat professionnel, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents peuvent (…) constituer une entente, une action concertée contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »505.
569. Ainsi, les organismes professionnels peuvent être sanctionnés pour des pratiques qui, bien que d’apparence unilatérale, constituent en réalité des ententes en ce qu’elles expriment la volonté collective de leurs membres. Ce principe a été rappelé par l’Autorité dans la décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018506, qui énonce que « les décisions des organismes collectifs, bien que se présentant comme des actes unilatéraux, résultent d’un accord de volonté de leurs membres et sont, à ce titre, susceptibles de relever des règles de prohibition des ententes ».
570. En droit de l’Union, ce type d’infraction constitue une décision d’association d’entreprises.
571. Cette notion concerne « les formes institutionnalisées de coopération, c’est-à-dire les situations où les opérateurs économiques agissent par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun »507.
572. Une telle qualification requiert que l’association soit composée d’entreprises508, le fait que les entreprises concernées exercent une profession réglementée étant indifférent509. En outre, la décision en cause doit constituer l’expression fidèle de la volonté de l’association de coordonner le comportement de ses membres sur le marché510. En d’autres termes, la décision doit constituer « l’expression de la volonté de représentants des membres d’une profession tendant à obtenir de ceux-ci qu’ils adoptent un comportement déterminé dans le cadre de leur activité économique »511.
573. Indépendamment de ce type d’infraction d’apparence unilatérale, plusieurs organismes professionnels peuvent, par ailleurs, également être sanctionnés s’ils s’entendent entre eux, en méconnaissance de la prohibition des accords et pratiques concertées512.
574. Il convient alors d’établir le concours de volontés entre les organismes professionnels concernés513 et donc de s’assurer que ces organismes, qui regroupent des entreprises, ont exprimé leur volonté commune de se comporter d’une façon déterminée sur le marché514.
575. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant515. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants516.
576. Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante en droit de l’Union que « l’application de l’article 101 TFUE suppose non pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97). Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné, la participation à des ententes interdites par le traité TFUE constitue le plus souvent une activité clandestine qui n’est pas soumise à des règles formelles. Il est rare qu’un représentant d’une entreprise participe à une réunion en étant muni d’un mandat aux fins de commettre une infraction. En outre, conformément à une jurisprudence constante, lorsqu’il est établi qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises concurrentes ayant un caractère anticoncurrentiel, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. Afin que la participation d’une entreprise à une telle réunion ne puisse pas être considérée comme l’approbation tacite d’une initiative illicite ni comme une souscription à son résultat, il faut que cette entreprise se distancie publiquement de cette initiative de manière à ce que les autres participants considèrent qu’elle met fin à sa participation, ou bien qu’elle la dénonce aux 582. La réunion du 4 septembre 2013, en présence du président du CNOCD (M. C...) et de la FSDL, représentée par son président (M. Z...) et deux vice-présidents, dont M. E..., qui est également conseiller ordinal du CDOCD de l’Isère, caractérise le premier acte de la concertation entre les trois organismes mis en cause. Au cours de cette réunion, des « angles d’attaque contre SantéClair » ont été discutés (paragraphes 123 et suivants) et, à sa suite, les échanges entre la FSDL, le CNOCD et M. E... ont été fréquents.
583. Dans un courriel du 8 octobre 2013 (paragraphes 128 et suivants), M. Z... a présenté au conseil d’administration du syndicat, dont M. E..., qui a transféré ce message sur le site du CDOCD de l’Isère, la stratégie adoptée pour freiner le développement de Santéclair, sans toutefois encourir une nouvelle sanction de la part de l’Autorité. Pour rappel, ce courrier éléctronique, intitulé « appel à la résistance contre Santéclair » est ainsi rédigé :
« E... ne vous en a pas parlé pour l'instant mais il a eu une idée de génie que je vais raconter. Etant donné que nous ne pouvons pas attaquer SantéClair (…), E… a trouvé une faille dans certains courriers car le nom des praticiens partenaires est précisément indiqué.
De ce fait, après en avoir parlé à C… (qui est remonté come une pendule contre SantéClair depuis le procès perdu et les 80 000 euros envolés), il serait intéressant que le praticien qui verrait son patient recevoir ce courrier avec les 3 noms portent plainte contre chacun des signataires ou 1 seul au CO départemental dans un premier temps. De là, une conciliation ordinale sera organisée pour violation des articles suivants du Code de Déontologie (…)
2 possibilités pour le praticien partenaire SantéCLair :
- accepter de quitter le réseau et tout est bien qui finit bien
- ne pas accepter de quitter le réseau et de ce fait, il se retrouve convoqué et jugé au Conseil Régional de l'Ordre (…) ».
584. Ce courriel, qui révèle une discussion préalable avec M. C..., président du CNOCD, précise la répartition des rôles entre les parties à l’accord :
« Il y a une portée symbolique, car c'est la FSDL qui incite les confrères à se défendre contre les réseaux et c'est l'Ordre qui mène la bataille »519.
585. La FSDL était ainsi chargée d’inciter ses adhérents à déposer plainte auprès de leur CDOCD respectif contre les chirurgiens-dentistes adhérents à Santéclair, tandis que les élus ordinaux profiteraient des séances de conciliation, préalable obligatoire à une action disciplinaire, pour convaincre les praticiens concernés de résilier leur partenariat avec Santéclair. Le courriel précise que les premières plaintes devaient être traitées par le CDOCD de l’Isère (paragraphe 137) et plusieurs pièces au dossier démontrent que cette stratégie a été élaborée en concertation avec le CNOCD (paragraphes 132 à 136 et paragraphes 149 et 150).
586. Les 7 et 8 octobre 2013, une newsletter intitulée « APPEL A LA RESISTANCE CONTRE SANTECLAIR » (paragraphes 138 et suivants) était largement diffusée auprès des adhérents de la FSDL, avec l’indication suivante : « La FSDL qui vient de consulter le Conseil National de l'Ordre, vous soutiendra dans cette action afin de mettre un terme à ces pratiques inadmissibles »520.
587. Une première plainte visant trois praticiens a ensuite été déposée le 11 octobre 2013 devant le CDOCD de l’Isère par le docteur L..., membre à la fois du conseil d’administration de la FSDL et de ce conseil de l’ordre. D’autres ont suivi (paragraphes 153 et suivants).
588. Une fois la stratégie définie et la campagne de plaintes lancée au début du mois d’octobre 2013, divers échanges ont permis aux trois organismes concernés d’en assurer la continuité et le suivi (paragraphes 164 à 175), étant précisé que la double appartenance à la FSDL et au CDOCD de l’Isère de plusieurs protagonistes (M. E..., Mme L… et Mme M…, notamment) a facilité la coordination entre ces deux entités.
Participation du CNOCD à la campagne de plaintes
589. Le CNOCD conteste sa participation à l’entente en cause. Il estime qu’il a régulièrement pris position contre la campagne de plaintes et qu’il doit donc être regardé comme s’étant distancié publiquement des organismes qui l’ont mise en œuvre. Il produit, à cet égard, plusieurs courriers adressés le 13 juin 2013521 et le 11 décembre suivant522 à la directrice générale de Santéclair, le 26 mars 2014 au président du CDOCD de Dordogne523 et le 9 avril 2014524 au président du CDOCD de Saône-et-Loire.
590. Mais en premier lieu, cette participation ressort clairement des pièces du dossier, comme vu supra. Bien qu’ayant revêtu un caractère volontairement occulte, elle a consisté dans la délivrance des argumentaires et des conseils juridiques utiles pour élaborer la campagne de plaintes, et dans le suivi de son déroulement, le CNOCD ayant été régulièrement tenu informé des suites.
591. Le CNCOD ayant déjà été sanctionné par le Conseil pour des pratiques de boycott mises en œuvre contre Santéclair, comme rappelé aux paragraphes 96 et suivants ci-dessus, les concepteurs de l’entente lui ont assigné un rôle occulte, pour éviter une nouvelle condamnation de cet organisme pour des faits du même type. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle M. E..., vice-président de la FSDL et membre du conseil départemental de l’Isère, a réagi au fait que le président de la FSDL de la Réunion ait mentionné l’existence d’un
« accord avec le Conseil National de l’Ordre », dans une lettre d’information intitulée
« détournement de patientèle : comment réagir ? »525. Ainsi, dans un courriel adressé à un membre du syndicat, M. E... relevait que le président de la FSDL de La Réunion avait
« impliqu[é] l’Ordre National sans son accord, [ce qui démontre] une collusion pour organiser un boycott. L'Ordre National doit rester une institution impartiale et non partisane qui doit rester dans son rôle de gardien du respect de la déontologie et du code de la santé. Évoquer des accords possibles pour orienter l'action de l'Ordre peut être notre seule pièce à charge susceptible de nous faire condamner ainsi que l'Ordre National. C’est notre point faible dans ce dossier »526.
592. En dépit du rôle clandestin joué par le CNOCD dans la mise en œuvre de la campagne de plaintes, sa participation à cette pratique est établie par plusieurs indices précis, graves et concordants.
593. Les premiers de ces indices sont liés à sa définition du plan d’action contre Santéclair, de concert avec la FSDL et le CDOCD de l’Isère, ainsi qu’à l’appui juridique qu’il a fourni dans le cadre de la mise en œuvre de la pratique litigieuse. Ainsi, dans l’après-midi du 8 octobre 2013, jour de l’envoi du courriel relatif à la campagne de plaintes, une juriste du CNOCD a, sur la demande du président du Conseil national, conseillé le CDOCD de l’Isère sur les actions disciplinaires à mener contre les praticiens partenaires du réseau Santéclair527. Le CNCOD a également été amené à expertiser, à la demande de la FSDL528, un article rédigé par un ancien praticien adhérent à Santéclair qui a été publié sur le site internet du syndicat et dans la revue syndicale Le Libéral Dentaire. Cet article, décrit au paragraphe 217 de la décision et qui s’apparente à une diatribe contre Santéclair, fait référence à la campagne de plaintes en indiquant comprendre « que certains confrères portent plainte à l’Ordre départemental des chirurgiens-dentistes pour détournement de patientèle, pour compérage et pour pratique de l’art dentaire comme un commerce. (…) »529.
594. La participation du CNCOD à la pratique litigieuse ressort également des déclarations du président de la FSDL et des échanges que celui-ci a pu entretenir avec des adhérents du syndicat. Ainsi, et comme cela a été relevé au paragraphe 134 ci-dessus, M. Z... a précisé que « C… a constaté que les pratiques de Santéclair étaient anti déontologiques et constituaient des pratiques commerciales déloyales. Sans nous soutenir, il nous a dit que notre action était légitime et que, si nous pouvions le prouver, nos actions disciplinaires pouvaient aboutir. Mais il n’a pas la capacité juridique d’influer sur les décisions qui seront prises par les juridictions disciplinaires. Cela nous a confortés dans notre action. Si C… n’avait pas partagé notre analyse juridique, nous n’aurions pas engagé des poursuites disciplinaires » (paragraphe 149)530. En outre, à l’occasion d’un échange avec le président de la FSDL de La Réunion, M. Z... a indiqué que, conformément aux conseils donnés par une juriste du CNOCD531, « la plainte [contre Santéclair] doit venir du praticien, pas du syndicat. Désolé mais c’est le deal avec C... »532. Par ailleurs, dans le cadre d’un échange similaire sur un réseau social, le président de la FSDL a indiqué, le 11 juin 2014 avoir eu « l’assurance il y a 6 mois par C... qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour détruire SantéClair ça commence par là »533 (sic).
595. Enfin, la participation du CNOCD à la campagne de plaintes est également établie par les informations transmises par M. E… au président du Conseil national relatives à la mise en œuvre de cette pratique. Ainsi, dans un courriel du 24 octobre 2013, décrit au paragraphe 169 de la décision, il lui indique que le CDOCD de l’Isère va « commencer à mettre en cause quelques confrères dans l’Isère puis dans toutes les régions en déposant plaintes devant les conseils de l’ordre départementaux » (sic) et qu’il sera tenu informé de ces « actions et de leurs évolutions pour une concertation efficace »534. Comme l’indiquent les paragraphes 170 et suivants ci-dessus, M. E… a ensuite informé le président du Conseil national de l’évolution de la campagne de plaintes par des courriels des 2 janvier535 et 14 février 2014536.
596. En second lieu, les courriers censés prouver l’absence de participation du CNOCD à la campagne de plaintes ne peuvent renverser le faisceau d’indices relevés ci-dessus, s’agissant de courriers non publics et au surplus, de documents impuissants à établir une quelconque distanciation d’avec la campagne de plaintes litigieuse.
597. Le courrier du 11 décembre 2013, mis en avant par le CNOCD comme preuve de sa distanciation avec les pratiques litigieuses, est une réponse du CNOCD à Santéclair qui l’avait interrogé sur son attitude relative aux propos dénigrants tenus par la FSDL dans une lettre d’information (paragraphes 164 et suivants). Le CNOCD répond qu’il « ne cautionne aucunement cette campagne effectuée par la FSDL ». Mais ce courrier, privé, ne saurait caractériser une distanciation publique, la circonstance qu’il ait été communiqué par Santéclair à la FSDL dans le cadre d’une procédure engagée contre ce syndicat devant le TGI de Paris demeurant sans influence sur ce point. Le courrier du 13 juin 2013, qui est antérieur au début de la campagne de plaintes en cause, constitue quant à lui un simple accusé-réception d’une lettre par laquelle Santéclair dénonce les pressions qu’elle estime subir des CDOCD en raison de la mise en place d’un réseau de praticiens dédié à l’implantologie. Le CNOCD, loin de prendre position contre ces pratiques, se borne à demander à Santéclair des informations complémentaires sur ces faits et lui rappelle que les CDOCD sont compétents pour « se prononcer sur la conformité au code de déontologie des contrats relatifs à l’exercice professionnel des chirurgiens-dentistes exerçant dans leur ressort »537. Par ailleurs, le courrier du 26 mars 2014 adressé par le CNOCD au CDOCD de Dordogne, qui n’a pas participé à la campagne de plaintes litigieuse, constitue uniquement un rappel à l’ordre adressé au président de ce conseil départemental, pour lui demander de ne pas exprimer une position syndicale en utilisant une adresse électronique ordinale. Le Conseil national n’y prend jamais position contre la pratique litigieuse. Enfin, le CNOCD ne prend pas davantage position contre la campagne de plaintes en cause dans le courrier du 9 avril 2014 adressé au président du CDOCD de Saône-et-Loire, qui n’a pas participé à cette pratique. Le Conseil national se contente d’y préciser que « cette campagne nationale n’a en aucun [cas] été lancée par le [CNOCD] »538. Enfin, la distanciation alléguée par le CNOCD est démentie par ses agissements ultérieurs (V. notamment les paragraphes 607 et suivants).
598. Les arguments avancés par le CNOCD pour réfuter sa participation à la campagne de plaintes doivent donc être écartés.
Participation du CDOCD de l’Isère à la campagne de plaintes
599. La participation du CDOCD de l’Isère à la campagne de plaintes ressort, en particulier, de courriels de son président, M. G.... Dans deux messages des 7 mars 2014539 et 31 mars 2015540 mentionnés aux paragraphes 153 et suivants ci-dessus, M. G... a expliqué aux présidents des CDOCD du Rhône et de l’Indre comment le CDOCD de l’Isère traitait les plaintes concernant des praticiens adhérents à Santéclair. La volonté de ce conseil départemental de participer à la pratique litigieuse découle également du fait qu’il s’est assuré de sa bonne exécution. C’est en particulier ce qui ressort du courriel du 10 décembre 2013, dans lequel un chirurgien-dentiste de l’Isère précise qu’au cours de la séance de conciliation à laquelle il a été convoqué devant le CDOCD de l’Isère, il lui a été demandé de se désaffilier de Santéclair541.
600. La participation du CDOCD de l’Isère à la campagne de plaintes est également établie par les courriels, mentionnés aux paragraphes 128 et suivants ci-dessus, que M. E... a adressés ou reçus des autres participants à l’entente. Elle s’est également manifestée par le rôle déterminant joué par celui-ci dans l’élaboration de la stratégie commune. La circonstance que ce membre du CDOCD de l’Isère n’ait pas disposé d’une autorisation pour agir pour le compte du conseil demeure sans influence sur l’appréciation de la participation de cet organisme à la campagne de plaintes litigieuse, conformément aux principes rappelés au paragraphe 576 ci-dessus. Le seul fait que M. E... cumule la fonction de vice-président de la FSDL et celle de membre du conseil départemental est insuffisant pour considérer qu’il a uniquement agi pour le compte du syndicat et non pour celui du CDOCD de l’Isère. Bien au contraire, cette double appartenance doit être regardée comme ayant favorisé la coordination entre ces deux organismes professionnels.
601. Les arguments du CDOCD de l’Isère doivent donc être écartés.
Participation de la FSDL à la campagne de plaintes
602. La participation de la FSDL à la campagne de plaintes est notamment établie par le message électronique du 8 octobre 2013 intitulé « APPEL A LA RESISTANCE CONTRE SANTECLAIR » (V. les paragraphes 129 et suivants ci-dessus). Ce courriel est essentiel puisqu’il constitue l’acte de lancement de la campagne de plaintes organisée entre le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL. Le fait que le président de ce syndicat en soit l’auteur démontre, à lui seul, que cet organisme a décidé de participer à cette entente.
603. L’adhésion de la FSDL à la campagne de plaintes ressort également de l’ensemble des pratiques complémentaires mises en œuvre par ce syndicat pour assurer son exécution effective. C’est en particulier le cas de la lettre d’information diffusée les 7 et 8 octobre 2013 aux adhérents de la FSDL, qui précise que « La FSDL qui vient de consulter le Conseil National de l'Ordre, vous soutiendra dans cette action afin de mettre un terme à ces pratiques inadmissibles »542.
604. Il y a donc lieu d’écarter les arguments de la FSDL tendant à réfuter sa participation à la campagne de plaintes.
605. En définitive, il résulte de tout ce qui précède que le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL se sont entendus pour mettre en œuvre une campagne de plaintes dirigées contre les chirurgiens-dentistes adhérents au réseau Santéclair, visant à obtenir leur sortie du réseau.
606. Les effets de cette pratique concertée ont par ailleurs été renforcés par l’adoption, en parallèle, de pratiques complémentaires propres à chacun des organismes en cause.
Les pratiques complémentaires mises en œuvre par chacune des parties
607. Chacune de ces pratiques complémentaires imputées au CNOCD, au CDOCD de l’Isère et à la FSDL, ainsi qu’aux CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, et décrites aux paragraphes 176 à 363, émane d’un organisme professionnel donné et ne résulte pas de la concertation entre plusieurs de ces organismes, contrairement à la campagne de plaintes. Elles restent cependant considérées, en droit de la concurrence, comme des ententes, constitutives de décisions d’association d’entreprises au sens de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. En effet, les pratiques mises en œuvre par chaque organisme résultent de l’expression de la volonté de l’ensemble des membres qui le compose, comme cela a été indiqué aux paragraphes 566 et suivants. Aussi, la circonstance que les CDOCD ne se soient ni concertés entre eux ni entendus avec d’autres organismes professionnels demeure sans influence sur l’appréciation de l’existence d’un accord de volontés concernant les pratiques complémentaires individuelles qui leur sont reprochées.
608. Ainsi, le CNOCD a adressé une circulaire intitulée « protocoles », du 7 novembre 2013, à l’ensemble des conseils départementaux et a organisé un atelier intitulé « Réseaux de soins et Loi Leroux – Transmission des plaintes par les conseils départementaux » (sic) lors de la réunion des conseils départementaux des 17 et 18 octobre 2014.
609. De son côté, la FSDL a soutenu les chirurgiens-dentistes désireux de porter plainte contre leurs confrères adhérents au réseau Santéclair. Elle a également mis en œuvre plusieurs actions de communication pour les encourager à ne pas adhérer ou à résilier leur contrat avec cette plateforme. D’autres réseaux de soins et des partenaires de ces réseaux ont également été victimes de ce type d’actions. Enfin, la FSDL a cherché à empêcher la création d’un réseau dentaire par les ACM.
610. Pour leur part, les CDOCD mis en cause ont, par le biais de courriers individuels ou collectifs et de circulaires, indiqué à l’ensemble des praticiens de leur ressort respectif que l’adhésion à des réseaux de soins était contraire aux règles déontologiques et passible de sanctions disciplinaires.
611. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties, les pratiques mises en œuvre par
M. V... et M. 4... ne témoignent pas d’une action syndicale ou personnelle de chacun d’entre eux, mais constituent l’expression de la volonté respective des CDOCD de Dordogne et du Bas-Rhin, qu’ils engageaient par leurs actions.
612. En effet, les courriels adressés les 27 février543 et 17 septembre 2014544 depuis des adresses électroniques ordinales par M. V..., en sa qualité de président du CDOCD de Dordogne, à l’ensemble des chirurgiens-dentistes du ressort, sont l’expression d’une position du conseil départemental, conformément à la pratique décisionnelle rappelée au paragraphe 577 ci-dessus. Il en va de même du compte rendu de la réunion des conseils départementaux qui s’est tenue à Nice, qui a été rédigé par ce même président, et qui figure dans la circulaire de janvier 2015545. La circonstance, invoquée par le CDOCD de Dordogne, que M. V... aurait fait l’objet d’une remontrance de la part du CNOCD est, à cet égard, sans incidence.
613. Dans le même sens, les deux articles de M. 4..., membre du CDOCD du Bas-Rhin546, qui ont été publiés dans la circulaire d’hiver 2014/2015 de ce conseil départemental constituent une prise de position sans équivoque de cet organisme, le CDOCD étant responsable du contenu des articles qu’il décide d’insérer dans ses publications ordinales. En outre, le CDOCD du Bas-Rhin ne peut pas sérieusement soutenir que la double page spécialement consacrée aux réseaux de soins où les articles précités ont été reproduits s’apparente plus à un forum de discussion qu’à une communication officielle. En effet, parmi les textes publiés dans cette double page, figure notamment un démenti du CDOCD consacré à des pratiques qui lui ont été reprochées au sujet de la création d’un nouveau réseau de soins.
614. Il y a donc lieu d’écarter sur ce point les arguments soulevés par les CDOCD du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de Dordogne.
615. Dans ces conditions, l’accord de volontés est établi pour chacune des pratiques complémentaires reprochées au CNOCD, aux CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et à la FSDL.
b) S’agissant du caractère anticoncurrentiel des pratiques
Les principes applicables
616. Les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce distinguent les pratiques qui restreignent la concurrence en raison de leur « objet » ou de leurs « effets » nocifs.
617. Il résulte de la jurisprudence interne et européenne que l’objet et l’effet anticoncurrentiels de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées.
L’objet anticoncurrentiel
La notion de restriction par objet
618. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’il convient, « afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence «par objet» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question »547.
Les pratiques de boycott
619. La jurisprudence nationale548 définit le boycott comme « une action délibérée en vue d’évincer un opérateur du marché ». La pratique décisionnelle de l’Autorité et du Conseil retient une définition similaire549.
620. Concrètement, l’invitation à une action de boycott peut se matérialiser de différentes manières. Elle peut notamment prendre la forme d’un communiqué de presse, d’une circulaire ou de courriers adressés à l’ensemble des professionnels d’un secteur actifs dans un département. Dans sa décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue550, l’Autorité a considéré que ce type de documents constituait une invitation au boycott puisqu’il démontrait « soit des pressions sur les opticiens pour qu’ils quittent le partenariat Santéclair, soit à tout le moins des pressions pour qu’ils ne participent pas à l’initiative de celle-ci visant le renouvellement des lunettes de vue ». Par ailleurs, dans sa décision n° 97-D-26 du 22 avril 1997 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du portage de médicaments à domicile, le Conseil a estimé qu’une lettre confraternelle envoyée par un conseil régional de l’Ordre des pharmaciens ayant reçu une « large diffusion auprès des syndicats départementaux et des pharmaciens d'officine » et indiquant que « tout pharmacien ayant une relation suivie avec des sociétés de portage pourrait être poursuivi en chambre de discipline et sévèrement sanctionné » constitue « une mise en garde qui doit être regardée comme une consigne de boycott »551. Enfin, comme l’indique notamment la décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé552, l’invitation à évincer un acteur du marché doit s’apprécier dans les circonstances de l’espèce, « compte tenu du contexte » des pratiques en cause.
621. Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que cette pratique, « compte tenu de sa gravité, devait être sanctionnée même si elle n'avait eu qu'un effet limité »553. L’Autorité a également récemment rappelé que « des pratiques consistant à empêcher un ou plusieurs opérateurs économiques d’exercer librement leur activité sur un marché en déployant des comportements en vue de leur éviction constituent des pratiques anticoncurrentielles par objet, leurs effets étant sans conséquence sur leur qualification »554. S’agissant des pratiques de boycott, elle a expressément relevé qu’elles avaient, « par nature, un objet anticoncurrentiel »555.
