CA Poitiers, 2e ch. civ., 10 novembre 2020, n° 19/00192
POITIERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Brieu, M. Chiron
Avocats :
SELARL Atlantic Juris, SELARL Jurica
OBJET DU LITIGE
La société SN B. exerce une activité de travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment, avec expertise particulière en restauration de monuments historiques et de bâtiments du patrimoine ;
La société anonyme Entreprise B. a employé M. Frédéric R. en qualité de conducteur de travaux à compter du 2 octobre 2006, avec contrat de travail écrit du 4 septembre 2006. Selon avenant du 17 janvier 2013, M. Frédéric R. est devenu directeur d'établissement en charge de l'établissement situé à Givrand.
Après placement en redressement judiciaire par jugement du 6 novembre 2013, un plan de cession à la société SN B. a été adopté le 18 juin 2014 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon et la société anonyme Entreprise B. a été placé en liquidation judiciaire le 9 juillet 2014.
Les relations contractuelles entre la société anonyme SN B. et M. Frédéric R. ont été formalisées par contrat à durée indéterminée écrit en date du 31 juillet 2014.
Le 22 novembre 2016, M. Frédéric R. a sollicité une rupture conventionnelle, laquelle a été refusée par son employeur le 30 novembre 2016. Par courrier du 7 décembre 2016 distribué le 9 décembre 2016, M. Frédéric R. a indiqué qu'il considérait que le comportement de son employeur entraînait la rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier, à l'issue du délai de préavis de 3 mois.
Cette rupture a donné lieu à une procédure devant le conseil des prud'hommes, avec un jugement du conseil de prud'hommes, sous la présidence du juge départiteur, le 19 février 2018, puis à une transaction au cours de la procédure d'appel.
Le 22 février 2017, M. Frédéric R. a constitué une société à responsabilité limitée dont il était l'unique associé, ayant pour objet social les activités de maçonnerie comprenant la construction ou la rénovation de tous immeubles, façades, toiture et couverture en tuile, taille de pierre, enduit et ravalement de façade. Cette société a été immatriculée le 3 mars 2017 au registre du commerce et des sociétés de La Roche-sur-Yon.
Par acte d'huissier en date du 16 octobre 2017, remis respectivement à personne et à personne morale, la Sarl SN B. a fait assigner respectivement M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer le préjudice subi du fait de prélèvement déloyal de documents de la société et de détournement à leur profit de sa clientèle, outre des dommages-intérêts pour préjudice moral et une somme sur le fondement des frais irrépétibles.
Par ordonnance du 29 juin 2017, sur requête de la société SN B., le président du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a désigné la SCP P.-M., huissier de justice, aux fins de constater la présence éventuelle d'éléments pouvant apporter les preuves d'actes de concurrence déloyale, notamment en recherchant tous documents comportant le nom de clients expressément visés dans l'ordonnance, de clients de la société SN B. dont M. R. était chargé.
Ce constat a été établi le 25 juillet 2017 par Me Guillaume M. (après signification de l'ordonnance le même jour).
Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a statué ainsi :
Vu les articles 1240 et 1241 du code Civil,
- dit et juge que la société SN B. est recevable en la forme tant à l'égard de Monsieur Frédéric R., à titre personnel, qu'à l'égard de la société Frédéric R..
- dit et juge que la société SN B. n'est pas fondée en ses demandes, fins et prétentions.
- l'en déboute.
- dit et juge que Monsieur Frédéric R. et la société Frédéric R. ne sont pas fondés en leur demande de dommages et intérêts.
- les en déboute.
- condamne la société SN B. à payer la somme de 1 000,00 € à Monsieur Frédéric R. et la somme de 1 000,00 € à la société Frédéric R. au titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- la condamne aux entiers frais et dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de greffe liquidé à la somme de 66,70 €.
Par déclaration du 14 janvier 2019, la société à responsabilité limité SN B. a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a statué comme suit :
- dit et juge que la société SN B. n'est pas fondée en ses demandes, fins et prétentions. L'en déboute.
- condamne la société SN B. à payer la somme de 1 000,00 € à Monsieur Frédéric R. et la somme de 1 000,00 € à la société Frédéric R. au titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure Civile.
- la condamne aux entiers frais et dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €.
Et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, à savoir :
- constater que M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. ont prélevé de manière déloyale des documents de la société SN B. et détourné à leur profit la clientèle de cette dernière,
- dire et juger que M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. ont engagé leur responsabilité du fait de ces agissements déloyaux,
- condamner solidairement M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. à payer à la sas SN B. :
- la somme de 109 697,00 euros correspondant au préjudice économique subi,
- la somme de 25 000,00 euros correspondant au préjudice d'image et de réputation subi,
A défaut,
- condamner M. Frédéric R. à payer à la sas SN B. :
- la somme de 109 697,00 euros correspondant au préjudice économique subi,
- la somme de 25 000,00 euros correspondant au préjudice d'image et de réputation subi,
En tout état de cause,
- condamner M. Frédéric R. à payer une somme de 5 000,00 euros de dommages et intérêts au titre de sa mauvaise foi fautive,
- condamner Monsieur Frédéric R. à payer à la sas SN B. la somme de 5 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure Civile.
