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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 6e ch. réunies, 12 novembre 2020, n° 19/12795

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Axa France Iard (SA), Etablissements Clier (SARL), MMA Iard (SA), MMA Iard Assurances Mutuelles (Sté), GAN Assurances (SA), Alpes Vaucluse (MSA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Conseillers :

Mme Vella, Mme Allard

TGI Digne-Les-Bains, du 24 juill. 2019

24 juillet 2019

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

En 2002, Monsieur Charly P., agriculteur à Cruis dans les Alpes de Haute Provence, a fait l'acquisition auprès de l'association centre d'études techniques agricoles de Banon (CETA) d'un tracteur enjambeur de marque Jacquet, modèle 870 T 900 d'occasion.

Ce tracteur enjambeur, fabriqué et mis en circulation en 1993 par la Société Jacquet, depuis reprise par la société GB Industrie, qui l'avait vendu au CETA Banon en 1993, avait été équipé en juillet 1993 d'une ensileuse fabriquée par la société New Holland, devenue la société CNH Industrial ainsi que de becs cueilleurs fabriqués par la société Etablissements Clier.

Le 14 juillet 2003, alors que M. P. procédait à la récolte de lavande, les becs cueilleurs se sont arrêtés en raison d'un bourrage. L'intéressé est descendu de son tracteur et, dans le mouvement de l'ensileuse, son bras a été happé et en partie sectionné.

Opéré en urgence, il a été amputé.

Le 5 décembre 2013, M. P. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne les Bains afin d'obtenir la désignation d'un expert technique et d'un expert médical.

Le juge des référés, par ordonnance du 6 février 2014, a fait droit à ses demandes et désigné en qualité d'experts, M. B. afin d'examiner la machine en cause et le docteur P. afin d'examiner M. P. et de déterminer l'étendue des conséquences médico-légales de l'accident.

La désignation de M. B., chargé de procéder à l'examen de la machine, a été déclarée caduque le 23 avril 2015, faute de versement par M. P., dans le délai imparti, de la consignation destinée à garantir les frais et honoraires de l'expert.

Les opérations d'expertise médicale ont été étendues à la SA Gan assurance par ordonnance du 15 janvier 2015.

L'expert a déposé le 14 avril 2015 un rapport fixant la date de consolidation du dommage au 6 décembre 2004.

Par actes des 29 et 30 septembre 2016, M. P. a fait assigner la société GB Industrie, son assureur la SA Gan assurances, l'association CETA de Banon et la MSA Alpes Vaucluse devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains, afin d'obtenir, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, l'indemnisation de ses préjudices.

La SA GB Industrie a appelé en cause, par exploits des 24 avril 2017 et 4 mai 2017, la SA Axa France Iard, assureur des établissements Jacquet, la société CNH Industrial, venant aux droits de la société New Holland, fournisseur de l'ensileuse et la Société Clier, fournisseur des becs cueilleurs, afin qu'elles soient condamnées à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Par exploit du 16 avril 2018, la société GB Industrie a également fait appeler en cause la SA MMA Iard, assureur des établissements Jacquet au moment de la construction du tracteur enjambeur en 1993, afin qu'elle la relève et garantisse des condamnations prononcées à son encontre.

Par jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a :

- déclaré M. P. irrecevable en son action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ;

- déclaré M. P. irrecevable en son action en réparation fondée sur l'article 1382 du code civil ;

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les recours en garanties exercés par la société GB Industrie et son assureur la société Gan Assurances et le Ceta Banon ;

- débouté la MSA Alpes Vaucluse de son recours sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- rejeté toutes autres demandes des parties à l'instance ;

- laissé les dépens à la charge de M. P., à l'exception de ceux relatifs aux appels en garantie contre la SAS CNH Industrial France, la SARL Clier, la SA Axa France Iard et la SA MMA Iard, mis à la charge de la SAS GB Industrie.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- ayant choisi d'exercer son action sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, régime spécial, M. P. ne pouvait invoquer le délai de prescription de droit commun de dix ans ;

- le point de départ du délai de prescription de trois ans courrait à compter de la date à laquelle M. P. avait ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur et en l'espèce, l'intéressé ayant été informé de son état par une notification de la MSA du 7 février 2005 et du défaut prétendu par le rapport technique de l'Apave remis en juillet 2005, l'action était prescrite, sans que l'assignation en référé du 5 décembre 2013 ait pu interrompre valablement le délai ;

- en tout état de cause, le produit, à savoir l'ensemble tracteur-ensileuse, ayant été mis en circulation le 7 juillet 1993 pour le tracteur, soit plus de dix ans avant le fait dommageable et au plus tard à cette date pour l'ensileuse, M. P. était irrecevable, pour cause de forclusion, à agir après juillet 2003 ;

- si l'article 1386-18 du code civil autorise la victime d'un dommage à se prévaloir du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou d'un régime spécial de responsabilité dans la mesure où elle invoque une faute distincte du défaut du produit, M. P. invoquait l'absence de vérification du niveau de dangerosité de l'ensemble tracteur-ensileuse, laquelle ne constituait pas une faute distincte du défaut de sécurité du produit.