622. Enfin, il est de jurisprudence et de pratique décisionnelle constantes que des entreprises ne sont jamais fondées à se faire justice par elles-mêmes et qu’elles « ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu’elles y ont été poussées par le comportement d’autres opérateurs économiques »556. Sur ce point, dans l’affaire n° 10-D-11 précitée, l’Autorité a précisé qu’« en admettant même que l’initiative MAAF-Santéclair ait été contraire aux dispositions du code de la santé publique et plus particulièrement à l’article L. 4362-9, cela n’autorisait pas un appel au boycott, pratique anticoncurrentielle elle-même illégale. Seules des actions en justice auprès des juridictions compétentes ou un rapprochement avec les autorités de tutelle auraient pu se justifier »557.
L’effet anticoncurrentiel
623. Aux fins de l’application des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, la prise en considération des effets concrets d’une entente n’est pas nécessaire, dès lors qu’il est établi que celle-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence558.
624. Cependant, « dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 34 ainsi que jurisprudence citée) »559.
625. Les effets peuvent être passés ou actuels mais également potentiels560.
626. Si les pratiques de boycott ont, de par leur nature, un objet anticoncurrentiel, elles ont également des effets potentiels anticoncurrentiels, puisqu’elles visent à évincer un opérateur du marché. Elles ont par ailleurs des effets indirects, par exemple en dissuadant de potentiels entrants sur le marché ou encore en privant les consommateurs de la possibilité d’avoir accès aux services ou aux entreprises boycottés.
L’appréciation au cas d’espèce
L’objet anticoncurrentiel des pratiques
Arguments des parties
627. Le CNOCD, les CDOCD d’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ainsi que la FSDL soutiennent que l’objet anticoncurrentiel des pratiques litigieuses n’est pas établi au regard des critères fixés par la jurisprudence européenne dans l’affaire Groupement des cartes bancaires561. Elles précisent que les pratiques avaient pour seul objectif d’assurer le respect des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes. Elles allèguent également que ces pratiques s’inscrivaient dans un
contexte économique et juridique particulier, marqué par la recrudescence de plaintes de praticiens à l’égard des réseaux de soins.
Appréciation au cas d’espèce
La campagne de plaintes organisée par la FSDL, le CNOCD et le CDOCD de l’Isère
628. L’invitation à boycotter Santéclair sur l’ensemble du territoire national ressort expressément du courrier « APPEL A LA RESISTANCE CONTRE SANTECLAIR » adressé le 8 octobre 2013562 par le président de la FSDL aux autres membres du conseil d’administration de ce syndicat, puis diffusé largement aux praticiens.
629. En effet, comme cela a été indiqué aux paragraphes 490 et suivants ci-dessus, cette campagne visait à inciter les chirurgiens-dentistes, dont les patients recevaient un courrier de Santéclair mentionnant trois noms de chirurgiens-dentistes, à porter plainte contre ces confrères, adhérents au réseau Santéclair, devant le conseil départemental de l’ordre territorialement compétent, pour méconnaissance des articles R. 4127-224 et R. 4127-262 du CSP, relatifs à l’interdiction du compérage et du détournement ou de la tentative de détournement de clientèle et de l’article R. 4127-247 du même code, imposant aux chirurgiens dentistes de transmettre au conseil départemental intéressé, pour avis, les contrats les liant à ce même réseau, alors qu’aucune méconnaissance de ces règles déontologiques ne pouvait être imputée à ces praticiens.
630. Conformément à l’article L. 4123-2 du CSP, l’examen de ces plaintes devait d’abord conduire le président du CDOCD concerné à convoquer le plaignant et le mis en cause en vue d’une conciliation. Comme le précise le courriel du 8 octobre 2013 précité, l’objectif poursuivi, en réalité, n’était pas de parvenir à une conciliation, mais d’obtenir que les praticiens adhérents au réseau Santéclair quittent ce dernier, sous la menace de l’engagement d’une procédure contentieuse devant la chambre disciplinaire de première instance.
631. Ainsi, la pratique litigieuse visait délibérement à contraindre les chirurgiens-dentistes à quitter le réseau et donc, à évincer Santéclair du marché, en instrumentalisant la procédure de conciliation instaurée par le législateur devant les CDOCD. C’est ce qu’indique le document « conduite à tenir en cas de détournement manifeste d’un patient par un réseau de soins type Santéclair », accessible sur le site internet de la FSDL, qui précise que : « Lors de la conciliation avec les chirurgiens-dentistes
partenaires, il faut demander à ce que ces praticiens s’assurent auprès du réseau auquel ils ont adhéré que plus aucune publicité ne soit diffusée. Le mieux pour cela est que ces praticiens résilient leur partenariat. Dans le cas contraire, un PV de non conciliation peut être signé (…) »563. C’est également ce qui ressort du courrier du 7 mars 2014564 adressé par le président du CDOCD de l’Isère à son homologue du Rhône et du compte rendu de la séance de conciliation565 à laquelle a été convoqué un praticien isérois, comme le décrivent les paragraphes 153 et suivants et 306 et suivants ci-dessus.
632. La campagne de plaintes s’apparente donc, par son objet même, à une pratique d’éviction, laquelle constitue, du fait de sa nocivité particulière, l’une des infractions les plus graves en droit de la concurrence. Cette pratique est d’autant plus grave qu’elle a été conçue pour remplacer les actions directes des ordres contre Santéclair, déjà sanctionnées par le Conseil, comme constitutives de boycott.
633. L’objectif d’éviction du réseau de soins Santéclair poursuivi par les participants à l’entente s’explique potentiellement par le contexte particulier dans lequel s’insérait la campagne de plaintes, marqué par les débats nourris sur le projet de loi Le Roux. D’ailleurs, dans un article intitulé « Menace sur la liberté de choix », publié en janvier 2013, le CNOCD a relevé que
« La proposition de loi Le Roux visant à autoriser les mutuelles à créer des réseaux de soins impacte la liberté de choix du patient et amplifie la menace sur l’indépendance professionnelle du praticien. (....) Sur le fond, la dimension exclusivement mercantile de cette extension aux mutuelles des réseaux de soins – réseaux dont l’efficience économique, quoiqu’en disent les mutuelles, reste à démontrer – heurte de plein fouet notre déontologie. (…) Et l’on ne peut pas objectivement supposer que tous les actes en dentisterie puissent se pratiquer à des prix bas sans aucune conséquence sur la qualité des soins, dont l’Ordre est le garant »566.
634. Il résulte de ce qui précède que les pratiques litigieuses ont un objet anticoncurrentiel. Aucun des arguments invoqués par les organismes impliqués n’est de nature à remettre en cause cette analyse.
635. À cet égard, d’une part, la circonstance qu’il n’existait, lors du lancement de la campagne de plaintes, aucune jurisprudence reconnaissant la conformité des pratiques commerciales de Santéclair au code de déontologie applicable aux chirurgiens-dentistes demeure sans influence sur la qualification de la pratique litigieuse. En effet, il ressort des paragraphes 482 et suivants qu’au 7 février 2013, date correspondant au début des pratiques les plus anciennes en l’espèce, aucun élément ne permettait aux instances ordinales et syndicales de considérer que les conventions unissant des chirurgiens dentistes à des réseaux de soins méconnaissaient le code de déontologie. Au contraire, l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 4 février 2000 devait, notamment, les inciter à la prudence quant à leur prise de position sur la conformité de telles conventions et leurs modalités d’exécution.
636. D’autre part, les entités mises en cause ne peuvent utilement soutenir que la campagne de plaintes constitue une réponse aux pratiques commerciales de Santéclair qu’elles estiment contraires au code de déontologie. En effet, il est de jurisprudence et de pratique décisionnelle constantes que des entreprises ne sont jamais fondées à se faire justice elles-mêmes et qu’elles « ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu’elles y ont été poussées par le comportement d’autres opérateurs économiques »567, ainsi que cela a été rappelé au paragraphe 622 ci-dessus. De même, la circonstance que les pratiques font suite à la recrudescence de plaintes de praticiens demeure sans incidence sur l’appréciation de leur caractère anticoncurrentiel.
637. Dès lors, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que la campagne de plaintes litigieuse s’apparente à un appel au boycott, par les chirurgiens dentistes, du réseau de soins de Santéclair, constitutif d’une pratique concertée, anticoncurrentielle par objet et contraire aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les pratiques complémentaires du CNOCD
638. Le CNOCD a indiqué à plusieurs reprises aux CDOCD que les praticiens étaient susceptibles de contrevenir aux règles déontologiques en adhérant à des réseaux de soins.
639. En premier lieu, il a, avant même la diffusion du courrier du 8 octobre 2013 par la FSDL, conseillé au CDOCD des Bouches-du-Rhône d’inciter des praticiens de son ressort à mettre un terme à leur partenariat avec Santéclair.
640. Comme l’indique le paragraphe 112 des constatations ci-dessus, ce conseil départemental lui avait transmis le courrier d’un praticien qui s’étonnait du fait que, dans le cadre de l’analyse d’un de ses devis, Santéclair ait pu conseiller à l’un de ses patients de se diriger vers un autre chirurgien-dentiste, partenaire de son réseau, pour bénéficier d’un traitement médical moins onéreux568.
641. Les faits litigieux trouvaient leur cause dans le comportement de Santéclair. Cependant, le CNOCD a, par un courriel du 7 février 2013569 faisant état d’une position adoptée par la Commission Exercice et Déontologie, indiqué au CDOCD des Bouches-du-Rhône qu’ils étaient imputables au chirurgien-dentiste mis en cause. Il a relevé que ce praticien méconnaissait plusieurs règles du code de déontologie, notamment le libre choix du patient par le praticien, l’interdiction de la publicité, du détournement de clientèle et de la pratique de l’art dentaire comme un commerce. Il a alors conseillé au conseil départemental de mettre ce praticien en demeure de cesser toute publicité ou de porter plainte contre lui pour méconnaissance du code de déontologie.
642. Ces mesures prescriptives étaient destinées à mettre fin aux prétendues violations des règles de ce code. Elles invitaient délibérement le CDOCD des Bouches-du-Rhône à enjoindre au chirurgien-dentiste mis en cause de rompre son partenariat avec Santéclair, puisque c’était pour ce dernier l’unique moyen d’exécuter la mise en demeure ou de mettre un terme aux pratiques pour lesquelles il était susceptible d’être poursuivi. Reprenant à son compte les arguments du Conseil national, le conseil départemental a mis en demeure le praticien concerné de cesser toute publicité dans un délai de trois semaines par une lettre recommandée du 12 mars 2013570. Pour se conformer à cette injonction, celui-ci a alors décidé de résilier le contrat l’unissant à Santéclair le 14 mai 2013571. Une mise en demeure similaire a été envoyée à un autre praticien du ressort572.
643. En diffusant ce courriel du 7 février 2013 au CDOCD des Bouches-du-Rhône, le CNOCD a donc favorisé l’éviction du marché de Santéclair.
644. En second lieu, la prise de position du CNOCD contre les réseaux de soins ressort également de la circulaire « protocoles » du 7 novembre 2013573 et de l’un des diaporamas intitulé
« Réseaux et Loi Leroux »574 (sic), lesquels ont été diffusés à l’ensemble des CDOCD.
645. En effet, comme indiqué aux paragraphes 500 et suivants, cette circulaire et ce diaporama reposent, pour partie, sur une interprétation erronée des règles déontologiques applicables aux chirurgiens-dentistes. Ils insistent en particulier sur la contrariété des réseaux de soins à ces règles. La portée de ces documents est déterminante, puisqu’ils sont destinés à orienter l’appréciation des CDOCD chargés d’examiner les contrats signés entre les praticiens de leur ressort et les réseaux de soins. À cet égard, en dépit de l’adoption de la loi Le Roux et des décisions rendues par les juridictions disciplinaires qui, depuis 2015, concluent systématiquement à l’absence de faute disciplinaire de la part des chirurgiens-dentistes du fait de leur adhésion à Santéclair, le Conseil national n’a pas modifié la circulaire
« protocoles » du 7 novembre 2013, qui constituait, au moins jusqu’en décembre 2017, la référence « en cas de question des CDO sur les protocoles de réseaux de soins »575. Ainsi, en laissant entendre aux conseils départementaux que les réseaux de soins méconnaissent le code de déontologie, le CNOCD a incité les CDOCD à demander aux praticiens de leur ressort de rompre leur contrat d’adhésion.
646. Le caractère anticoncurrentiel de cette circulaire et de ce diaporama est d’autant plus avéré que ces pratiques s’inscrivent dans le cadre de la campagne de plaintes examinée plus haut, à laquelle le CNOCD a également participé. Les pratiques en cause ont contribué au succès de cette campagne, en indiquant aux CDOCD, qui pouvaient être saisis de plaintes dirigées contre des praticiens adhérents au réseau Santéclair, quelle interprétation des règles déontologiques retenir. Du reste, et comme indiqué aux paragraphes 635 et 636 ci-dessus, aucun élément invoqué par le CNOCD n’est de nature à remettre en cause cette analyse.
647. Il résulte de ce qui précède que les pratiques du CNOCD complémentaires à la campagne de plaintes sont constitutives d’une pratique d’association d’entreprises, anticoncurrentielle par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les pratiques complémentaires du CDOCD de l’Isère
648. Le CDOCD de l’Isère a élaboré et diffusé deux courriers à tous les praticiens isérois au début des années 2014 et 2015, rappelant l’obligation de communication des contrats.
649. Ainsi, par un premier courrier du 19 janvier 2014576, le CDOCD de l’Isère a indiqué à l’ensemble des praticiens du ressort avoir reçu plusieurs plaintes de « confrères à l’encontre d’autres praticiens pour publicité anticonfraternelle, détournement de patients et compérage (…) [et] qu’aucun des contrats qui liaient ceux-ci à des assurances complémentaires ne nous avaient été communiqués ». Il leur a ensuite précisé que
« l’adoption par l’Assemblée Nationale, le 19 décembre 2013, de la proposition de loi sur les réseaux de soins appelée PPL LEROUX, nous impose la vigilance sur les adhésions à ces conventions » (sic). C’est la raison pour laquelle il leur a demandé, sur le fondement de l’article L. 4113-9 du CSP, de transmettre au CDOCD les contrats qu’ils étaient susceptibles d’avoir signés et de remplir un document attestant sur l’honneur la communication de ces contrats. Loin de se limiter à un simple rappel de l’obligation qui incombait aux chirurgiens-dentistes de communiquer leurs contrats professionnels, ce courrier insinuait que les contrats unissant des praticiens à des réseaux de soins étaient potentiellement contraires aux règles déontologiques.
650. Ensuite, par un second courrier envoyé un an plus tard, le CDOCD de l’Isère a de nouveau demandé aux praticiens de son ressort de lui communiquer leurs contrats577. À cette occasion, il leur a, de nouveau, laissé entendre que ces contrats étaient susceptibles de méconnaître plusieurs dispositions du code de déontologie, dont « l’interdiction formelle de concurrence déloyale et [de] détournement de patientèle ».
651. Ces courriers tendaient à mettre en doute la compatibilité, avec le code de déontologie, des contrats conclus avec des réseaux de soins, notamment en mentionnant les plaintes déposées
« pour publicité anticonfraternelle, détournement de patients et compérage » et en évoquant des « situations conflictuelles » liées à la conclusion de ces contrats. Le CDOCD a profité de la transmission des contrats par les professionnels pour faire pression sur eux afin qu’ils les résilient.
652. Le CDOCD de l’Isère a ensuite transmis ces deux courriers à tous les autres conseils départementaux par courriers des 20 janvier 2014 (paragraphe 313 et suivants) et 10 février 2015 (paragraphe 314 et suivants), afin qu’ils s’inspirent de sa pratique. La lettre accompagnant cette transmission précise en effet : « Il nous a semblé indispensable de vous faire connaître notre initiative, car il faut que l'ensemble des Conseils Départementaux aient une attitude identique devant une situation qui peut devenir polémique ». Par la suite, plusieurs conseils départementaux ont effectivement adressé à leurs ressortissants des courriers types semblables à ceux du CDOCD de l’Isère (paragraphes 319 et suivants).
653. Comme les pratiques complémentaires du CNOCD examinées aux paragraphes 638 et suivants ci-dessus, ces deux courriers du CDOCD de l’Isère et leur transmission aux autres CDOCD s’inscrivent dans un contexte particulier, marqué par le lancement, à la fin de l’année 2013, de la campagne de plaintes constitutive d’une pratique de boycott et de changement de législation liée à l’adoption de la loi Le Roux. En contestant la conformité des contrats conclus entre des chirurgiens-dentistes et des réseaux de soins, ces courriers ont contribué à la mise en oeuvre de la pratique d’éviction dirigée contre Santéclair en lui conférant une effectivité accrue.
654. Ces pratiques, qui ont consisté dans la diffusion d’interprétations inexactes du code de déontologie, ont clairement eu pour objectif la remise en cause des contrats signés entre Santéclair et les chirurgiens-dentistes affiliés à ce réseau, en prétextant la violation des règles déontologiques par ces praticiens.
655. Il résulte de ce qui précède que les pratiques du CDOCD de l’Isère complémentaires à la campagne de plaintes sont aussi des pratiques d’association d’entreprises constitutives d’entente anticoncurrentielle par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, aucun élément invoqué par cet organisme n’étant de nature à remettre en cause cette analyse, ainsi que cela a été indiqué aux paragraphes 635 et 636 ci-dessus.
Les pratiques complémentaires des autres CDOCD
656. Les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont, à diverses occasions, laissé entendre aux chirurgiens-dentistes de leur ressort que les contrats les unissant à des réseaux de soins méconnaissaient vraisemblablement les règles déontologiques qui leur étaient applicables, comme relevé aux paragraphes 510 et suivants ci-dessus. Ces communications ont eu pour support :
- des courriers individuels du 12 mars 2013578, du 6 mars 2014579 et du 14 avril 2014580 et une circulaire du 24 juin 2013581, s’agissant du CDOCD des Bouches-du-Rhône ;
- un courrier du 29 janvier 2014582, des mailings des 27 février583 et
17 septembre 2014584, une circulaire de janvier 2015585, d’une part, et divers courriers individuels envoyés courant 2014 et 2015586, d’autre part, s’agissant du CDOCD de la Dordogne ;
- des circulaires « hiver 2013 – 2014 » et « hiver 2014 – 2015 »587 et des bulletins de liaison publiés à l’été 2014 et à l’été 2015588, s’agissant du CDOCD du Haut-Rhin ;
- une circulaire de l’ « hiver 2014-2015 »589 et des bulletins de liaison publiés à l’été 2014 et à l’été 2015590, s’agissant du CDOCD du Bas-Rhin.
Le CDOCD des Bouches-du Rhône
657. Comme exposé aux paragraphes 112 à 117 ci-dessus, le CDOCD des Bouches-du-Rhône, interrogé par des chirurgiens-dentistes, a consulté le CNOCD sur les courriers adressés par Santéclair à ses assurés, les invitant à contacter d’autres praticiens, afin d’être mieux remboursés. Le CNOCD, relevant la violation de plusieurs obligations déontologiques du chirurgien-dentiste dans un courrier concernant le docteur 8..., a conseillé à l’instance départementale de mettre ce praticien en demeure de cesser toute publicité, sous peine de poursuite disciplinaire. Reprenant textuellement cette réponse, le CDOCD des Bouches-du- Rhône a enjoint au docteur 8... de résilier son contrat avec Santéclair, par courrier du 12 mars 2013, pour les motifs avancés par le CNOCD, celui-ci s’exécutant le 14 mai 2013. Une mise en demeure similaire a été adressée par le CDOCD à un autre praticien du ressort, le docteur 9..., le 6 mars 2014.
658. En adressant ces courriers aux praticiens, le CDOCD a fait sienne l’interpétation du Conseil national et a également exercé une pression sur les docteurs 8... et 9... pour qu’ils quittent le réseau de soins.
659. En outre, par une circulaire du 24 juin 2013591 intitulé « PARTENARIATS ANTI DEONTOLOGIQUES » adressée aux praticiens de son ressort, le CDOCD des Bouches-du- Rhône leur a fait savoir qu’il envoie une lettre aux praticiens méconnaissant certaines dispositions du code de déontologie, comme l’interdiction de publicité ou de détournement de clientèle, en raison de leur adhésion à un réseau de soins, afin « qu’ils reviennent aux respects des textes qui nous régissent. En cas de refus leur refus sera transmis à la juridiction professionnelle » (sic). Il était donc demandé aux chirurgiens-dentistes adhérents de solliciter une modification de leur contrat d’affiliation à un réseau de soins. Mais cette invitation revenait concrètement à leur demander de résilier leur partenariat avec les réseaux de soins, dans la mesure où ces derniers refusaient systématiquement de modifier les clauses des contrats conclus avec des chirurgiens-dentistes592.
660. En diffusant cette circulaire, le CDOCD des Bouches-du-Rhône a fortement incité les praticiens de son ressort à quitter le réseau, en leur indiquant qu’en cas de méconnaissance des règles déontologiques liée à leur partenariat avec un réseau de soins, ils étaient susceptibles de faire l’objet d’une procédure disciplinaire.
661. Enfin, le CDOCD a, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 319, adressé le 14 avril 2014 à cinq chirurgiens-dentistes de son ressort un courrier similaire à celui diffusé par le CDOCD d’Isère à ses praticiens, dans lequel il rappelait l’obligation de transmission des contrats, sous peine de poursuites disciplinaires et demandait aux chirurgiens-dentistes du ressort de remplir une attestation type et de lui envoyer leurs contrats d’affiliation à Santéclair pour vérifier leur conformité aux obligations déontologiques, rappelées dans le document.
662. En adressant ce courrier aux cinq chirurgiens-dentistes de son ressort, le CDOCD des Bouches-du-Rhône a adopté le raisonnement erroné du CDOCD de l’Isère et, comme ce dernier, cherché à remettre en cause des contrats signés entre Santéclair et les chirurgiens-dentistes affiliés à ce réseau, au motif d’une prétendue violation des règles déontologiques par ces praticiens.
Le CDOCD de Dordogne
663. Le CDOCD de Dordogne a, par la circulaire du 29 janvier 2014, inspirée du courrier du CDOCD de l’Isère, également incité les praticiens de son ressort à ne pas conclure de contrats avec les réseaux de soins pour éviter « des situations conflictuelles » du point de vue déontologique593, comme indiqué au paragraphe 331 ci-dessus.
664. Dans le même sens, et ainsi que cela a été précisé aux paragraphes 332 et suivants des constatations, son président a envoyé un courriel à l’ensemble des chirurgiens-dentistes de Dordogne le 27 février 2014, précisant que « le fait de signer un contrat avec une mutuelle (…) qui prétendra orienter des patients vers un praticien plutôt que vers un autre sera considéré par le Conseil Départemental de l’Ordre comme du détournement de patientèle et donc sanctionné comme tel, dès lors qu’une plainte de confrère nous parviendra »594. Dans un message électronique du même type du 17 septembre 2014 examiné aux paragraphes 336 et suivants ci-dessus, le président du CDOCD de Dordogne a transféré aux praticiens du ressort le courriel de résiliation de son contrat de partenariat conclu avec la société Sévéane. Il y indique également qu’il se montrera particulièrement vigilant pour que les praticiens périgourdins « ne s’aventurent pas à signer des conventions qui pourraient les conduire dans des situations inextricables »595.
665. Par ailleurs, dans un article consacré au compte rendu d’une réunion des conseils départementaux publié dans une circulaire de 2015 et détaillé au paragraphe 340 ci-dessus, il a précisé que « L’Ordre dispose de tout un arsenal répressif pour dissuader les confrères de signer des contrats de réseau avec des mutuelles, qui pourraient entraîner des détournements de clientèle »596 (sic). Ce faisant, le CDOCD de Dordogne a laissé entendre aux praticiens de son ressort que les partenariats avec les réseaux de soins étaient contraires au code de déontologie et que leurs signataires pouvaient faire l’objet de sanction.
666. Ce conseil départemental a également poursuivi son objectif d’éviction des réseaux de soins, et plus particulièrement de la société Santéclair, en adressant à certains praticiens de son ressort géographique, des courriers individuels, comme le précisent les paragraphes 341 et suivants. Ces lettres leur indiquaient, en substance, que tout détournement de patientèle lié à l’adhésion à un réseau de soins entraînerait le dépôt d’une plainte597.
Le CDOCD du Haut-Rhin
667. Le CDOCD du Haut-Rhin, dans sa circulaire Hiver 2013-2014 détaillée aux paragraphes 348 et suivants des constatations, a également relevé que les pratiques des réseaux étaient susceptibles de méconnaître plusieurs règles du code de déontologie des chirurgiens-dentistes. Il y précisait que c’est pour cette raison qu’il « a décidé d’appliquer pleinement le dernier alinéa de l’article L. 4113-9 du code de la santé publique : « les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4124-6 »598.