- le condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2019 par RPVA, la sarl SN B. demande à la cour :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu les éléments versés aux débats,
Vu le jugement attaqué du 11 décembre 2018,
De réformer le jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon du 11 décembre 2018 en ce qu'il a :
- dit et juge que la société SN B. est recevable en la forme tant à l'égard de Monsieur Frédéric R., à titre personnel, qu'à l'égard de la société Frédéric R..
- dit et juge que la société SN B. n'est pas fondée en ses demandes, fins et prétentions,
- l'en déboute.
- dit et juge que Monsieur Frédéric R. et la société Frédéric
R. ne sont pas fondés en leur demande de dommages et intérêts.
- les en déboute.
- condamne la société SN B. à payer la somme de 1 000,00 € à M. Frédéric R. et la somme de 1 000,00 € à la société Frédéric R. au titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de Procédure Civile.
- la condamne aux entiers frais et dépens de l'instance,
Statuer de nouveau,
- constater que M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. ont prélevé de manière déloyale des documents de la société SN B. et détourné à leur profit la clientèle de cette dernière,
- dire et juger que M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. ont engagé leur responsabilité du fait de ces agissements déloyaux,
- condamner solidairement M. Frédéric R. et l'eurl Frédéric R. à payer à la sas SN B. :
- la somme de 109 697,00 € correspondant au préjudice économique subi,
- la somme de 25 000,00 € correspondant au préjudice d'image et de réputation subi,
A défaut,
- condamner M. Frédéric R. à payer à la sas SN B. :
- la somme de 109 697,00 € correspondant au préjudice économique subi,
- la somme de 25 000,00 € correspondant au préjudice d'image et de réputation subi,
En tout état de cause,
- condamner M. Frédéric R. à payer une somme de 5 000 € de dommages et intérêts au titre de sa mauvaise foi fautive,
- condamner M. Frédéric R. à payer à la sas SN B. la somme de 5 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure Civile.
- dire que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application du décret du 10 mai 2007 n°2007-774 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devront être supportés par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de Procédure Civile.
- les condamner aux entiers dépens.
En réponse, dans leurs dernières conclusions du 4 juillet 2019, M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. demandent à la cour de :
- déclarer l'appel de la sarl SN B. mal fondé et l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions sauf en ce qu'il déclare la sarl SN B. recevable en la forme à l'égard de Monsieur Frédéric R.,
Statuant à nouveau de ce chef,
- déclarer les demandes de la société SN B. irrecevables à l'égard de Monsieur Frédéric R..
Subsidiairement, et dans l'hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes de la société SN B.,
- ordonner une expertise comptable concernant les chantiers querellés,
En toute hypothèse,
- condamner la société SN B. à payer à Monsieur Frédéric R. et à la sarl R. Frédéric chacun la somme de 6 000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société SN B. aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de la selarl Jurica, avocat aux offres de droit, pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 décembre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence du tribunal de commerce concernant les demandes formées à l'encontre de M. Frédéric R.
Selon l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
L'article L.721-3, 1° et 2° du code de commerce dispose que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux, et de celles relatives aux sociétés commerciales.
En application de ces textes, lorsqu'au moment des faits de concurrence déloyale allégués, le contrat de travail avait pris définitivement fin, en l'absence de clause de non-concurrence dans le contrat de travail ou de faute commise avant le terme de celui-ci, le litige portant sur une demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ne peut être portée devant la juridiction prud'homale. En revanche, la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ancien salarié en raison d'actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice.
M. R. soutient que le tribunal de commerce n'était pas compétent concernant les demandes à son encontre, ces demandes relevant exclusivement de la compétence prud'homale dès lors qu'elles sont la conséquence de la rupture du contrat de travail et notamment d'une violation de l'obligation de loyauté. Il rappelle que les demandes devant le conseil de prud'hommes pour les faits commis pendant le contrat de travail été rejetées. Il estime également qu'il n'est pas démontré qu'il aurait à titre personnel bénéficié du fruit de tels actes de concurrence déloyale. A l'appui de la compétence du tribunal de commerce, la société SN B. expose qu'aucun fait n'est reproché durant l'exécution du contrat de travail, mais que les faits reprochés tiennent à la conservation personnelle de fichiers stratégiques lui appartenant et leur apport à la nouvelle structure, faits constitutifs de concurrence déloyale, ne relevant pas de la compétence du conseil des prud'hommes pour être postérieurs à la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, les actes allégués consistent dans l'utilisation d'éléments certes collectés pendant la relation de travail mais employés dans des manœuvres toutes postérieures à la rupture du contrat de travail, qu'il s'agisse des lettres d'intention, des nouveaux devis établis, ou enfin des marchés signés. Il n'est en outre pas allégué la présence d'une clause de non-concurrence dans le contrat de travail.
