Livv
Décisions

CA Montpellier, ch. com., 10 novembre 2020, n° 19/07334

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Domaness (SARL)

Défendeur :

Miami (EURL), Alamy (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

T. com. Fréjus, du 21 juill. 2014

21 juillet 2014

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Patrick T. et Nadine D. son épouse étaient propriétaires depuis le 23 mars 2005 d'un fonds artisanal, qu'ils exploitaient précédemment dans le cadre d'une location gérance, pour une activité de fabrication de glaces et sorbets sous l'enseigne « la passerelle » situé à [...].

Ils avaient, parallèlement, créé une SARL Alamy, dont ils étaient les deux associés, immatriculée le 2 février 2011 au registre du commerce et des sociétés, développant une activité de bar, glacier, salon de thé, petite restauration et à vente emporter sous l'enseigne « Cléopâtre », situé [...].

Par acte notarié du 20 décembre 2012, M. et Mme T. ont cédé à la SARL Domaness leur fonds artisanal de fabrication de glaces et sorbets pour le prix de 390 000 euros, dont 319 600 euros pour les éléments incorporels du fonds, dont le nom commercial et l'enseigne « la passerelle » sous lequel le fonds était connu et exploité.

Il a été inséré dans l'acte une clause de non rétablissement ainsi stipulée :

« A titre de condition essentielle et déterminante sans laquelle le cessionnaire n'aurait pas contracté, le cédant s'interdit expressément la faculté :

- de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir directement ou indirectement à quelque titre que ce soit aucun fonds similaire en tout ou partie à celui cédé.

- de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée et même en tant qu'associé de droit ou de fait même à titre de simple commanditaire ou de gérant salarié ou préposé, fut-ce à titre accessoire à une activité concurrente ou similaire en tout ou en partie à celle exercée par lui dans ledit fonds.

Cette interdiction s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance du cessionnaire et ce sur la commune de Fréjus (Var) pendant cinq ans.

En cas d'infraction, le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de 150 € par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander la cessation immédiate de ladite infraction ».

La société Alamy, dont M. et Mme T. n'étaient plus alors qu'associés à concurrence, chacun, de 10 des 60 parts sociales, leur fils, Johan T. en étant devenu le gérant de droit, a cédé pour le prix de 100 000 euros, par acte sous seing privé du 28 octobre 2013, son fonds de commerce exploité 86, place de la porte d'Hermès, à la SARL Miami laquelle a, par la suite, décidé d'utiliser l'enseigne « la passerelle ».

Le 24 février 2014, la société Domaness a fait constater par un huissier de justice que la société Miami utilisait l'enseigne « la passerelle » et exerçait une activité de fabrication et de ventes de glaces.

Invoquant la violation de la clause de non-rétablissement, la société Domaness a, par exploits des 21 et 27 mars 2014, fait assigner à jour fixe devant le tribunal de commerce de Fréjus M. et Mme T., la société Alamy et la société Miami en vue d'obtenir le paiement par M. et Mme T. et la société Alamy in solidum entre eux de l'indemnité contractuelle stipulée dans l'acte du 20 décembre 2012 et, subsidiairement, le paiement de dommages et intérêts, outre l'interdiction, sous astreinte, à la société Miami d'utiliser l'enseigne « la passerelle ».

Le tribunal, par jugement du 21 juillet 2014, a notamment débouté la société Domaness de sa demande principale, dit que celle-ci est propriétaire du nom commercial « la passerelle » et qu'elle est bien fondée à réclamer que cesse l'utilisation de ce nom commercial par la société Miami, condamné en conséquence la société Miami a cessé l'utilisation de l'enseigne « la passerelle » sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification du jugement, condamné la société Domaness à payer à la société Miami la somme de 2000 euros et à la société Alamy et à M. et Mme T., ensemble, la même somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Domaness aux entiers dépens.

La société Alamy a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 16 novembre 2015 et par un nouveau jugement du 27 juin 2016, le même tribunal a prononcé la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif.

