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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 novembre 2020, n° 18/17113

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SFET (SAS)

Défendeur :

STEF-TFE Services (SNC), STEF Transport Paris Athis (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Paris, du 28 juin 2018

28 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL SFET a pour activité le transport public routier de marchandises et la location de véhicules industriels pour le transport routier de marchandises avec conducteurs.

La société STEF Transport Paris Athis a pour activité le transport routier, la commission de transport, l'entreposage et la manutention.

La SNC STEF-TFE Services a pour activité le service aux entreprises et est centre de services partagés.

La société SOPADI, devenue STEF Transport Paris Athis le 1er janvier 2012, a confié par contrat de sous-traitance du 27 octobre 2006 à la SARL SFET des tournées de transport en Ile-de-France.

La société STEF Transport Paris Athis, en qualité de commissionnaire, et la SARL SFET ont signé une charte d'affrètement régulier le 22 octobre 2008.

Par courrier du 3 septembre 2015, la SNC STEF-TFE Services a rompu la relation contractuelle avec la SARL SFET, au nom et pour le compte de la société STEF Transport Paris Athis, le motif de la rupture étant un « vol de palettes », la société STEF-TFE Services a confirmé cette rupture par lettre du 18 septembre 2015.

Par courrier de son conseil du 30 octobre 2015, la SARL SFET a mis en demeure la société STEF-TFE Services de lui payer un solde restant dû de 6.595,57 euros et la somme de 126.420 euros correspondant au préavis légal de trois mois de rupture du contrat.

Par exploit du 14 octobre 2016, la SARL SFET a assigné la société STEF-TFE Services devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le paiement :

- d'une somme de 126.420 euros H.T pour non-respect du préavis légal de trois mois,

- d'une somme de 6.595,57 euros au titre de compensations arbitraires entre le prix du transport et de prétendus litiges,

- d'une somme de 15.000 euros au titre de la rémunération de prestations supplémentaires non-rémunérées (charge et décharge des camions),

- d'une somme de 7.084, 00 euros au titre de 1771 palettes « Europe » que la SNC STEF-TFE Services doit à la SARL S.F.E.T.

Par exploits du 29 septembre 2017 et du 2 novembre 2017, la SARL SFET a assigné la société STEF Transport Paris Athis, sollicitant la jonction avec la procédure intentée à l'encontre de STEF-TFE Services et sa condamnation solidaire avec cette dernière.

Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit la SARL SFET irrecevable en ses demandes à l'égard de la société STEF-TEF Services ;

- joint les causes enrôlées sous les numéros RG 2016065891, 2017065169 et 2017058089 sous le seul sous le seul RG n°J2018000343 ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à sursoir à statuer ;

- condamné la société STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme de un euro symbolique au titre de la durée manquante de préavis ;

- condamné la société STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

- condamné la société STEF Transport Paris Athis aux dépens.

Par déclaration du 6 juillet 2018, la SARL SFET a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit la SARL SFET irrecevable en ses demandes à l'égard de la société STEF-TFE Services ;

- condamné la STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme de un euro symbolique au titre de la durée manquante du préavis ;

- débouté la SARL SFET de ses demandes de condamnation des sociétés STEF-TFE Services et la société STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme de 6.595,57 euros au titre de remboursement des compensations indument effectuées et de la somme de 15.000 euros au titre de la rémunération des prestations supplémentaires.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 17 janvier 2019, la SARL SFET demande à la cour de :

Vu l'article 1134 et 1135 du code civil,

Vu l'article D. 442-3 et L. 133-6 du code de commerce,

Vu l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

Vu les articles 63 à 70, 331 à 338 du code de procédure civile,

Vu le décret n°2001-659 du 19 juillet 2001 « portant approbation du contrat type applicable aux transports routiers publics de marchandises exécutés par des sous-traitants »,

Vu les articles 12.2 et 12-4 du contrat type approuvé par décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003,

Vu la Loi d'Orientation sur les transports intérieurs (L. n° 82-1153, 30 déc. 1982),

