CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 juillet 2020, n° 18/19178
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Plasti Temple (SA)
Défendeur :
Carpenter (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Bodard-Hermant, M. Gilles
FAITS ET PROCÉDURE
La SA Plasti Temple fabrique et vend des articles de puéricultures, dont des matelas réalisés en mousse souple de polyuréthane. Pour ce matériau, elle s'approvisionne depuis plus de vingt années auprès de la SAS Carpenter.
Par acte extrajudiciaire du 13 janvier 2017, la société Plasti Temple a fait assigner la SAS Carpenter en indemnisation du préjudice ayant découlé de l'infraction d'entente illicite dont la défenderesse a été déclarée coupable par la Commission européenne dans sa décision du 29 janvier 2014.
C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Rennes, par jugement du 5 juin 2018, a :
- dit que la directive européenne 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ne s'applique pas au litige ;
- constaté que la société Carpenter a été condamnée par la Commission européenne, le 29 janvier 2014, à une amende de 75 009 000 euros pour participation à une entente de producteurs durant la période du 26 octobre 2005 au 27 juillet 2010, sur le marché de la mousse de polyuréthane souple, utilisée entre-autre dans la réalisation de matelas ;
- débouté la société Plasti Temple de ses demandes en dommages-intérêts contre la société Carpenter ;
- débouté la société Carpenter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive contre la société Plasti Temple ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la société Plasti Temple à payer à la société Carpenter la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 novembre 2019, la société Plasti Temple, appelante, demande à la Cour de :
Vu la décision du 29 janvier 2014 de la Commission européenne ;
Vu l'article 101 du TFUE ;
Vu la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ;
Vu l'article 1240 du code civil ;
Vu les articles L. 420-7 et R. 420-3 du code de commerce ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- condamner la société Carpenter à lui payer la somme en principal de 3 068 650,64 euros, outre intérêts légaux à compter du 31 décembre 2010 et jusqu'à parfait paiement ;
- condamner la société Carpenter à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 janvier 2020, la société Carpenter prie la Cour de :
Vu la directive 2014/104/UE ;
Vu l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ;
Vu les articles L. 481-1 "et suivants" du code de commerce ;
Vu l'article 1240 du code civil ;
- constater que la directive n'était pas transposée au jour de l'assignation et n'est donc pas applicable au litige ;
- constater que la décision AT.39801 de la Commission européenne ne reconnaît pas l'existence d'un préjudice de Plasti Temple ou d'un quelconque client de la concluante ;
- constater que les griefs pris de l'existence de surcoûts affectant ses tarifs entre 2005 et 2010 en application d'une entente sur les prix sont dénués de sérieux et ne sont pas même explicités ;
- constater que la concluante démontre par un rapport d'expertise économique « qu'aucun accord sur les prix n'a été répercuté sur Plasti Temple » ;
- dire que nulle faute ne peut lui être reprochée dans sa relation commerciale avec la société Plasti Temple ;
- confirmer le jugement entrepris et débouter cette société de toutes ses demandes ;
- à titre subsidiaire :
- constater que les demandes indemnitaires sont dénuées de sérieux ;
- « constater que la société Plasti Temple ne fournit aucune explication sur sa demande d'exécution provisoire » ;
- débouter cette société de toutes ses demandes ;
- en toutes hypothèses :
- rejeter la demande adverse de 30 000 euros formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Plasti Temple à lui payer la somme de 100 000 euros en vertu de ces mêmes dispositions, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
S'agissant du régime juridique de la présente action en indemnisation, dès lors que la société Plasti Temple se fonde exclusivement, en fait, sur l'infraction unique et continue, entre le 26 octobre 2005 et le 27 juillet 2010, à l'article 101 du TFUE dans le domaine de la mousse souple de polyuréthane, dont la SAS Carpenter a été déclarée coupable par la décision du 29 janvier 2014 de la Commission européenne, le litige sur l'indemnisation du préjudice découlant de l'infraction doit être réglé par la Cour selon le droit commun de la responsabilité civile, les dispositions du régime spécial de responsabilité civile issues de la transposition de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 opérée par l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 n'étant pas encore applicables.