Par acte du 2 août 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. P. a interjeté appel total de cette décision, en ce qu'elle l'a déclaré irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société GB Industrie, la société GAN Assurances, l'association Ceta de Banon et l'a condamné aux dépens, à l'exception de ceux relatifs aux appels en garantie.

Par acte en date du 16 janvier 2020, la société GB Industrie a signifié à la société Axa France Iard, à la société CNH Industrie, à la société Etablissements Clier et à la société Mma Iard des conclusions d'appel incident et provoqué.

Par acte des 29 et 30 janvier 2020, la société Gan Assurance a elle-même appelé en cause, par appel provoqué, la société Etablissements Clier et la société CNH Industrial France.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par le RPVA le 10 septembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. P. demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil, 2226 du code civil, L.221-1 du code de la consommation, 1245 et suivants du code civil, R 233-15 et suivants du code du travail, L 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que la société GB Industrie et le Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA) engagent solidairement leur responsabilité dans l'accident dont il a été victime le 14 juillet 2003 en raison d'un défaut de sécurité lui ayant causé un grave dommage corporel ;

- dire et juger que la société GB Industrie et le Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA) ont également commis une faute en lui vendant alors qu'il est un particulier, un prototype expérimental sans l'avoir au préalable suffisamment testé au regard des normes de sécurité, cette négligence fautive engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- condamner solidairement la société GB Industrie, la société Gan Assurances et le Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA) à lui payer la somme de 7 500 000 € à titre de réparation des préjudices de tous ordres subis du fait de l'accident survenu le 14 juillet 2003 ;

- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la Caisse de mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse afin qu'elle puisse faire valoir ses droits au titre des débours engagés et à venir ;

En tout état de cause :

- débouter la société GB Industrie, la société Gan Assurances, le Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA), la société AXA France Iard, la société CNH Industrial France, la société Etablissements Clier et la SA Mma Iard de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement la société GB Industrie et l'association Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA) à lui verser la somme de 45 000 € (quarante-cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société GB Industrie et l'association Centre d'Etudes Techniques Agricoles (CETA) ou tout succombant aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Pierre-Philippe C., membre de la SELARL D. & A..

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

- il souhaite engager la responsabilité de la SAS GB Industrie et du CETA de Banon du fait des produits défectueux mais également sur le régime de responsabilité de droit commun, prévue par l'article 1240 du code civil ; le délai de prescription de l'action est celui prévu à l'article 2226 du code civil, soit dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; l'article 1245-17 du code civil autorise la victime d'un dommage à engager la responsabilité d'une société du fait d'un produit défectueux mais également en application du droit commun, le principe de non-cumul des responsabilités n'étant pas applicable pour la réparation d'un dommage corporel dès lors qu'une faute distincte du défaut de sécurité est constatée ;

- le fabricant et le vendeur d'un produit sont responsables du dommage causé par un défaut de celui-ci, le produit défectueux étant celui qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; en l'état de cette obligation de sécurité, il pouvait légitimement s'attendre à ce que la machine comporte un dispositif d'arrêt d'urgence à proximité immédiate des zones dangereuses, ainsi qu'une signalisation et un avertissement concernant les opérations de bourrage ; l'APAVE, bureau de contrôle, lui a remis le 5 juillet 2005 un rapport dont il résulte que l'équipement n'est pas conforme à plusieurs règles techniques qui étaient déjà applicables lors de sa fabrication en 1992 ;

- la société GB Industrie et le CETA de Banon sont également fautifs sur le fondement de l'article 1240 du code civil en ce qu'ils lui ont vendu, alors qu'il n'est pas un professionnel en équipement agricole, un prototype expérimental, dont l'utilisation n'avait pas été auparavant testée ; cette faute ne peut être confondue avec le défaut de sécurité de l'engin ;

- il n'a commis aucune faute puisqu'il a procédé au débourrage alors que la machine était arrêtée et qu'il croyait que le moteur était tombé en panne ;

- ses préjudices sont considérables, dépassant largement le stade du simple préjudice corporel

Et rien ne lui impose de justifier chacun des préjudices « poste par poste ».