Ces actes sont donc extérieurs à la relation de travail et relèvent de la compétence du tribunal de commerce, et non du conseil de prud'hommes.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal de commerce de Saintes.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour concurrence déloyale
Sur les actes de concurrence déloyale
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de ce texte, la création, par un ancien salarié, d'une entreprise concurrente de celle dans laquelle il était auparavant employé n'est pas constitutive d'actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette création n'est pas interdite par une clause contractuelle et qu'elle n'a pas été accompagnée de pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle ; à cet égard, le salarié peut préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu'après l'expiration du contrat de travail, et que le seul déplacement de clientèle vers une entreprise concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en l'absence de manœuvres ou procédés déloyaux. Des actes constitutifs de concurrence déloyale fondés sur les dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, ne sauraient se déduire de simples présomptions ; ainsi, le simple fait d'aviser une clientèle de son départ et de la création d'une nouvelle société, alors que cette clientèle est libre de choisir l'entreprise avec laquelle elle veut travailler peut être considéré comme n'étant pas constitutif d'une faute. De la même manière, ne caractérise pas la faute, en l'absence de toute manœuvre déloyale relevée, la seule circonstance que certains clients ont suivi dans la nouvelle société l'associé au contact duquel ils avaient été antérieurement dans la société concurrencée.
Toutefois, le principe de la liberté du commerce n'autorise pas des anciens employés à user de procédés déloyaux pour pouvoir prospecter et détourner la clientèle convoitée. L'appropriation, par des procédés déloyaux, d'informations confidentielles relatives à l'activité d'un concurrent, constitue ainsi un acte de concurrence déloyale, dont le nouvel employeur peut se rendre complice lorsque le salarié lui transmet les documents. Constitue également un acte de concurrence déloyale une action concertée pour s'approprier la clientèle de l'ancien employeur, en utilisant de façon systématique, dans un laps de temps très court les travaux et l'expérience de ce dernier, en reproduisant ses produits presqu'à l'identique sans nécessité technique, en prospectant ses clients.
A titre liminaire, la cour relève que les développements de l'intimé au sujet de l'imputation de la rupture des relations contractuelles aux agissements de l'employeur s'apparentant à une rétrogradation, avec suppression de l'accès à sa messagerie, retrait du pouvoir de passer les commandes, réticences à répondre à des demandes, et difficulté d'organisation des chantiers sont sans lien avec le présent litige et relevaient du litige prud'homal. L'appelante expose d'ailleurs à juste titre que les conditions de travail de M. R. ne peuvent constituer un fait justificatif d'actes de concurrence déloyale.
En outre, le classement sans suite de la plainte de la société SN B. est également sans incidence sur le litige, cette décision n'ayant l'autorité de la chose jugée au pénal.
La société SN B. soutient que M. R. et la société intimée ont commis une faute à son égard en conservant un nombre important de fichiers confidentiels de l'employeur, notamment un certain nombre de devis qu'elle avait établis pour des chantiers qui ont systématiquement été poursuivis par l'EURL alors que ces clients s'étaient préalablement engagés auprès d'elle, puis en prérédigeant des lettres d'intention adressées à des clients dont M. R. assurait le suivi pour son compte, n'ayant pas pour objet d'informer de la création de la nouvelle société, mais de solliciter les clients pour qu'ils s'engagent avec une société alors en création, et enfin en prenant des rendez-vous avec eux pour les convaincre en leur proposant des offres plus intéressantes financièrement qu'il lui était aisé de proposer en ayant les devis afférents. Elle estime que l'ancienne clientèle de la société SN B. représentait 97 % du chiffre d'affaires de l'eurl Frédéric R. en mars 2017,90 % en avril 89 % en mai et en juin, et que ces démarches ne relèvent pas de simples maladresses mais d'un plan d'action coordonné visant à développer une activité concurrente à son détriment.
L'EURL Frédéric R. rappelle que la seule constitution d'une société n'est pas un acte de concurrence déloyale, puisque celle-ci n'a pas eu d'activité avant la cessation du contrat de travail, et expose que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un abus de la liberté du commerce et de l'industrie, soit le fait d'utiliser des moyens contraires aux usages du commerce pour attirer un client et le détourner d'un concurrent, qui lui incombe en l'absence de clause de non-concurrence, dès lors :
- que les personnes auxquelles étaient proposés des devis à des personnes qui n'étaient pas engagées vis-à-vis de la société SN B. qui ont pu librement choisir de contracter avec lui ne constituent pas des actes positifs...