Il en résulte, en particulier, que le demandeur en dommages-intérêts doit prouver son droit en indemnisation en faisant la démonstration de son préjudice, puisque telle est l'exigence légale du droit national de la responsabilité civile, en application des dispositions de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240), s'agissant même des conséquences dommageables des pratiques anticoncurrentielles (voir : Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-18.495).
En particulier, l'acheteur direct auprès de l'auteur de l'infraction ne peut pas se prévaloir de la présomption légale de non-répercussion du surcoût à ses propres clients, telle qu'issue du standard européen arrêté dans la directive déjà mentionnée. Le juge ne peut non plus, par exception au droit commun qui est seul applicable, instituer contra legem, pour les seuls besoins des actions en indemnisation des dommages résultant d'une pratique anticoncurrentielle, des règles qui donneraient un effet équivalent au dispositif issu de la directive.
Pour l'appréciation du préjudice, le pouvoir du juge est renfermé dans l'appréciation des présomptions de faits qui lui sont soumises.
Or, pour apprécier ces présomptions, qui ne sont pas établies par la loi, le juge ne peut admettre que celles qui sont suffisamment graves, précises et concordantes.
Cependant, en vertu des dispositions de l'article 16.1.1. du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002, applicables en la cause, lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l'article 81 ou 82 [désormais 101 ou 102 du TFUE] du traité qui font déjà l'objet d'une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission.
C'est pourquoi la décision de la Commission déjà mentionnée établit, dans le cadre de la présente instance, les faits suivants, énoncés dans le résumé de l'infraction qu'elle a publié et ci-après reproduit :
« 2.3. Résumé de l'infraction
10) La décision concerne une entente, dont le but ultime était de répercuter l'augmentation du prix des matières premières sur les clients et d'éviter, pour les sociétés concernées, une concurrence agressive sur les prix facturés aux clients. Pour atteindre cet objectif, un accord global a été adopté à l'échelle européenne entre les participants à l'entente. Dans le cadre de cet accord global, les participants à l'entente ont adopté, à différents niveaux d'encadrement, un comportement anticoncurrentiel aboutissant à la coordination des prix dans un total de 10 États membres.
11) Pour atteindre l'objectif général fixé, qui était de répercuter l'augmentation du prix des matières premières sur les clients et d'éviter une concurrence tarifaire agressive, les participants à l'entente ont adopté des pratiques anticoncurrentielles qui consistaient à coordonner directement ou indirectement les prix. Il s'agissait notamment :
a) de la coordination :
- du calendrier et de l'ampleur des hausses de prix indicatifs, et
- des prix à facturer à certains clients spécifiques ; et
b) d'un engagement visant à s'abstenir, ponctuellement, de débaucher les clients les uns des autres pendant les périodes de hausses de prix.
12) Dans ce cadre européen global, les hausses de prix ont essentiellement fait l'objet de discussions entre entreprises au niveau des directeurs européens ainsi qu'au niveau des directeurs régionaux et nationaux en marge des réunions de leur association professionnelle.
L'étendue géographique globale de l'infraction a concerné 10 États membres de l'Union européenne, à savoir la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, la Roumanie, la Pologne et l'Estonie. Si toutes les entreprises ont participé aux contacts de l'entente au niveau européen, elles n'ont en revanche pas toutes été présentes dans l'ensemble des 10 États membres concernés. »
Au titre de l'infraction, la Commission européenne a déclaré la SAS Carpenter responsable à hauteur de 71 800 000 euros d'amende, conjointement et solidairement avec les sociétés Carpenter Co., Carpenter GmbH, Carpenter Belgium NV et Carpenter Limited.