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu l'article 18-2 du contrat-type général,

Vu l'article 7.2 du contrat type général,

Vu l'assignation du 14 octobre 2016,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation (Cour, cass, ch. com, 21 sept. 2010, n° 09-15.716 ; Cass, com, 3 févr. 2015, n° 13-24.895 ; Cass, com, Markinter, 12 juin 2012, n° 11-16.109 ; Cass, Ass. Plén., 9 octobre 2006, n° 06-11.056 ; Cass. com, 18 oct 1994 ; Cass. com, 8 oct. 1988 ; Cass. com, 1er mars 1994 ; Cass, com 20 mai 2014 n° 12-26.970 ; Cass. Com. 12 juin 2012, n° 11-16.109),

Vu la jurisprudence de la Cour d'Appel (CA Lyon, 3e ch civ, 28 fév. 1986 ACMG c/ SCTT ; CA Angers, 27 septembre 2016, n° 15/00008 ; CA Paris 20 mars 2014, n° 12/01371),

Vu la jurisprudence du tribunal de commerce (TCom, Roubaix, 12 déc. 2001, Graveleau c/ Auchan),

Vu la jurisprudence du TPICE (Arrêt du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission, T-24/05, Rec.-p.-II-5329),

- infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

. dit la SARL SFET irrecevable en ses demandes à l'égard de la société STEF-TEF Services,

. condamné la société STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme de un euro symbolique au titre de la durée manquante de préavis,

.débouté la SARL SFET de ses demandes de condamnation des sociétés STEF-TFE Services et la société STEF Transport Paris Athis à payer à la SARL SFET la somme des 6.595,57 euros au titre de remboursement des compensations indument effectuées et de la somme de 15.000 euros au titre de la rémunération des prestations supplémentaires,

Et statuant à nouveau de :

- dire et juger que la SARL SFET a un intérêt légitime à agir contre la SNC STEF-TFE Services au sens de l'article 31 du code de procédure civile,

- dire et juger que la SARL SFET est recevable et bien fondée en ses demandes à l'égard de la SNC STEF TFE Services et la société STEF Transport Paris Athis,

- dire et juger les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF TFE Services sont responsables in solidum de la rupture brutale et abusive des relations commerciales à l'égard de la SARL SFET,

- dire et juger la rupture des relations commerciales par les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services brutale et abusive,

- dire et juger les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services sont solidairement responsables des compensations indument effectuées et doivent être condamnées in solidum au paiement à la SARL SFET de la somme de 6.595,57 euros pour remboursement des dites compensations indument effectuées,

- dire et juger les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services ont imposé à la SARL SFET des prestations supplémentaires et devront être condamnées au paiement à la SARL SFET de la somme de 15.000 euros au titre de la rémunération des prestations supplémentaires non rémunérées ;

- débouter les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner solidairement les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services au paiement à la SARL SFET de la somme de 37.394 euros, correspondant à sa marge brute, pour rupture brutale des relations commerciales sans préavis ;

- condamner solidairement les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services au paiement à la SARL SFET de la somme de 38.658 euros, correspondant à la facture non payée du mois de septembre 2015 ;

- condamner solidairement les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF TFE Services au paiement de la somme de 16.802 euros au titre de préjudice économique en raison de la poursuite des contrats de travail des chauffeurs affecté aux tournées rompues et à la location des camions ;

- condamner les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF TFE-STEF Services à payer la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner les sociétés STEF Transport Paris Athis et la SNC STEF-TFE Services aux dépens.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 18 juin 2020, les sociétés STEF Transport Paris Athis et STEF-TFE Services demandent à la cour :

Vu notamment l'article 31 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 133-6 du code de commerce,

Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile

- dire et juger irrecevables les prétentions nouvelles émises pour la première fois par la SARL SFET dans ses conclusions d'appel notifiées le 17 janvier 2019, tendant à la condamnation solidaire des sociétés SNC STEF-TFE Services et STEF Transport Paris Athis à lui payer une somme de 38.658,60 euros TTC au titre de sa facture du 30 septembre 2015 ;