Dans ses conclusions notifiées par le RPVA le 4 août 2020, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la SAS GB Industrie demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer intégralement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Digne les Bains en date du 24 juillet 2019 ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel provoqué à l'encontre des sociétés CNH Industrial France et Ets Clier ;

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires et débouter M. P. de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter la caisse de mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour infirmait le jugement du tribunal de grande instance de Digne les Bains ;

A titre principal,

- déclarer prescrite l'action engagée par M. P. ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. P. ne rapporte pas la preuve de sa responsabilité et d'un lien de causalité avec le préjudice qu'il a subi ;

- dire et juger que les conditions légales de sa responsabilité ne sont pas réunies ;

- débouter M. P. de ses demandes ;

A titre très subsidiaire, s'il était fait droit aux demandes de M. P.

- condamner les sociétés Clier, CNH Industrial France, venant aux droits de la société New Holland à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle ;

- déclarer recevable et bien fondé l'appel en garantie à l'encontre de la compagnie d'assurance Gan Assurances ;

- condamner in solidum la société Gan assurances et les sociétés Clier, CNH Industrial France à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle ;

- débouter le CETA de Banon de l'intégralité de ses demandes en garantie à son encontre et plus généralement de toutes demandes en garantie formulées à son encontre ;

- débouter la caisse de mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel provoqué à l'encontre des sociétés CNH Industrial France et Ets Clier ;

- lui donner acte qu'elle se désiste de la présente instance et de l'ensemble de ses demandes formulées à l'ensemble des compagnies d'assurance Mma Iard et MMa assurances mutuelles et Axa France Iard ;

- dire que chacune des parties conservera à sa charge les frais et dépens.

En tout état de cause,

- condamner M. P. à la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix en Provence.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

- M. P. entend obtenir sa condamnation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, qui est un régime spécial de responsabilité, de sorte que ce sont les dispositions spéciales concernant la prescription de l'action en réparation qui s'appliquent ; la consolidation des blessures ayant été fixée au 6 décembre 2004 par le médecin expert et le rapport de l'Apave ayant été remis à M. P. le 5 juillet 2005, celui-ci devait agir avant le 5 juillet 2008 ; en tout état de cause, en application de l'article 1245-15 du code civil, M. P. est forclos en sa demande puisque le tracteur HYD 900T n° 106 a été réceptionné le 6 juillet 1993, vendu à l'association Ceta de BANON le 7 juillet 1993 et mis en circulation sur le marché des véhicules d'occasion le 18 avril 2002 soit plus de dix ans avant l'action ;

- M. P. ne démontre aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit, justifiant l'application du régime général de responsabilité délictuelle et des règles de prescription afférentes à ce régime ;

- en tout état de cause, le rapport de l'Apave qui fonde les prétentions de M. P., n'est pas contradictoire et partant, insuffisant pour établir le défaut et de l'origine exacte de l'accident, étant relevé qu'il ne fait pas la distinction entre le tracteur enjambeur et l'ensileuse l'équipant, alors que cette distinction est fondamentale dans le cadre de l'accident puisque le bras a été happé par l'ensileuse produite par la société New Holland, et plus spécialement par les becs cueilleurs produits par la société Ets Clier ;

- les non-conformités alléguées ne sont pas à l'origine du sinistre et l'ensileuse n'a pas été « incorporée » au tracteur au sens de l'article 1245-7 du code civil, de sorte qu'il n'y a pas lieu à responsabilité solidaire ;

- M. P. a commis une faute puisqu'en sa qualité d'exploitant agricole, habitué à utiliser ce genre de machine, il aurait dû, avant de procéder au débourrage, arrêter l'ensileuse et les becs cueilleurs ainsi que le préconise un avertissement figurant sur l'ensileuse.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 4 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Gan Assurances demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses écritures ;

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Digne les Bains le 24 juillet 2019 ;

- déclarer M. P. irrecevable en son action comme prescrite ;

En toute hypothèse :

- constater que le tracteur fabriqué par la société GB Industrie et l'ensileuse fabriquée par la société New Holland sont deux produits distincts, que la société GB Industrie n'est pas le fabricant de l'ensileuse New Holland mise en cause, que la société GB Industrie n'a pas réalisé l'incorporation de l'ensileuse au tracteur porte-outils et que M. P. ne rapporte ni la preuve de la défectuosité de l'ensileuse ni que les conditions de la responsabilité de son fabricant sont réunies ;

En conséquence :

- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ès qualités d'assureur de la société GB Industrie ;

A titre subsidiaire, après avoir constaté que M. P. a commis une faute d'imprudence à l'origine de la réalisation de son dommage,

- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ès qualités d'assureur de la société GB Industrie ;

A titre très subsidiaire, après avoir constaté que la faute de M. P. a concouru à la réalisation de son dommage,

- laisser à la charge de M. P. 70% de la responsabilité de cet accident ;

- dire ce partage opposable à la Caisse de mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse ;

En tout état de cause,

- juger que le CETA de Banon, les sociétés CNH Industrial France, venant aux droits de la société New Holland Braud et la société Clier devront être condamnées à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient intervenir à son encontre ;