Sur l'appel formé par la société Domaness, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2ème chambre) a, par arrêt du 23 novembre 2017 :

- réformé le jugement uniquement pour avoir dit que la société Domaness est bien fondée à réclamer que cesse l'utilisation du nom commercial « la passerelle » par la société Miami, condamné cette société a cessé d'utiliser l'enseigne « la passerelle » sous astreinte, condamné la société Domaness à verser à la société Alamy et à M. et Mme T. la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Domaness aux entiers dépens,

- confirmé tout le reste du jugement,

- condamné en outre la société Domaness à payer à la société Miami une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamné en outre in solidum la société Alamy et M. et Mme T. à payer à la société Domaness :

. la somme de 51 600 euros à titre principal,

. une indemnité de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Alamy et M. et Mme T. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Cet arrêt a été cassé et annulé en toutes ses dispositions par un arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique).

La Cour relève que pour condamner M. et Mme T., in solidum avec la société Alamy, à payer l'indemnité convenue, l'arrêt de la cour d'appel, après avoir relevé que la société Miami utilisait l'enseigne « la passerelle », retient qu'il appartenait à M. et Mme T. de respecter eux-mêmes, et de faire respecter par la société Alamy, dans laquelle ils étaient impliqués de façon importante, l'interdiction pesant sur eux de s'impliquer dans un fonds de commerce à activité voisine de celui vendu le 20 décembre 2012 à la société Domaness et que la violation de cet engagement est démontrée par la circonstance que la société Alamy avait, lors de la vente de son propre fonds de commerce à la société Miami, inclus implicitement dans les éléments cédés l'enseigne « la passerelle » quand M. et Mme T. savaient parfaitement que cette enseigne appartenait à la seule société Domaness ; mais qu'en statuant ainsi, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir que la société Alamy avait inclus implicitement l'enseigne « la passerelle » dans les éléments du fonds de commerce cédé à la société Miami cependant qu'elle avait relevé que, dans l'acte de vente, les enseigne et nom commercial du fonds étaient mentionnés sans autre précision, la cour d'appel a méconnu les exigences l'article 455 du code de procédure civile.

Elle relève également que pour rejeter la demande de la société Domaness tendant à faire juger que l'utilisation par la société Miami de l'enseigne « la passerelle » en fraude de ses droits constitue un acte de concurrence déloyale par parasitisme et à ce que cette société soit condamnée, sous astreinte, à cesser cette utilisation, l'arrêt retient qu'aucune pièce du dossier ne démontre que la société Miami savait que cette enseigne faisait partie du fonds de commerce vendu le 20 décembre 2012 à la société Domaness par M. et Mme T. avec interdiction pour les vendeurs de s'impliquer directement ou indirectement dans un fonds similaire concurrent, que la société Domaness utilisait l'enseigne « glacier Ness » depuis sa création en 2009 et avait choisi de continuer à utiliser celle-ci pour ce fonds acquis trois mois après, malgré l'acquisition de l'enseigne « la passerelle », et que la mauvaise foi de la société Miami dans l'emploi de cette enseigne pour son fonds de commerce n'est donc pas établie ; mais qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'utilisation par la société Miami de l'enseigne « la passerelle » avait pu créer dans l'esprit de la clientèle un risque de confusion, en faisant croire à la réinstallation, dans les locaux de cette société, du fonds de commerce antérieurement exploité par M. et Mme T. et cédé à la société Domaness, peu important que celle-ci ait utilisé une enseigne distincte, et ainsi constituer une faute constitutive de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par la société Domaness suivant déclaration reçue le 7 novembre 2019 au greffe.