- qu'à la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail le 7 décembre 2016, et de passation des fonctions au sein de la société, les anciens clients de la société SN B. exposant leur souhait de poursuivre leurs relations professionnelles avec M. R., personne avec laquelle ils ont créé un lien de confiance, sans démarchage de sa part et en raison de l'absence de réactivité de la société SN B. (notamment dans le suivi des clients du site de Mouilleron le Captif) ;
- que seuls les devis définitivement signés par les anciens clients de la société SN B. peuvent être retenus pour des actes de concurrence déloyale, ce qui n'est le cas d'aucune des situations évoquées par l'appelante
- que les lettres d'intention que les destinataires, personnes de confiance, étaient libres ou non de retourner, ont été sollicitées uniquement pour son financement bancaire.
- que la forme semblable des devis est liée à l'emploi d'un logiciel du commerce, EPB, qu'il avait lui-même mis en place au sein de SN B..
La cour relève que l'appelante démontre, par la production du constat d'huissier du 25 juillet 2017 de Me Guillaume M., que M. Frédéric R. était resté en possession de documents internes à l'entreprise SN B. au-delà de la fin de son contrat de travail, s'agissant notamment de devis, feuilles de calculs, pré-planning de chantiers et un carnet de commande de l'entreprise B. pour les années 2015, 2016 et 2017 sur son ordinateur personnel et celui de l'eurl, En revanche, le tableur en pièce n°706, qui ne comporte pas de donnée confidentielle, ne constitue pas un élément secret dont la détention par M. R. constitue une manœuvre déloyale.
En dehors de ce document, l'appropriation, par le salarié et la société Frédéric R., d'informations confidentielles relatives à l'activité d'un concurrent, provenant de l'usage de procédés déloyaux (par soustraction de données de la société employeur du premier), constitue un acte de concurrence déloyale, le préjudice en résultant dépendant de l'utilisation effective de ces documents, également reprochés au titre de manœuvres déloyales, qu'il convient d'examiner au regard des éléments produits.
- Chantier de la Mairie de Vairé
Concernant ce client, la société SN B. justifie avoir établi le 9 novembre 2015 un devis de traitement anti-mousse de 669,90 euros, le 8 janvier 2016 divers travaux de démolition, couverture tuiles, zinguerie pour 17 491,64 euros, et le 14 juillet 2016 des travaux de création de trappe pour 1 290,07 euros (facturés le 23 mai 2016), le 1er septembre 2016 des travaux de démolition et charpente pour 7 943,27 euros, et le 10 juin 2016 des travaux de démolition et couverture tuile, zinguerie pour 19 126,59 euros pour le compte de la mairie de Vairé. Ces devis ont été adressés par des courriers électroniques du 21 juillet 2016, du 15 avril 2016, du 14 juin 2016 et du 8 juin 2016 de M. Frédéric R., seul le devis de traitement anti-mousse étant adressé par Mme B. secrétaire, le 10 novembre 2015 (après communication de l'adresse de la mairie par courrier électronique de M. R. de la veille) ; en outre, par courrier électronique du 26 mai 2016, M. Frédéric R. a effectué une visite de l'état des voliges de la sacristie de l'église de Vairé, puis par courriel du 2 mai 2016 mentionné le nom d'une entreprise à contacter et indiqué qu'il entendait réaliser les trappes dans la semaine.
En outre, par constat du 28 mars 2017, Me Jean-Luc S., huissier de justice requis par la société SN B. a constaté la réalisation de travaux de réfection de toiture sur l'église de Vairé, avec affichage d'un arrêté municipal de réglementation de stationnement et de permission de voirie suite à la demande de l'entreprise R. Frédéric sarl pour réaliser les travaux de couverture de la sacristie, avec la présence d'un ancien chef de chantier de la société SN B.. Ce même huissier a constaté le 3 avril 2017 la présence de matériel dont la société SN B. revendique la propriété. M. Christian M. a déposé plainte pour vol de matériel (une bétonnière essence de marque Imer, des échafaudages de marque Entrepose, des clôtures de marque HERAS et des barrières de 1 mètre). Toutefois, les suites de cette enquête n'ont pas été communiquées et les intimés soutiennent que cette enquête a été classée sans suite. Enfin, la réalisation de travaux a été confiée à la société Covréor par la société intimée, après sollicitation de M. R. le 5 mars 2017 pour rétablir un devis, mais ces travaux ne sont pas ceux ayant donné lieu aux devis précités de la société SN B..