- constater que sa garantie ne pourra être mise en œuvre que sous réserve des clauses, conditions et limites de garantie prévues par sa police, dont notamment une limite de garantie de 1 250 000 € ;

- condamner M. P. ou tout autre succombant, à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- que l'action en responsabilité du fait des produits défectueux est irrecevable pour cause de prescription ;

- l'ensileuse et le tracteur ont des rôles bien distincts et peuvent être séparés ; son assurée, la société GB Industrie n'a pas procédé à l'incorporation de l'ensileuse sur le tracteur, de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée si un défaut de sécurité de l'ensileuse était retenu ;

- l'attelage du tracteur et de l'ensileuse ne créé pas, contrairement à ce que soutient M. P., un phototype dont les sociétés intimées auraient omis de vérifier la sécurité, de sorte qu'il n'existe aucune faute distincte du défaut de sécurité du produit ;

- M. P. ne rapporte pas la preuve d'un défaut du produit ou d'un quelconque manquement fautif de la société GB Industrie en lien avec son accident ;

- la dangerosité anormale d'un produit s'apprécie par rapport la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, l'attente légitime étant proportionnelle à l'innocuité naturelle du produit et inversement proportionnelle à son danger potentiel ; une ensileuse, quel que soit son état est un outil dangereux par nature dès lors qu'il est en mouvement et qu'il n'a pas été mis hors-circuit ; plusieurs avertissements sont fixés sur la machine concernent le débourrage de l'ensileuse et M. P. a commis une imprudence en ne coupant pas le moteur avant de procéder au débourrage de l'ensileuse ;

- M. P. ne produit aucun élément justifiant la nature, l'existence et le quantum des préjudices dont il sollicite réparation.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 5 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, l'association CETA Banon demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Digne les Bains du 24 juillet 2019 ;

- déclarer M. P. irrecevable en son action pour cause de prescription ;

En tout état de cause,

- débouter M. P. de toutes ses demandes dirigées à son encontre ;

- subsidiairement, condamner la SAS GB Industrie et la société GAN assurances à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et les débouter de leur appel en garantie ;

- condamner M. P. et tout contestant au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. P. aux dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

- la première action judiciaire diligentée par M. P. est intervenue au mois de décembre 2013 soit plus de trois ans après la communication par l'APAVE de son rapport et alors que M. P. n'ignorait ni l'identité de son vendeur ni celle du fabricant ; il est en tout état de cause forclos en sa demande puisque la responsabilité du fabricant ou du producteur est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit ;

- sur le fond, le montage de l'ensileuse lavande New Holland avec benne a été effectué sur le tracteur enjambeur, porte outil lavande, par la société Jacquet ;

- l'accident est dû à l'imprudence de M. P. puisqu'il est descendu de son tracteur en laissant en marche l'ensileuse en dépit des avertissements de sécurité figurant sur la machine ; le rapport de l'APAVE est unilatéral et a été établi sans aucun respect du contradictoire, sur les seules indications du demandeur, plus de deux ans après l'accident, sur un engin qui avait été laissé à la disposition de la victime ; les non-conformités relevées n'ont aucun rapport avec l'accident ;

- subsidiairement, elle doit être relevée et garantie par la société GB Industrie et son assureur puisqu'elle démontre par la production de la facture qu'elle n'est à l'origine d'aucune modification sur le tracteur pendant la durée de sa détention.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 14 septembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société CNH Industrial demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 24 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Digne les Bains en toutes ses dispositions ;

- condamner solidairement la société GB Industrie et la société GAN assurances à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- débouter la société GB Industrie de toutes ses demandes à son encontre ;

- débouter la société GAN assurances de toutes ses demandes à son encontre ;

- condamner solidairement la société GB Industrie et la société Gan assurances à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société GB Industrie et la société GAN Assurances aux dépens de première instance et d'appel ;

A titre infiniment subsidiaire :

- dire que le quantum des demandes est injustifié et le ramener à une somme raisonnable.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

- M. P. n'est pas recevable à se prévaloir d'un régime de responsabilité différent de celui prévu par les dispositions issues de la directive de 1985 sauf à établir que le dommage subi résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit, ce qu'il ne démontre pas ;

- les règles afférentes à la prescription, étant celles des articles 1386 anciens et suivant du code civil, l'action doit être considérée comme prescrite ;

- elle n'a pas participé à l'élaboration de l'engin de sorte qu'elle n'est pas concernée par le fait dommageable et si, contre toute attente, la société GB Industrie était condamnée par la cour sur ce fondement, elle ne serait pas fondée à obtenir sa garantie dès lors que le défaut du produit n'existait pas lors de sa mise en circulation et que le montage de l'ensileuse sur un tracteur enjambeur n'était pas prévu initialement et que l'utilisation de l'ensileuse SPERRY 708 est préconisée avec un tracteur ayant une puissance de 50 à 70 chevaux, alors que le tracteur enjambeur présente une puissance de 93 KW soit 126 ch ;