En l'état des conclusions qu'elle a déposées le 15 avril 2020 via le RPVA, celle-ci demande la cour de renvoi de :

Vu l'article 1134 du code civil (ancienne rédaction),

Vu l'acte de vente de fonds de commerce du 20 décembre 2012,

S'agissant de l'interdiction de rétablissement :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 21 juillet 2014 et statuant à nouveau sur ce point,

- dire et juger qu'en n'imposant pas à leur propre acquéreur, la SARL Miami, la clause de non rétablissement qui pesait sur eux, les époux T. et la SARL Alamy ont violé ladite clause à son préjudice,

- en conséquence, les condamner in solidum au paiement de l'indemnité contractuelle visée à l'acte soit 150 euros par jour de contravention, soit encore la somme de 273 900 euros,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la société Alamy ne serait pas considérée comme débitrice de l'obligation de non rétablissement souscrite lors de la conclusion du contrat du 20 décembre 2012,

- dire et juger qu'en n'accomplissant aucune démarche pour préserver l'efficacité de la clause de non rétablissement souscrite à son égard et de la vente de l'enseigne « la passerelle » intervenue à son profit, les époux T. ont manqué à leurs obligations,

- les condamner solidairement au paiement de l'indemnité contractuelle visée à l'acte soit 150 euros par jour de contravention, soit encore la somme de 273 900 euros,

S'agissant de l'usage illicite de l'enseigne « la passerelle » par la SARL Miami :

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil devenus les articles 1240 et 1241 du code civil,

Vu l'acte de vente de fonds de commerce du 20 décembre 2012,

- dire et juger que l'utilisation par la société Miami de l'enseigne « la passerelle » en fraude de ses droits constitue un acte de concurrence déloyale par parasitisme,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus le 21 juillet 2014 en ce qu'il a condamné la société Miami à cesser cette utilisation sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Miami, in solidum sur ce point avec les époux T. et la société Alamy, au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi par elle du fait de cette concurrence déloyale qui perdure désormais depuis plus de cinq ans,

- réformer le jugement dont appel en ce qui concerne les condamnations prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, notamment au profit de la société Miami,

- condamner in solidum l'ensemble des intimées dont la société Miami au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. et Mme T. qui contestent la violation de la clause de non rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012, comme l'inclusion implicite de l'enseigne « la passerelle » lors de la vente à la société Miami du fonds exploité sous l'enseigne « Cléopâtre » par la société Alamy, sollicitent, dans leurs conclusions déposées le 25 septembre 2020 par le RPVA, de voir confirmer le jugement du 21 juillet 2014 du tribunal de commerce de Fréjus sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts et, statuant à nouveau de ce chef, condamner la société Domaness à leur verser la somme de 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; ils réclament également la condamnation de la société Domaness à payer à chacun d'eux une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et une somme de 3000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d'appel, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Miami, dont les conclusions ont été déposées le 28 août 2020 par le RPVA, demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien du code civil et 564 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus en date du 21 juillet 2014 en ce qu'il a dit et jugé que la société Domaness était propriétaire du nom commercial « la passerelle », a dit que la société Domaness est bien fondée à réclamer que cesse l'utilisation du nom commercial « la passerelle » et l'a condamnée a cessé d'utiliser cette enseigne sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et statuant à nouveau de ces chefs,

- débouter la société Domaness de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son égard et y ajoutant,

- dire et juger irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel la demande de la société Domaness tendant à sa condamnation in solidum avec les époux T. et la société Alamy au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi du fait de cette concurrence déloyale qui perdure désormais depuis plus de cinq ans,

- en tout état de cause, dire et juger cette demande comme étant infondée,

- condamner la société Domaness au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive en application de l'article 1240 du code civil,

- condamner la même au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir que la clause de non-concurrence insérée dans l'acte du 20 décembre 2012 lui est inopposable, que l'enseigne « la passerelle » a été abandonnée par la société Domaness, laquelle a exploité son activité depuis son acquisition sous le nom commercial « glacier Ness » et qu'en l'absence d'un risque de confusion entre les deux noms commerciaux « la passerelle » et « glacier Ness », il ne peut lui être reproché des actes de concurrence déloyale par parasitisme.

La société Alamy représentée par Yoann T. désigné en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du président du tribunal de commerce de Fréjus du 8 avril 2020, n'a pas comparu, bien qu'ayant été assignée par exploit du 3 juillet 2020 délivré à domicile avec remise de la copie de l'acte en l'étude de l'huissier instrumentaire.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2020.