668. Un bulletin de liaison de l’été 2014, commun aux CDOCD du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et décrit aux paragraphes 361 et 362, mentionne que « Si la Loi Leroux est passée, au grand dam de la profession, elle entérine bon nombre de protocoles individuels, déjà existants, proposés aux Chirurgiens Dentistes par les mutuelles et les assurances complémentaires. Les signataires de ces protocoles, comme tous Chirurgiens-Dentistes, sont tenus de respecter les dispositions du code de la santé publique. Sont toujours interdits, le détournement de patientèle, la publicité et le « dumping » sur les honoraires lors d’une consultation ou de soins chez les patients adhérents à ces réseaux »599 (sic, soulignement ajouté). C’est également ce qui ressort de la circulaire Hiver 2014-2015 du CDOCD du Haut- Rhin mentionnée aux paragraphes 355 et suivants des constatations, qui précise qu’« à titre individuel, signer un protocole avec un réseau de soins, c’est indéniablement mettre le doigt dans l’engrenage de la soumission aux groupes financiers et leur assureurs. C’est aussi pratiquer un détournement de patientèle devenu « légal » »600 (soulignement ajouté).
669. Le bulletin de liaison de l’été 2015, mentionné au paragraphe 363 ci-dessus, et adressé par les CDOCD du Haut-Rhin et du Bas-Rhin aux chirurgiens-dentistes exerçant dans ces départements, est encore plus explicite. L’un de ces derniers articles intitulé « Et si demain nous vivions sans réseau de soins…. » relève que « Les patients posséderaient le libre choix du praticien [,] la liberté du choix de leur traitement [,] un remboursement identique à prime constante [.] Cette liberté, cette égalité ne sont malheureusement pas accordées aux patients ayant souscrit un contrat santé responsable inféodé à un réseau de soins. Les praticiens de l’art dentaire, adhérents à ces réseaux de soins, perdent également leur indépendance professionnelle en acceptant de diminuer leurs honoraires prothétiques, pratiqués habituellement, pour les assurés sociétaires des compagnies d’assurances vantant les mérites de leur contrat santé partenarial. Ils contreviennent de ce fait à l’article R 4127-209 du Code de la Santé Publique qui stipule que le Chirurgien Dentiste ne peut aliéner son indépendance professionnelle de quelque façon et sous quelque forme que ce soit. A méditer…. »601 (sic, soulignements ajoutés).
Le CDOCD du Bas-Rhin
670. Le CDOCD du Bas-Rhin a édicté une circulaire pour l’année 2014-2015, décrite aux paragraphes 355 et suivants, contenant deux pages « spécial réseaux… » avec plusieurs articles très critiques sur les réseaux de soins. L’un d’eux, intitulé « A propos du tact & mesure »602, affirme que « Les confrères partenaires de compagnies d’assurances sont (…) les bénéficiaires certains d’un détournement de patientèle et en ayant connaissance des agissements des sociétés de conseils aux assurés deviennent complices de détournement de patientèle ». Son auteur ajoute que « le CDO saisira la CDP contre les praticiens indélicats pour tous détournements de patientèle avéré ».
671. Il a également, comme indiqué ci-dessus aux paragraphes 361 à 363, édicté les bulletins de l’été 2014 et de l’été 2015, conjointement avec le CDOCD du Haut-Rhin, invitant les praticiens à se tenir à l’écart des réseaux de soins.
Conclusion sur l’objet des pratiques complémentaires des CDOCD des Bouches- du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
672. Quelle que soit leur forme, l’ensemble de ces communications se sont inscrites dans un contexte particulier, marqué par le lancement d’une campagne de plaintes dirigées contre les praticiens du réseau Santéclair et le changement de législation liée à l’adoption de la loi Le Roux. Par ces pratiques de boycott, les CDOCD en cause ont incité les chirurgiens-dentistes à ne pas adhérer à des réseaux de soins ou à résilier leur contrat d’adhésion avec ceux-ci. Par ailleurs et comme indiqué aux paragraphes 635 et 636 ci dessus, aucun élément invoqué par les CDOCD ne remet en cause le caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause par leur objet-même. La circonstance que les pratiques litigieuses ont fait suite à une recrudescence de plaintes de praticiens est sans incidence sur leur caractère anticoncurrentiel.
673. Il résulte de ce qui précède que les pratiques des CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin complémentaires à la campagne de plaintes sont des pratiques d’associations d’entreprises constitutives d’ententes anticoncurrentielles par objet au sens des articles 101 paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les pratiques complémentaires de la FSDL
674. Les pratiques complémentaires mises en oeuvre par la FSDL ont visé non seulement Santéclair, mais également d’autres réseaux de soins dentaires, ainsi que certains partenaires et fournisseurs des réseaux.
675. Concernant tout d’abord Santéclair, la FSDL a largement communiqué en direction de ses adhérents ou sympathisants, afin qu’ils :
- portent plainte contre des praticiens affiliés à Santéclair ;
- résilient ou refusent toute adhésion à Santéclair, conformément au mot d’ordre « pas de signataire = pas de réseau » ;
- doutent de la compatibilité des protocoles conclus avec Santéclair avec le code de déontologie ;
- soient informés du nombre de plaintes déjà déposées et de résiliations obtenues.
676. Ainsi, la FSDL a communiqué de manière offensive contre les réseaux de soins, et plus particulièrement contre Santéclair. Comme les instances ordinales, elle a prétendu qu’en adhérant à ce type de réseaux, les chirurgiens-dentistes méconnaissaient leurs obligations déontologiques et qu’ils pouvaient, à ce titre, être sanctionnés. C’est la raison pour laquelle la FSDL a délibéremment appelé les praticiens à ne pas signer de contrat avec des réseaux de soins ou à rompre leurs liens avec ceux-ci dans de nombreuses publications professionnelles.
677. Aussi, dans un dossier intitulé « Analyse des conséquences des réseaux de soins tels que Santéclair »603, la FSDL relève notamment que « les chirurgiens adhérents du réseau attendent de celui-ci une publicité active et ciblée pour leur cabinet en contradiction avec les règles de déontologie et de confraternité. Cela s’appelle du compérage et doit être condamné par les instances ordinales ». Elle conclut que « Sans praticien adhérent il n’y a pas de réseau. Les chirurgiens dentistes qui ont cédé en signant des contrats liberticides bafouent notre code de déontologie et la confraternité » (sic). Comme il a été relevé aux paragraphes 209 et suivants de la présente décision, ce message avait vocation à être largement diffusé de manière anonyme604. En effet, dans un courriel adressé au secrétaire adjoint de la FSDL, M. Z... a indiqué : « Il faut diffuser cela partout mais sans en tête FSDL et surtout sans que l’adresse IP puisse être reconnue ([d’] après C..., il faut que cela soit anonyme). Tu sais faire ou on va dans un café internet ? Il faudrait créer un pseudo sur Facebook SantéSombre et balancer ça sur tous les groupes sachant que les administrateurs peuvent être emmerdés »605 (sic). Il a été publié sur le forum en ligne Eugenol le 28 janvier 2014 et repris sur le groupe « Les chirurgiens-dentistes ne sont pas des pigeons et encore moins des moutons », constitué sur le réseau social Facebook. Pour favoriser la propagation de son invitation à évincer les réseaux de soins du marché, la FSDL a synthétisé606 les principes qui figurent dans le dossier l’« Analyse des conséquences des réseaux de soins tels que Santéclair » décrit ci-dessus dans un diaporama qui a notamment été mis en ligne sur le forum Eugenol le 26 novembre 2014607.
678. Par ailleurs, dans l’édition spéciale de juin 2014 de la revue professionnelle adressée à l’ensemble des chirurgiens-dentistes français, « le Libéral Dentaire608 », la FSDL a publié un article intitulé « Témoignage » dans lequel un ancien adhérent de la FSDL précise notamment : « Je comprends que certains confrères portent plainte à l’Ordre départemental des chirurgiens dentistes pour détournement de patientèle, pour compérage et pour pratique de l’art dentaire comme un commerce. (…) Oui, personnellement, je suis content d’avoir vu de l’intérieur comment cela se déroule et tout aussi content de les avoir quitté ! Alors maintenant VOUS qui êtes membre du réseau, faites comme moi, réfléchissez sur le bien fondé d’y rester !!! Et VOUS, mes chers confrères, Santéclair vous proposera un jour ou l’autre de vous enrôler avec eux, j’espère alors que les lignes qui précèdent vous aideront à prendre une décision réfléchie » (soulignements ajoutés). De même, dans l’éditorial du numéro d’octobre 2013 de cette même revue, la FSDL indique qu’il « est important que chaque praticien refuse d’entrer dans ces réseaux s’il ne veut pas que ceux-ci lui imposent ses honoraires et ses choix thérapeutiques »609.
679. La FSDL a également pris position contre les réseaux de soins dans plusieurs articles publiés sur son site Internet, et plus particulièrement dans un éditorial intitulé « Réseaux de soins commerciaux » du 14 avril 2014. Celui-ci énonce que les pratiques de Santéclair « vont à l’encontre du Code de Déontologie » sont « anticoncurrentielles » et que « le réseau commercial qui propose des soins à des tarifs imbattables instaure une concurrence déloyale à partir du moment où nos patients sont systématiquement détournés de nos cabinets suite à l’envoi d’un devis pour connaître leur reste à charge ».610 Cet éditorial vise également le réseau Kalivia : « (...) déjà, se profile à l’horizon l’apparition de petits nouveaux comme le réseau Kalivia (Malakoff Mederic + Harmonie Mutuelle) regroupant plus de 10 millions d’assurés et sévissant dans le secteur des opticiens ». Comme chaque éditorial du syndicat, il a été publié sur le site Internet de la FSDL et partagé sur les réseaux sociaux611. La FSDL a également publié le témoignage d’une praticienne présentée comme la victime de multiples détournements de patientèle, comme il a été relevé aux paragraphes 231 et 232 ci-dessus.
680. En outre, le syndicat a transmis la liste des chirurgiens-dentistes partenaires de Santéclair dans le Var à plusieurs centaines de praticiens612 exerçant dans ou à proximité de ce département dans un courrier anonyme de février 2015 intitulé « message confraternel »613. Par ce message, le syndicat invitait expressément les praticiens figurant sur cette liste à mettre fin à leur collaboration avec Santéclair en leur indiquant : « nous vous demandons dans le cadre d’une confraternité réciproque de bien vouloir réfléchir à tout cela et contacter SantéClair (Tel ; 0810 000 227) pour prendre vos dispositions » (soulignement ajouté). L’objectif de cette diffusion de noms était d’inciter les chirurgiens-dentistes ainsi dénoncés à la vindicte générale, de résilier leurs contrats d’affiliation aux réseaux de soins. Le président de la FSDL a justifié la démarche de diffusion de cette liste en ces termes :
« Son but n’est pas de leur faire comprendre qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, car nous savons tous que l’intérêt majeur d’être dans un réseau est de récupérer les patients du voisin, mais de leur mettre une bonne HONTE en diffusant leurs noms à l’ensemble des praticiens varois.
A chaque journée de formation, séminaire etc…, ces gens là sentiront désormais le regard dégouté des consoeurs et des confrères à qui ils piquent sciemment des patients.
Les praticiens qui résilient ne sont pas ceux qui lisent les écrits de la FSDL, mais ceux qui sont convoqués à l’Ordre et qui se paient un grand moment de solitude honteux. Nous n’arriverons pas à les convaincre car la seule chose qu’ils comprennent, c’est de leur faire comprendre que leur image sera sali par leur partenariat quoiqu’ils fassent »614 (sic sauf soulignements ajoutés).
681. L’ensemble de ces pratiques, destinées à évincer les réseaux de soins et plus particulièrement Santéclair du marché, ont par ailleurs contribué à renforcer l’efficacité de la campagne de plaintes mise en œuvre avec le CNOCD et le CDOCD de l’Isère contre Santéclair. La FSDL y a également participé en conseillant et soutenant les praticiens qui s’estimaient victimes de détournement de clientèle, par la mise à disposition de modèles de lettre-type de plainte, par une offre d’assistance d’un cadre de la FSDL lors des séances de conciliation, et par l’utilisation de la liste des partenaires Santéclair pour identifier les praticiens susceptibles d’être visés par une plainte, comme cela a été relevé aux paragraphes 249 à 258 de la présente décision.
682. Enfin, la FSDL a délibérément encouragé les chirurgiens-dentistes à ne pas adhérer aux réseaux de soins Itélis et Kalivia en mettant en place une campagne de plaintes sur le même modèle que celle lancée contre Santéclair et a entravé le développement du réseau de soins du Crédit Mutuel.
683. La volonté de boycotter le réseau Itélis ressort des éléments du dossier rappelés aux paragraphes 259 et 260 de la présente décision et, plus particulièrement, du message publié par le président de la FSDL sur le forum en ligne Eugenol le 1er novembre 2014 indiquant, au sujet de ce réseau : « Si vous voulez que les réseaux disparaissent, ne comptez pas sur la CNSD pour vous aider (ils signent des chartes qui ne servent à rien et qui, d’un point de vue légal ne s’applique qu’aux syndiqués CNSD) mais adressez vous à votre représentant FSDL »615.
684. S’agissant du réseau Kalivia, les éléments du dossier rappelés aux paragraphes 284 à 289 de la présente décision et, notamment, de manière non équivoque, l’article diffusé le 28 février 2015 sur le site Internet de la FSDL intitulé « LE CHOIX » établissent que ce réseau a également été boycotté par la FSDL. Dans la conclusion de ce billet, le président de la FSDL invite les praticiens à faire leur choix en ce qui concerne l’adhésion à un réseau de soins tout en gardant « toujours à l’esprit que la FSDL défendra ses adhérents victimes de détournement de patientèle et que ces chirurgiens dentistes partenaires se retrouveront devant les tribunaux ordinaux si la moindre publicité est faite par ces plates formes assurantiels pour orienter de manière insidieuse nos patients vers leurs partenaires »616.
685. Quant au réseau du Crédit Mutuel, la FSDL a cherché à entraver sa création en faisant à la fois pression sur le Crédit mutuel et sur l’un de ses futurs partenaires, la société GACD, comme relevé aux paragraphes 268 à 283 ci-dessus. Ces actions ont pris la forme de pressions directes exercées par M. Z... sur M. R... (président de GACD), mais aussi d’appels incitant les chirurgiens-dentistes à exprimer leur mécontentement aux partenaires pressentis de ce réseau et à perturber la tenue de la réunion de présentation du réseau.
686. Comme pour les pratiques ordinales examinées ci-dessus, les pratiques de la FSDL s’inscrivent dans le contexte particulier marqué par la campagne de plaintes mise en œuvre par la FSDL, le CNOCD et le CDOCD de l’Isère et le changement de législation liée à l’adoption de la loi Le Roux. En outre, et ainsi que cela a été précisé aux paragraphes 635 et 636, aucun élément invoqué par la FSDL n’est de nature à remettre en cause le caractère anticoncurrentiel des pratiques d’éviction litigieuses. Ces pratiques s’apparentent donc à des décisions d’association d’entreprises constitutives d’ententes anticoncurrentielles par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les effets anticoncurrentiels des pratiques
Arguments des parties
687. Le CNOCD, les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la FSDL soutiennent que l’effet anticoncurrentiel des pratiques en cause n’est pas établi.
688. Le CNOCD considère que les réseaux et les plateformes qui les gérent ont continué à se développer en dépit des pratiques litigieuses, lesquelles ne sont à l’origine d’aucune résiliation.
689. La FSDL soutient que ces pratiques ne peuvent, au plus, qu’être à l’origine de huit résiliations de chirurgiens-dentistes adhérents au réseau Santéclair. Ce syndicat précise également qu’en dépit des pratiques, Santéclair a pu augmenter le nombre de ses partenaires chirurgiens-dentistes qualifiés en implantologie dentaire. Il indique aussi que les pratiques n’ont pas eu davantage d’effet sur les réseaux Itélis, Kalivia, ACM et sur les sociétés GACD, Euroteknika et Lyra.
Appréciation au cas d’espèce
690. Il résulte des développements qui précèdent que le CNOCD, les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhônes, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la FSDL ont mis en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles d’éviction à l’encontre des réseaux de soins constitutives d’ententes anticoncurrentielles par objet, au sens des article 101 du TFUE et
L. 420-1 du code de commerce, ainsi que cela ressort des paragraphes 627 à 686 ci-dessus.
691. En vertu d’une jurisprudence constante, dès lors que l’objet anticoncurrentiel d’une pratique est démontré, il n’est pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’elle est à même d’engendrer617. Toutefois, en l’espèce, il convient tout de même de souligner que les pratiques en cause ont eu des répercussions effectives sur les réseaux de soins et leurs entreprises partenaires, ainsi que cela a été constaté aux paragraphes 402 à 432 ci-dessus.
692. À cet égard, il ressort du tableau reproduit sous le paragraphe 403 ci-dessus qui énumère les courriers de résiliation reçus par Santéclair, qu’au moins 44 chirurgiens-dentistes ont décidé de rompre leur partenariat avec ce réseau de soins à la suite de la campagne de boycott mise en œuvre par les organismes mis en cause.
693. Dans certains cas, les motifs exprimés dans les demandes de résiliation elles-mêmes permettent, sans équivoque, de considérer que ces dernières résultent directement des pratiques en cause. C’est notamment le cas du Dr 8... qui, dans un courrier du 14 mai 2013, a indiqué avoir « le regret de vous informer de ma décision de démissionner du réseau d’implantologie en raison des motifs invoqués par le Conseil de l’Ordre départemental des Bouches-du-Rhône »618. C’est également le cas d’un praticien Bas- Rhinois qui, dans un courrier du 10 février 2014, a expliqué que « suite à une circulaire du Conseil Départemental des Chirurgiens Dentistes, je me vois dans l’obligation de me plier à leurs exigences afin d’éviter des sanctions disciplinaires »619. Deux praticiens du Nord ont, quant à eux, spécifiquement fait référence aux plaintes de confrères devant le CDOCD de ce département pour solliciter la résiliation de leur contrat par deux courriers des 4 et 12 mars 2015620. Enfin, un autre chirurgien-dentiste a, dans un courrier du 2 avril 2015, relevé que « suite à un accord de conciliation qui a eu lieu le jeudi 26 mars dernier au siège du Conseil de l’Ordre des Chirurgiens Dentistes de l’Essonne, je suis dans l’obligation de résilier le contrat de partenariat que j’avais signé avec le réseau de soins SANTECLAIR le 1 er octobre 2014 »621 (sic).
694. Parfois, les motifs justifiant ces demandes de résiliation sont moins précis. En effet, certains se réfèrent uniquement au caractère prétenduement antidéontologique des pratiques commerciales de Santéclair ou aux consignes ordinales, voire syndicales, sans qu’il soit possible de déterminer quelles consignes sont plus précisémment visées. Il en est de même pour les courriers de rupture des contrats de partenariat avec le réseau Itélis. Énumérés dans le tableau reproduit sous le paragraphe 406 ci-dessus, deux de ces courriers de résiliation se réfèrent aux « menaces et poursuites du CNOCD contre les praticiens signataires » ou à la désapprobation de cet organisme relativement aux contrats d’affiliation ; d’autres sont motivés par les prétendus manquements aux règles déontologiques622 liés aux règles de fonctionnement du réseau Itélis, sans davantage de précisions.
695. Il ne peut pour autant être contesté que ces demandes de résiliation trouvent leur cause dans les pratiques concernées, et dans celles qui ont été mises en œuvre par le CNSD (voir infra). En effet, les pratiques ordinales et de la FSDL d’une part, et celle de la CNSD d’autre part ont poursuivi le même objectif d’éviction à l’encontre de Santéclair et des autres réseaux de soins et ont donc vu leurs effets anticoncurrentiels se combiner et se renforcer l’une l’autre.
696. Par ailleurs, les entreprises ou les organismes partenaires des réseaux de soins ont également subi les effets combinés des pratiques d’éviction mises en œuvre par les instances ordinales et syndicales.
697. En effet, et comme il a été relevé aux paragraphes 413 à 418 ci-dessus, les actions engagées par la FSDL et la CNSD à l’encontre des sociétés du groupe GACD, partenaires pressentis du réseau dentaire des ACM, ont eu pour conséquence non seulement l’abandon du projet de collaboration avec celles-ci mais aussi la décision pour les sociétés du groupe GACD, de ne plus s’engager à l’avenir dans un quelconque partenariat avec un réseau de soins.
698. Les pratiques en cause ont également eu des répercussions sur les partenaires du réseau Santéclair intervenant dans le secteur de l’implantologie, ainsi que cela ressort des paragraphes 419 à 432 ci-dessus.
699. C’est notamment le cas pour l’association Général Implant, qui propose des formations continues en implantologie dentaire aux chirurgiens-dentistes, et dont plusieurs formateurs étaient partenaires du réseau implantologie de Santéclair. Cette association, qui a notamment été discréditée par la FSDL du fait du lien de certains de ses formateurs avec Santéclair623, a vu chuter de 484 800 euros à 83 472 euros son chiffre d’affaires entre 2014 et 2016624.
700. C’est également le cas pour la société Dentaurum France qui, d’après plusieurs communications de la FSDL, fournit les implants obligatoirement utilisés par les chirurgiens-dentistes partenaires du réseau Santéclair. En effet, le directeur général de cette société a déclaré que « lors des visites des commerciaux, certains chirurgiens-dentistes ont invoqué les positions de leur syndicat et/ou de leur conseil de l’ordre pour exprimer leur mécontentement à l’égard des liens entre Dentaurum et Santéclair. Cela concernait indifféremment tous les syndicats de chirurgiens-dentistes et plusieurs conseils régionaux de l’Ordre (…) »625.
701. Il résulte de tout ce qui précède que les pratiques litigieuses ont eu pour effet anticoncurrentiel, à tout le moins potentiel, d’entraver, sur les marchés en cause, le développement des réseaux de soins en général, et de Santéclair en particulier, lequel, par le biais du libre jeu de la concurrence, a pour objectif de réduire les inégalités d’accès aux soins en élargissant l’offre de soins à des conditions financières abordables. Ces pratiques méconnaissent donc, à ce titre, les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
c) S’agissant de l’existence d’une infraction unique, complexe et continue
Les principes applicables
Le plan d’ensemble
702. Aux termes de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence tant nationale que de l’Union européenne, un comportement qui se manifeste par plusieurs agissements poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d’infraction unique, complexe et continue pour la période pendant laquelle il est mis en oeuvre.
703. À cet égard, la Cour de justice, dans son arrêt Anic626, a jugé que « si l'article 85 du traité distingue la notion de « pratique concertée » de celle d’« accords entre entreprises » ou de « décisions d'associations d'entreprises », c'est dans le dessein d'appréhender sous les interdictions de cette disposition différentes formes de coordination et de collusion entre entreprises (voir, en ce sens, notamment, arrêt ICI/Commission, précité, point 64). Il n'en découle pas pour autant qu'une série de conduites ayant le même objet anticoncurrentiel et dont chacune, prise isolément, relève de la notion d’ « accord », de « pratique concertée » ou de « décision d'association d'entreprises » ne puissent pas constituer des manifestations différentes d'une seule infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ».
704. Une infraction unique peut donc, notamment, être composée de pratiques susceptibles d’être qualifiées d’accords, de pratiques concertées et de décisions d’association d’entreprises dès lors que ces pratiques partagent le même objet ou les mêmes effets anticoncurrentiels627 et s’inscrivent ainsi dans un plan d’ensemble.
705. D’ailleurs, selon une jurisprudence constante, les accords et les pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, CE (devenu l’article 101, paragraphe 1, TFUE) résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées. Il s’ensuit qu’une violation de l’article 101 du TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, l’autorité de concurrence est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble628.
706. La qualification d’un tel plan d’ensemble dépend uniquement de facteurs objectifs, lesquels comprennent notamment l’objectif commun des pratiques. Ce facteur est un indice qui doit être apprécié au regard du seul contenu des pratiques et qui ne doit pas être confondu avec l’intention subjective des différentes entreprises de participer à une entente unique et continue. Cette intention subjective ne doit être prise en compte que dans le cadre de l’appréciation de la participation individuelle d’une entreprise à une telle infraction unique et continue629. Les autres facteurs susceptibles d’être pris en compte se rattachent, notamment, à l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui ont pris part aux pratiques, l’identité des modalités de leur mise en œuvre et l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises630. En outre, l’Autorité peut également prendre en compte l’existence d’un lien de complémentarité entre les pratiques631 même si elle n’y est pas tenue632. Tel est le cas lorsque « l'ensemble [des] pratiques contribuent, par le biais d'une interaction, à la réalisation des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d'un plan global visant un objet identique »633. Ces différents éléments doivent être appréhendés dans le contexte global des circonstances de l’espèce, et non de manière isolée634.
Le caractère continu de l’infraction unique et complexe
707. Une pratique anticoncurrentielle est dite continue lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou la persistance de la volonté de l’auteur après l’acte initial.