- l'ensileuse n'étant pas autonome, son fonctionnement nécessite obligatoirement un tracteur et il est recommandé, comme pour tout équipement entrainé par une prise de force, d'en arrêter l'entraînement et de couper le moteur du tracteur avant d'intervenir sur les éléments mobiles de la machine ou de s'en approcher, de sorte que M. P. a commis une faute qui a contribué à son dommage ;

- la réparation d'un dommage corporel ne peut en aucun cas être forfaitaire et doit être justifiée poste par poste.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 14 septembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Etablissements Clier demande à la cour de :

Sur la responsabilité du fait des produits défectueux :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. P. irrecevable en son action fondée sur la responsabilité des produits défectueux, du fait de la prescription ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de M. P. ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les recours en garantie exercés par la SAS GB Industrie et son assureur la SA Gan assurances et le CETA Banon ;

- rejeter en conséquence, toute demande en tant que dirigée à son encontre ;

Sur la responsabilité délictuelle,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. P. irrecevable en son action fondée sur la responsabilité délictuelle, faute pour lui de démontrer une faute distincte du défaut de sécurité dont il se prévaut par ailleurs ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de M. P. ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les recours en garantie exercés par la SAS GB Industrie et son assureur la SA Gan assurances et le CETA de Banon ;

- rejeter toute demande en tant que dirigée à son encontre ;

Si la cour devait entrer en voie de réformation,

- rejeter toute demande dirigée à son encontre, faute pour M. P. de démontrer l'existence d'un défaut de sécurité affectant le tracteur litigieux ;

- rejeter toute demande dirigée à son encontre en l'état de la faute commise par M. P. ;

- rejeter toute demande dirigée à son encontre, faute pour la société GB Industrie et la SA Gan assurances de démontrer que le dommage aurait été causé par un défaut des becs cueilleurs du tracteur litigieux ;

- débouter la société GB Industrie et la SA Gan assurances de toutes leurs demandes fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- débouter M. P., le CETA de Banon, la SAS CNH Industrial France, la SA AXA France, la MSA Alpes Vaucluse et la SA MMA Iard de toutes leurs demandes fins et conclusions dirigées à son encontre ;

Sur la demande au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société GB Industrie et la SA Gan assurances à lui verser la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

En cause d'appel,

- condamner la société GB Industrie et la SA Gan Assurances à lui verser la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Guillaume B., avocat.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :

- la première action judiciaire intentée par M. P. est intervenue au cours du mois de décembre 2013, soit plus de dix ans après la première mise en circulation du produit et plus trois ans après que M. P. a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, de sorte que l'action est prescrite et l'intéressé forclos en ses demandes ;

- M. P. ne démontre pas que l'engin était affecté d'un défaut puisqu'il se fonde sur un rapport d'expertise non contradictoire dressé à sa demande et qu'il ne produit aucune autre pièce ;

- les défauts relevés par l'APAVE ne peuvent être considérés comme étant à l'origine du dommage et si l'expertise technique judiciaire n'a pu être menée à bien, l'expert, M. B., a malgré tout reproduit les dires des parties lors d'un accedit, M. P. ayant déclaré avoir procédé au débourrage alors que l'ensileuse était en marche dans le but de gagner du temps alors même qu'une affiche collée sur l'ensileuse rappelait la nécessité de débrancher la prise de force en cas de bourrage accidentel ;

- M. P. ne démontre l'existence d'aucune faute distincte du défaut de sécurité qu'il invoque ;

- en tout état de cause, sa garantie ne peut être considérée comme acquise puisque le producteur du produit incorporé ne peut être responsable qu'à condition que le dommage ait été causé par un défaut du produit incorporé et la société GB Industrie, qui prétend à sa garantie, ne démontre pas que le dommage subi par M. P. a été causé par un défaut des becs cueilleurs du tracteur ou que ceux-ci étaient en fonctionnement lorsque le bras a été happé.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 25 août 2020, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société AXA France Iard demande à la cour :

A titre principal,

- donner acte à la société GB Industrie qu'elle se désiste de la présente instance et de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;

- la déclarer hors de cause et constater le dessaisissement partiel de la cour ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Digne les Bains en ce qu'il a déclaré M. P. irrecevable tant en son action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, qu'en son action en réparation fondée sur l'ancien article 1382 du code civil ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Digne les Bains en date du 24 juillet 2019 en ce qu'il a rejeté ses demandes ;