- dire et juger l'appel de la SARL SFET non fondé ;

- confirmer le jugement du 28 juin 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis à la charge de la société STEF Transport Paris Athis une indemnité d'un euro symbolique au titre d'une prétendue insuffisance de préavis, outre une indemnité de procédure de 3.000 euros et les dépens de première instance ;

Et statuant à nouveau dans cette limite,

- déclarer l'appelante irrecevable en toutes ses prétentions dirigées tant contre la SNC STEF-TFE Services que la STEF Transport Paris Athis ;

Très subsidiairement,

- débouter l'appelante de toutes ses fins et prétentions dirigées tant contre la société STEF-TFE Services que contre la société STEF Transport Paris Athis ;

En tout état de cause, sur appel incident,

- condamner la SARL SFET à payer à la SNC STEF-TFE Services, d'une part, et à la société STEF Transport Paris Athis, d'autre part, une somme de 3.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la SARL SFET à payer à la SNC STEF-TFE SERVICES et à la société STEF Transport Paris Athis une somme de 10.000 euros chacune, ou toute autre somme qu'il plaira à la cour de leur allouer au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL SFET aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 juin 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes à l'égard de la société STEF-TFE SERVICES

La société SFET critique le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables envers la société STEF-TFE SERVICES. Elle fait valoir que la responsabilité de cette dernière peut être retenue en présence d'une apparence trompeuse en ce qu'elle forme une seule et même entité avec les sociétés appartenant au même groupe, qu'ainsi tous les documents utilisés par les deux sociétés (avis de paiement, factures ou lettres) utilisent le logo « STEF » pour les deux sociétés et partagent le même siège social, que la société STEF-TFE Services considérait la société SFET comme sa cocontractante, qu'enfin dans la lettre de rupture du 3 septembre 2015, la société STEF-TFE Services s'est substituée à la société STEF Transport Paris Athis pour informer de la rupture des relations.

La société STEF Transport Paris Athis et la société STEF-TFE Services sollicitent la confirmation du jugement attaqué sur ce point.

Sur ce ;

Vu l'article 32 du code de procédure civile,

La lettre du 3 septembre 2015 informant la société SFET de la rupture des relations avec la société STEF Transport Paris Athis émane bien de la société STEF-TFE Services, cependant, cette dernière intervient explicitement pour le compte de la société STEF Transport Paris Athis puisqu'elle écrit dès la première phrase : « Nous venons vers vous dans le cadre du dossier visé en objet (« rupture des relations contractuelles ») et intervenons pour le compte de notre filiale STEF-TRANSPORT PARIS ATHIS », le nom de cette dernière étant écrit en gras.

Le contrat de sous-traitance est conclu uniquement entre la société SFET et la société STEF Transport Paris Athis. (pièce 1 de la société SFET: le contrat de sous-traitance). La société STEF-TFE Services n'exerce au vu de son Kbis qu'une fonction administrative pour le compte des autres filiales du groupe STEF. Les factures des prestations de la société SFET lui ont d'ailleurs toujours été payées par la société STEF Transport Paris Athis. (pièce 1 de la société STEF Transport Paris Athis : 15 factures)

Comme l'ont relevé à bon escient les premiers juges, il n'existait aucune ambiguïté pour la société SFET puisque c'est à la société STEF Transport Paris Athis et non à la société STEF-TFE Services que la société SFET a adressé son courrier de contestation des faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de rupture des relations contractuelles du 4 septembre 2015. (pièce 3 de la société SFET)

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il a dit irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société STEF-TFE Services.

Sur la recevabilité des demandes pour défaut de fondement juridique et du fait d'une prétention nouvelle

La société SFET demande des dommages et intérêts en réparation de la rupture qu'elle estime brutale et abusive en visant les dispositions de l'article 1134 du code civil, celles de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce et les textes relatifs au contrat type général applicable aux transports routiers publics de marchandises exécutés par des sous-traitants.