MOTIFS de la DECISION :

1-la violation de la clause de non-rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012 :

Lorsqu'ils ont vendu, par acte notarié du 20 décembre 2012, à la société Domaness leur fonds de commerce de fabrication de glaces et sorbets sous l'enseigne « la passerelle », activité impliquant nécessairement la vente des produits ainsi fabriqués, M. et Mme T. se sont interdits de s'intéresser, directement ou par personne interposée, même en tant qu'associés, commanditaires, gérants ou préposés, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou en partie à celle exercée dans le fonds vendu, cette interdiction étant valable à compter du jour de l'entrée en jouissance du cessionnaire pendant cinq ans sur le territoire de la commune de Fréjus et les exposant, en cas de violation, à une indemnité forfaitaire de 150 euros par jour de contravention ; l'activité de fabrication et vente de glaces et sorbets, qui était celle de M. et Mme T. sous l'enseigne « la passerelle » doit être regardée comme une activité similaire à l'activité de glacier qu'exploitait la société Alamy, puisqu'une telle activité consiste en la transformation de denrées alimentaires en crèmes glacées, sorbets ou entremets glacés, que le fabricant commercialise ensuite, peu important qu'en l'occurrence, les glaces et sorbets fabriqués par M. et Mme T. sous l'enseigne « la passerelle » faisaient l'objet de ventes à emporter, tandis que la société Alamy, dans le cadre de son activité de glacier, vendait les glaces et sorbets en coupes à consommer sur place.

La société Alamy, immatriculée le 2 février 2011 au registre du commerce et des sociétés, avait été créée par M. et Mme T., qui en étaient les deux associés, et était donc exploitée depuis près de deux ans lors de la vente à la société Domaness du fonds de commerce à l'enseigne « la passerelle » ; le local dans lequel la société Alamy exerçait son activité commerciale, était situé à [...], et n'était séparé du fonds à l'enseigne « la passerelle » que par un magasin d'optique.

En application de la clause de non rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012, M. et Mme T. ne pouvaient dès lors poursuivre l'activité de glacier sous couvert de la société Alamy dans laquelle ils étaient directement intéressés, même comme associés minoritaires puisqu'il résulte des pièces produites que par acte du 8 février 2013, ils avaient fait donation à leur fils Yoann, chacun, de 20 des 60 parts de la société, ne conservant que 10 parts chacun, et que leur fils était devenu le gérant de droit de la société en remplacement de M. T. qui, victime le 6 janvier 2013 d'un accident vasculaire cérébral, avait dû abandonner ses fonctions dirigeantes ; la clause de non rétablissement, qui garantissait la valeur du fonds de commerce cédé à la société Domaness, était ainsi opposable à société Alamy, personne morale interposée, et qui, ne pouvant ignorer ladite clause, se devait ne pas faire obstacle à son respect par M. et Mme T., sachant que la société Alamy était une société familiale constituée exclusivement des membres de la famille T., que M. et Mme T., débiteurs de l'obligation de non rétablissement, étaient eux-mêmes à l'origine de sa création en 2011 et que ces derniers étaient toujours intéressés, en tant qu'associés, à l'activité de la société, étant notamment cautions de celle-ci au titre de divers prêts consentis du 10 février 2011 au 27 janvier 2014 par la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Provence-Côte d'Azur.

Le fait pour M. et Mme T., débiteurs de l'obligation de non rétablissement, et pour la société Alamy à laquelle cette obligation était opposable et qui se devait de veiller à son respect, d'avoir accepté que soit vendu, en vertu de l'acte du 28 octobre 2013, le fonds de commerce de la société Alamy sans que ne soit exclue de la vente la branche d'activité de glacier, ni même que l'objet de la société ne soit préalablement modifié afin que l'objet social soit limité à une seule activité de bar, salon de thé, petite restauration et vente emporter, ou sans que ne soit exigée de l'acquéreur l'obligation de ne pas exploiter une activité de glacier, concurrente à celle de la société Domaness, caractérise une méconnaissance de l'obligation de non-rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012, qui a permis à la société Miami de développer une activité de glacier, directement concurrence de celle de la société Domaness, et qui est devenue son activité principale.