Statuant à nouveau

- dire et juger qu'elle ne doit pas sa garantie à la société Jacquet, le fait générateur de l'accident du 14 juillet 2003 étant né postérieurement à la date de résiliation du contrat le 1er janvier 1992 et en tout état de cause n'impliquant pas la responsabilité du vendeur du tracteur seul,

En conséquence,

- débouter la société GB Industrie de sa demande de condamnation à la relever et garantir ;

- condamner la société GB Industrie à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause, et à titre plus subsidiaire,

- dire et juger que l'action diligentée par M. P. en application des dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux est prescrite et la déclarer irrecevable ;

Et à titre infiniment subsidiaire,

- constater qu'il ressort des éléments de l'espèce que M. P., professionnel a, en toute connaissance de cause, procédé à un débourrage alors que l'ensileuse était en fonction ;

- dire et juger que M. P. a commis une faute d'imprudence de nature à exclure son droit à indemnisation ou pour le moins, à le réduire considérablement ;

- débouter M. P. de ses demandes fins et conclusions, et déclarer sans objet les demandes de la société GB Industrie à son encontre ;

- condamner la société GB Industrie à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le succombant aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- après avoir, le 1er janvier 1990, souscrit un contrat d'assurance visant à garantir sa responsabilité civile pour son activité de fabrique de tracteur, la société Jacquet aux droits de laquelle vient la société GB Industrie, l'a résilié le 1er janvier 1992, soit avant la fabrication de l'engin litigieux, de sorte qu'elle ne peut être condamnée à garantir le sinistre ; le dommage trouve sa source non pas dans une défectuosité du tracteur, mais dans celle de l'ensileuse, que son assuré n'a pas fabriqué ;

- à titre subsidiaire, M. P. est irrecevable en ses demandes pour cause de prescription de l'action, étant relevé qu'il ne peut fonder sa demande sur la responsabilité délictuelle alors qu'il invoque un défaut du produit et qu'il ne démontre pas l'existence d'une faute distincte de cette défectuosité ;

- M. P., qui est un professionnel a, en toute connaissance de cause, procédé à un débourrage alors que l'ensileuse était en marche, de sorte que les préjudices subis résultent exclusivement de son comportement imprudent et irresponsable.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 14 février 2020, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société MMA Iard demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter les appelants de leurs demandes fins et conclusions ;

A défaut,

- constatant la prescription des demandes de la SAS GB Industrie à l'encontre des sociétés MMA Iard en application des dispositions de l'article 114-1 du code des assurances, et que les conditions d'application de la garantie de MMA, tel que prévu à l'article 9 des conventions spéciales n°800 a, ne sont pas réunies, rejeter toutes demandes de la SAS GB Industrie ;

- en tout état de cause, constatant la forclusion, la prescription et le mal fondé des demandes de M. P. à l'encontre de la SAS GB Industrie, les rejeter,

- dire et juger que les demandes de la SAS GB Industrie à l'encontre des sociétés MMA Iard sans objet et les rejeter comme telles,

En tout état de cause,

- condamner a SAS GB Industrie à verser aux sociétés MMA Iard une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Pascal A., avocat au Barreau de Aix en Provence ;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la première réclamation de M. P. à la société GB Industrie étant l'assignation en référé délivrée par actes des 5 et 9 décembre 2013 la prescription biennale de l'article L 114-1 du code des assurances est acquise ; si la cour infirmait la décision rendue en première en instance et engageait la responsabilité de la SAS GB Industrie, elle ne pourrait que constater que toute demande de celle-ci est largement prescrite ;

- l'article 9 du contrat d'assurance souscrit par la société GB Industrie à effet du 1er janvier 1992 et résilié le 31 décembre 1998, prévoit quatre conditions cumulatives pour l'application de la garantie, qui ne sont pas réunies en l'espèce dès lors que son assuré n'a pas fabriqué l'outil à l'origine du dommage, que celui-ci n'est pas survenu pendant la période de validité des garanties, et que la réclamation n'a pas été formulée dans les deux ans de l'expiration de la garantie ;

- en tout état de cause, M. P. est forclos en ses demandes sur le fondement de l'article 1245-16 du code civil puisque l'action a été engagée après l'expiration des délais posés par ces textes et ne peut prétendre engager la responsabilité de quiconque sur le fondement de la responsabilité délictuelle dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute distincte du défaut de sécurité qu'il invoque ;

- il est mal fondé en ses demandes dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve d'un défaut de la machine.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 24 mars 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société MMA Assurances mutuelles conclut dans les mêmes termes et aux mêmes fins que la société MMA Iard.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 22 juin 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Msa Alpes Provence demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a déboutée de son recours exercé sur le fondement de I'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, et statuer à nouveau pour :

- lui donner acte de ce que le montant de ses débours s'élève à la somme de 368 737,29 € ;

- lui donner acte qu'elle sollicite également le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par I'article L376-1 alinéa 9 qui s'élève à la somme de 1 091 € en application de I'article 1 de l'arrêté du 27 décembre 2019 ;

- condamner in solidum la société GB Industrie, la compagnie GAN et le Centre d'Etudes Techniques Agricoles de Banon et le cas échéant tous succombant, à lui payer la somme totale de 368 737,29 € correspondant au montant total de sa créance ;

- réserver expressément ses droits de réclamer ultérieurement le remboursement de toutes les prestations qu'elle serait amenée à verser à la suite des faits litigieux ;

- condamner in solidum la société GB Industrie, la compagnie GAN et le Centre d'Etudes Techniques Agricoles de Banon et le cas échéant tous succombant à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel distraits au profit de Me M..