708. Conformément à la jurisprudence européenne, « l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence. De tels indices et coïncidences permettent, lorsqu’ils sont évalués globalement, de révéler non seulement l’existence de comportements ou d’accords anticoncurrentiels, mais également la durée d’un comportement anticoncurrentiel continu et la période d’application d’un accord conclu en violation des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, point 57, et du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission,
C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 94 à 96, et la jurisprudence citée). (…) S’agissant de
l’absence de preuve quant à l’existence d’un accord au cours de certaines périodes déterminées ou, tout au moins, quant à sa mise en œuvre par une entreprise au cours d’une période donnée, il convient de rappeler que le fait que la preuve de l’infraction n’a pas été apportée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l’infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu’une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants. Dans le cadre d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 57 supra, points 97 et 98 ; voir également, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 52 supra, point 260). (…) La jurisprudence permet ainsi à la Commission de présumer que l’infraction – ou que la participation d’une entreprise à l’infraction – ne s’est pas interrompue, même si elle ne détient pas de preuves de l’infraction pour certaines périodes déterminées, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et sont susceptibles de s’inscrire dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu, une telle constatation devant reposer sur des indices objectifs et concordants démontrant l’existence d’un plan d’ensemble »635.
709. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l'existence d'actes matériels tout au long de cette période. Cette analyse est partagée par la Cour de cassation qui considère que « dans le cadre d'une infraction s'étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l'entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l'existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s'inscrivent dans le cadre d'une infraction unique et continue, ensuite, qu'en l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction, l'Autorité doit se fonder sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie dans le temps de manière ininterrompue (…) ».
710. Pour sa part, l’Autorité a considéré que « [l]a continuité d’une pratique peut être établie notamment par l’existence d’actions manifestant son maintien, par la répétition de l’accord anticoncurrentiel ou compte tenu du fait qu’il est resté en vigueur et a conservé, de façon continue, son objet et ses effets, actuels et potentiels »636.
711. En droit interne comme en droit de l’Union, la durée d’une infraction aux règles de la concurrence est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin637.
L’appréciation au cas d’espèce
Le plan d’ensemble
Arguments des parties
712. Le CNOCD et la FSDL soutiennent que leur participation à la réunion du 4 septembre 2013 et le courriel du 8 octobre 2013 du président de ce syndicat ne sont pas suffisants pour démontrer l’existence d’un plan d’ensemble. Le CNOCD ajoute qu’il ne peut être regardé comme ayant participé au plan d’ensemble, car il s’est distancié publiquement de la campagne de plaintes mise en œuvre par la FSDL. Enfin, il relève que la notion d’infraction unique, complexe et continue n’a jamais été appliquée à des ordres professionnels et que les statuts de ces organismes ne permettent pas d’appliquer la grille d’évaluation des indices habituellement utilisée pour établir l’existence d’une infraction de ce type entre des entreprises concurrentes. Les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin soutiennent que leur participation à l’infraction unique, complexe et continue litigieuse n’est pas établie. Ils estiment que les services d’instruction n’ont pas démontré qu’ils entendaient contribuer, par leur comportement respectif, aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’infraction litigieuse ni qu’ils avaient connaissance des comportements de ces derniers ou qu’ils pouvaient raisonnablement les prévoir. Ils allèguent qu’il n’existe aucun lien entre les pratiques qui leur sont reprochées et celles du CNOCD.
Appréciation au cas d’espèce
713. Les différentes pratiques litigieuses mises en œuvre par le CNOCD, les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la FSDL relèvent d’un plan d’ensemble et présentent des caractéristiques communes ainsi que des liens de complémentarités certains, comme le démontrent les paragraphes 627 et 686 ci-dessus.
L’objectif unique
714. Les pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par le CNOCD, la FSDL et les différents conseils départementaux, conjointement ou séparément, relèvent d’un plan d’ensemble visant un objectif anticoncurrentiel unique, à savoir entraver l’activité de Santéclair et des réseaux de soins en général.
715. Les prémisses de cette infraction unique sont à rechercher dans le contexte des discussions autour de la proposition de loi Le Roux à laquelle étaient opposés les principaux acteurs de la profession. Plusieurs représentants syndicaux et ordinaux ont également indiqué avoir été alertés par des confrères sur les pratiques de Santéclair, à partir de la fin de l’année 2012. Tel est le cas du CDOCD des Bouches-du-Rhône qui a consulté le CNOCD après avoir été saisi de la situation du docteur 8....
716. Après une première condamnation de l’ordre par le Conseil de la concurrence en 2009, le CNOCD, la FSDL et le CDOCD de l’Isère ont cherché à empêcher Santéclair de développer son activité, sans toutefois encourir une nouvelle condamnation. C’est à cette fin qu’a été mise en place, selon les propos de M. E..., une « action conjugée et concertée de la FSDL et de l'Ordre National avec des précautions pour ne pas être attaquables », consistant en l’organisation d’une campagne de plaintes qui visait à dissuader les chirurgiens-dentistes d’adhérer à Santéclair.
717. Chacun de ces trois organismes a ensuite mis en oeuvre des actions complémentaires destinées à soutenir la campagne de plaintes ou, plus largement, à entraver l’activité de Santéclair.
718. Sous l’impulsion du CNOCD, du conseil départemental de l’Isère et de la FSDL, les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de la Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont entrepris des actions similaires, visant également à dissuader leurs ressortissants d’entrer ou de demeurer en relations contractuelles avec Santéclair.
719. Ces actions complémentaires ont pris des formes diverses, compte tenu du statut de leur auteur. Ainsi, la FSDL a massivement recouru à la communication syndicale, tandis que le CNOCD a usé de son autorité morale et de sa capacité d’influence auprès des conseils départementaux pour mettre en doute la conformité des protocoles proposés par Santéclair aux règles déontologiques de la profession. Les conseils départementaux ont relayé, et parfois amplifié, ce message auprès de leurs ressortissants et ont détourné de leur finalité les pouvoirs que le CSP leur confère en matière de communication des contrats et de conciliation, afin de dissuader les chirurgiens-dentistes de leur ressort d’adhérer à Santéclair.
720. Par la suite, face aux évolutions du marché et à l’apparition ou au développement de nouveaux réseaux de soins, le mode opératoire utilisé contre Santéclair a été étendu à Itélis et Kalivia. Lors de l’annonce du lancement du réseau ACM, en novembre 2014, des modalités spécifiques d’actions ont été mises en place, afin précisément d’empêcher la création de ce nouveau réseau
721. Les différentes actions décrites ci-dessus visent donc à affaiblir les réseaux de soins, en dissuadant les chirurgiens-dentistes d’y adhérer et en exerçant des pressions sur les partenaires potentiels de ces réseaux (GACD notamment). Toutes ces pratiques s’inscrivent dans un projet global poursuivant un objet anticoncurrentiel unique : entraver l’activité de Santéclair, puis des autres réseaux de soins assimilables, selon les auteurs des pratiques, à Santéclair.
Les caractéristiques communes
722. De nombreux éléments attestent de l’existence de liens entre les pratiques en cause, qui recoupent largement les critères retenus par la jurisprudence pour caractériser une infraction unique.
723. Il en va ainsi :
- de l’identité des services concernés : ce sont les réseaux de soins dentaires qui sont visés par les pratiques, d’abord celui de Santéclair, puis à partir de 2014, les réseaux proposés par Itélis, Kalivia et les ACM, directement, et indirectement, via leurs fournisseurs et partenaires ;
- de l’identité des objectifs des pratiques : malgré leur variété, toutes les pratiques ont pour objectif commun d’affaiblir les réseaux de soins en cherchant à faire diminuer le nombre de chirurgiens-dentistes adhérents ou de partenaires de ces réseaux ;
- de l’identité des entités qui ont pris part aux principales composantes de l’infraction unique ; en l’occurrence un « noyau dur » est constitué de la FSDL, du CNOCD et du CDOCD de l’Isère ;
- du fait que le conseil de l’ordre de l’Isère et la FSDL sont représentés par la même personne physique.
724. Ainsi, les pratiques ci-dessus présentent de nombreuses caractéristiques communes.
Les liens de complémentarité
725. Les pratiques en cause sont, enfin, marquées par un important lien de complémentarité. Leurs interactions contribuent à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels recherchés par leurs auteurs, relatifs au boycott des réseaux de soins et de leurs partenaires.
726. À cet égard, le CNOCD, le CDOCD de l’Isère et la FSDL ont mis en place une campagne de plaintes pour dissuader les praticiens d’adhérer au réseau Santéclair. Chacun de ces trois organismes a ensuite mis en œuvre des actions complémentaires destinées à garantir le succès de cette campagne ou, plus largement, à entraver l’activité de Santéclair et d’autres réseaux de soins ou de leurs partenaires.
727. La FSDL a abondamment communiqué sur le caractère antidéontologique d’une adhésion à Santéclair ou à un réseau de soins dentaires en général et incité les praticiens prétendûment victimes d’un détournement de patientèle, à porter plainte. Elle a également appuyé ces praticiens dans leurs démarches.
728. De façon complémentaire, le CNOCD a, quant à lui, usé de son autorité morale et de sa capacité d’influence auprès des conseils départementaux pour mettre en doute la conformité des protocoles proposés par les réseaux de soins avec les règles déontologiques en leur adressant notamment une circulaire sur les protocoles datée du 7 novembre 2013.
729. S’agissant du CDOCD de l’Isère, son président, qui a été saisi de plaintes relatives à l’adhésion de certains chirurgiens-dentistes au réseau Santéclair, a détourné la procédure de conciliation dans le but d’obtenir la résiliation des contrats signés par ces praticiens.
730. Les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont également contribué à entraver l’activité des réseaux de soins par le biais de communications professionnelles diverses et de courriers individuels, laissant entendre aux chirurgiens-dentistes de leur ressort que les réseaux de soins méconnaissaient les règles déontologiques applicables à leur profession. Ces actions, qui sont constitutives de pratiques d’éviction en elles-même, ont plus largement participé au fonctionnement effectif de la campagne de plaintes.
731. Contrairement à ce que soutiennent les CDOCD précités, la circonstance qu’ils n’entendaient pas contribuer, par leur comportement respectif, aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants à l’infraction unique ni qu’ils n’avaient connaissance des comportements de ces derniers ou qu’ils ne pouvaient raisonnablement les prévoir, demeure sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’un plan d’ensemble, qui procède uniquement d’une analyse objective, ainsi que cela a été indiqué aux paragraphes 702 à 706 ci-dessus. Cette circonstance sera en revanche prise en compte au stade de l’appréciation de la participation individuelle de chacun de ces organismes, aux paragraphes 742 et suivants.
732. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques en cause s’inscrivent dans un plan d’ensemble destiné à lutter contre les réseaux de soins. Elles sont les composantes d’une infraction unique et complexe.
La durée de l’infraction unique, complexe et continue
Arguments des parties
733. Le CNOCD soutient que la réunion du 4 septembre 2013 à laquelle ont notamment participé son président, M. C..., le président de la FSDL, M. Z..., et un vice-président de la FSDL également membre du conseil départemental de l’Isère, M. E…, ne peut constituer le point de départ de l’infraction litigieuse. Il précise, en effet, qu’il n’avait pas connaissance de l’objet anticoncurrentiel de cette réunion avant sa tenue.
Appréciation de l’Autorité
Les bornes temporelles de l’infraction unique, complexe et continue
734. L’infraction litigieuse a débuté le 7 février 2013, date du courriel par lequel le CNOCD a conseillé au CDOCD des Bouches-du-Rhônes de mettre en demeure un des praticiens du ressort de ce conseil départemental partenaire du réseau Santéclair de cesser toute publicité ou de porter plainte contre lui en raison de la méconnaissance de plusieurs règles déontologiques638, ainsi que cela a été indiqué aux paragraphes 639 à 642 ci-dessus. Dans ce cadre, le CNOCD a communiqué des informations inexactes sur la portée des règles déontologiques applicables au partenariat proposé par Santéclair. Ces éléments de langage ont ensuite été repris pour lancer la campagne de plaintes et dans de nombreuses communications des organismes professionnels.
735. Cette infraction s’est poursuivie jusqu’au 18 décembre 2018, date de la notification des griefs, comme en témoigne le fait que certaines des pratiques qui la composent ont perduré jusqu’à cette date, comme il sera vu infra.
Le caractère continu de l’infraction unique et complexe
736. L’infraction unique et complexe litigieuse, qui repose sur un plan d’ensemble, est présumée revêtir un caractère continu, conformément au principe rappelé au paragraphe 708 ci-dessus.
737. Le caractère continu de l’infraction en cause découle par ailleurs de la circonstance que les différentes pratiques qui la composent se sont succédées dans le temps et que, s’agissant des invitations au boycott, leur objet et leurs effets, à tout le moins potentiels, ont perduré tant que les publications litigieuses n’ont pas été remises en cause par leur auteur, étant encore accessibles aux chirurgiens-dentistes.
738. Ainsi, si les pratiques de concertation et d’associations d’entreprises constituant l’infraction unique, complexe et continue ont été commises à l’été 2015, au plus tard, s’agissant de celles mises en œuvre par les deux CDOCD du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, il résulte des pièces du dossier (paragraphe 734 ci-dessus) que certaines des publications professionnelles litigieuses incitant les chirurgiens-dentistes à ne pas conclure de partenariat avec des réseaux de soins ou à le rompre, et appelant à porter plainte et/ou affirmant le caractère antidéontologique des réseaux de soins et, au premier chef de Santéclair, étaient toujours accessibles sur le site Internet de la FSDL à la date de la notification de griefs. Il en est ainsi notamment de l’« Édito Réseaux de soins commerciaux »639 et du « Témoignage d’une praticienne suite à un détournement de patient »640, lequel apparaissait même sur la page d’accueil du site, comme le précisent les paragraphes 231 et 232 ci-dessus. Il en va de même du document « conduite à tenir en cas de détournement manifeste d’un patient par un réseau de soins type Santéclair », ainsi que cela ressort des paragraphes 146 et 147 ci-dessus.
739. Par ailleurs, lors d’une audition du 21 décembre 2017, le CNOCD a indiqué à propos de la circulaire « protocoles » du 7 novembre 2013, qui véhiculait l’idée selon laquelle l’adhésion à un réseau de soins posait des problèmes de compatibilité avec le CSP : « Actuellement, en cas de question des CDO sur les protocoles de réseaux de soins, nous les renvoyons toujours à cette circulaire », ce qui atteste de la persistance de la pratique (paragraphe 189).
740. Enfin, et comme l’indiquent notamment les courriers énumérés dans les tableaux reproduits sous les paragraphes 403 et 406, l’infraction litigieuse en cause, combinée aux pratiques de la CNSD examinées dans le cadre du second grief , a, de manière certaine, conduit 48 chirurgiens-dentistes à résilier le contrat d’adhésion les unissant au réseau Santéclair ou au réseau Itélis entre le 22 avril 2013641 et le 27 mars 2017642. Ces résiliations étaient motivées par l’attitude des organismes collectifs impliqués dans l’infraction unique, ce qui confirme la continuité de la pratique entre ces dates.
741. Il résulte de tout ce qui précède que l’infraction unique et complexe litigieuse a débuté le 7 février 2013 pour s’achever le 18 décembre 2018 et présente, entre ces deux dates, un caractère continu.
d) S’agissant de la participation individuelle de chaque organisme en cause
Les principes applicables
742. Le degré de responsabilité d’une entreprise ou d’un organisme ayant participé à une infraction unique, complexe et continue varie en fonction de l’étendue de sa participation ou de sa connaissance des comportements anticoncurrentiels qui la composent.
743. Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante en droit de l’Union643, récemment réaffirmée, qu’une « entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble. En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque ».
L’appréciation au cas d’espèce
Le CNOCD
744. Comme indiqué aux paragraphes 589 à 598 ci-dessus, le CNOCD a participé à la campagne de plaintes litigieuse mise en œuvre avec le CDOCD de l’Isère et la FSDL.
745. Il est, par ailleurs, responsable de pratiques qui ont consisté dans la diffusion de la circulaire
« protocoles » du 7 novembre 2013644 et de l’un des diaporamas intitulé « Réseaux et Loi Leroux »645 (sic), à l’ensemble des CDOCD.
746. En revanche, il ne ressort pas de l’instruction que le Conseil national ait directement participé aux pratiques complémentaires des conseils départementaux qui ont pris la forme de publications professionnelles et de courriers individuels ni qu’il ait eu nécessairement connaissance de l’ensemble de ces comportements.
747. Toutefois, il ressort de l’instruction que le CNOCD a, en sa qualité d’instance ordinale nationale, indiqué aux CDOCD que les réseaux de soins méconnaissaient les règles déontologiques, ainsi que cela a été évoqué aux paragraphes 638 à 647 ci-dessus. En effet, les pratiques du CDCOD des Bouches-du-Rhône découlent de la prise de position que le CNOCD a transmise à ce conseil départemental le 7 février 2013646. Quant aux autres pratiques des différents CDOCD en cause, elles ont été mise en œuvre après la diffusion de la circulaire « protocoles » précitée, destinée à orienter les conseils départementaux lors de l’examen de la conformité au code de déontologie des contrats signés entre les chirurgiens-dentistes et des réseaux de soins. Dans ces conditions, le CNOCD doit être regardé comme ayant raisonnablement pu prévoir ces pratiques ordinales et comme en ayant accepté le risque.
748. Dans le même sens, le CNOCD n’a pas participé aux séances de conciliation mises en œuvre par le président du CDOCD de l’Isère sur le fondement de l’article L. 4132-2 du CSP et tendant à l’obtention de la résiliation des contrats que les praticiens mis en cause avaient signé avec Santéclair. Néanmoins, une telle pratique constitue la stricte application de la campagne de plaintes, ainsi que cela ressort notamment du paragraphe 630 ci-dessus. Le CNOCD doit donc, ici encore, être regardé comme ayant raisonnablement pu prévoir cette pratique et comme en ayant accepté le risque.
749. Enfin, il ne ressort pas de l’instruction que le Conseil national ait participé aux pratiques complémentaires de la FSDL, qui ont pris la forme de communications diverses dirigées contre des réseaux de soins ou leurs partenaires et d’actions de soutien des praticiens s’estimant victimes de pratiques de confrères contraires à la déontologie.
750. Cependant, le CNOCD avait connaissance d’une partie de ces pratiques, puisqu’il a été consulté à plusieurs reprises par la FSDL préalablement à la publication d’actes de communication syndicale, comme en attestent les pièces du dossier décrites aux paragraphes 209 et 219, ci-dessus. Il ressort également de l’instruction que le CNOCD a été tenu informé des activités de ce syndicat concernant les réseaux de soins, comme l’indiquent les paragraphes 257 et 259 de la présente décision, ce dernier paragraphe faisant explicitement référence au souhait de la FSDL d’élargir la campagne de plaintes aux praticiens adhérents au réseau Itélis.
751. Du reste, le CNOCD pouvait raisonnablement prévoir la mise en œuvre des pratiques complémentaires de la FSDL et devait en avoir accepté le risque puisque ces pratiques syndicales permettaient d’assurer l’application effective de la campagne de plaintes et partageaient le même objectif que celle-ci, à savoir l’éviction des réseaux de soins.
752. Dans ces conditions, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation du CNOCD à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 7 février 2013 au 18 décembre 2018.
La FSDL
753. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 602 et 603 ci-dessus, la FSDL a participé à la campagne de plaintes litigieuse mise en œuvre avec le CNOCD et le CDOCD de l’Isère.
754. Elle est par ailleurs responsable de pratiques complémentaires constituées de multiples communications dirigées contre les réseaux de soins ou leurs partenaires et d’actes de soutien au profit des praticiens qui s’estimaient victimes de détournement de clientèle, ainsi que cela ressort des paragraphes 674 à 686 ci-dessus.
755. En revanche, il ne ressort pas de l’instruction que la FSDL ait participé aux pratiques complémentaires du CNOCD et des CDOCD, qui ont essentiellement pris la forme de publications professionnelles et de courriers individuels.
756. Cependant, l’un des vices-présidents du syndicat étant également membre du CDOCD de l’Isère, la FSDL a nécessairement eu connaissance des pratiques complémentaires mises en œuvre par le Conseil national et ce conseil départemental, à l’exception du courriel que le CNOCD avait transmis au CDOCD des Bouches-du-Rhône le 7 février 2013, soit antérieurement au lancement de la campagne de plaintes, et concernant les conséquences de l’adhésion d’un des praticiens de son ressort au réseau Santéclair.
757. Par ailleurs et en tout état de cause, la FSDL pouvait raisonnablement prévoir la mise en œuvre des pratiques complémentaires du CNOCD et de l’ensemble des CDOCD et devait en avoir accepté le risque puisque ces pratiques ordinales permettaient d’assurer l’application effective de la campagne de plaintes et partageaient le même objectif que celle- ci, à savoir l’éviction des réseaux de soins.
758. Dans le même sens, la FSDL n’a pas pas participé aux séances de conciliation mises en œuvre par le président du CDOCD de l’Isère sur le fondement de l’article L. 4132-2 du CSP et tendant à l’obtention de la résiliation des contrats que les praticiens mis en cause avaient signés avec Santéclair. Pour autant, une telle pratique constitue la stricte application de la campagne de plaintes, comme rappelé au paragraphe 630 ci-dessus. La FSDL doit dès lors, être regardé comme ayant raisonnablement pu prévoir cette pratique et comme en ayant accepté le risque.
759. Dans ces conditions, il résulte de tout ce qui précède que la participation de la FSDL à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 8 octobre 2013 au 18 décembre 2018.
Le CDOCD de l’Isère
760. Comme rappelé aux paragraphes 599 à 601 de la présente décision, le CDOCD de l’Isère a participé à la campagne de plaintes litigieuse mise en œuvre avec le CNOCD et la FSDL. Conformément aux règles de fonctionnement de cette campagne de boycott, le président de ce conseil départemental a instrumentalisé la procédure de conciliation prévue à l’article
L. 4123-2 du CSP, dans le but d’obtenir la résiliation des contrats signés par les chirurgiens-dentistes de son ressort avec Santéclair.
761. Il est par ailleurs responsable des pratiques complémentaires qu’il a mises en œuvre, constituées d’actes de communication dirigés contre les réseaux de soins, ainsi quil est rappelé aux paragraphes 648 à 655 ci-dessus.
762. En revanche, le conseil départemental n’a pas participé aux pratiques complémentaires mises en œuvre par le CNOCD et la FSDL.
763. Cependant, l’un des membres du CDOCD de l’Isère étant également vice-président de la FSDL, ce conseil départemental ne pouvait raisonnablement ignorer les pratiques complémentaires mises en œuvre par ce syndicat. Il a également nécessairement eu connaissance des pratiques du CNOCD qui ont laissé entendre à l’ensemble des conseils départementaux que les réseaux de soins méconnaissaient le code de déontologie.
764. Par ailleurs et en tout état de cause, le CDOCD de l’Isère pouvait raisonnablement prévoir la mise en œuvre des pratiques complémentaires du CNOCD et de la FSDL et devait en avoir accepté le risque puisque ces pratiques visaient à assurer l’application effective de la campagne de plaintes et partageaient le même objectif que celle-ci, à savoir l’éviction des réseaux de soins.
765. En revanche, le CDOCD de l’Isère ne pouvait ni avoir connaissance, ni prévoir la prise de position que le Conseil national a transmis au CDOCD des Bouches-du-Rhône le 7 février 2013, antérieurement au lancement de la campagne de plaintes.
766. Dans ces conditions, il résulte de tout ce qui précède que la participation du CDOCD de l’Isère à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 8 octobre 2013 au 18 décembre 2018.
Les autres CDOCD
767. Les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont tous mis en œuvre des pratiques complémentaires à la campagne de plaintes consistant en des communications professionnelles adressées aux praticiens de leur ressort et, pour certains, en l’envoi de courriers individuels.
768. Toutefois, et comme la notification de griefs le relève 647, il ne ressort pas de l’instruction que les autres CDOCD aient, par leurs propres comportements respectifs, entendu contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’infraction unique, ni qu’ils aient eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou encore qu’ils aient pu raisonnablement les prévoir et étaient prêts à en accepter le risque.
769. Dans ces conditions, la participation des CDOCD à l’infraction unique, complexe et continue est établie uniquement pour les pratiques qu’ils ont eux-mêmes mises en œuvre.