Dans ses conclusions d'appel, page 7, l'appelante indique elle-même qu'à compter de la signature de l'acte du 20 décembre 2012, les ventes de glaces par la société Alamy ont été limitées, les glaces vendues lui ayant été cédées par elle et n'ayant représenté qu'un chiffre d'affaires total de 1032 euros pour les deux mois d'été en 2013.

Il résulte, en revanche, du procès-verbal de constat établi le 24 février 2014 par Me A., huissier de justice, que postérieurement à la cession du fonds de commerce de la société Alamy, la société Miami a exploité dans le même local, sous l'enseigne « la passerelle », une activité de glacier, proposant à la vente des glaces en vitrine à emporter et des glaces italiennes, outre des crêpes, gaufres et granités ; cette activité s'est poursuivie en dépit d'un courrier recommandé adressé le 21 février 2014 par le conseil de la société Domaness, mettant la société Miami en demeure de déposer l'enseigne et de renoncer à exercer l'activité concurrente de glacier, ainsi qu'il ressort d'un second procès-verbal de constat dressé le 30 mars 2016 par le même huissier de justice, lequel a notamment relevé, à l'intérieur du local et sur le mur gauche, la présence d'une fresque reproduisant la passerelle du port.

L'activité commerciale de la société Alamy était exploitée sous l'enseigne « Cléopâtre » et dans l'acte de vente du fonds de commerce à la société Miami du 28 octobre 2013, il est simplement mentionné que le fonds de commerce vendu comprend, sans autre précision, l'enseigne et le nom commercial y attachés ; il ne peut cependant être soutenu que ce sont M. et Mme T. qui ont permis à la société Miami de reprendre l'enseigne « la passerelle » faute d'avoir indiqué à celle-ci la vente de cette enseigne à la société Domaness en conséquence de l'acte du 20 décembre 2012, alors que le fonds, objet de la vente à la société Miami, était nettement distinct de celui exploité personnellement par M. et Mme T. sous cette enseigne commerciale et qu'aucun élément n'est fourni de nature à établir que ces derniers ont pu, directement ou indirectement, participer à la captation, alléguée, de l'enseigne « la passerelle », sachant que dans ses conclusions d'appel, page 9, la société Miami expose qu'elle n'a décidé d'utiliser cette enseigne qu'après avoir vérifié auprès du greffe du tribunal de commerce, que celle-ci n'était pas déjà utilisée ou déposée, et que le nom de la « passerelle » provient précisément de l'existence d'une passerelle, créée par la ville de Fréjus, située à proximité.

Il s'ensuit que M. et Mme T. qui, lors de la vente par la société Alamy, dans laquelle ils étaient associés, de son fonds de commerce incluant l'activité de glacier à la société Miami, ont méconnu l'obligation de non-rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012, sont redevables à la société Domaness de l'indemnité prévue contractuellement de 150 euros par jour, sur la période du 24 février 2014, date d'établissement du premier constat de Me A., au 20 décembre 2017, date d'expiration du délai de validité de la clause à l'issue du délai de cinq ans courant à compter du jour de l'entrée en jouissance du cessionnaire, soit : 1395 jours x 150 euros = 209 250 euros, somme au paiement de laquelle ils doivent être condamnés.

Complice de la violation de la clause, la société Alamy doit être tenue à la même somme de 209 250 euros, mais il y a lieu de fixer à ce montant la créance de la société Domaness au passif de la procédure collective, en l'état de la déclaration de créance adressée par celle-ci à M. C. en sa qualité de liquidateur judiciaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 décembre 2015.