Si ces éléments traduisent la réalité de relations antérieures de la société SN B., puis l'existence de relations par la suite avec la société Frédéric R. (confirmées par les devis effectués pour cette collectivité mentionnés en pièce n°14 des intimés), ils ne démontrent pas que cette évolution soit consécutive à l'utilisation des éléments détournés de la première par son salarié, les chantiers en cause étant différents quant à leur objet. En outre, M. François C., premier adjoint à la mairie de Vairé atteste le 3 avril 2017 (pièce n°15), dans une attestation dont l'appelante conteste la valeur probante, et qui ne respecte certes pas les formes légales prévue aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile mais dont la cour peut librement apprécier la valeur probante, indique avoir sollicité plusieurs devis sur l'année 2016 auprès de différentes entreprises, sans avoir eu satisfaction, puis avoir fait une demande de prix à M. R. en ayant eu connaissance de la création de son entreprise, et conteste tout détournement de client en indiquant que les devis ont été réalisés à la demande de la mairie. Cette attestation ne peut être considérée comme mensongère ou insincère du seul fait qu'elle a été rédigée par le premier adjoint de la commune employeur de l'épouse de M. R..
Enfin, M. R. expose que la commune de Vairé doit diffuser un appel d'offres pour tout chantier et qu'il ne peut être insinué qu'il aurait tous les chantiers de la commune du seul fait que son épouse travaille au sein de la mairie, mais ne produit à ce titre qu'un courrier du 27 novembre 2017 établissant sa réponse à une « consultation » relative à l'extension de l'école de Vairé pour laquelle l'EARL Frédéric R. n'a pas été retenue. La société SN B. indique en tout état de cause à bon droit que l'allégation selon laquelle ces contrats seraient soumis aux marchés publics est fausse dès lors que le marché de 16 067,59 euros hors taxes, montant inférieur à 25 000 euros n'est pas soumis au régime des marchés publics en application de l'article 30 du décret 2016-360 du 25 mars 2016 alors applicable. Pour autant, la liberté de la commune de choisir son cocontractant n'implique pas nécessairement que sa décision ait été déterminée par des manœuvres déloyales.
Il en résulte la société SN B. qui allègue une faute des intimés et supporte la charge de la preuve de celle-ci et du lien de causalité avec son préjudice, échoue à démontrer que des manœuvres déloyales ont conduit au détournement de chantiers confiés par ce client.
- M. P. et Mme H.
Il est également établi par les pièces produites que la société SN B. a établi pour le compte de M. Patrice P. et Mme Claire H. un devis le 4 septembre 2015 pour des travaux de cheminée, chape, pour 1 687,25 euros, le 21 avril 2015 pour des travaux divers sur pied de poteau bois et dalle béton pour 1 146,70 euros, le 21 avril 2015 des travaux d'enduit intérieur et jointoiement sur briques pour 10 821 euros (donnant lieu au paiement d'un chèque de 3 300 euros le 28 avril 2015), le 3 juin 2016 pour des travaux de rénovation sol terre cuite et caniveau pour 3 063,64 euros, le 24 mars 2016 pour des travaux de nettoyage de poutres bois pour 677,15 euros, le 11 mars 2016 pour des travaux de modification de fenêtre de chambre et finitions sur mur pour 1 366,29 euros, le 10 février 2016 des travaux extérieurs et caniveau pour 636,38 euros et le même jour des travaux intérieurs divers pour 17 677,89 euros. Des courriels des 29 mars 2016, 17-18 avril 2016, 2 juin 2016 et 22 septembre 2016, traduisent des échanges pour la réalisation et le chiffrage de ces travaux entre M. P. et M. R., en sa qualité de salarié de la société SN B..
Toutefois, l'absence d'engagement ferme de ce client auprès de la société SN B. est démontrée par un courrier du 8 novembre 2016 transmis par M. R. à ce client, avec en pièce jointe un devis de travaux de maçonnerie pour 19 597,93 euros, en précisant qu'il n'était pas encore validé par sa hiérarchie.
Dès lors, même si la liste des devis de la société mentionne effectivement un devis pour Patrice P. le 10 mars 2017, plus de 4 mois après ce contact, puis le 30 mai 2017, et si une lettre d'intention à leur nom a été retrouvée dans l'ordinateur des intimés (pièce n°266), il n'est pas démontré par l'appelante que ce devis soit lié à un démarchage de la société R. à partir des éléments recueillis auprès de la société SN B..
M. Patrice P. atteste au contraire dans une attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile du 7 août 2017 qu'ayant été informé que M. R. ne faisait plus partie de la société SN B. par un appel téléphonique du secrétariat de cette société, il avait souhaité demander une offre comparative à la société de M. R., et conteste avoir eu à souffrir d'un démarchage abusif.