La société STEF Transport Paris Athis réplique que les demandes sur la rupture brutale sont irrecevables en ce que le fondement juridique des demandes de la société SFET n'est pas précisé, et que la demande tendant au paiement d'une facture de fret du 30-09-2015 ne figurait pas dans les prétentions en 1ère instance et constitue donc une prétention nouvelle au sens des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile et également au sens des articles 564 et 565 du même code.

- le fondement juridique des demandes en réparation du caractère brutal et abusif

La société SFET précise dans les motifs de ses conclusions que sa demande en réparation de la rupture brutale et abusive est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce et qu'il se réfère à l'article 12.2 du contrat type institué par la loi LOTI pour que la durée du préavis soit fixée à 3 mois. Le fondement juridique de la demande en indemnisation pour rupture abusive est donc suffisamment précisé.

L'article 1134 ancien du code civil est aussi visé dans le dispositif pour des chefs de demandes distincts tendant au règlement des factures impayées.

Cette fin de non recevoir ne sera donc pas retenue.

- la recevabilité de la demande en paiement de la facture du 30 septembre 2015

- sur l'article 910-4 du code de procédure civile

Les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile prévoient qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter dans les premières conclusions au fond l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Il s'agit du principe de concentration des prétentions dès le premier jeu des conclusions.

Or, en l'espèce, l'intimée relève à bon droit que la réclamation formée par l'appelante au titre de sa facture de fret du 30-09-2015 ne figurait pas dans ses premières conclusions d'appel signifiées par RPVA le 3 octobre 2018.

Ce chef de demande sera donc dit irrecevable comme ne respectant pas le principe de concentration des prétentions, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la fin de non recevoir fondée sur les articles 564 et 565 du code de procédure civile.

Sur la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce

Aux termes de l'article L. 133-6 du code de commerce « Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an.

Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.

Le délai pour intenter chaque action récursoire est d'un mois. Cette prescription ne court que du jour de l'exercice de l'action contre le garanti.

Dans le cas de transports faits pour le compte de l'Etat, la prescription ne commence à courir que du jour de la notification de la décision ministérielle emportant liquidation ou ordonnancement définitif. »

- la prescription sur la demande sur la facture de transport du 30-09-2015

Cette prétention a été déclarée irrecevable au nom du principe de concentration des moyens, il n'est donc pas nécessaire d'examiner si elle était prescrite.

- la prescription sur la demande en paiement des « prestations annexes » ou prestations supplémentaires non-rémunérées (charge et décharge des camions)

Si l'appelante à l'appui de sa demande invoque les dispositions de l'article ancien 1134 du code civil pour dire que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, elle fonde sa demande sur la réparation d'un préjudice qu'elle aurait subi dans le cadre de l'exécution du contrat de sous-traitance de transport en faisant valoir que sa cocontractante a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard car le chargement et le déchargement des camions par les chauffeurs correspondent à des prestations supplémentaires qui n'ont pas été payées et à ce titre, elle demande le paiement de la somme de 15.000 euros pour réparer le préjudice subi.

Il s'agit donc bien de l'exécution du contrat de transport, cette demande est soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code du commerce.

Il est établi que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement d'une facture adressée par un professionnel pour les services qu'il fournit se situe au jour de l'établissement de la facture correspondant à leur exécution.

En l'espèce, la relation entre les parties a été effectivement rompue depuis le 21 septembre 2015, or l'action en justice de la société SFET devant le tribunal de commerce date du 14 octobre 2016, ce chef de demande est donc prescrit depuis au moins le 21 septembre 2016.

-la prescription sur les compensations

Selon la société SFET, des compensations ont été indument effectuées par la société STEF et il doit lui être remboursé la somme de 6.595,57 euros à ce titre.

Ces compensations de dettes entre les cocontractants aujourd'hui critiquées sont intervenues lors de l'exécution du contrat de transport, cette demande est donc soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code du commerce.

En l'espèce, la dernière compensation contestée a fait l'objet d'une facture établie par la société STEF Transport Paris Athis en date du 30 avril 2015. (pièce 8 de la société SFET) La société SFET aurait dû agir en justice de ce chef dans l'année, soit avant le 30 avril 2016. Or, elle n'a contesté ces compensations et demandé le paiement du solde que par acte d'assignation du 14 octobre 2016, date à laquelle ce chef de demande était déjà prescrit.