Aux termes de cette décision de la Commission européenne, l'accord global incriminé et qu'a subi la société Plasti Temple avait pour but « de répercuter l'augmentation du prix des matières premières sur les clients et d'éviter, pour les sociétés concernées, une concurrence agressive sur les prix facturés aux clients ».
Les propres pièces produites par la société Plasti Temple confirment la très forte augmentation des matières premières à laquelle les auteurs de l'infraction ont entendu réagir en mettant en place la pratique incriminée.
Ainsi, la pièce n° 10 du demandeur à l'indemnisation démontre de 2005 à 2010 une très forte augmentation du coût des polyols et des isocyanates, qui constituent les principales matières premières des mousses du polyuréthane, avec un pic en 2008 qui a culminé approximativement, selon la lecture du graphique peu précis, à + 37 % par rapport à 2005.
Ni les éléments produits émanant de la Commission européenne dans l'affaire considérée, ni aucun autre élément de preuve ne permet d'apprécier quel aurait été le comportement du marché s'il n'avait pas été faussé en l'absence d'infraction, mais en tous les cas il ne peut être présumé en l'espèce que les fournisseurs de matières premières des auteurs de l'infraction se seraient abstenus de répercuter cette très forte hausse du coût des matières sur leurs acheteurs directs. Au reste, si la Cour, en l'espèce, retenait le contraire, elle serait alors en contradiction avec les termes mêmes de la décision de la Commission européenne rendue contre la SA Carpenter.
C'est à la lumière de ces éléments que la Cour doit déterminer si la preuve est rapportée de l'existence d'un préjudice indemnisable subi par la société Plasti Temple.
Sur le préjudice de surcoût
La société Plasti Temple demande en premier lieu une indemnité de 796 568,64 euros au titre du surcoût généré par l'infraction, correspondant à 20 % du montant de ses achats de mousse de polyuréthane auprès de la SAS Carpenter, en affirmant que :
- ce taux résulte des données contenues dans le Guide pratique concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages-intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE, établi par la Commission européenne en 2013 (le Guide pratique) ;
- ce taux est corroboré avec les variations des prix réclamés par l'auteur de l'infraction sur la période concernée par l'entente et sur la période postérieure (entre 2005, année de référence, et 2015), sur la base d'un échantillon représentatif des références achetées correspondant à 80 % des approvisionnements totaux (soit des variations allant de + 18 % à + 22 % lors de la période concernée par l'infraction, avec retour à des prix moindres qu'avant 2005 à partir de 2012) ;
- elle n'a pas pu répercuter ce surcoût à ses propres clients.
La Cour observe en premier lieu que dès lors qu'il est établi par la décision de la Commission européenne elle-même que les auteurs de l'infraction ont eu pour objectif de répercuter une très forte augmentation du prix des matières premières sur leurs propres clients afin d'éviter, pour les sociétés concernées, une concurrence agressive sur les prix facturés à ces clients, il ne peut pas être retenu que la totalité du surcoût de prix observé pendant la durée de l'entente est imputable à l'infraction.
Par ailleurs, contrairement à ce que demande la société Plasti Temple, la Cour ne peut pas donner aux analyses abstraites de cas étrangers à celui de l'espèce, telles que synthétisées dans le Guide pratique, une portée que ce document n'envisage d'ailleurs pas.
En particulier, ce n'est pas parce que la moyenne ou la médiane des ententes retenues pour l'élaboration du Guide pratique indique un surcoût illégal compris entre 15 et 20 % que, dans la présente espèce, caractérisée de surcroît par la réaction défensive des auteurs de l'infraction à une forte hausse du prix des matières premières, la Cour serait fondée à retenir un surcoût imputable à l'entente de niveau équivalent.