Dès lors, il n'est pas établi de détournement de clientèle par manœuvre déloyale, au-delà du seul libre exercice de la liberté du commerce et de l'industrie.
- M. et Mme M. :
Le constat d'huissier a permis de retrouver des devis de la société SN B. en date du 11 juillet 2016 pour 37 271,73 euros pour des travaux de démolition et maçonnerie de moellons (tranche conditionnelle n°1) en pièces n°280, 281 et 702, 22 895,39 euros pour des travaux sur mur d'enceinte avec création d'un proche d'entrée et d'un mur de maçonnerie (pièce n°282 et 285).
Or, l'EURL Frédéric R. a non seulement établi un modèle de lettre d'intention (attestant d'un démarchage effectif de ce client (pièce n°265), mais également des sollicitations directes de ce client par deux courriers des 25 mars 2017 et 21 juin 2017 (pièces n°270 et 271), dans lesquelles M. R. mentionne expressément « j'ai conscience de votre engagement avec une autre société », puis rencontré le mercredi de la semaine précédant le 29 mars 2017 (selon courrier électronique du 29 mars 2017), pour remettre deux devis qualifiés de « plus avantageux financièrement ».
Dès lors, même si comme le soutiennent les intimés, les offres commerciales du 21 juin 2017 (en pièces n°286 et 287) ne sont pas relatives aux travaux pour lesquels ils étaient liés à la société SN B. le 20 septembre 2016 (pièce 15) concernant la « tranche ferme » - qui ne correspond pas aux devis susmentionnés - il est établi que ces propositions ont été réalisées après un démarchage à l'aide des documents obtenus de manière déloyale auprès de l'ancien employeur de M. R..
En revanche, s'il est établi que ce chantier a été inscrit comme dossier en attente dans le carnet de commande en pièce n°332, il n'a donné lieu à aucune réalisation effective par la société R., la société SN B. ayant effectivement réalisé le chantier comme l'a constaté Maître P. le 23 avril 2018 (pièce n°24), et aucun des devis envoyés par la société R. n'a été accepté à la date du 28 août 2017 (selon la pièce n°14 des intimés).
Il en résulte que les manœuvres déloyales en cause n'ont pas conduit à la perte de marchés pour la société SN B..
- Mme V.
Concernant les chantiers de Mme V., le constat d'huissier a permis également de trouver en la possession des intimés des devis établis le 21 novembre 2016 pour la restauration d'un habitat ancien 1850-19100 établis par la société SN B. (pièces n°703 et 704). Or, il est également établi que M. R. a préparé un modèle de lettre d'intention au nom de cette cliente (en pièce n°268), et lui a demandé par deux courriels des 27 mars et 7 juin 2017 si elle avait indiqué ne pas donner suite au devis à la société SN B. (pièce 371 et 414).
Dès lors, si Mme Cécile V. atteste dans une attestation du 30 juillet 2017 qu'elle avait informé la société SN B. qu'elle ne donnerait pas suite au devis, et avoir, une fois obtenue la réponse de la fondation du patrimoine, relancé M. R. sans que M. R., qui l'avait simplement informée qu'il quittait l'entreprise pour créer sa propre société, se soit manifesté auprès d'elle, cette attestation est contraire aux éléments de fait et n'emportent ainsi pas la conviction de la cour.
Il en résulte que même en l'absence d'engagement ferme de cette cliente auprès de la société SN B., les démarches actives de M. R. à l'aide des données collectées dans son précédent emploi caractérisent des manœuvres déloyales constitutives de concurrence déloyale à l'origine d'une perte de marché pour la société SN B..
- Mme B. :
Concernant cette cliente, si le constat d'huissier a permis de retrouver des devis établis par la société SN B. en pièce n°247, 248, 249, 250,251, et 252, aucun usage déloyal de ces pièces n'est démontré, seul un courrier électronique du 29 mars 2017 adressé à cette cliente, par lequel il informe simplement de ce qu'il avait créé sa société et se tient à dispositions dans le cas où l'affaire se relancerait, étant retrouvé. (pièce 374).
Dès lors, aucune démarche excédant le libre exercice de la concurrence n'est établie en l'espèce.
- M. G.
La société SN B. avait établi le 10 juin 2015 un devis retrouvé par l'huissier désigné sur ordonnance présidentielle pour une somme de 10 983,65 euros au titre d'un mur de douve entre l'aile nord et le portail principal.
M. Thierry G., dans une attestation du 7 août 2017, mentionne que M. R. l'avait appelé mi-décembre 2016 pour annoncer qu'il ne faisait plus partie de la société et qu'il avait en projet la création d'une entreprise de maçonnerie, et avait signalé qu'il était intéressé par l'échafaudage dont il est propriétaire, avec une transaction légale sous forme de travaux réalisés fin juillet 2017. La facture du 27 juillet 2017 mentionne effectivement la déduction de 2 236,25 euros au titre de l'échafaudage.