- la prescription sur les demandes en réparation de la rupture brutale

Il s'agit de demandes en paiement de dommages et intérêts certes en lien avec la rupture du contrat de sous-traitance de transport mais qui ne sanctionnent pas l'inexécution d'une obligation née du contrat de transport. Ces dispositions ont pour but de préserver la loyauté ou la bonne foi dans les affaires en protégeant les acteurs économiques en situation de dépendance envers leur partenaire et l'action en résultant est soumise au droit commun de la prescription en matière commerciale.

Le moyen de défense fondé sur la prescription annale de l'article L. 133-6 du code du commerce sera écarté concernant les demandes en réparation pour rupture brutale.

Sur le fond, la rupture brutale ou abusive

Les dispositions de l'article L. 442 6, I, 5° du code de commerce qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'appliquent pas dans le cadre des relations commerciales nées de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat type, qui prévoit la durée des préavis de rupture régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport.

Or, en l'espèce, il est constant que les parties étaient en relations contractuelles de sous-traitance de transport et que le contrat conclu le 27-10-2006 (pièce 1 de SFET) ne mentionnait aucune clause spécifique sur le préavis de rupture.

Par conséquent, les juges du tribunal de commerce ont considéré à bon droit que le contrat-type, institué par la loi LOTI régissait la rupture entre les parties, faute de dispositions contractuelles, s'agissant de rapports entre un sous-traitant et un opérateur de transport.

Ainsi l'article 12.2 du décret 2003-1295 du 26 décembre 2003 qui est applicable en l'espèce pour un contrat conclu en 2006 (annexe IX de l'article D. 3112-3 du code des transports) prévoit que « Le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre partie par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps déjà écoulé depuis le début d'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois. Le préavis est porté à deux mois quand ce temps est supérieur à six mois et inférieur à un an. Le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus.

12.3. Pendant la période de préavis, les parties s'engagent à maintenir l'économie du contrat.

12.4. En cas de manquements graves ou répétés de l'une des parties à ses obligations, l'autre partie peut mettre fin au contrat, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, sans préavis ni indemnités. »

La relation contractuelle entre les parties ayant duré d'octobre 2006 à septembre 2015, soit pendant 9 années, le respect d'un préavis de 3 mois s'imposait, sauf si la preuve de manquements graves et répétés de la part du sous-traitant était rapportée.

Sur l'existence de manquements graves ou répétés justifiant une rupture sans préavis ni indemnité

Le motif de la lettre de rupture datée du 3 septembre 2015 est indiqué comme suit :

« vous n'êtes pas sans savoir que nous avons pu constater que votre personnel dérobait des biens appartenant à STEF. Ceci constituant une faute grave et ainsi justifiant la résiliation de nos engagements sans aucun préavis conformément à une jurisprudence constante. Cette relation prendra fin à compter du lundi 21 septembre 2015 pour l'ensemble des lignes qui vous étaient confiées ».

La société STEF Transport Paris Athis a répliqué par courrier daté du 4 septembre 2015 en ces termes : « vous tentez de justifier cette rupture abusive et brutale de nos relations contractuelles datant de plusieurs années par un prétendu vol par mes chauffeurs, or ces faits sont faux et non avérés, ils font état d'aucune condamnation pénale à ce jour ». (pièce 3 de la société SFET)

Le préavis octroyé par la société STEF Transport Paris Athis était donc limité à 18 jours, du 3 au 21 septembre 2015.

Pour justifier la rupture quasi immédiate, la société STEF Transport Paris Athis soutient l'existence d'une faute grave. Il s'agit de faits de vol imputés à un salarié de la société SFET (pièce 3 de la société STEF Transport Paris Athis), or, comme le soutient la société SFET, il n'est pas démontré que l'enquête pénale menée à la suite de la plainte pénale déposée par la société STEF Transport Paris Athis le 6 août 2015 a pu identifier les auteurs des vols dénoncés, la plainte ne mentionnant d'ailleurs pas le nom de salariés de la société SFET, mais indiquant seulement que « des conducteurs indélicats revendent à leur profit des palettes à des spécialistes et rentrent au dépôt en déficit ».