Au contraire, la Cour doit retenir qu'il est établi que la pratique incriminée a eu en l'espèce, pour seul effet nécessaire sur les prix pratiqués par la SA Carpenter, de priver la société Plasti Temple du bénéfice de l'absorption d'une partie de l'augmentation du prix des matières premières, qui était normalement attendu du libre jeu de la concurrence entre les fournisseurs de mousse de polyuréthane.
Mais il doit être corrélativement présumé que, sans la pratique anticoncurrentielle, une augmentation importante de la mousse de polyuréthane aurait quand même été observée.
La Cour rappelle également que, selon le droit commun applicable en la cause (Cass. com., 15 juin 2010, n° 09-15.816), lorsqu'un demandeur en indemnisation sollicite la compensation de surcoûts imputables à une pratique anticoncurrentielle, le juge doit rechercher si le demandeur n'a pas en tout ou en partie répercuté sur ses propres clients les surcoûts résultants de l'infraction commises, afin d'éviter que l'allocation de dommages-intérêts n'entraîne, selon la formulation du juge européen (arrêt du 20 septembre 2001, Courage Ltd, aff. C-453/99 et arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi, aff. jtes C-296/04 à C-298/04) reprise par la Commission européenne dès la proposition de directive de 2008 ayant abouti à la directive de 2014, un « enrichissement sans cause ».
Par conséquent, ce n'est pas parce qu'il est prouvé que l'infraction a eu un effet sur le prix d'achat de la mousse de polyuréthane que la société Plasti Temple a droit à une indemnisation que le juge serait dans l'obligation d'évaluer, puisqu'en l'état du droit positif, le demandeur en dommages-intérêts doit encore prouver qu'il n'a pas répercuté sur ses propres clients la hausse de prix imputable au surcoût imputable à l'infraction.
Or, à cet égard, force est de constater que la Cour n'est en possession d'aucun élément qui lui permettrait de faire droit aux affirmations de la société Plasti Temple sur ce point.
En effet, tout d'abord, si la société Plasti Temple affirme qu'elle n'a pas pu répercuter du tout le surcoût sur ses propres clients, au moyen qu'elle aurait perdu les marchés en cause, elle n'établit pas pour autant le niveau du surcoût illégal, par différence avec l'augmentation de prix qu'elle aurait nécessairement subie en raison de la forte hausse des matières premières qui est la raison d'être de l'entente.
Ensuite, la propre analyse économique contenue dans le succint « Memo » (sa pièce n° 10) produit par la société Plasti Temple à l'appui de sa demande, énonce : « Nous pouvons noter que le taux de marge brute connaît une baisse significative à partir de 2006 : la société Plasti Temple n'a pas été en mesure de répercuter, en totalité, la hausse du prix d'achat de la mousse auprès des clients qu'elle a conservés. »
Un tel avis technique laisse manifestement la place pour une répercussion partielle du surcoût auprès de clients conservés par la société Plasti Temple.
Enfin, dès lors que la société Plasti Temple n'allègue ni ne démontre qu'elle n'a pas utilisé la mousse de polyuréthane acquise pendant la durée de l'entente, elle est présumée l'avoir transformée pour fabriquer des produits qu'elle a vendus.
Au reste, les développements de la société Plasti Temple sur le manque à gagner qu'elle allègue confirme qu'il n'y a pas eu d'arrêt brutal de la production de matelas en mousse de polyuréthane.
Il résulte de ces éléments que la société Plasti Temple ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue au titre du surcoût illégal causé par l'infraction.
La Cour ne peut donc que confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Plasti Temple de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.
En second lieu, la société Plasti Temple sollicite une somme de 2 272 082 euros au titre du manque à gagner né de l'infraction, exposant qu'à cause de celle-ci, ses matelas en mousse se sont révélés moins concurrentiels que ceux d'autres producteurs non touchés par l'entente illicite, ce qui lui a fait perdre des référencements par la grande distribution, en particulier par les enseignes Carrefour, Leclerc, Auchan.