770. À cet égard :
- le CDOCD des Bouches-du-Rhône est responsable de la diffusion de la circulaire du 24 juin 2013648, des mises en demeure adressées à deux praticiens de son ressort les 12 mars 2013 et 6 mars 2014649, et des courriers individuels envoyés à cinq praticiens de son ressort le 14 avril 2014650. Ces pratiques ont débuté le 12 mars 2013 et ont présenté un caractère continu jusqu’au 14 avril 2014, date de l’envoi des derniers courriers individuels ;
- le CDOCD de Dordogne est responsable de la diffusion du courrier collectif du 29 janvier 2014651, des courriels collectifs du 27 février 2014652 et du 17 septembre 2014653, de la circulaire de janvier 2015654 et des courriers individuels envoyés à sept praticiens de son ressort les 21 mai, 19 juin, 2 juillet et 30 juillet 2014, ainsi que les 14 avril 2015 et 15 avril 2015655. Ces pratiques, qui ont débuté le 29 janvier 2014, ont duré jusqu’au 15 avril 2015, date de l’envoi du dernier courrier individuel ;
- le CDOCD du Haut-Rhin est responsable de la diffusion des circulaires de janvier 2014656, de janvier 2015657 et des bulletins de liaison, conjoints aux ordres du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, de l’été 2014658 et de l’été 2015659. Ces pratiques, qui ont débuté en janvier 2014, ont duré jusqu’à l’été 2015, soit jusqu’au 21 septembre 2015 ;
- le CDOCD du Bas-Rhin est responsable de la diffusion de la circulaire de l’hiver 2014-2015660 et des bulletins de liaison, conjoints aux ordres du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, de l’été 2014661 et de l’été 2015662. Ces pratiques, qui ont débuté à l’été 2014, soit le 21 juin 2014, ont perduré jusqu’à l’été 2015, soit jusqu’au 21 septembre 2015.
2. EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF N° 2
771. Seront successivement étudiés l’existence d’un accord de volontés (a), le caractère anticoncurrentiel (b) et la durée (c) des pratiques.
a) S’agissant de l’accord de volontés
772. La CNSD (devenue les « CDF ») estime que les documents de communication adressés à ses adhérents ne peuvent être considérés comme des actions concertées au sens de l’article
L. 420-1 du code de commerce. Elle précise qu’elle ne s’est jamais entendue avec les instances ordinales ni avec la FSDL. Au contraire, elle relève qu’elle a fait l’objet de plusieurs attaques de la part de ce syndicat.
773. Mais la CNSD est une confédération regroupant 100 syndicats départementaux, auxquels adhérent plus de 12 000 chirurgiens-dentistes libéraux. Comme il a été relevé aux paragraphes 364 à 401, cet organisme a, à partir du mois de novembre 2014, pris position à plusieurs reprises contre les réseaux de soins. Les pratiques que la CNSD a mises en oeuvre ont essentiellement consisté en des actions de communication, engagées à l’initiative du bureau confédéral663, puis qui ont été largement diffusées grâce au site internet du syndicat et/ou publiées dans la revue « Le Chirurgien-Dentiste de France »664 et/ou par communiqués de presse665. D’autres actions de communication ont relevé d’initiatives de la présidente du syndicat666.
774. Conformément aux principes rappelés aux paragraphes 566 à 577 de la présente décision, chacune de ces pratiques syndicales constitue une pratique collective, en ce qu’elle résulte de l’expression de la volonté commune de l’ensemble des membres qui compose le syndicat.
775. Aussi, la circonstance que la CNSD ne se soit pas concertée avec le CNOCD, les CDOCD et la FSDL, ce qui ne lui est, au demeurant, pas reproché, est sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’un accord de volontés concernant les pratiques en cause.
776. Il résulte de ce qui précède que l’accord de volontés des membres du CNSD est établi.
b) S’agissant du caractère anticoncurrentiel des pratiques
777. Il est renvoyé aux paragraphes 616 à 626 de la présente décision concernant les principes applicables à l’appréciation de l’objet et des effets anticoncurrentiels des pratiques.
L’objet anticoncurrentiel des pratiques
778. La CNSD soutient qu’elle ne s’est jamais opposée aux réseaux de soins, qu’elle a toujours discuté avec l’ensemble des acteurs des réseaux et que l’ensemble des actions qui lui sont reprochées se sont inscrites dans le cadre de sa mission syndicale. Elle relève également qu’aucune des pratiques qui lui ont été notifiées n’a d’objet anticoncurrentiel.
779. Cependant, il ressort de l’instruction que les différentes actions de la CNSD ont toutes eu pour objectif d’entraver l’activité de certains réseaux de soins, tels que Santéclair.
780. En premier lieu, la CNSD a, par diverses actions de communication, appelé les praticiens à refuser ou à cesser toutes relations contractuelles avec de tels réseaux.
781. À cet égard, et comme l’indiquent les paragraphes 381 à 383 ci-dessus, la CNSD a lancé une campagne de mobilisation en 2014 par le biais d’un « manifeste des chirurgiens-dentistes », que chaque praticien était appelé à signer, rejetant notamment « toute adhésion et [invitant] à sortir des réseaux pratiquant la désinformation et le détournement systématique des patients, et le non respect de la charte signée par les complémentaires santé »667. Ce manifeste dénonçait, entre autres, « les calomnies, les mensonges et les détournements de patientèle de la part de plateformes financières bien connues, confortées par la bénédiction des pouvoirs publics (Loi Leroux relative aux « réseaux ») ». En le signant, chaque chirurgien dentiste signataire s’engageait à « rejeter toute adhésion et à sortir des "réseaux" pratiquant la désinformation et le détournement systématique des patients, et le non-respect de la charte signée par les complémentaires santé (…) » (Sic, soulignement ajouté).
782. Par ailleurs, dans un dossier dédié aux réseaux de soins668 publié dans le numéro 1668 du 25 juin 2015 de sa revue « Le Chirurgien-dentiste de France », la CNSD a critiqué à plusieurs reprises les réseaux dits « non négociés » et incité les chirurgiens-dentistes à ne pas « s’[en] approcher »669, ainsi qu’il ressort des paragraphes 384 à 386 ci-dessus.
783. Dans le même sens, par son communiqué de presse intitulé « Observatoire des réseaux de soins : un constat implacable » du 5 octobre 2016670 accompagné d’un document intitulé
« La loi Le Roux du 27 janvier 2014 – Un premier bilan après 30 mois d’application »671, la CNSD conclut « de manière indiscutable » à « une régression indiscutable des droits fondamentaux des patients et une dérive productiviste qui menace la qualité des actes réalisés dans ces réseaux ». Pour parvenir à cette conclusion, la CNSD procède par des assertions non vérifiables en prétendant s’être appuyée « sur les témoignages de milliers de chirurgiens-dentistes correspondants » puis, un peu plus loin, sur des « centaines de témoignages et de dossiers adressés à l'OBSERVATOIRE DES RESEAUX DE SOINS »,, sans toutefois que ces témoignages soient accessibles ou même que la CNSD les aient utilisés, par exemple, pour intenter une action en justice visant à obtenir qu’un juge se prononce sur la licéité des pratiques alléguées (paragraphes 395 et suivants des constatations).
784. Puis, dans un article publié le lendemain sur son site Internet et intitulé « RÉSEAUX DE SOINS = DÉTOURNEMENT DE PATIENTÈLE »672, lequel reprend en substance le contenu d’un entretien de la présidente de la CNSD avec un journaliste du magazine en ligne Egora.fr673, la CNSD a de nouveau vivement critiqué les réseaux. Par la même occasion, elle a invité les praticiens mais aussi les patients et les partenaires commerciaux potentiels de ces réseaux à s’en éloigner, ainsi que cela ressort du paragraphe 401.
785. En deuxième lieu, la CNSD a également mis en place une campagne de communication visant à dissuader les patients de s’orienter vers les praticiens recommandés par ces réseaux. En effet, comme le précisent les paragraphes 387 à 392, le dossier spécialement consacré aux réseaux de soins publié dans la revue « Le Chirurgien-dentiste de France » précitée lui permettait de présenter « un [prospectus] (…) à remettre en même temps que le devis à vos patients pour un complément d’information ». L’argumentaire présenté dans ce [prospectus] mettait en doute la qualité du « traitement moins cher » et dénonçait la marchandisation des soins : « les soins bucco dentaires ne sont pas des marchandises, mais des traitements médicaux ». Ce prospectus674 présenté commme un « document « anti-plateformes » très percutant »675, était destiné à faire échec au prétendu détournement de clientèle mis en œuvre par les réseaux de soins, en agissant directement sur les patients.
786. Enfin, la CNSD a également fait pression sur le groupe des ACM et sur ses partenaires potentiels pour lutter contre l’émergence d’un nouveau réseau de soins des ACM, comme l’indiquent les paragraphes 364 à 380 ci-dessus.
787. Ainsi, l’ensemble de ces pratiques ne s’inscrivent pas dans le cadre des missions syndicales de la CNSD mais démontrent sa volonté d’évincer les réseaux de soins du marché. C’est également ce qui ressort de la lettre aux Présidents n° 14/74 du 24 novembre 2014 qui précise notamment que « sans confrères adhérents, ces réseaux ne pourraient pas fonctionner ! »676 (sic).
788. Cette prise de position s’explique potentiellement par le contexte particulier dans lequel ces pratiques s’insèrent, marqué par l’entrée en vigueur de la loi Le Roux677. D’ailleurs, le manifeste de chirurgiens-dentistes indique expressément que les praticiens subiraient « les calomnies, les mensonges et les détournements de patientèle de la part de plateformes financières bien connues, confortées par la bénédiction des pouvoirs publics (Loi Leroux relative aux « réseaux ») »678 (sic et soulignement ajouté).
789. Il résulte de ce qui précède que les pratiques du CNSD ont un objet anticoncurrentiel, aucun des arguments invoqués par cet organisme n’étant de nature à remettre en cause cette analyse.
790. À ce titre, la double circonstance que la CNSD ne serait pas opposée à certains réseaux et encouragerait le développement de réseaux dits « négociés » et que les pratiques qui lui sont reprochées constitueraient une réponse aux mutliples témoignages de détournement de clientèle dont certains chirurgiens-dentistes ont prétendu être victimes est sans influence sur l’appréciation du caractère anticoncurrentiel de ces pratiques.
791. En effet, d’une part, la loi Le Roux679 admettant le plafonnement conventionnel des coûts des prestations des chirurgiens dentistes affiliés à un réseau de soins, la CNSD ne pouvait, sans méconnaître ce texte, mettre en œuvre les pratiques de boycott litigieuses contre les réseaux dits « non négociés ». D’autre part, comme cela a été indiqué aux paragraphes 474 et 489 ci-dessus et contrairement à ce que la CSND a notamment pu avancer dans la lettre aux présidents du 24 novembre 2014, les réseaux de soins assurantiels de type Santéclair ne pratiquent pas des « détournements systématiques de patients »680. Enfin, et en tout état de cause, il est de jurisprudence et de pratique décisionnelle constantes que des entreprises ne sont jamais fondées à se faire justice elles-mêmes et qu’elles « ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu’elles y ont été poussées par le comportement d’autres opérateurs économiques »681, ainsi que cela a été rappelé au paragraphe 622 ci-dessus.
792. Dès lors, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques litigieuses s’apparentent à un appel au boycott des réseaux de soins constitutif d’une infraction par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Les effets anticoncurrentiels des pratiques
793. La CNSD soutient qu’il n’est pas établi que des chirurgiens-dentistes auraient appliqué ses prétendues consignes anti-réseaux, si bien que l’effet anticoncurrentiel invoqué par les services d’instruction n’est pas démontré. Elle indique que ses adhérents n’ont pas été contraints de rompre toute relation avec les réseaux de soins. La CNSD précise ensuite que ses actions syndicales, qui s’inscrivent dans le cadre de ses missions, ont été menées indépendamment des pratiques des ordres professionnels et de la FSDL visées par le grief n° 1. Enfin, elle relève qu’en tout état de cause, les effets des pratiques qui lui sont reprochées ne peuvent être quantifiés avec précision.
794. Cependant, il résulte des développements qui précèdent que la CNSD a mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles d’éviction à l’encontre des réseaux de soins constitutives d’infractions par objet au sens de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que cela ressort des paragraphes 778 à 792 ci-dessus.
795. En vertu d’une jurisprudence constante, dès lors que l’objet anticoncurrentiel d’une pratique est démontré, il n’est pas nécessaire d’établir l’existence des effets qu’elle est à même d’engendrer682. Toutefois, en l’espèce, il convient de souligner que les pratiques en cause ont eu des répercussions sur les réseaux de soins et leurs entreprises partenaires, ainsi que cela a été constaté aux paragraphes 402 à 432 ci-dessus.
796. D’une part, et contrairement aux instances ordinales ou à la FSDL, la CNSD a directement incité les patients à se détourner des réseaux de soins, en proposant aux chirurgiens-dentistes qui les traitent de leur distribuer un prospectus683 remettant en cause la qualité des soins dispensés par les praticiens partenaires de ces réseaux et insistant sur le caractère mercantile de leur démarche.
797. S’il n’est pas possible de mesurer quantitativement l’impact de cette action sur le comportement des patients en l’absence de données disponibles, l’effet potentiel de cette pratique est en revanche établi.
798. En effet, comme le relevait le Conseil dans son avis précité n° 09-A-46 du 9 septembre 2009, la relation des chirurgiens-dentistes avec leurs patients est « marquée par un fort intuitu personae »684.
799. Ceci est confirmé par une étude de l’ordre national des chirurgiens-dentistes sur l’image qu’ont les Français des chirurgiens-dentistes. Les résultats de cette étude sont repris dans un article intitulé « Les Français et leur chirurgien-dentiste » ainsi rédigé :
« “La liberté de choisir mon chirurgien-dentiste, j’y tiens !” C’est, parmi toutes les propositions exposées aux sondés ayant rendu visite à un praticien depuis moins de deux ans, celle qui reçoit le plus d’adhésion : 94,6 %. (…)
Une exigence de liberté de choix qui fonde une relation équilibrée avec pour corollaire un sentiment de confiance et de sécurité exprimé par les patients, qui estiment que leur praticien met tout en œuvre pour les soigner au mieux et leur propose le traitement le plus adapté. (…)
L’image favorable exprimée par les patients est indéniablement liée à une relation forte praticien-patient, appuyée sur une compétence reconnue »685.
800. Cette relation de confiance spécifique a également été soulignée, dans un article, par le président de l’Union Dentaire686 qui en présente les conséquences : « D’une façon générale, les patients ne sont pas favorables à ce que les réseaux les orientent vers d’autres praticiens. En effet, les études universitaires montrent que les deux professions médicales auxquelles les patients sont les plus fidèles sont les gynécologues et les dentistes ».687
801. La fidélité des patients à leur chirurgien-dentiste est l’une des raisons qui expliquent que la proportion d’assurés qui a recours à un partenaire d’un réseau est sensiblement moins élevée dans les réseaux dentaires que dans les réseaux optiques.
802. L’administrateur du GIE Sévéane a indiqué à ce propos : « Chez les chirurgiens-dentistes, la plupart du temps, ce taux d’orientation est de l’ordre de 20 %. Ce taux est bien inférieur à celui constaté dans l’optique (entre 40 % et 70 % selon les types de contrats) (…) »688.
803. Le Président du directoire d’Itélis a quant à lui précisé que « le taux de recours s’établit à environ 45-50 % pour l’optique et 10 % pour le dentaire. (….)
Le fait que le chirurgien-dentiste appartienne à un réseau est rassurant pour le client (transparence…). Cependant, on change moins facilement de dentiste que d’opticien car c’est une relation médicale, de confiance »689.
804. Dans ce contexte particulier, toute action visant à discréditer les partenaires des réseaux de soins vient renforcer la réticence naturelle des patients à s’adresser à un autre praticien et à faire jouer la concurrence.
805. D’autre part, les autres actions de boycott mises en œuvre par la CNSD à l’encontre des réseaux de soins, cumulées avec les pratiques de la FSDL et des instances ordinales poursuivant le même objet, ont, par leur combinaison, renforcé leurs effets. La circonstance que les actions de la CNSD et de la FSDL n’ont pas revêtu la même forme demeure sans influence sur ce point, la diffusion de messages hostiles aux réseaux de soins de ces deux syndicats étant, même en l’absence de concertation entre eux, de nature à accentuer leurs effets respectifs.
806. D’ailleurs, parmi les courriers de résiliation consécutifs aux pratiques mises en œuvre par la CNSD, plusieurs font référence à des pressions ou consignes émanant des « syndicats » sans plus de précision690, ou encore « à l’insistance de ma profession et confrères »691.
807. Enfin, s’agissant du réseau dentaire des ACM, il a été établi au paragraphe 697 ci-dessus que, du fait des pressions subies, la date de sa création a été différée et la physionomie du réseau envisagé modifiée, le groupe GACD ayant pour sa part renoncé à tout partenariat avec un réseau. Ces effets résultent là encore de pratiques simultanées, émanant, d’une part, de la FSDL et se rattachant au grief n° 1, et, d’autre part, de la CNSD.
808. D’une façon générale, des effets potentiels des deux pratiques en cause se combinent dans la mesure où les incitations à résilier ou à refuser toute adhésion à un protocole, qui étaient spécifiquement recherchées par les auteurs des pratiques, ont nécessairement entravé les réseaux de soins dans leur démarche de prospection auprès des chirurgiens-dentistes. Santéclair indique ainsi avoir rencontré des difficultés pour reconstituer son réseau implantologie.
809. Du reste, l’Autorité relève que les pratiques sont susceptibles d’avoir accru la défiance des chirurgiens-dentistes vis à vis des réseaux de soins. À cet égard, il convient notamment de relever que M. Q..., responsable du service santé de la société ACM a indiqué : « Nous savions que de nombreux dentistes sont opposés aux réseaux de soins »692.
810. Il résulte de tout ce qui précède que les pratiques litigieuses ont eu pour effet anticoncurrentiel, à tout le moins potentiel, d’entraver, sur les marchés en cause, le développement des réseaux de soins en général, et de Santéclair en particulier, lequel, par le biais du libre jeu de la concurrence, a pour objectif de réduire les inégalités d’accès de soins en élargissant l’offre de soins à des conditions abordables. Ces pratiques méconnaissent donc à ce titre les dispositions de l’article 101 du TFUE et de l’article L. 420-1 du code de commerce.
c) S’agissant de la durée des pratiques
811. Les pratiques mises en œuvre par la CNSD ont débuté en novembre 2014, en réaction à l’annonce de la création du réseau des ACM et avec le lancement du « manifeste des chirurgiens-dentistes ». D’autres communications sont intervenues en 2015 puis en 2016. Divers documents, dont le prospectus à remettre aux patients, ont été « remis en ligne à la suite du reportage de l’émission Capital diffusée sur M6 dimanche 15 octobre 2017 »693.
812. Par ailleurs, aucun des documents, ni aucune des consignes diffusées par la CNSD n’a fait l’objet d’une quelconque remise en cause, ce qui atteste de la persistance de la volonté anticoncurrentielle de la CNSD. Au contraire, le communiqué de presse intitulé
« Observatoire des réseaux de soins » du 5 octobre 2016694 était toujours en ligne sur le site Internet de la CNSD à la date de la notification de griefs695.
813. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la CNSD, les pratiques litigieuses, qui présentent un caractère continu, ont débuté au mois de novembre 2014 pour s’achever le 18 décembre 2018.
F. SUR L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES
814. Il ressort d’une jurisprudence constante que les griefs doivent être notifiés à une personne juridique pouvant être tenue responsable de l’infraction au droit de la concurrence696.
815. En l’espèce, l’article L. 4125-1 du CSP dispose que « Tous les conseils de l’ordre sont dotés de la personnalité civile ». Dans ces conditions, les pratiques du CNOCD et des CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin doivent être imputées à chacun de ces conseils de l’ordre en fonction de leur participation respective à l’infraction unique, complexe et continue constitutive du grief n° 1.
816. Par ailleurs, l’article L. 2132-1 du code du travail prévoit que « Les syndicats professionnels jouissent de la personnalité civile », de sorte que la FSDL et la CNSD (devenue « CDF »), organisations syndicales reconnues représentatives au sens de l’article L. 162-33 du code de la sécurité sociale et de l’article L. 2151-1 du code du travail, disposent de la personnalité juridique. Dans ces conditions, les pratiques de la FSDL doivent lui être imputées en fonction de sa participation à l’infraction unique, complexe et continue constitutive du grief n° 1. Par ailleurs, la CNSD, devenue CDF, doit se voir imputer les pratiques mentionnées au grief n° 2.
G. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
1. EN CE QUI CONCERNE LA METHODE APPLICABLE DE DETERMINATION DES SANCTIONS
a) Les principes applicables
817. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
818. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce « si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d’euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
819. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que
« les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
820. L’Autorité apprécie, en principe, les critères légaux rappelés ci-avant selon les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après : « communiqué sanctions »), « sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné » (paragraphe 7 du communiqué sanctions).
821. S’agissant des organismes professionnels qui se bornent à représenter les intérêts de leurs membres actifs sur le ou les marchés concernés et qui ne disposent pas, dès lors, d’un chiffre d’affaires ou d’une valeur des ventes en relation avec le produit ou le service concerné par les pratiques, l’Autorité a déjà considéré que « sa sanction pécuniaire doit être déterminée selon des modalités propres au cas d’espèce »697.
b) L’appréciation au cas d’espèce
822. Le CNOCD et les CDOCD de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin d’une part, en tant qu’instances ordinales et la FSDL et la CNSD d’autre part, en tant que syndicats, ne réalisent aucun chiffre d’affaires correspondant à des prestations de services relevant de la pratique de l’art dentaire.
823. En conséquence, l’Autorité déterminera le montant des sanctions pécuniaires applicables dans la présente affaire selon un mode de fixation forfaitaire prenant en compte les circonstances propres au cas d’espèce, conformément au paragraphe 7 du communiqué sanctions. À cet égard, elle tiendra notamment compte des ressources propres de chacun des organismes en cause et de la circonstance qu’ils ont la possibilité, au-delà de leurs ressources immédiatement disponibles, de faire appel à leurs membres pour lever les fonds nécessaires au paiement de leur sanction pécuniaire698.
2. EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF N° 1
824. Les éléments exposés aux paragraphes 767 et suivants de la présente décision montrent que contrairement au CNOCD, au CDOCD de l’Isère et à la FSDL, qui sont tenus responsables de l’ensemble des pratiques composant l’infraction unique, complexe et continue, à l’exception des pratiques de février 2013, dans lesquelles seul le CNOCD est impliqué, les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ne sont tenus pour responsable que des pratiques qu’ils ont respectivement mises en œuvre.
825. Conformément à la jurisprudence de la cour d’appel de Paris, « l’Autorité peut procéder à une appréciation globale de l’importance du dommage à l’économie, comme de la gravité des pratiques, dès lors qu’elle tient compte, de manière individualisée, de la situation de chaque entreprise [ou de chaque organisme] et de sa contribution personnelle aux pratiques »699.
826. Aussi, et dans la lignée de sa pratique décisionnelle700, l’Autorité procèdera, dans un premier temps, à l’appréciation globale de la gravité des faits et du dommage causé à l’économie par l’entente unique. Dans un second temps, elle prendra en considération les éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chacun des organismes. À ce stade, elle prendra en compte, le cas échéant, du fait qu’un organisme peut ne pas être tenu responsable de l’intégralité des pratiques constitutives de l’entente unique, en vertu de la jurisprudence rappelée plus haut.
a) S’agissant de la gravité des faits
Arguments des parties
827. Les CDOCD, qui se réfèrent au communiqué sanctions, soutiennent que les pratiques litigieuses ne sont pas intrinséquement graves. Comme le CNOCD, ils relèvent qu’elles visaient à assurer le respect des règles déontologiques. Les CDOCD ajoutent que le fait que ces pratiques concernent le secteur de la santé n’a pas d’incidence sur l’appréciation de leur gravité, d’autant qu’elles n’ont pas porté sur le prix des soins dentaires. Ils estiment également que l’attachement des patients à leur soignant est de nature à relativiser l’impact des pratiques et qu’en tout état de cause, ils ont toujours défendu le principe du libre choix du praticien. Les CDOCD précisent enfin que les pratiques en cause ne présentent aucun degré de sophistication particulier.
Appréciation au cas d’espèce
828. Afin d’apprécier la gravité de la pratique en cause, il convient d’examiner successivement la nature de l’infraction, ses conditions de mise en oeuvre et les circonstances qui lui sont propres701.
829. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le Conseil, puis l’Autorité considèrent, de façon constante, que des pratiques intervenant « dans le secteur de la santé publique, dans lequel la concurrence est déjà réduite en raison de l’existence d’une réglementation destinée à assurer le meilleur service de santé pour la population tout en préservant les équilibres budgétaires du système d’assurance maladie » sont, de manière générale, particulièrement graves702.
830. En l’espèce, les pratiques constitutives de l’infraction unique, complexe et continue litigieuse visaient à empêcher des opérateurs économiques – les réseaux de soins mais aussi leurs partenaires, d’exercer librement leur activité sur le marché. La gravité particulière de ces pratiques de boycott est reconnue tant par la pratique décisionnelle703 que par la jurisprudence704. Aussi, la circonstance, avancée par les CDOCD en cause, que les pratiques litigieuses ne portaient pas directement sur la fixation des tarifs des soins dentaires demeure sans incidence sur ce point.