De surcroît, il n'est pas démontré une attitude fautive de la part de la société STEF Transport Paris Athis qui aurait participé à la commission des délits allégués.

Il convient donc d'écarter le cas de manquements graves de la part de la société SFET justifiant un préavis de rupture limité à 18 jours.

Un préavis de 3 mois devait donc être respecté s'agissant d'une rupture de la relation contractuelle de sous-traitance de transport d'une durée supérieure à un an conformément à la loi LOTI et plus particulièrement au contrat type en matière de transport.

Sur le quantum de l'indemnisation du préjudice subi du fait du défaut de respect du préavis de 3 mois :

- le gain manqué :

Pour le calcul du gain manqué sur l'activité de la société SFET avec la société STEF Transport Paris Athis, il conviendra de retenir la période des 2,5 mois du préavis manquant après déduction des 18 jours effectivement accordés, l'appelante a sollicité que soit retenue une perte de marge brute mensuelle de 35%, taux qui n'est pas contesté de manière pertinente par l'intimée et qui sera retenu par la Cour au vu de la nature de l'activité exercée de transport.

Le préjudice subi équivalant au gain manqué sera évalué sur la base de 35 % du chiffre d'affaires tiré de la relation commerciale avec la société STEF Transport Paris Athis sur 2015 à hauteur de 384.628 euros. (pièce 18 de la société SFET)

Le gain manqué subi par la société SFET du fait du défaut du respect du préavis de 3 mois sera donc fixé à la somme de :

. 35 % de (384.628 euros /9 mois) x 2,5 mois, soit 37.394 euros.

- autre poste de préjudice économique :

La société SFET demande le paiement de la somme de 16.802 euros au titre de préjudice économique en raison de la poursuite des contrats de travail des chauffeurs affecté aux tournées rompues et à la location des camions.

Cependant, il n'est pas démontré que la société SFET n'a pas pu affecter ces postes de chauffeurs et les camions loués à d'autres clients, le contrat de sous-traitance avec la société STEF Transport Paris Athis ne constituant qu'une partie de son activité économique. En effet, il ressort des factures de 2015 et du Grand Livre Clients extrait du bilan 2015 que la société SFET a facturé à la société STEF Transport Paris Athis sur l'année 2015 un total de 384.628 euros sur un chiffre d'affaires net total de 1.493. 942 euros au vu du compte de résultat 2015 produit (pièce 18 de la société SFET).

La décision du tribunal de commerce rejetant ce chef de demande sera donc confirmée.

Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

La demande en procédure abusive émanant de la société STEF Transport Paris Athis qui succombe au principal sur la rupture brutale sera rejetée, à l'instar de ce qu'ont décidé les premiers juges.

Sur les frais et dépens

L'espèce commande que la société STEF Transport Paris Athis qui succombe supporte la charge des dépens et il est équitable de la condamner également à payer une indemnité de 3.000 euros, au titre des frais irrépétibles engagés par la société SFET pour obtenir paiement des sommes sollicitées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statant publiquement et contradictoirement,

DIT irrecevable la demande en paiement de la facture du 30 septembre 2015,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société STEF Transport Paris Athis à payer à la société SFET la somme d'un euro symbolique au titre de la durée manquante du préavis et en ce qu'il a débouté les demandes en paiement au titre des compensations et prestations annexes ;

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DIT prescrites les demandes en paiement relatives aux compensations et aux prestations annexes,

CONDAMNE la société STEF Transport Paris Athis à payer à la société SFET la somme de 37.394 euros au titre de l'indemnisation du défaut du respect du préavis de 3 mois ;

CONDAMNE la société STEF Transport Paris Athis à payer à la société SFET la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société STEF Transport Paris Athis aux entiers dépens.