Elle fait observer que :

- elle dispose d'un recours subrogatoire afin de récupérer les prestations servies lorsqu'un tiers est responsable du dommage subi par son allocataire ;

- en l'espèce, le montant total de ses débours s'élève à la somme de 368 737,29 €, se détaillant comme suit :

- frais médicaux et pharmaceutiques..................................................................6264,02 €

- frais de transport : ................................................................................................. 683,10 €

- indemnités journalières avant consolidation................................................12083,49 €

- Rente AT......................................................................................................................307710,06 €

Soit un total de 326 740,67 € ;

- frais futurs viagers soins......................................151,10 €

- frais futurs viagers appareillage.......................845,52 €

Soit un total de 41 996,62 €.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.

L'appel porte sur la recevabilité de l'action, le droit à indemnisation de M. P. et l'évaluation des préjudices.

A titre liminaire, il sera donné acte à la société GB Industrie qu'elle se désiste de ses demandes à l'encontre de la société Axa France Iard. Ce désistement entraine extinction du lien juridique d'instance entre la société GB Industrie et la société Axa France Iard.

Sur la recevabilité de l'action

La responsabilité du fait des produits défectueux est réglementée aux articles 1245 et suivants du code civil, qui instaurent un régime d'indemnisation spécifique, procédant de la directive 85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, qui a institué une responsabilité de plein droit des producteurs pour les dommages causés par un défaut de leurs produits.

Ce régime de responsabilité spécifique, seul applicable dès lors que la sécurité d'un produit est en cause, obéit à des règles propres comprenant notamment des règles de prescription et de forclusion particulières.

Cependant, aux termes des dispositions transitoires de la loi n°98-389 du 19 mai 1998, d'entrée en vigueur immédiate, celle-ci ne s'applique qu'aux produits dont la mise en circulation est postérieure à sa date d'entrée en vigueur, c'est-à-dire le 23 mai 1998.

La mise en circulation d'un produit s'entend de la sortie du produit du processus de fabrication mise en œuvre par le producteur et de l'entrée dans le processus de commercialisation dans lequel le produit est offert au public aux fins d'être utilisé ou consommé, étant précisé qu'un produit ne peut faire l'objet que d'une seule mise en circulation, de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des dessaisissements successifs du produit à chaque étape des circuits de distribution.

En l'espèce, M. P. agit à l'encontre de la société GB Industrie, venant aux droits de la société Jacquet, fabriquant du tracteur enjambeur. Or, ce tracteur a été mis en circulation le 6 juillet 1993, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant la directive du 24 juillet 1985.

Les dispositions particulières des articles 1245 et suivant du code civil ne sont donc pas applicables au litige.

Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04 et du 15 avril 2008, Impact, C-268/06) que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national.

En conséquence, l'action en responsabilité dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, en l'espèce fixé au 30 juillet 1988, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union.

Tel est le cas du tracteur litigieux, mis en circulation en 1993 soit après la date d'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant celle-ci.

Le dommage dont M. P. demande réparation est survenu le 14 juillet 2003.

En application de l'article 2270-1 du code civil applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Ce délai de prescription ne commence à courir qu'à compter du jour de la consolidation de l'état de la victime.

L'article 2226 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, dispose que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

L'articulation de ces deux textes quant à leur applicabilité dans le temps, est dictée par l'article 26-1 de la loi de 2008 précitée, aux termes de laquelle les dispositions de la présente loi, qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà expiré.

En l'espèce, la date de consolidation des blessures a été fixée au 6 décembre 2004, de sorte que le délai de l'action en réparation de ce dommage n'était pas expiré au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

En conséquence, conformément à l'article 26-1 de la loi du 17 juin 2008, l'article 2226 est applicable à l'action engagée par M. P..

L'intéressé devait agir en réparation avant le 6 décembre 2014.

Si l'action au fond n'a été engagée que les 29 et 30 septembre 2016, M. P. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne les Bains par exploit du 5 décembre 2013, afin d'obtenir la désignation d'un expert technique et d'un expert médical.

Or, en application de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Cette interruption fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien et de même nature.