Cette seule démarche n'établit donc pas une manœuvre déloyale non conforme au libre exercice de la concurrence.
- Concernant les autres clients : Roger SA, M. G., M. P.
Concernant ces clients, la société SN B. qui procède par affirmation générale dans ses écritures, ne démontre pas que M. R. ou l'EURL R. auraient été en possession de devis préalablement établis par ses soins. Dès lors, le seul envoi de devis à ces sociétés par M. R. ne traduit pas l'existence de quelconques démarches déloyales de détournement de clientèle.
En outre, il résulte de la pièce n°14 que les devis adressés à M. G. ont été établis le 13 juillet 2017, soit plus de sept mois après son départ de l'entreprise ; il ne peut être établi aucun lien direct entre cette édition de devis (dont l'acceptation par le client n'est pas démontrée) et l'activité antérieure du salarié au sein de la société B..
Enfin, si un courrier électronique de M. R. à Alexandre B. produit en pièce 373 mentionne un rendez-vous le 30 mars 2017 avec M. G., et si une prise de contact est intervenue par courrier électronique avec M. P. le 18 juillet 2017 (relance suite à quelques proposition de chiffrages- pièce n°425), rien n'établit que ces propositions fassent suite à des contacts précédents avec la société SN B.; au contraire, M. P. atteste en pièce n°21 des intimés avoir été simplement informé par M. R. de ce qu'il n'exerçait plus au sein de la société SN B., et qu'il envisageait la création de sa société pour un démarrage début mars 2017, ce qui l'avait conduit à demander une entrevue mi-mars, ce qui ne constitue pas une démarche déloyale mais le simple exercice de la liberté du commerce et de l'industrie.
En synthèse, il s'avère qu'outre le détournement par M. R. des documents confidentiels de son employeur, les seules démarches déloyales effectives prouvées de l'EARL Frédéric R. ont consisté en des démarchages excédant les limites d'une concurrence loyale auprès de M. et Mme M. et de Mme V., avec la perte effective du seul chantier au profit de cette dernière, aucun détournement des autres chantiers consécutifs aux documents divertis n'étant établi par la demanderesse qui supporte la charge de la preuve.
M. R. soutient, enfin, qu'il ne lui est pas reproché d'acte détachable de ses fonctions, la seule préparation de sa future activité concurrente par un salarié n'étant pas une faute à condition que cette concurrence ne soit effective qu'après l'expiration du contrat de travail.; toutefois, le détournement des documents confidentiels a été réalisé à titre personnel et constitue, au même titre que leur utilisation par l'EARL R. agissant par son intermédiaire, une faute obligeant ces deux parties, in solidum, à réparer le préjudice en résultant pour la société.
Sur le préjudice subi
Sur le préjudice matériel résultant de la perte des chantiers
En application des textes précités, il appartient à la partie victime d'agissements de concurrence déloyale de rapporter la preuve de l'étendue du préjudice commercial dont elle réclame réparation.
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, l'appelante produit une attestation de son expert-comptable chiffrant le préjudice, ne tenant compte que des cas pour lesquels des actes de concurrence déloyale ont pu être clairement caractérisés, en reconstituant le chiffre d'affaires perdu de ce seul fait et non de son attitude, pour 280 944 euros, soit une marge brute perdue de 109 697 euros après application du taux de marge, éléments qui ne peuvent être contredits par les bilans (dans lesquels ne figurent pas les marchés en cause).
Les intimés soutiennent que le lien de causalité entre les démarches prétendues et le préjudice subi n'est pas établi, la société SN B. considérant dans ses calculs que les chantiers étaient nécessairement acquis et les montants retenus étant ceux des devis qui peuvent varier avant d'atteindre leur montant définitif, sans communiquer les bilans 2016, 2017 et 2018.
Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la seule perte ferme de chantier consécutive aux manœuvres de M. Frédéric R. et de l'EARL R. est celle du chantier de Mme V., soit, selon l'attestation de l'expert-comptable, produite en pièce n°14, une perte de marge brute de 15 314 euros, qui est intégralement en lien direct avec les agissements de M. R. et de l'EURL R. l'incitant à rejeter la proposition.
Le préjudice matériel sera donc limité à cette seule somme, mise à la charge des deux intimés in solidum.
Sur le préjudice commercial complémentaire
En droit, un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyal, générateur d'un trouble commercial, fût-il seulement moral.
La société appelante estime subir également un préjudice lié à la perte de sa réputation de sérieux et de rigueur auprès d'une clientèle qui s'était pourtant engagée envers elle. Elle fait valoir que la mauvaise foi de M. R. envers elle, en conservant des documents de façon illicite et en effectuant des manœuvres destinées à détourner sa clientèle.