La société Plasti Temple invoque les éléments de sa comptabilité analytique pour justifier par référence matière, par référence produit, par référence marché ou client et par années de l'évolution des prix, de la perte des principaux marchés du matelas mousse auprès de la grande distribution, et également pour étayer le lien de causalité entre l'entente et la perte de ces marchés.
A ce titre, elle invoque l'analyse de son chiffre d'affaires, qui n'a cessé de croître, mais avec un mix-produits que la hausse des prix des mousses a modifié et a orienté vers des produits en fibre de polyesther, l'activité matelas mousse ayant stagné jusqu'en 2011 la part des produits en fibre ayant commencé à retrouver un niveau inférieur à 30 %, comme en 2006, à compter de 2013 seulement.
Elle souligne l'anomalie, imputable à l'entente selon elle, de l'évolution du marché en volume des matelas mousse, qui a perdu sa corrélation de fond avec l'évolution des naissances.
Elle insiste sur la nécessité de la réorganisation de sa production pour faire face à la situation née de l'entente, sur les difficultés à changer d'approvisionnement en mousse de polyuréthane en raison des coûts élevés de transport de ce matériau volumineux.
Elle met en évidence la baisse significative de la marge brute sur les matelas mousse entre 2005 et 2011, ce qui a affecté son taux de marge matelas (toutes fabrications) bien que son taux de marge global soit demeuré stable.
Elle expose avoir corrigé ses calculs de marge par des abattements, pour tenir compte de l'économie sur les charges variables non supportées du fait des marchés perdus.
Elle relate les déréférencements causes des pertes de marchés, à la suite de l'application des hausses tarifaires de la SA Carpenter : Bébé 9 à compter de 2010, Auchan à compter de 2005, Leclerc à compter de 2006, Carrefour France à compter de 2007.
La société Plasti Temple en conclut qu'à cause de l'entente, son chiffre d'affaires en matelas mousse s'est fortement contracté, ce qui lui a causé un préjudice équivalent à la perte de marge résultant de la perte de ces marchés.
Toutefois, la Cour, qui ne peut pas indemniser un préjudice seulement éventuel, rappelle qu'elle n'est en possession d'aucun élément lui permettant d'apprécier que la société Plasti Temple, en l'absence d'infraction, n'aurait pas subi de hausse importante du prix de la mousse polyuréthane.
La Cour doit même présumer du contraire, ainsi qu'il a été déjà mentionné.
Ainsi que l'argumentation de la société Plasti Temple l'établit par ailleurs, il y a une substituabilité relative mais certaine entre la mousse de polyuréthane et les fibres de polyesther pour la confection des matelas (la société Plasti Temple explique que ce n'est que pour certains marchés, non précisés, que le garnissage en fibres n'est pas souhaité, pour des raisons de durabilité pas davantage précisées). Or, la société Plasti Temple n'établit pas que la grande distribution n'aurait pas réagi moins défavorablement qu'elle ne l'a fait à l'égard de ses produits en mousse si, au lieu de répercuter les hausses de prix litigieuses, ainsi qu'elle l'a effectivement fait, elle avait eu seulement à statuer sur la répercussion des hausses tarifaires des fournisseurs de mousse de polyuréthane, en l'absence d'infraction, ces hausses étant alors naturellement induites par la seule forte augmentation du prix des matières premières.
Ainsi, le préjudice né du manque à gagner invoqué par la société Plasti Temple du fait de la perte des marchés de la grande distribution n'est-il seulement qu'éventuel.
C'est pourquoi le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Plasti Temple de sa demande au titre du manque à gagner.
Le jugement entrepris sera donc entièrement confirmé.
En équité, la société Plasti Temple, qui succombe en appel, sera condamnée, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la SA Carpenter une somme précisée au dispositif du présent arrêt, dépens d'appel en sus.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris,
DÉBOUTE la société Plasti Temple de ses demandes,
LA CONDAMNE à payer à la société Carpenter une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
LA CONDAMNE aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.