831. Les pratiques litigieuses ont pris des formes multiples et complémentaires.
832. Elles se sont, à titre principal, traduites par la mise en œuvre d’une campagne de plaintes. Par ce biais, les auteurs cherchaient à lutter contre les réseaux de soins en encourageant les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre leurs confrères partenaires de ces réseaux devant les CDOCD, tout en échappant aux règles de concurrence et à la compétence de l’Autorité705. Concrètement, chaque plainte devait conduire le président du conseil départemental concerné à faire pression sur le praticien mis en cause au cours de la procédure pré-contentieuse prévue à l’article L. 4123-2 du CSP dans le but que celui-ci résilie son contrat avec un réseau. Ce détournement de la procédure de conciliation ordinale prévue par le législateur renforce encore davantage la gravité de cette pratique.
833. Les pratiques en cause ont, par ailleurs, consisté en des communications professionnelles individuelles ou collectives diverses, laissant entendre aux chirurgiens-dentistes que l’adhésion à des réseaux de soins était illégale. Ces actions ont participé du fonctionnement effectif de la campagne de plaintes. Les partenaires commerciaux des réseaux ont, quant à eux, fait l’objet de pressions (V. les paragraphes 638 et suivants ci-dessus).
834. Ces pratiques sont d’autant plus graves qu’elles émanent d’instances qui ont utilisé l’autorité morale attachée à l’ordre professionnel qu’elles représentent pour inciter leurs membres à évincer effectivement des prestataires de services706 et d’un syndicat professionnel qui, du fait de ses missions d’information et de conseil, exerce un rôle particulier en matière de respect de la légalité et de diffusion du droit applicable707.
835. La gravité de l’infraction est encore renforcée par la nature des personnes affectées ou susceptibles d’être affectées, en l’occurrence, les patients, qui ont été privés de la possibilité d’avoir accès à des praticiens membres du réseau Santéclair ou des autres réseaux visés par les pratiques. Or, la constitution de réseaux de soins vise à faciliter l’accès aux soins, notamment en réduisant le montant des dépenses restant à la charge des patients708. Cet objectif est d’autant plus crucial, s’agissant des soins dentaires, que ceux-ci sont parmi les plus à même de susciter des comportements de renoncement aux soins pour des raisons financières, comme l’indique le paragraphe 33 ci-dessus.
836. Enfin, la gravité des pratiques en cause ressort du fait que l’ensemble de leurs auteurs étaient déjà sensibilisés aux risques qu’ils encouraient en cas de boycott des réseaux de soins. En effet, le Conseil avait déjà eu l’occasion de sanctionner ce type de pratiques mises en œuvre par plusieurs instances ordinales, dont le CNOCD et le CDOCD du Bas-Rhin, par la décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 précitée, relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé.
837. Les instances ordinales et syndicales mises en cause en ont nécessairement eu connaissance puisqu’un résumé de cette décision a été publié dans les revues « La Lettre de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes » (envoyée à tous les chirurgiens-dentistes709), « Le Chirurgien-dentiste de France » (revue éditée par la CNSD710) et « Information dentaire ». D’ailleurs, dans un courriel, le président de la FSDL à La Réunion a indiqué : « Je suis en train de lire le jugement prononcé par le conseil de la concurrence, il en ressort les éléments suivants : (…) le conseil de la concurrence n'a aucun droit de regard sur la déontologie qui est du ressort entier de l'ordre et de la justice administrative. Donc Santéclair ne peut rien contre des actions ordinales initiées contre des confrères signataires(…) »
« Un détail assez intéressant : les amendes du conseil de la concurrence sont proportionnées aux ressources des parties.
Ressources CNO 2007 : 7 620 888. amende : 76 000 euros soit 1% de leurs ressources annuelles.
Quant aux condamnations des CDO, c'est du pipi de chat, entre 300 et 600 euros! »711.
838. L’organisation de la campagne de plaintes visait, précisément, à agir contre Santéclair, non pas directement, mais par l’intermédiaire des praticiens adhérents à ce réseau, pour éviter le risque d’être sanctionné par les autorités de concurrence.
839. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques composant l’infraction unique, complexe et continue litigieuse qui a été mise en œuvre entre le 7 février 2013 et le 18 décembre 2018, soit pendant une période relativement longue, revêtent une particulière gravité.
b) S’agissant du dommage à l’économie
Arguments des parties
840. Le CNOCD soutient que les pratiques en cause n’ont eu aucun impact sur la qualité des soins et des conséquences insignifiantes sur le fonctionnement global des réseaux et sur les prix. Les CDOCD estiment quant à eux que l’existence du dommage à l’économie n’est pas établie. À cet égard, ils précisent que le faible développement des réseaux de soins n’est pas lié aux pratiques en cause, que les pratiques n’ont eu aucun impact et que leur ampleur est, en tout état de cause, limitée. Enfin, la FSDL soutient que les pratiques n’ont eu aucun effet sur les réseaux Santéclair, Kalivia, Itélis et ACM ni sur les sociétés GACD, Euroteknika et Lyra.
Appréciation au cas d’espèce
841. Afin d’apprécier le dommage causé à l’économie par cette pratique, seront abordées ci-après l’ampleur de l’infraction en cause, les caractéristiques économiques des activités concernées et les conséquences conjoncturelles de la pratique.
L’ampleur des pratiques
842. Les pratiques ont, notamment, été élaborées et mises en œuvre par des instances professionnelles à compétence nationale : le CNOCD et une fédération de syndicats712. En effet, le CNOCD rassemble toutes les personnes habilitées à exercer la profession de chirurgien-dentiste713, tandis que la FSDL est l’une des deux principales organisations syndicales de la profession dentaire. À la fin de l’année 2017, elle comptabilisait 2 352 adhérents, ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 86 ci-dessus. Ainsi, les pratiques composant l’infraction unique, complexe et continue ont couvert l’ensemble du territoire national714, contrairement à ce que soutient le CNOCD.
843. En outre, comme relevé aux paragraphes 736 à 741 ci-dessus, elles ont débuté le 7 février 2013 pour s’achever près de cinq ans plus tard, le 18 décembre 2018.
844. À cet égard, l’Autorité relève que la circonstance que les pratiques mises en œuvre par les CDOCD auraient uniquement affecté le département dans lequel ils exercent respectivement pendant une durée limitée, demeure sans incidence pour déterminer le dommage à l’économie, qui s’apprécie de façon globale pour l’infraction en cause, c’est-à-dire au regard de l’action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu’il soit besoin d’identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément à ce stade715.
Les caractéristiques économiques des activités concernées
845. Les pratiques reprochées ont été mises en œuvre dans un secteur où, contrairement à celui de l’optique par exemple, les réseaux de soins sont encore relativement peu développés716. L’enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques auprès des organismes complémentaires santé confirme le faible développement des réseaux dentaires. Ainsi, en 2014, seuls 42 % des assurés y avaient potentiellement accès717. Les réseaux dédiés à l’implantologie regroupent également un nombre limité de professionnels. Sur 2 000 praticiens exerçant l’implantologie, le réseau de soins Santéclair disposait seulement de 50 chirurgiens-dentistes partenaires Santéclair718.
846. Le faible développement des réseaux dentaires peut certes s’expliquer en partie par la relation particulière qu’entretiennent patients et dentistes, laquelle rend le taux de recours aux praticiens du réseau plus limité que pour d’autres domaines de santé (de l’ordre de 15 à 30 % selon Santéclair719).
847. Mais les pratiques en cause ont pu contribuer à freiner la croissance des réseaux de soins, déjà peu développés dans le secteur de la chirurgie dentaire. Ce point est examiné ci-dessous.
Les conséquences conjoncturelles des pratiques
848. Comme indiqué aux paragraphes 692 et suivants ci-dessus, les pratiques en cause ont conduit au moins 48 chirurgiens-dentistes à quitter les réseaux Santéclair et Itélis. Si, dans certains cas, ces résiliations trouvent uniquement leur cause dans ces pratiques, dans d’autres, elles peuvent s’expliquer par l’action combinée de ces pratiques et de celles de la CNSD, visées dans le grief n° 2, qui, mises en œuvre à compter de 2014, poursuivaient le même objectif d’éviction. La circonstance, avancée par la FSDL, que ces courriers ne fassent état d’aucune pression ou violence dont les praticiens partenaires des réseaux auraient fait l’objet demeure sans incidence sur cette constatation. De même, l’évolution, soulevée par le CNOCD, du nombre d’adhésion aux réseaux de soins toutes spécialités confondues demeure également sans incidence sur ce point.
849. Il reste cependant qu’en dehors du réseau Santéclair dédié à l’implantologie, peu développé mais pour lequel cette société a déclaré avoir perdu près d’un tiers de ses praticiens partenaires720, le nombre de résiliations effectivement constaté demeure faible eu égard au nombre de praticiens adhérents aux réseaux Santéclair et Itélis, évalué à 2 700 pour le premier et 2 430 pour le second par l’IGAS, dans son rapport de juin 2017.
850. Par ailleurs, comme les pratiques ont entraîné des résiliations d’affiliés, quoique dans une proportion limitée, elles ont également pu avoir pour effet de décourager les praticiens encore non affiliés de conclure un partenariat avec un réseau de soins. Ainsi, les pratiques ont pu dissuader certains praticiens non encore affiliés à un réseau à conclure un partenariat de ce type.
851. En outre, et contrairement à ce que soutient le CNOCD, ces pratiques ont également conduit les ACM à différer la date de création de leur futur réseau de soins dédié à l’implantologie721 et à en modifier la configuration. Ainsi, comme l’a indiqué le responsable du service santé des ACM, « Après la polémique [suscitée par la création du réseau centré sur l’implantologie], nous avons réfléchi à la façon de poursuivre le projet. Nous savions que de nombreux dentistes sont opposés aux réseaux de soins mais nous respectons les critères de la loi Leroux donc nous n’avons pas souhaité renoncer à notre projet. Par ailleurs, 90 % de la concurrence proposent des réseaux dentaires. Il nous était donc indispensable d’en proposer un à nos clients.
Les réactions des dentistes auprès des CMPS ont fait apparaître que le tarif envisagé pour l’implantologie était trop clivant, trop polémique. Nous avons donc réorienté le projet sur la prothèse (prothèse full céramique), et non plus sur l’implant mais la philosophie générale est restée la même »722 (sic).
852. Or, les réseaux de soins participent de l’animation concurrentielle sur le marché des services relevant de l’art dentaire, laquelle est tempérée par l’existence d’un intuitu personae fort qui guide le choix des patients. Aussi, en faisant obstacle à la création de ces réseaux et à leur fonctionnement, les pratiques ont limité le développement de la concurrence sur ce marché, au détriment des consommateurs.
853. Au-delà des réseaux de soins, certains fournisseurs des chirurgiens-dentistes ont également été victimes des pratiques en cause, qu’il s’agisse de l’association Génération implant ou des sociétés Dentaurum, GACD, Euroteknika et Lyra, comme mentionné aux paragraphes 408 à 432 des constatations.
854. Enfin, les pratiques en cause ont aussi pu avoir des répercussions sur les tarifs des prestations de soins dentaires, cet effet étant cependant à nouveau limité par la faible proportion de résiliations enregistrée du fait des pratiques. À ce titre, il convient de relever que les organismes complémentaires prennent en charge une part importante des dépenses dentaires723. Les réseaux de soins constituent donc un levier pour diminuer les prix des prestations de soins dentaires.
855. Selon Santéclair, cette réduction des prix serait de l’ordre de 15 % pour l’omnipratique et de 40 % pour l’implantologie. L’IGAS fournit quant à elle les statistiques reproduites dans les tableaux ci-après724. Il en ressort que les prix pratiqués peuvent représenter des différentiels importants atteignant jusqu’à 30 %, les écarts demeurant cependant très variables, ainsi que l’a relevé le CNOCD.
856. Il résulte de ce qui précède que le dommage à l’économie est certain mais limité.
c) S’agissant de la situation individuelle des organismes en cause
Le CNOCD
857. Le montant des cotisations perçues par le CNOCD s’élevait à 9 701 833 euros pour 2017725.
858. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 744 à 752 ci-dessus, le CNOCD est, contrairement à ce qu’il soutient, responsable de l’ensemble des pratiques qui composent l’infraction unique, complexe et continue litigieuse, pour la période du 7 février 2013 au 18 décembre 2018.
859. Il ressort plus particulièrement de l’instruction qu’il a conçu et mis en œuvre la campagne de plaintes dirigées contre Santéclair en étroite collaboration avec la FSDL et le CDOCD de l’Isère, assurant notamment un rôle de soutien juridique, comme cela ressort notamment du paragraphe 593 ci-dessus. En outre, en sa qualité d’instance ordinale nationale, il a laissé entendre aux CDOCD que les réseaux de soins méconnaissaient les règles déontologiques en leur diffusant la circulaire « protocoles »726 du 7 novembre 2013 et un diaporama intitulé « Réseaux et Loi Leroux »727 (sic). D’ailleurs, les pratiques du CDCOD des Bouches-du- Rhône découlent de la prise de position que le CNOCD a transmise à ce conseil départemental le 7 février 2013728. Quant aux autres pratiques des différents CDOCD en cause, elles ont été mise en œuvre après la diffusion de la circulaire « protocoles » précitée, destinée à orienter les conseils départementaux lors de l’examen de la conformité au code de déontologie des contrats signés entre les chirurgiens-dentistes et des réseaux de soins.
860. Le CNOCD a donc joué un rôle prépondérant dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue litigieuse qu’il convient de prendre en compte, en tant que circonstance aggravante.
Le CDOCD de l’Isère
861. Le montant des cotisations perçues par le CDOCD de l’Isère pour 2017 s’élevaient à 169 741 euros729.
862. Comme rappelé aux paragraphes 760 à 766 ci-dessus, le CDOCD de l’Isère est responsable de l’ensemble des pratiques qui composent l’infraction unique, complexe et continue litigieuse pour la période du 8 octobre 2013 au 18 décembre 2018.
863. Il ressort par ailleurs de l’instruction que ce conseil départemental a joué un rôle prépondérant dans la mise en œuvre et la conception de la campagne de plaintes dirigées contre Santéclair en étroite collaboration avec la FSDL et le CNOCD. Il a notamment contribué à son bon fonctionnement en instrumentalisant la procédure de conciliation prévue par le CSP pour contraindre des chirurgiens-dentistes de son ressort à résilier leurs contrats de partenariat avec Santéclair, ainsi que précisé au paragraphe 631 ci-dessus. Dans le même sens, pour assurer un fonctionnement effectif de la campagne de plaintes, le président du CDOCD de l’Isère a expliqué à ses homologues des conseils départementaux du Rhône et de l’Indre la manière dont il convenait de traiter les plaintes concernant des praticiens adhérents à Santéclair (paragraphes 311 et suivants ci-dessus).
864. Ce rôle prépondérant dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue litigieuse sera pris en compte, en tant que circonstance aggravante.
865. Enfin, les éléments communiqués conduisent l’Autorité à considérer que le CDOCD de l’Isère n’atteste pas de difficultés financières particulières l’empéchant de s’acquitter de la sanction prononcée à son encontre.
La FSDL
866. Le montant des cotisations perçues par la FSDL pour 2017 s’élevait à 639 496 euros730. 867. Comme mentionné aux paragraphes 753 à 759 ci-dessus, la FSDL est responsable de l’ensemble des pratiques qui composent l’infraction unique, complexe et continue litigieuse pour la période du 8 octobre 2013 au 18 décembre 2018.
868. De plus, il ressort de l’instruction que la FSDL a joué un rôle particulier dans la mise en œuvre et la conception de la campagne de plaintes dirigée contre Santéclair, en étroite collaboration avec le CNOCD et le CDOCD de l’Isère. Elle a plus particulièrement contribué au lancement de la campagne de plaintes et à son fonctionnement effectif au moyen d’une communication agressive et soutenue contre les réseaux de soins et plus particulièrement Santéclair, ainsi que cela ressort des paragraphes 201 à 258 des constatations.
869. La FSDL a donc joué un rôle fondamental dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue litigieuse qu’il convient de prendre en compte, en tant que circonstance aggravante.
870. Par ailleurs, la FSDL n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’avait pas l’intention d’enfreindre les règles de concurrence alors qu’elle a, au contraire, cherché à dissimuler certaines de ses actions pour échapper à toute sanction, comme en témoignent notamment les paragraphes 168, 212 et 233 et suivants ci-dessus. Elle n’est pas plus fondée à soutenir que les pratiques auxquelles elle a pris part visaient à répondre aux différentes plaintes reçues de ses adhérents, pour minimiser la gravité de son comportement, alors qu’il lui appartenait, en tant que syndicat, de veiller scrupuleusement au respect de la légalité et de ne pas s’engager dans des pratiques de boycott. Ainsi, aucun de ces deux éléments ne peut, en tout état de cause, être retenu au titre des circonstances atténuantes.
871. Enfin, si la FSDL a, par un courrier adressé à l’Autorité le 15 avril 2020, indiqué que la crise sanitaire liée au Covid-19 l’empêcherait de « lever des fonds auprès de ses membres exsangues », elle n’apporte aucun commencement de preuve au soutien de ses allégations. Elle ne justifie donc pas de son incapacité à s’acquitter de la sanction pécuniaire qui lui est infligée.
Les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
872. Le montant des cotisations perçues respectivement par les CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas Rhin pour 2017 s’élevaient à 393 643 euros, 48 453 euros, 108 261 euros et 229 625 euros731.
873. La participation des CDOCD des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin à l’infraction unique, complexe et continue litigieuse est uniquement établie pour les pratiques qu’ils ont respectivement mises en œuvre et pour des durées qui leur sont propres (paragraphes 767 à 770). Ils ne seront donc sanctionnés qu’au titre de ces pratiques.
874. Celles-ci ont seulement consisté en des actions de communication, par le biais de circulaires notamment, et, de manière plus sporadique, par l’envoi de courriers individuels s’agissant des CDOCD des Bouches-du-Rhône et de Dordogne. Cette participation moindre à l’infraction unique, complexe et continue est de nature à minorer le montant des sanctions infligées à ces conseils départementaux.
875. Enfin, aucune circonstance aggravante ni aucune autre circonstance atténuante ne saurait être retenue à l’encontre de ces CDOCD.
d) S’agissant de la réitération
876. La Cour de cassation considère que « la circonstance aggravante fondée sur la réitération de pratiques anticoncurrentielles peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction, sans que cette qualification n'exige une identité quant à la pratique mise en oeuvre ou quant au marché concerné »732.
Le CNOCD
877. En l’espèce, le CNOCD a été sanctionné à deux reprises par le Conseil, respectivement huit ans et quatre ans avant le début de l’infraction unique, complexe et continue litigieuse, pour des pratiques d’éviction similaires.
878. En effet, par la décision n° 05-D-43 du 20 juillet 2005733, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes avait, sortant là encore de sa mission de service public, mis en oeuvre des pratiques visant, par la diffusion d’une interprétation erronée des dispositions applicables à la profession, à empêcher une entreprise d’avoir accès au marché des prothèses dentaires amovibles. Ce constat a été confirmé par la cour d’appel de Paris par un arrêt du 7 mars 2006, qui a fait l’objet d’un pourvoi rejeté par la Cour de cassation le 20 février 2007. La circonstance, avancée par le CNOCD, que la décision du Conseil du 20 juillet 2005 visait uniquement des pratiques concernant une seule entreprise et un seul département ne fait pas obstacle à ce que celle-ci soit retenue contre lui comme premier terme de la réitération, dès lors qu’elle concerne des pratiques de nature similaire, par leur objet et leurs effets, à celles identifiées au cas d’espèce.
879. Par ailleurs, par la décision n° 09-D-07 du 12 février 2009734, le Conseil national et le CDOCD du Bas-Rhin ont été sanctionnés pour avoir exercé des pressions sur les chirurgiens- dentistes afin qu’ils cessent leurs relations ou n’entrent pas en relation avec Santéclair, ni avec d’autres entreprises intervenant dans le cadre de l’assurance santé complémentaire, ainsi que cela a été expliqué aux paragraphes 96 à 101 ci-dessus. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris par un arrêt du 19 janvier 2010, lequel a fait l’objet d’un pourvoi, rejeté par la Cour de cassation le 7 juin 2011. Les pratiques sanctionnées sont également similaires, par leur objet et leurs effets, à celles identifiées dans la présente espèce.
880. Dans ces conditions, il convient de prendre en compte le fait que le CNOCD se trouvait en situation de double réitération au 7 février 2013, date du commencement de l’infraction litigieuse.
Le CDOCD du Bas-Rhin
881. Le CDOCD du Bas-Rhin ayant déjà été sanctionné pour des pratiques similaires aux pratiques anticoncurrentielles litigieuses, ainsi que mentionné au paragraphe 879, il se trouvait en situation de réitération au 21 juin 2014, date du commencement des pratiques qui lui sont imputables.
e) Le montant des sanctions
882. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’Autorité inflige une sanction pécuniaire de 3 000 000 euros au CNOCD, 57 000 euros au CDOCD de l’Isère, 23 000 euros au CDOCD des Bouches-du-Rhône, 4 000 euros au CDOCD de Dordogne, 11 000 au CDOCD du Haut-Rhin, 22 000 euros au CDOCD du Bas-Rhin et 216 000 euros à la FSDL.
883. Les contrevenants précités n’étant pas des entreprises, le plafond légal fixé par l’article L. 464-2 du code de commerce est de 3 millions d’euros, ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 818 ci-dessus. Aucune des sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité au titre du grief n° 1 n’excède ce plafond.
3. EN CE QUI CONCERNE LE GRIEF N° 2
a) S’agissant de la gravité des faits
884. Comme rappelé aux paragraphes 778 à 792, la CNSD, devenue les CDF, a cherché à entraver l’activité des réseaux de soins au moyen de diverses actions. À cet égard, elle a invité les praticiens à cesser toute collaboration avec ces réseaux, a communiqué, via les chirurgiens- dentistes, auprès des patients pour qu’ils ne se tournent pas vers des praticiens affiliés à ces réseaux et a exercé des pressions sur les partenaires commerciaux potentiels du réseau des ACM, alors en cours d’élaboration.
885. Ces pratiques de boycott, qui ont été mises en œuvre par une instance syndicale, sont particulièrement graves, ainsi que cela a été indiqué aux paragraphes 829 et 830, 834, et 835 à 837.
b) S’agissant du dommage à l’économie
886. Les pratiques ont été mises en œuvre par une instance professionnelle à compétence nationale. En effet, la CNSD, devenue les CDF, est une des deux principales organisations syndicales de la profession dentaire, qui revendique avoir entre 12 000 et 13 000 adhérents, soit environ un tiers des chirurgiens-dentistes libéraux (paragraphe 92 ci-dessus).
887. Elles ont débuté en novembre 2014 pour s’achever plus de quatre ans plus tard, le 18 décembre 2018 (paragraphes 811 à 813 ci-dessus).
888. Ces pratiques ont, en incitant les patients à ne pas se tourner vers un soignant partenaire d’un réseau de soins, contribué à freiner la croissance des réseaux déjà relativement peu développés dans le secteur de la chirurgie dentaire, comme le soulignent les paragraphes 845 à 847 ci-dessus.
889. Par ailleurs, il est établi que ces pratiques, combinées à celles mises en œuvre par les instances ordinales et la FSDL, ont conduit plusieurs chirurgiens-dentistes à rompre leur contrat de partenariat avec les réseaux Santéclair ou Itélis. C’est ce qui résulte en particulier des considérations figurant aux paragraphes 805 et 806 et des tableaux sous les paragraphes 403 et 406 ci-dessus. Ces résiliations ont également pu avoir pour effet de décourager les praticiens encore non affiliés de conclure un partenariat avec un réseau de soins, ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 850.
890. Pour autant, l’effet des pratiques doit être relativisé, le nombre de résiliations constatées demeurant relativement faible eu égard au nombre de praticiens adhérents aux réseaux Santéclair et Itélis (V. paragraphe 849 ci-dessus).
891. Le cumul de ces pratiques et de celles visées au grief n° 1 a également fait obstacle à l’émergence de nouveaux services, comme l’illustre le cas du réseau dentaire des ACM qui, du fait des pressions subies, a renoncé à son projet initial de proposer un tarif attractif en matière d’implantologie, ainsi que le rappellent les paragraphes 697 et 807 ci-dessus.
892. En outre, et comme indiqué aux paragraphes 854 et 855, les pratiques ont pu avoir des répercussions sur les tarifs des prestations des soins dentaires.
893. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le dommage à l’économie est certain mais limité.
c) S’agissant de la situation de la CNSD
894. Le montant des cotisations perçues par la CNSD, devenue les CDF, pour 2017, s’élevait à 2 698 613 euros735.
895. Concernant l’individualisation de la sanction de la CNSD, devenue les CDF, les éléments du dossier ne conduisent pas à retenir de circonstances atténuantes ou aggravantes à son égard.
d) Le montant de la sanction
896. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’Autorité inflige une sanction pécuniaire de 680 000 euros à la CNSD, devenue les CDF. Cette entité n’étant pas une entreprise, le plafond légal fixé par l’article L. 464-2 du code de commerce est de 3 millions d’euros, ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 818 ci-dessus. La sanction infligée n’excède pas ce plafond.
H. SUR LES SANCTIONS NON-PECUNIAIRES
897. Aux termes du cinquième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « l’Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée ».
898. Afin d’informer les chirurgiens-dentistes et les consommateurs du caractère prohibé des pratiques sanctionnées dans la présente affaire, il y a lieu d’ordonner la publication dans « La lettre de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes » et les revues le « Libéral Dentaire et Le Chirurgien-Dentiste de France », respectivement éditées par la FSDL et la CNSD, devenue les CDF et, à frais partagés des organismes sanctionnés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans les éditions papier et sur le site Internet des journaux « Le Figaro » et « Les Échos », du résumé de la présente décision figurant ci-après.
« L’Autorité de la concurrence a sanctionné des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes du 7 février 2013 au 18 décembre 2018, le conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère, et la FSDL du 8 octobre 2013 au 18 décembre 2018, et, enfin, les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pour des périodes plus courtes d’une part, et par la CNSD devenue les CDF de novembre 2014 au 18 décembre 2018 d’autre part. Ces pratiques visaient à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires.
Les pratiques du Conseil national de l’ordre, des conseils départementaux des Bouches-du- Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la FSDL
Ces pratiques ont consisté en la mise en place d’une campagne de plaintes par le Conseil national, le conseil départemental isérois et la FSDL, destinée à encourager les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre leurs confrères adhérents au réseau Santéclair, dans le seul but de les conduire à résilier leurs affiliations à Santéclair.
Ces trois organismes ont également, et individuellement, mis en œuvre diverses actions complémentaires visant à soutenir cette action concertée contre Santéclair et, plus généralement, à entraver l’activité de l’ensemble des réseaux de soins dentaires. À cet égard, le conseil national a notamment adressé aux conseils départementaux une circulaire
« protocoles » datée du 7 novembre 2013 leur laissant entendre que ces réseaux méconnaissaient le code de déontologie. En ce qui les concerne, le conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère et la FSDL ont, par le biais de diverses communications professionnelles, encouragé les praticiens à se détourner des réseaux de soins. Les actions de la FSDL ont plus particulièrement visé les réseaux de Santéclair, Kalivia et Itélis, mais également le réseau des assurances du Crédit Mutuel, alors en cours de constitution, ainsi que l’un de ses partenaires commerciaux, la société GACD.
Quant aux conseils départementaux des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ils ont, par diverses communications professionnelles, également déconseillé à leurs ressortissants d’entrer ou de demeurer en relation contractuelle avec des réseaux, au risque de méconnaître le code de déontologie. Certaines de leurs actions de communication étaient d’autant plus dissuasives qu’elles précisaient que de tels manquements aux règles déontologiques étaient passibles de sanctions disciplinaires.
Les pratiques de la CNSD
La CNSD a, par diverses actions de communication, appelé les praticiens à refuser ou à cesser toutes relations contractuelles avec de tels réseaux. Elle a également mis en place une campagne de communication visant à dissuader les patients de s’orienter vers les praticiens recommandés par ces réseaux et fait pression sur le groupe des assurances du Crédit Mutuel et sur ses partenaires potentiels pour lutter contre l’émergence d’un nouveau réseau de soins.
Le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques et leur sanction
L’ensemble de ces pratiques s’analyse comme des actions de boycott dirigées contre les réseaux de soins et destinées à entraver leur fonctionnement.
Elles constituent, par leur objet même, des infractions au droit de la concurrence au sens des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.
Bien qu’elle n’y soit pas tenue, l’Autorité de la concurrence a relevé que ces pratiques infractionnelles avaient également eu des effets anticoncurrentiels puisqu’elles ont notamment conduit plusieurs chirurgiens-dentistes à résilier leur contrat d’adhésion aux réseaux Santéclair et Itélis.
Elle a souligné que ces pratiques étaient d’autant plus graves qu’elles ont été mises en œuvre par des instances ordinales, qui disposent d’une autorité morale importante, et des syndicats professionnels, investis d’une responsabilité particulière en matière de respect de la légalité et de diffusion du droit applicable.
Après avoir pris en compte le fait que le Conseil national de l’ordre et le conseil départemental de l’ordre du Bas-Rhin avaient déjà été sanctionnés pour des pratiques similaires par la décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé du Conseil de la concurrence, l’Autorité de la concurrence a décidé d’infliger les sanctions pécuniaires suivantes :
- 3 000 000 euros au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes ;
- 57 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère ;
- 23 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes des Bouches-du-Rhône ;
- 4 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Dordogne ;
- 22 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Bas-Rhin ;
- 11 000 euros au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes du Haut-Rhin ;
- 216 000 euros à la FSDL ;
- 680 000 à la CNSD, devenue les CDF.
Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr
899. Les entités sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, les conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère, des Bouches-du-Rhône, de Dordogne, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) ont enfreint les dispositions de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, et de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Article 2 : Il est établi que la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) devenue les Chirurgiens-dentistes de France (CDF) a enfreint les dispositions de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, et de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Article 3 : Sont infligées, au titre des pratiques visées aux articles 1 et 2, les sanctions pécuniaires suivantes :
- au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, une sanction de 3 000 000 euros ;
- au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de l’Isère, une sanction de 57 000 euros ;
- au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes des Bouches-du-Rhône, une sanction de 23 000 euros ;
- au conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Dordogne, une sanction de 4 000 euros ;
- au conseil départemental du Haut-Rhin de l’ordre des chirurgiens-dentistes, une sanction de 11 000 euros ;
- au conseil départemental du Bas-Rhin de l’ordre des chirurgiens-dentistes, une sanction de 22 000 euros ;
- à la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL), une sanction de 216 000 euros ;
- aux Chirurgiens-dentistes de France (CDF, ex Confédération nationale des syndicats dentaires – CNSD) une sanction de 680 000 euros.
Article 4 : Il est enjoint aux organismes sanctionnés d’insérer le texte figurant au paragraphe 898 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans La lettre de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, les revues le Libéral Dentaire et Le Chirurgien-Dentiste de France et, à frais partagés des organismes sanctionnés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans l’édition papier et sur le site Internet des journaux Le Figaro et Les Échos. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Les organismes sanctionnés adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cote 9 709.
3 Arrêté du 20 août 2018 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les chirurgiens-dentistes libéraux et l'assurance maladie, JORF n° 0195 du 25 août 2018.
4 Cote 9 332.
5 L’orthodontie est une spécialité dentaire vouée à la correction des mauvaises postures des mâchoires (orthopédie dento-faciale, ou ODF) et des dents (orthodontie) afin d’optimiser l’équilibre postural entre les structures osseuses (phases de repos physiologique des muscles), l’occlusion (engrènement dentaire réflexe), ainsi que le développement des bases osseuses, dans un but fonctionnel et esthétique.
6 L’implantologie est une branche de la chirurgie dentaire qui consiste à poser des implants.
7 La parodontologie ou la parodontie est la partie de la dentisterie qui est spécialisée dans le traitement du parodonte, c’est-à-dire des tissus de soutien de la dent : gencive, tissu osseux, cément et ligament parodontal.
8 Source : « Soins et prothèses dentaires : vos remboursements », site internet de la caisse nationale de l'assurance maladie, https://www.ameli.fr/assure/remboursements/rembourse/soins-protheses-dentaires/soins- protheses-dentaires.
9 Cote 9 718.
10 Cour des comptes, « La Sécurité sociale 2016 - Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale », septembre 2016, page 253. https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20160920-rapport-securite-sociale-2016.pdf.
11 Cote 9 725.
12 Cote 9 718.
13 Cote 9 730.
14 Cotes 9 740 et 9 741.
15 Cote 9 734.
16 Cote 9 774.
17 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.
18 Cotes 9 765 et 9 766.
19 IGAS, « Les réseaux de soins », Rapport établi par N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, 2016-107R, point 122, cote 9 809. V. également l’avis de l’Autorité n° 16-A-24 du 14 décembre 2016 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur des audioprothèses, paragraphe 72.
20 V. notamment cotes 7 929 et 8 157.
21 Loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.
22 Cour de cassation, 2ème chambre civile, 18 mars 2010, n° 09-10.241, Publié au bulletin.
23 Décision n° 2013-686 DC du 23 janvier 2014, point 10.
24 L’ensemble des citations extraites des pièces du dossier sont reproduites verbatim.
25 Article publié dans « La Lettre » n° 114 de janvier 2013 (cotes 5280 et 5281).
26 Cote 4 542.
27 L’UNOCAM regroupe tous les opérateurs en assurance maladie complémentaire (mutuelles, entreprises d’assurance, institutions de prévoyance). Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l’UNOCAM est associée, si elle le souhaite, aux négociations conventionnelles avec les professions de santé ouvertes par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).
28 Cotes 9 682 à 9 686, en particulier cote 9 683.
29 Cote 10 155.
30 Cote 9 214.
31 Cote 8 344.
32 Cote 9 800.
33 Cote 9 798.
36 Cote 6 390.
37 Cotes 6 389 et 41 et suivantes.
38 Cotes 8 753 et 8 797.
39 Cote 8 754.
40 Cotes 8 754 et 8 755.
41 V. par exemple, cotes 8 686 et 8 732.
42 Cote 8 754.
43 Sur la nature du recours, v. par exemple : CE, 19 décembre 2018, Mme D, n° 103426, aux tables.
44 Cote 8 955.
45 Cote 8 936.
46 Cotes 8416 à 8421.
47 Cotes 8 913 et 8 930 à 8 966.
48 Cotes 8 912 à 8 928, en particulier cote 8 913.
49 Cote 8 913.
50 Accessible à l’adresse https://www.eugenol.com/.
51 Cote 8 914.
52 Cotes 8 338 et suivantes.
53 Résultats consolidés au niveau national. Cotes 8 955 et 8 956.
54 Cote 8 353.
55 Cote 8 339.
56 Cote 8 350.
57 « L’infoflash » est utilisé pour des informations brèves, par exemple pour diffuser des communiqués de presse. « La lettre aux Présidents » est un document plus complet et précis, qui peut porter par exemple sur certaines négociations en cours (60 à 70 lettres envoyées chaque année). Cotes 8 340 à 8 342.
58 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé.
59 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, CNOCD e.a, 2009/06049.
60 Arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2011, CNOCD e.a, 10-12038.
61 Cotes 12 869 à 12 890. Ce jugement fait vraisemblablement l’objet d’un appel : https://www.santeclair.fr/fr/sites/default/files/2020-01/200110_CP_CondamnationFSDL-%20BoycotReseauxDentairesSanteclair%20VF.pdf
62 Décision n° 16-D-23 du 24 octobre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des actes prothétiques ou de pose d’implants par les chirurgiens-dentistes.
63 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er février 2018, CNSD, 16/23909.
64 Cotes 832 et suivantes.
65 Cote 841.
66 Cotes 828 et suivantes.
67 Cotes 11 421 et suivantes.
68 V. par exemple cotes 8 734 et 8 687.
69 Cote 8 687.
70 Cotes 4 643 et 4 644.
71 Cotes 4 498 à 4 499.
72 Cotes 4 638 à 4 640. V. pour un autre cas relativement proche concernant le docteur 9... : 4 831 à 4 833.
73 Cote 4 496.
74 Cotes 8 688 et 8 696.
75 Cote 8 687.
76 Cote 4 603.
77 Cote 8 688.
78 Cotes 8 687 et 8 688.
79 Cote 6 808.
80 Cote 8 916.
81 Cote 8 916.
82 Cotes 10 214 et 6 899.
83 Cote 1 489.
84 Cote 10 217.
85 Cotes 8 916 et 8 917.
86 Cotes 3 501 à 3 504.
87 Cotes 1 527 et 1 528
88 Cote 8 914.
89 Cote 680.
90 Cote 8 918.
91 Cotes 8 918 et 8 919.
92 Cotes 1 526 et 1 527.
93 Cote 8 920.
94 Cote 3 108.
95 Cote 1 528.
96 Cote 1 376.
97 Cote 8 919.
98 Cote 332.
99 Cote 2 969.
100 V. par exemple les cotes 1 374 et 1 375.
101 Cotes 1 374 et 1 375 et 332.
102 Cote 2 970.
103 Cote 8 619.
104 Cote 8 918.
105 Cote 9 087.
106 Cote 8 969.
107 Cote 8 914.
108 Cote 281. Sur l’objectif poursuivi (obtenir une résiliation), v. également les cotes 3 519 et 8 619.
109 Interrogé sur la présence de ce courriel dans ses locaux, le président de la FSDL de La Réunion a expliqué : « A l’époque le docteur E... a questionné l’Ordre sur la possibilité de porter plainte pour détournement de patientèle et publicité. (…) Je lui ai demandé des précisions sur cette démarche. Il m’a donc transmis cette analyse confirmant qu’il était possible de porter plainte dans ce cas de figure » Cote 9 459.
110 Cote 2 570.
111 Cote 1 528 et paragraphe 132 de la présente décision.
112 M. E..., Mme K... et Mme L... (cotes 8 977 à 8 980). Par ailleurs, sur les 8 membres du CDOCD de l’Isère, étaient également membres du conseil d’administration de la FSDL : en 2014 : M. E..., Mme L..., Mme M... (cotes 8 981 à 8 989) ; en 2015 : M. E..., Mme L..., Mme M... (cotes 8 990 à 8 998) ; en 2016 : M. E..., Mme L..., Mme M... (cotes 8 999 à 9 008).
113 Cote 3 242.
114 Cote 3 473.
115 Même cote.
116 Cotes 584 et 585.
117 Cote 8 973.
118 Cotes 580 et 582.
119 Cotes 9 634, 9 635 et 3 382.
120 Cotes 9 481 à 9 486.
121 V. par exemple cotes 9 473 et 9 090.
122 Cote 3 519.
123 Cote 9 510.
124 V. notamment c. 6 392.
125 Cote 9 510.
126 V. les affaires aux cotes 9 061, 9 071 et 9 083. Toutefois, dans deux autres cas, une peine d’avertissement a été prononcée pour défaut de communication du contrat : cotes 9 040 à 9 046 et 9 047 à 9 053. Les décisions concernant ces affaires n’ont pas fait l’objet d’un appel.
127 Cotes 9 058 à 9 063. V. également cotes 9 029 à 9 034, 9 068 à 9 073, et 9 080 à 9 085.
128 Cote 8 920. V. également cotes 9 018 à 9 085.
129 Conseil d’État, 19 décembre 2018, Mme D…, n° 403426 (Cotes 12 458 à 12 460) et Conseil d’État, 4ème chambre, 1er février 2019, M. A…, n° 410991, (Cotes 12 466 à 12 468).
130 Cote 564.
131 Cote 2 899.
132 Cote 2 898.
133 Cote 2 900.
134 Cotes 2 900 et 2 901.
135 Cote 3 049.
136 Cote 5 105.
137 Cote 2 914.
138 Cote 3 506.
139 Cotes 3 561 à 3 562.
140 V. notamment les cotes 3 540, 3 547 et 3 555 à 3 556.
141 Cote 5 647.
142 Cote 5 606.
143 Cote 8 756.
144 Cotes 5 045 à 5
145 Cotes 5 045 à 5
146 Cotes 5 507 à 5 509.
147 Cote 8 760.
148 Cotes 8 756 et 8 757.
149 Cote 5 049.
150 Cote 8 757.
151 Cote 8 759.
152 Cote 5 170.
153 Cote 5 170.
154 Cote 8 756.
155 Cote 8 755.
156 Cote 3 577.
157 Cotes 8 825 à 8 898. La transmission aux services d’instruction de ce PowerPoint était accompagnée du commentaire suivant : « Suite à notre audition, veuillez trouver le power point de M. 5... projeté lors de l’atelier d’octobre 2014 sur la loi Leroux, il n’était pas sur notre intranet, la secrétaire a retrouvé, en principe, la dernière version mais sous réserve ! Le document adressé n’est donc peut être qu’un document de travail et non la version définitive » (sic, Cote 8 823).
158 Cotes 8 804 à 8 822.
159 Cote 8 835.
160 Cote 8 877.
161 Cotes 8 881 à 8 883.
162 Cotes 8 886 à 8 888.
163 Cote 8 883.
164 Cote 8 893.
165 Cotes 8 894 et 8 897.
166 Cote 8 896.
167 Cote 3 600.
168 Cote 8 771.
169 Cote 1 854.
170 Cote 2 928.
171 Cote 10 234.
172 Cotes 93 à 98.
173 Cote 8 921.
174 Cotes 93 à 98.
175 Cote 2 907.
176 Cote 5 105. Ainsi, M. E... ne semble faire aucune distinction, lorsqu’il communique avec le président du CNOCD, entre ses fonctions ordinales au sein du CDOCD de l’Isère et ses fonctions syndicales.
177 Cotes 5 096 et 6 458.
178 Depuis 2012, M. N... a été successivement membre du conseil d’administration de la FSDL, secrétaire adjoint (depuis 2013), puis secrétaire général (depuis 2015). Il était également président de la FSDL Midi-Pyrénées avant de devenir vice-président de la FSDL Occitanie en 2017. V. notamment cotes 8 971 et suivantes.
179 Cote 2 907.
180 Cote 8 921.
181 Cote 8 921.
182 Cote 91.
183 Cotes 9 944 à 9 960, en particulier cotes 9 944 et 9 947.
184 Cotes 8 679 à 8 682, en particulier cote 8 681.
185 Cotes 685 à 689.
186 Cote 10 177.
187 Cote 8 921.
188 Cote 3 026.
189 Cote 687.
190 Cotes 687 à 689.
191 Cote 8 681.
192 Cote 8 923.
193 Cotes 727 à 753.
194 Cote 9 964.
195 Cotes 2 932 à 2 963.
196 Cote 2 931.
197 Cotes 2 482 à 2 548.
198 Cote 9 459.
199 Cote 730, v. aussi cotes 2 934 et 2 486.
200 Cotes 738 et 739, 2 942 et 2 943, 2 494 et 2 496.
201 Cote 2 950. V. aussi les cotes 746 et 2510. Toutes contiennent les injonctions suivantes : « Ne PAS SIGNER » et « Déposer une plainte auprès du Conseil de l’Ordre Départemental (cf.lettre type) ».
202 V. par exemple cote 747.
203 Cotes 2 755 et 2 756.
204 Cote 264.
205 Cote 281.
206 Cote 8 914.
207 Cotes 10 172 et 10 345. Un message de « Patatrasse » sur Eugenol, en date du 25 septembre 2014, mentionne déjà cet article (cote 10 021).
208 Cotes 10 014 et 10 015.
209 Cotes 4 567 à 4 569.
210 Cote 4 568.
211 Cotes 8 914 et 8 969.
212 Cote 4 568.
213 Cotes 2 926 et 2 927.
214 Cote 2 925.
215 Cote 4 567.
216 Cote 4 566.
217 Cotes 8 759 et 8 760.
218 Cote 5 142.
219 Cotes 4 550 et 4 551.
220 Cote 4 550.
221 Cote 8 919.
222 Cote 108. V. également la cote 527.
223 Cote 2 745.
224 M. 6... est Président d’honneur de la FSDL (cote 8 991), tandis que M. P... est à la fois le fondateur du groupe Facebook « les chirurgiens-dentistes ne sont pas des pigeons » (9 374 membres) et un adhérent de la FSDL depuis 2014 (Cote 8 914 et cote 8 969).
225 Cote 8 925.
226 Description du document en cote 1 176 et document en cotes 2 386 à 2 472.
227 Cotes 2 745 et 8 924.
228 Cote 8 914 et cote 8 969.
229 Cotes 3 523 et 3 524.
230 Cotes 5 590 à 5 593.
231 Cote 1 778.
232 Cote 2 656. M. O..., cité dans ce document, est membre du bureau de la FSDL depuis 2014 (cf. cotes 8 983, 8 991, 9 000 et 9 010).
233 Cotes 10 026 et 10 027.
234 Cotes 706 et 707.
235 Cote 8 920.
236 Cote 8 157.
237 Cote 8 157.
238 Cote 8 158.
239 Cotes 2 982 et 2 983.
240 Cotes 714 et 715. Cet article a été également diffusé par mailing de la FSDL Ile-de-France (cotes 710 et 711).
241 Cote 7 344.
242 Cote 714.
243 Cote 5 411.
244 Cote 10 052.
245 Cote 10 066.
246 Cotes 718 et 719.
247 Cotes 10 052 à 10 100.
248 Cote 10 057.
249 Cote 10 057.
250 Cote 10 060.
251 Cote 10 065.
252 Cotes 10 066 et 10 067.
253 Cote 7 345.
254 Cote 7 345.
255 Cote 4 520.
256 Cotes 8 647 et 8 648.
257 Cote 715.
258 Cotes 2 847 et 10 253.
259 Cote 8 159.
260 Cotes 3 129 et 3 130.
261 Cote 3 131.
262 Cote 6 758.
263 Cote 10 103.
264 Cote 10 107.
265 Cotes 10 120 et 10 121.
266 Cote 10 112.
267 Cote 10 107.
268 Cote 10 117.
269 Cote 9 491.
270 Cotes 3 151 et 3 152.
271 Cote 3 152.
272 Cote 3 151.
273 Cote 3 473.
274 Cotes 9 509 et 9 510.
275 Cotes 3 292 et 3 291.
276 Cote 9 512.
277 Cote 3 292.
278 Cote 9 512. V. aussi cote 3 473.
279 Cote 3 519.
280 Cote 9 512.
281 Cote 9 513.
282 Cote 3 149.
283 Cote 9 512.
284 Cote 9 512.
285 Cote 577.
286 Cote 614.
287 Cote 3 557.
288 Cote 3 209.
289 Cote 3 208.
290 Cote 5 373.
291 Cote 5 373.
292 Cote 5 384.
293 Cote 3 404.
294 Cote 3 395.
295 Cotes 3 024 et 3 025.
296 Cote 5 293.
297 Cotes 5 563 et 5 564.
298 Cote 3 516.
299 Cotes 4 580 à 4 589.
300 Cote 8 689.
301 V. par exemple cote 4 580.
302 Cote 1 854.
303 Cote 8 922.
304 Cotes 1 854 et 8 922.
305 Cote 5 567.
306 Cote 3 516.
307 Cote 3 515.
308 Cote 3 517.
309 Cotes 5 373 à 5 375 pour l’année 2014 et 5 382 à 5 384 pour l’année 2015.
310 Cote 6 458.
311 Cote 6 454.
312 Cote 3 024.
313 Cote 9 515.
314 Cote 3 208.
315 Cote 8 779.
316 Cote 8 780.
317 Cotes 3 612 et 3 613.
318 Cote 3 610.
319 Cotes 402, 409 et 410.
320 Cote 3 609.
321 Cote 3 608.
322 Cotes 3 672 à 3 675.
323 Cotes 3 672 à 3 675.
324 Cote 8 736.
325 Cote 8 771.
326 Cote 3 714.
327 Cote 3 709.
328 Cote 8 735.
329 Cotes 3 710 à 3 713, 3 606 et 8 764.
330 Idem.
331 Cotes 3 710 et 3 712.
332 Cote 8 735.
333 Cote 7 480.
334 Cotes 8 568 à 8 571.
335 Cote 8 569.
336 Cote 8 569
337 Cote 7 392
338 Cote 8572.
339 Cote 10 131.
340 Cote 10 131.
341 Cote 10 132.
342 Cote 8 600.
343 Cote 8 587.
344 Cote 8 600.
345 Cote 8 600.
346 Cote 8 609.
347 Cote 8 587.
348 Cote 8 604.
349 Cote 8 339.
350 Cote 9 803.
351 Cote 8 272.
352 Le conseil des départements réunissait les représentants des syndicats départementaux (Cote 8 340).
353 Cote 9 677.
354 Cote 8 272.
355 Cote 8 343.
356 Cote 5 411.
357 Cotes 9 678 à 9 681.
358 Cote 9 681.
359 Cote 9 680.
360 Cotes 9 680 et 9 681.
361 Cote 7 346.
362 Cote 9 681.
363 Cote 9 701.
364 Cote 9 707.
365 Cote 9 695.
366 Cote 8 341.
367 Cote 9 691 et 9 693.
368 Cotes 8 240 et 8 241 (« Manifeste des chirurgiens-dentistes ») et 8 243 et 8 244 (« Manifeste des organisations de chirurgiens-dentistes »).