L'EURL Frédéric R. fait valoir que la désorganisation de l'entreprise SN B., qui n'est pas prouvée, ne pourrait être imputée à son activité dès lors que la baisse de chiffre d'affaires est intervenue entre 2015 et 2016, avec des pertes d'effectifs liées aux modifications managériales, alors au contraire que le chiffre d'affaires est en hausse de 14 % et qu'aucun préjudice commercial n'est établi. A titre plus subsidiaire, elle expose qu'il est nécessaire de déterminer précisément les chantiers concernés et le préjudice subi à raison uniquement des marchés visés, par une expertise comptable. Elle fait valoir que le préjudice d'image ou de réputation n'est pas établi.
La cour relève qu'il est démontré par les éléments ci-dessus que l'utilisation des documents divertis de la société SN B. par M. Frédéric R. et mis à la disposition de l'EURL Frédéric R., ainsi que les manœuvres déloyales engagées à l'aide de ces documents auprès des clients Mme V. et M. et Mme M., ont octroyé à un avantage indu aux intimés par rapport à l'appelante, dès lors qu'elle a pu bénéficier de l'effort de prospection, études et chiffrages réalisés dans l'intérêt de ces deux clients pour conquérir des marchés complémentaires.
Les intimés démontrent par production de l'ordonnance du 17 mai 2018 du premier président dans le cadre de la procédure d'appel de la décision du conseil de prud'hommes que le chiffre d'affaires de la société SN B. sur l'année 2017 a connu une augmentation notable de 14 % (de 1 868 580 euros à 2 132 694 euros), alors que les charges d'exploitation n'ont été augmentées que d'un peu plus de 5 %. Pour autant, il est également établi par le planning prévisionnel en pièce n°332 que la majorité des marchés envisagés pour la société Frédéric R. concernaient d'anciens clients de la société SN B.. Ces données démontrent que l'impact commercial négatif des agissements de la société Frédéric R., bien que lui occasionnant un avantage dans les relations avec les anciens clients de la société SN B., a été limité.
Au regard de ces éléments et du chiffre d'affaires de la société SN B., le préjudice commercial et moral résultant des manœuvres déloyales des deux intimés s'élève à 10 000 euros (ce préjudice englobant le préjudice moral subi du fait des manœuvres de son ancien salarié M. Frédéric R. pour lequel l'appelante formule une demande autonome).
Il y a donc lieu de condamner les deux intimés in solidum au paiement de cette somme, et de rejeter la demande de dommages-intérêts complémentaire à l'encontre de M. R..
Les intimés succombant devront supporter les dépens, et leur demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, tant en première instance - le premier jugement étant infirmé sur ce point - qu'en appel. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais non compris dans les dépens et rendus nécessaires pour l'exercice de sa défense ; les intimés seront donc condamnés in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande formée par la SAS SN B. visant la condamnation de M. R. et de l'EURL R. à lui régler le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en application du décret du 10 mai 2007 portant modification du décret du 12 décembre 1996 relatif au tarif des huissiers, dans l'hypothèse où elle devrait recourir à l'exécution forcée de la décision, sera rejetée. En effet, le droit proportionnel pouvant être alloué aux huissiers lorsqu'ils recouvrent ou encaissent des sommes après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet (prévu par le tableau 3-1 n° 129 créé par l'article A 444-32 du Code de commerce issu de l'arrêté du 26 février 2016 qui remplace l'article 10 du décret du 12 décembre 1996), reste à la charge du créancier conformément à l'article R444-55 du même code issu du décret n° 2016-230 du 26 février 2016.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du 11 décembre 2018 du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en ce qu'il a :
- dit et jugé que la société SN B. n'est pas fondée en ses demandes, fins et prétentions, l'en a déboutée ;
- condamné la société SN B. à payer la somme de 1 000,00 € à Monsieur Frédéric R. et la somme de 1 000,00 € à la société Frédéric R. au titre de l'indemnité fondée sur l'Article 700 du code de procédure civile.
- l'a condamnée aux entiers frais et dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Stauant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
- Dit que M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société par actions simplifiée SN B. ;
- Condamne in solidum M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. au paiement à la société par actions simplifiée SN B. des sommes de :
- 15 314 euros (quinze mille trois cent quatorze euros) au titre du préjudice résultant de la perte de chantiers ;
- 10 000 euros (dix mille euros) au titre du préjudice d'image et de réputation ;
- Rejette le surplus des demandes indemnitaires de la société SN B. ;
- Condamne in solidum M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. au paiement à la société par actions simplifiée SN B. de la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette les demandes de M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. sur ce fondement ;
- Condamne in solidum M. Frédéric R. et l'EURL Frédéric R. aux dépens de première instance et d'appel ;