Dans ces conditions, l'action en réparation initiée par M. P. devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains, par actes des 29 et 30 septembre 2016, n'est pas prescrite, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, dont la décision doit être infirmée.

Sur le droit à indemnisation

M. P. agit en responsabilité, d'une part à l'encontre de la société la société GB Industrie, venant aux droits de la société Jacquet, fabricant du tracteur de marque Jacquet, modèle 870 T 900 et de son assureur, la société Gan Assurances, d'autre part à l'encontre de l'association CETA de Banon qui lui a vendu le dit tracteur.

Il soutient que, tant le producteur que le vendeur, sont tenus à une obligation de sécurité du produit, de sorte qu'il pouvait légitimement s'attendre à ce que la machine comporte un dispositif d'arrêt d'urgence situé à proximité immédiate des zones dangereuses, ainsi qu'une signalisation et un avertissement concernant les opérations de bourrage.

Il appartient à M. P. de démontrer le défaut de sécurité du tracteur litigieux.

Or, il ne produit, afin de le démontrer, qu'un rapport en date du 5 juillet 2005, établi l'APAVE, bureau de contrôle, dont il résulte après vérification de l'état de conformité de l'engin agricole, que celui-ci ne serait pas conforme à plusieurs règles techniques déjà applicables lors de sa construction en 1993, à savoir la nécessité d'un équipement d'arrêt d'urgence à proximité immédiate des zones dangereuses, ainsi que d'une signalisation et d'avertissements concernant les opérations de bourrage. Selon cet organisme, l'installation en cabine du dispositif d'arrêt accroît le risque d'accident dès lors que la zone dangereuse est située à proximité des becs cueilleurs où aucun dispositif d'arrêt d'urgence n'est installé.

Cependant, ce rapport procède d'un travail d'analyse technique qui n'a pas été réalisé au contradictoire de la société GB Industrie, de la société Gan Assurances et de l'association CETA de Banon.

Or, si au visa de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire, son efficience probatoire est conditionnée par la production d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, M. P. ne produit aucun autre élément pour démontrer que le tracteur litigieux, sur lequel a été installée, plus de dix ans après sa mise en circulation, une ensileuse équipée de becs cueilleurs qui sont intervenus dans la survenance du dommage, est affecté d'un défaut de sécurité en ce que le dispositif d'arrêt d'urgence des équipements en cas de bourrage, n'offrirait pas la sécurité à laquelle il était en droit de s'attendre.

Il avait, au demeurant, engagé une action en référé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, avant tout procès, afin d'établir, par une expertise technique, la preuve du défaut de sécurité qui conditionnait la solution du litige et le succès de son action.

Or, la désignation de cet expert est devenue caduque, dès lors que M. P. n'a pas consigné dans les délais impartis par l'ordonnance les fonds destinés à garantir les frais et la rémunération de l'expert.

Du fait de sa propre carence, M. P. n'est donc pas en mesure de produire, au soutien de son action, d'autre élément que le rapport technique de l'APAVE.

Ce rapport n'est corroboré par aucun autre élément démontrant le défaut de sécurité du tracteur litigieux, étant relevé qu'il reproche principalement à la machine en cause un défaut de sécurité tenant à l'absence de dispositif d'arrêt d'urgence à proximité de la zone dangereuse et d'avertissement à destination de son utilisateur, alors que l'ensileuse qui équipait le tracteur, supportait une affiche très explicite, imposant en cas de bourrage accidentel, de débrancher la prise de force avant de nettoyer le bourrage, tout en tenant mains, pieds et vêtements éloignés des pièces en mouvement.

A lui seul, ce rapport, qui est la seule et unique pièce technique sur laquelle se fonde M. P., est insuffisant pour que le défaut de sécurité soit retenu au soutien de l'action en responsabilité diligentée à l'encontre de la société GB Industrie, de son assureur la société Gan Assurance et de l'association CETA de Banon.

En conséquence, M. P. doit être débouté de ses demandes indemnitaires. Il en ira de même pour la Msa Alpes Provence qui agit par subrogation dans ses droits.

Compte tenu du rejet de la demande principale, les appels en cause seront déclarés sans objet.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Succombant, M. P. sera condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel et débouté de sa demande d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement, hormis sur les dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Donne acte à la société GB Industrie qu'elle se désiste de ses demandes à l'encontre de la société Axa France Iard, ce désistement entraînant extinction du lien juridique d'instance entre la société GB Industrie et la société Axa France Iard ;

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action et de la forclusion et déclare l'action de M. P. recevable ;

Déboute M. P. et la MSA Alpes Provence de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société GB Industrie, de la société Gan Assurances et de l'association CETA de Banon ;

Dit les appels en cause sans objet ;

Condamne M. P. aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute M. P. de sa demande d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés intimées.