2- l'usage illicite de l'enseigne « la passerelle » par la société Miami :

La demande de la société Domaness tendant à la condamnation de la société Miami, in solidum avec M. et Mme T. au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts n'est que l'accessoire à la demande soumise au premier juge visant à faire interdiction à la société Miami, sous astreinte, d'utiliser l'enseigne « la passerelle » ; une telle demande est donc recevable, du moins en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la société Miami, même si elle est formulée pour la première fois devant la cour, conformément à l'article 566 du code de procédure civile.

Il est de principe que celui qui est victime de l'utilisation par un concurrent de son enseigne ou de son nom commercial peut engager la responsabilité de celui-ci pour concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil devenu l'article 1240, dès lors que cette utilisations crée un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ; dans le cas présent, la société Domaness, qui n'exerce pas une action en protection de l'enseigne « la passerelle » au motif qu'il s'agit d'un signe bénéficiant d'un droit exclusif en raison notamment de son originalité, invoque exclusivement la responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale de la société Miami et, accessoirement, de M. et Mme T. en tant que « complices » de l'utilisation de son enseigne.

Or, il est constant que l'enseigne « la passerelle » utilisée par la société Miami, une fois acquis le fonds de commerce de la société Alamy en octobre 2013, est précisément celle qui avait été cédée à la société Domaness, avec les autres éléments du fonds de commerce de M. et Mme T. aux termes de l'acte du 20 décembre 2012 et qui avait été précédemment utilisée par ces derniers, de 1999 à 2012, pour une activité de fabrication et vente de glaces et sorbets ; même si la société Domaness, à partir de décembre 2012, a exploité le fonds de commerce, non pas sous l'enseigne « la passerelle », qu'elle venait d'acquérir, mais sous l'enseigne « glacier Ness », comme il résulte d'ailleurs des deux procès-verbaux de constat produits aux débats, il n'en demeure pas moins que l'utilisation de cette même enseigne par la société Miami, exerçant une activité concurrente de glacier, dans un local situé à Port Fréjus, au rez-de-chaussée de la même résidence et à quelques mètres du local de la société Domaness a créé inévitablement une confusion dans l'esprit de la clientèle avec le fonds, qu'avaient exploité antérieurement et durant treize années consécutives M. et Mme T..

En persistant à utiliser l'enseigne « la passerelle » pour l'exploitation de son fonds malgré le courrier recommandé, que la société Domaness lui avait adressé, le 21 février 2014, par l'intermédiaire de son conseil, la mettant en demeure de déposer l'enseigne, la société Miami a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale ; le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 21 juillet 2014 doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné la société Miami a cessé d'utiliser l'enseigne « la passerelle », sous astreinte ; en outre, l'utilisation fautive de l'enseigne a nécessairement causé un trouble commercial à la société Domaness, qu'il y a lieu d'indemniser par l'allocation de la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il a été indiqué plus haut qu'aucun élément n'était fourni de nature à établir que M. et Mme T. ont pu, directement ou indirectement, participer à la captation par la société Miami de l'enseigne « la passerelle » ; la demande de la société Domaness visant à obtenir leur condamnation en paiement de dommages et intérêts, in solidum avec la société Miami, ne peut ainsi qu'être rejetée.

3- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. et Mme T. doivent être condamnés, in solidum avec la société Miami, aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société Domaness la somme de 5000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 21 juillet 2014 en ce qu'il a condamné la société Miami à cesser d'utiliser l'enseigne « la passerelle », sous astreinte,

Y ajoutant,

Condamne la société Miami à payer à la société Domaness la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs à l'utilisation fautive de l'enseigne « la passerelle »,

Réforme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que M. et Mme T. et la société Alamy, à laquelle elle était opposable, ont méconnu la clause de non-rétablissement insérée dans l'acte du 20 décembre 2012,

Condamne en conséquence M. et Mme T. à payer à la société Domaness la somme de 209 250 euros au titre de l'indemnité prévue contractuellement,

Fixe à la somme de 209 250 euros la créance de la société Domaness au passif de la liquidation judiciaire de la société Alamy,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. et Mme T., in solidum avec la société Miami, aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société Domaness la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.