369 Cote 8 343.
370 Cote 8 343.
371 Cote 8 343.
372 Cote 8 269.
373 Cote 8 271.
374 Cote 8 247.
375 Cote 8 343.
376 Cote 8 271.
377 Cote 8 282.
378 Cote 8 315.
379 Cote 8 271.
380 Cote 8 343.
381 Cote 6 421 à 6 423.
382 Magazine édité par l’Institut national de la consommation.
383 Le Collectif Interassociatif Sur la Santé est un regroupement d’une quarantaine d’associations représentant les personnes malades, handicapées, les personnes âgées et retraitées ainsi que de leurs familles.
384 V. la décision n° 16-D-23 du 24 octobre 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des actes prothétiques ou de pose d’implants par les chirurgiens-dentistes, paragraphe 90.
385 Cote 8 345.
386 Les communiqués de presse de la CNSD sont mis en ligne sur son site Internet puis diffusés par Infoflash aux syndicats départementaux (cote 8 342). Le communiqué de presse intitulé « Observatoire des réseaux de soins : un constat implacable » était toujours en ligne à la date de la notification de griefs.
387 Cote 8 308.
388 Cotes 8 309 et 8 310.
389 Cote 8 309.
390 Cote 8 302.
391 Cotes 8 304 à 8 307. Egora se présente ainsi : « Site d’informations médicales et professionnelles, Egora.fr s’adresse aux médecins, étudiants des facultés de médecine et professionnels de santé (infirmier, kiné, dentiste…) » (https://www.egora.fr/qui-sommes-nous).
392 Cote 8 305.
393 Cote 7 387.
394 109 courriers ont été communiqués et non 110. En effet, le bilan établi par Santéclair comptabilise deux fois le courrier de résiliation du docteur 18… (cotes 7 437 et 7 438).
395 Parmi les lettres de résiliation communiquées par Santéclair, neuf concernent le réseau implantologie. Cotes 7 435 à 7 439.
396 Cote 6 393.
397 Cote 6 393.
398 Cotes 7 278 et 7 279.
399 Cote 6 760.
400 Paragraphe 268 et cote 715.
401 Cotes 8 156 et 8 158.
402 Cote 8 157.
403 Cote 8 159.
404 Cote 8 169.
405 Cote 8 191.
406 Cotes 8 175 et 8 197.
407 Cote 7 345.
408 Cote 7 346.
409 Cote 8 649.
410 Cotes 724 et 725.
411 Cotes 7 979 et 7 980.
412 Cote 96. V. également, s’agissant du PowerPoint « dossier Santéclair », la cote 737 qui insiste sur la présence parmi les « 32 "implantologues exclusifs" » de « 20 de l’organisme Génération Implant ».
413 Cotes 7 981 et 7 982.
414 V. par exemple les cotes 9 980, 9 994 et 9 995 et les cotes 699 et 700.
415 V. notamment la cote 695.
416 Cote 7 982.
417 Cotes 7 982 et 8 200.
418 Cote 7 985.
419 Cote 2 953.
420 Cote 10 144.
421 Cote 7389.
422 Cote 7 982.
423 Cotes 8 201 et 8 202.
424 Cotes 7 974 et 7 975.
425 V. par exemple cotes 686 à 688 738, 2 942 et 2 494.
426 Cote 7 975.
427 Cotes 7 975 et 7 976.
428 Cote 8 672.
429 V. sur ce point les arrêts de la Cour de justice du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, point 21 et du 19 février 2002, Wouters, C 309/99, Rec. p. I 1577, point 46.
430 Arrêts de la Cour de justice du 19 février 2002, Wouters, précité, point 57 et du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C 1/12, point 40.
431 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, « Semmaris », n° 98-11800, publié au bulletin.
432 Décision du 4 mai 2009 du Tribunal des conflits, « Société Éditions Jean-Paul Gisserot », n° 3714, au recueil.
433 V. par exemple la décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s’opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l’occasion d’appels d’offres en matière d’examens anatomo-cyto-pathologiques, paragraphe 81.
434 V. décision n° 09-D-17 du 22 avril 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, paragraphe 30.
435 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, « Semmaris », précité.
436 Décision du Tribunal des conflits du 18 octobre 1999, Préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, n° 03174, au recueil.
437 Décision n° 97-D-18 du 18 mars 1997 concernant des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile.
438 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens n° 98-12.612.
439 Décision n° 05-D-43 du 20 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil départemental de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, paragraphe 39.
440 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 109.
441 Arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2011, Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, n° 10-12038, p. 4.
442 V. la décision n° 09-D-07 précitée, paragraphe 110 ; V. également, plus récemment, s’agissant de mises en garde adressées nominativement à des infirmiers : Décision n° 18-D-01 du 18 janvier 2018 relative à des pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers dans le secteur des prestations de services fournies aux infirmiers, paragraphe 29.
443 V. la décision n° 07-D-41 précitée, paragraphes 87, 136 et 140.
444 V. en ce sens l’arrêt de la Cour de justice du 7 décembre 2010, Vebic, C-439/08, paragraphe 56. 445 V. en ce sens, arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2013, Schenker, C-681/11, paragraphe 46. 446 Comm. Europ., 8 décembre 2010, Ordre national des pharmaciens, COMP/39510.
447 Arrêt du Tribunal de l’Union du 10 décembre 2014, Ordre national des pharmaciens, T-90/11, point 207.
448 Décision n° 18-D-18 du 20 septembre 2018 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société AGN Avocats dans le secteur des prestations juridiques, paragraphe 53.
449 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 10 octobre 2019, AGN Avocats, point 82.
450 ibid., point 83 et 85.
451 Décision n° 19-D-01 du 15 janvier 2019, Groupon, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la promotion par Internet d’actes médicaux.
452 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 octobre 2020, Ordre des architectes e.a, n° 19/18632, paragraphe 35.
453 Décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue.
454La décision n° 10-D-11, paragraphe 53.
455 V. notamment la décision n° 10-D-11 précitée, paragraphe 71 et la décision n° 07-D-41 précitée, paragraphe 111.
456 CE, 4 février 2000, CNSD, n° 189657, au recueil, cotes 7 586 et 7 587.
457 Loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.
458 V. cotes 9 032 et 9 033 ; 9 061 et 9 062 ; 9 071 et 9 072 ; 9 083 et 9 084.
459 CE, 19 décembre 2018, n° 403426, aux tables, cotes 12 458 à 12 460 et CE, 1er février 2019, n° 410991,cotes 12 466 à 12 468.
460 CE, 1er février 2019, n° 410991.
461 CE, 4 février 2000, CNSD, n° 189657, au recueil.
462 V. pour le protocole omnipratique : c. 4 408 à 4 420 et pour le protocole implantologie : c. 12 018 à 12 026.
463 Cotes 3 501 à 3 504.
464 Cote 3 473.
465 Cote 614.
466 Cotes 5 045 à 5 049.
467 CE, 4 février 2000, CNSD, n° 189657, au recueil.
468 Cotes 8 825 à 8 898.
469 Cote 8 877.
470 Cotes 8 881 à 8 883.
471 Cotes 8 886 à 8 888.
472 Cote 8 883.
473 Décision n° 06-D-07 bis* du 21 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux publics dans la région Ile-de-France, paragraphe 422.
474 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 24 juin 2008, France Travaux, n° 2006/06913, pages 12 et 13.
475 Décisions n° 07-D-15 du 9 mai 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans les marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France, paragraphe 212 ; n° 17-D-27 du 21 décembre 2017 relative à des pratiques d’obstruction mises en œuvre par Brenntag, paragraphe 122 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 décembre 2006, société Bouygues Télécom e.a, n° 2006/00048, p. 12.
476 Décision n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision payante, paragraphe 134 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 juin 2004, Syndicat des professionnels européens de l’automobile, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2006.
477 Arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2018, n° 17-81.191.
478 Cotes 9 462 à 9 464.
479 Cote 9 516.
480 Cotes 9 501 à 9 503.
481 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, société Beauté Prestige International e.a, n° 2010/23945, page 16 ; v. également dans le même sens l’arrêt du 30 janvier 2007, A.A Le Foll TP e.a, n° 06/00566, page 8.
482 Arrêt de la Cour de cassation, 15 juin 1999, Lilly France.
483 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 24 janvier 2006, Ordre des avocats au barreau de Marseille, page 3. 484 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2018, société Umicore France e.a, n° 2016/16621, point 86. 485 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-cilag e.a, n° 18/01945, point 118.
486 V. en ce sens : Autorité de la concurrence, Étude thématique, « La notion d’infraction unique, complexe et continue », Rapport annuel 2015, p. 94. V. également, par exemple, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, C-49/92 P, Commission / Anic Partecipazioni, points 112 et suivants et décision n° 11-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, société Colgate-Palmolive Services e.a, n° 2012/00723, p. 12.
487 Communication de la Commission Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (2004/C 101/07), point 18.
488 Communication de la Commission Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, point 19.
489 Arrêt du Tribunal de l’Union du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259/02 à T–264/02 et T–271/02, point 181.
490 Arrêt de la Cour de justice, 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission, C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 38.
491 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6.
492 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 ;voir également, en ce sens, arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
493 Arrêt de la Cour de justice du 3 mars 2005, Wolfgang Heiser contre Finanzamt Innsbruck, C-172/03, Rec. I-1627, point 35.
494 Cote 9 797.
495 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.
496 Décision n° 10-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.
497 Arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM et autres/Commission (FETTCSA), T-213/00, point 206.
498 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 ; Décision n° 10-D-13 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 221 ; Décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364.
499 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphes 123 à 127.
500 Décision n° 91-D-04 du 29 janvier 1991 relative à certaines pratiques de groupements d'opticiens et d'organismes fournissant des prestations complémentaires à l'assurance maladie, page 12. V. aussi la décision n° 13-D-05 du 26 février 2013 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Kalivia dans le secteur de l’optique-lunetterie, paragraphes 129 et suivants.
501 V. par exemple la décision n° 17-DCC-119 du 27 juillet 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de Mutex par Harmonie Mutuelle, paragraphe 10.
502 V. notamment : arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, n° 2016/16621.
503 Décision n° 13-D-05 du 26 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Kalivia dans le secteur de l’optique-lunetterie, paragraphe 132.
504 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens n° 98-12.612.
505 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juin 2013, Gefil, n° 2012/02945, page 8 et la décision n° 07-D-41, précitée, paragraphe 111.
506 Décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 92.
507 Arrêt du Tribunal du 24 mai 2012, MasterCard, T-111/08, point 243.
508 Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov, C-180/98 à C-184/98, points 73 à 77.
509 Arrêt de la Cour de justice, Pavel Pavlov, précité, point 77.
510 Arrêt de la Cour de justice du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer, 45/85, points 29 à 32.
511 Arrêt de la Cour de justice du19 février 2002, Wouters, C-309/99, point 64.
512 V. par exemple, pour un accord entre deux organismes professionnels arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV), T-217/03 et T-245/03, point 160 ; V. aussi la décision n° 12-D-19 du 26 septembre 2012.
513 V. sur ce point la décision n° 12-D-19 du 26 septembre 2012 relative à des pratiques dans le secteur du blanchiment et de l’éclaircissement des dents, paragraphes 86 et 87.
514 V. notamment, arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, point 130.
515 V. notamment, arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00, points 55 à 57.
516 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, n° 09-11853.
517 Arrêt de la Cour de justice du 7 février 2013, Protimonopolný úrad Slovenskej republiky / Slovenská sporiteľňa a.s., C-68/12, points 25 et suivants.
518 Décision n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme, paragraphe 133.
519 Cotes 1 527 et 1 528.
520 Cote 1 375.
521 Cote 4 994.
522 Cote 567.
523 Cote 3 609.
524 Cote 5 425.
525 Cotes 2 969 et 2 970.
526 Cotes 2 900 et 2 901.
527 Cote 2 570.
528 Cotes 3 026 et 11 385.
529 Cotes 687 à 689.
530 Cotes 8 918 et 8 919.
531 V. sur ce point notamment cote 8 920.
532 Cotes 1 526 et 1 527.
533 Cote 3 108.
534 Cote 3 049.
535 Cote 5 105.
536 Cote 2 914.
537 Cote 4 994.
538 Cote 5 425.
539 Cote 3 473.
540 Cote 3 519.
541 Cote 614.
542 Cote 1 375.
543 Cotes 3 612 et 3 613.
544 Cotes 3 672 à 3 675.
545 Cote 8 771.
546 Cote 10 131.
547 V. en ce sens : Arrêts de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C-67/13, point 53 et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., point 36.
548 Arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2002, S.A.Vidal, n° 00-18.048.
549 Décisions n° 97-D-18 du 18 mars 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile ; n° 03-D-68 du 23 décembre 2003 relative aux pratiques mises en œuvre par le Centre National des Professions de l’Automobile (CNPA) dans le secteur de la distribution automobile et n°10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 95.
550 Décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphes 74 à 83.
551 Décision n° 97-D-26 du 22 avril 1997 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du portage de médicaments à domicile, page 7.
552 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 136.
553 Arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, Syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie, n° 96-13602.
554 Décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphe 306.
555 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 138.
556 Arrêt du Tribunal précité, cimenterie CBR SA e.a. c/ Commission, points 2557 et 2558.
557 Décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 97.
558 V. en ce sens, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l’Union du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, C-67/13, points 49 et 50 ; du 20 novembre 2008, BIDS, C-209/07, point 15, ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, points 34 et 35.
559 Arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C 67/13, point 52.
560 Arrêts de la Cour de justice du 28 mai 1998, John Deere Ltd /Commission, C-7/95 P, point 77, du 28 mai 1998, New Holland Ford /Commission, C-8/95 P, point 91 et du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C-1/12, point 71.
561 Arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires/Commission, C-67/13.
562 Cotes 1 527 et 1 528.
563 Cote 9 087.
564 Cote 3 473.
565 Cote 614.
566 Cotes 5 280 et 5 281.
567 Arrêt du Tribunal précité, cimenterie CBR SA e.a. c/ Commission, points 2557 et 2558.
568 Cotes 4 643 et 4 644.
569 Cotes 4 498 et 4 499.
570 Cotes 4 638 à 4 640.
571 Cote 8 696.
572 Cotes 4 831 à 4 833.
573 Cotes 5 045 à 5 049.
574 Cotes 8 825 à 8 898.
575 Cote 8 756.
576 Cotes 3 151 et 3 152.
577 Cotes 3 291 et 3 292.
578 Cotes 4 638 à 4 640.
579 Cotes 4 831 à 4 833.
580 Cotes 4 580 à 4 589.
581 Cotes 4 602 à 4 604.
582 Cote 8 779.
583 Cotes 3 612 et 3 613.
584 Cotes 3 672 à 3 675.
585 Cote 8 771.
586 Cotes 3 606 et 3 709 à 3 714.
587 Cotes 8 568 à 8 572.
588 Cotes 8 594 à 8 604.
589 Cotes 10 124 à 10 135.
590 Cotes 8 594 à 8 604.
591 Cotes 4 602 à 4 604.
592 Cote 9 512.
593 Cote 8 779.
594 Cotes 3 612 et 3 613.
595 Cotes 3 672 à 3 675.
596 Cote 8 771.
597 Cotes 3 606 et 3 709 à 3 714.
598 Cote 8 569.
599 Cote 8 600.
600 Cote 8 572.
601 Cote 8 604.
602 Cote 10 131.
603 Cotes 93 à 98.
604 Cote 2 907.
605 Cote 2 907 et paragraphe 213.
606 Cote 8 923.
607 Cote 9 964 et paragraphe 226
608 Cotes 688 et 689.
609 Cote 264.
610 Cote 281.
611 Cote 8 914.
612 Cote 4 568
613 Cotes 4 567 à 4 569.
614 Cote 2 925.
615 Cote 707.
616 Cote 10 112.
617 V. en ce sens, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l’Union du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, C-67/13, points 49 et 50 ; du 20 novembre 2008, BIDS, C-209/07, point 15, ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, points 34 et 35.
618 Cote 7 391.
619 Cote 7 392.
620 Cotes 7 399 et 7 400.
621 Cote 7 403.
622 Cotes 8 012 à 8 015.
623 Cotes 9 994, 9 995, 699 et 700.
624 Cotes 8 201 et 8 202.
625 Cote 7 975.
626 Arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, points 112 et 113 ;
V. également, dans le même sens : Tribunal, 12 décembre 2007, BASF AG e.a / Commission, T-101/05 et T-111/05, point 159.
627 V. en ce sens : Décision de la Commission du 9 décembre 2004, Choline Chloride, COMP/37.533, paragraphe 145.
628 Arrêts de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 79 à 81, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a. / Commission, précité, point 258.
629 Arrêt du Tribunal, 3 mars 2011, Siemens, T-110/07, point 246.
630 Arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, Manuli Rubber Industries SpA (MRI) /Commission (T-154/09), point 194.
631 Arrêt du Tribunal du 16 septembre 2013, Masco Corp e.a / Commission, T-378/10, point 23.
632 Arrêt de la Cour de justice du 19 décembre 2013, Siemens AG, Mitsubishi Electric Corp. Et Toshiba Corp
/ Commission, C-239/11, C-489/11 et C-498/11, point 248.
633 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Chevalier Nord, n° 2011/03298, page 46.
634 Arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1972, Impérial Chemical Industries Ltd / Commission, 48/69, point 68 et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB plc / Commission, T-53/03, point 185.
635 Arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie SAS e.a, T-147/09 et T-148/09, points 57, 59 et 61 ;
v. également arrêt du Tribunal du 16 juin 2015, FSL Holdings e.a / Commission, T-655/11, point 481.
636 Décision n° 07-D-41 précitée, paragraphe 95.
637 Cf. notamment s’agissant d’un accord dont l’objet est restrictif de concurrence, les arrêts du tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission (T-213/00), point 280, du 27 juillet 2005, Brasserie nationale SA e.a./Commission (T-49/02 à T-51/02), point 185 et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland BV /Commission (T-303/02), point 138. V. également, Décision n° 17-D-25 du 20 décembre 2017 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl, paragraphe 649, confirmée sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 juillet 2019, société Janssen-Cilag SAS e.a, n° 18/01945, points 396 à 399. V. également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 octbre 2020, Ordre des architectes e.a, n° 19/18632, points 233 et 234.
638 Cotes 4 498 et 4 499.
639 Cote 10 174 (captures d’écran – novembre 2018).
640 Cotes 10 172 et 10 173 (captures d’écran – novembre 2018).
641 Cote 7 390.
642 Cote 7 414.
643 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Commission/Coppens, C-441/11, paragraphes 43 et 44 ;
V. également : Arrêt de la cour de justice du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C-642/13, paragraphes 55 et 56.
644 Cotes 5 045 à 5 049.
645 Cotes 8 825 à 8 898.
646 Cotes 4 498 et 4 499.
647 Cote 10 428.
648 Cotes 4 602 à 4 604.
649 Cotes 4 831 à 4 833 et 4 638 et 4 640.
650 Cotes 4 580 à 4 589.
651 Cote 8 779.
652 Cotes 3 612 et 3 613.
653 Cotes 3 672 à 3 675.
654 Cote 8 771.
655 Cotes 3 606 et 3 709 à 3 714.
656 Cotes 8 568 à 8 571.
657 Cote 8 572.
658 Cote 8 600.
659 Cote 8 604.
660 Cotes 10 131.
661 Cote 8 600.
662 Cote 8 604.
663 Le bureau confédéral est élu tous les trois ans par le Congrès, qui réunit les représentants des départements. Il a été à l’initiative du « manifeste des chirurgiens-dentistes » et du dossier « les réseaux en question » de juin 2015 contenant le prospectus destiné aux patients. Cotes 8 339 et 8 343 (PV d’audition du 26 octobre 2017).
664 Par exemple, le dossier « les réseaux en question » de juin 2015 contenant le prospectus destiné aux patients (paragraphes 385 et suivants).
665 Par exemple, le communiqué de presse intitulé « Observatoire des réseaux de soins : un constat implacable » (paragraphes 396 et suivants).
666 Par exemple, la lettre aux Présidents du 24 novembre 2014 intitulée « Affaire réseau CREDIT MUTUEL- CIC/GACD/S... et CNSD » (paragraphes 372 et suivants) et l’interview sur le site Internet « Egora.fr » (paragraphe 401).
667 Cotes 8 240 et 8 241.
668 Cotes 8 268 à 8 296.
669 Cote 8 269.
670 Cote 8 308.
671 Cotes 8 309 et 8 310.
672 Cote 8 302.
673 Cotes 8 304 à 8 307.
674 Cote 8 282.
675 Cote 8 315.
676 Cote 9 681.
677 Loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.
678 Cote 8 240.
679 Loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé.
680 Cote 9 681.
681 Arrêt du Tribunal précité, cimenterie CBR SA e.a. c/ Commission, points 2557 et 2558.
682 V. en ce sens, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l’Union du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, C-67/13, points 49 et 50 ; du 20 novembre 2008, BIDS, C-209/07, point 15, ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, points 34 et 35.
683 Voir ci-dessus, paragraphes 388 et suivants.
684 Avis n° 09-A-46 du 9septembre2009 relatif aux effets sur la concurrence du développement de réseaux de soins agréés, paragraphe 92.
685 Cotes 10 137 et 10 138. Article publié sur le site internet de l’ordre national des chirurgiens-dentistes.
686 L’Union dentaire est la troisième organisation syndicale de la profession dentaire.
687 Cote 9 333 (PV d’audition du 8 mars 2018).
688 Cote 7 930 (PV d’audition du 7 septembre 2017).
689 Cote 7 277 (PV d’audition du 21 juin 2017).
690 Voir par exemple cotes 7 413 : « Je ne veux pas avoir de soucis avec mes instances ordinales et les divers syndicats ».
691 Cote 7 414.
692 Cote 8 159.
693 Cote 8 343.
694 Cote 8 308.
695 Cote 10 179 (capture d’écran, novembre 2018).
696 Arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2016, Euro cargo rail, n° 14-28224 et de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations, n° 17/01658, pp. 9 et 10.
697 V. par exemple les décisions n° 16-D-20 du 29 septembre 2016 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins, paragraphe 463, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juillet 2017, société Smith & Smith Characters, RG n °2016/22365, n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 135, n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations d’architecte, paragraphe 475, n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphe 285.
698 V. en ce sens : Décision n° 07-D-05 du 21 février 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par l’Union française des orthoprothésistes (UFOP) sur le marché de la fourniture d’orthoprothèses, paragraphe 93 et Décision n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphe 388.
699 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 octobre 2016, société Beiersdorf AG e.a, 2015/01673, point 215.
700 Décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 1 278 à 1 286, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 octobre 2016, société Beiersdorf AG e.a, 2015/01673, points 215 à 217.
701 V. notamment les décisions n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 138 et n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations d’architecte, paragraphe 479.
702 V. notamment les décisions du Conseil de la concurrence n° 06-D-36 du 6 décembre 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet, paragraphe 177, et de l’Autorité n° 10-D-25 du 28 juillet 2010 relative à des pratiques concernant l’accès au scanner et à l’IRM situés au centre hospitalier d’Arcachon, paragraphe 141, n° 13-D-11 du 14 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur pharmaceutique, paragraphe 641 et n° 13-D-21 du 18 décembre 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché français de la buprénorphine haut dosage commercialisée en ville, paragraphe 533.
703 V. par exemple la décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 152.
704 V. notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, Syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie, n ° 96-13602 et l’arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 janvier 2010, n° 2009/06049.
705 Cotes 680, 2 900 et 2 901.
706 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 153.
707 Décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 140.
708 Cote 12 478.
709 Notification de griefs, paragraphe 82.
710 Notification de griefs, paragraphe 107.
711 Cotes 2 879 et 2 880, courriels en date des 18 et 19 décembre 2013.
712 La FSDL est une association regroupant plusieurs syndicats régionaux. La CNSD une confédération regroupant 100 syndicats départementaux (notification de griefs, paragraphes 98 et 102).
713 Article L. 4121-1 du code de la santé publique.
714 Notification de griefs, paragraphe 509.
715 Arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., n° 02-11754, et de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L’Ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6.
716 Cote 9 802.
717 Cote 9 899.
718 Cote 6 389.
719 Cote 6 390. Le taux de recours serait de l’ordre de 20 % pour Sévéane et 10 % pour Itélis (notification de griefs, paragraphes 682 et 683).
720 Cote 6 393.
721 Cotes 8 156 et 8 158.
722 Cote 8 159.
723 Cote 12 502.
724 Cote 9 820.
725 Cote 12 431.
726 Cotes 5 045 à 5 049.
727 Cotes 8 825 à 8 898.
728 Cotes 4 498 et 4 499.
729 Cote 12 410.
730 Cote 12 124.
731 Cotes 12 139, 12 189, 12 237 et 12 166.
732 Arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 2016, société Euro Cargo Rail, n° 14-28.224.
733 Décision n° 05-D-43 du 20 juillet 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par le Conseil départemental de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes.
734 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en oeuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé.
735 Cote 12 331.