CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 19 novembre 2020, n° 19/20354
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Amazon Europe Core (Sté), Amazon Services Europe (Sté), Amazon France Logistique (Sasu)
Défendeur :
Europe Watch Group BV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guillou
Conseillers :
M. Rondeau, Mme Chopin
Exposé du litige
La société Europe Watch Group BV, société de droit néerlandais, détient la marque Cluse et est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de montres et bijoux.
De son côté, le groupe Amazon est spécialisé dans la vente de divers biens et services via ses « boutiques » en ligne.
Après avoir fait établir un constat d'huissier le 24 juillet 2018 aux fins de démontrer la distribution sur les sites de vente en ligne d'Amazon de contrefaçons de ses créations, la société Europe Watch Group BV s'est, par courriers des 12 et 13 novembre 2018, prévalu de la distribution de sa gamme de produits de marque Cluse, dans chaque pays de l'EEE, « exclusivement au travers de réseaux de distributeurs exclusifs » dont la société Amazon Europe Core ne fait pas partie et lui a demandé le retrait immédiat des « marketplaces » de l'intégralité des produits de la marque Cluse de la commercialisation de ses produits sur les plateformes Amazon en France, en Allemagne, en Italie et au Royaume Uni.
Des courriers ont été échangés entre Amazon services EU qui a demandé communication des contrats de distribution exclusive allégués et la société Europe Watch Group qui n'a pas souhaité donner suite à cette demande, estimant que l'attestation de ses dirigeants constituait une preuve valable et suffisante.
Le 5 juillet 2019, la société Europe Watch Group BV a assigné les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique devant le président du tribunal de commerce de Marseille qui, par ordonnance contradictoire du 31 juillet 2019, a :
- pris acte de ce que les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique (Amazon) déclarent avoir retiré les offres des produits « Cluse » réalisées par l'intermédiaire du site Internet amazon.fr,
- constaté que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Europe Watch Group BV (Cluse) a une apparence de licéité et ce d'autant qu'Amazon a retiré de sa plate-forme française de nombreux produits,
- ordonné à Amazon (les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique) de faire cesser immédiatement et pour l'avenir la commercialisation des produits « Cluse » en France par le biais des plates-formes française, allemande, anglaise, italienne et espagnole dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 euros (« cent euros ») par acte de commercialisation constaté, et conformément aux dispositions des articles 491 alinéa 1 du code de procédure civile et L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte,
- condamné conjointement les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique (Amazon) à payer à la société Europe Watch Group BV (Cluse) la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné conjointement les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique (Amazon) aux dépens
- rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.
Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :
- Qu'il appartient à l'organisateur d'un réseau de distribution sélective qui en invoque le respect de démontrer son existence par la production de contrats, et de démontrer sa licéité au regard des règles de concurrence,
- que la société Europe Watch Group produit des attestations, des contrats signés et modèles de contrat attestant de la mise en place d'un réseau de distribution sélective sur le territoire de l'espace économique européen ; que ce réseau de distribution sélective échappe à la qualification d'accords anticoncurrentiels prohibés par l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
- que le juge des référés est compétent pour constater tant la licéité d'un réseau de distribution sélective que l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent constitué par la commercialisation, par un intermédiaire non-agréé, des produits d'un promoteur d'un réseau de distribution sélective,
- que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Europe Watch Group BV a, au provisoire, une apparence de licéité et qu'Amazon a retiré de sa plate-forme française de nombreux produits, dont les offres de produits Cluse,
- que l'interdiction sollicitée de la revente en France des produits Cluse via les plates-formes allemande, anglaise, italienne et espagnole d'Amazon, n'est pas une interdiction générale de revente mais une interdiction limitée à la distribution sur le territoire français des produits en cause via des plates-formes Internet étrangères,
- que le droit français est applicable à ces ventes en France via des plates-formes étrangères en contravention avec le système de distribution sélective qui constituent un trouble manifestement illicite et cause un dommage imminent,
- qu'Amazon exerce un rôle actif sur ses plates-formes pour faciliter la commercialisation des produits en les promouvant et en optimisant les chances que les demandes des consommateurs aboutissent à des transactions effectives ; qu'ainsi la qualification de simple hébergeur, revendiquée par Amazon, doit être écartée,
- que l'existence ou de la non-existence d'acte de concurrence déloyale ou parasitaire n'est pas l'objet du litige.
Par déclaration en date du 31 octobre 2019, les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique ont fait appel de cette ordonnance.
Aux termes de leurs conclusions remises au greffe le 12 octobre 2020,les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique demandent à la cour, sur le fondement des articles 16, 31, 122, 142, 138, 139, 564, 872, 873 et 910-4 du code de procédure civile, des articles L. 442-2 et L. 420-1 du code de commerce, des articles 4.1 et 6.1 du règlement européen n° 864/2007 du 11 juillet 2007 relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Rome II »), de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du règlement (UE) n° 330/2010 d'exemption des accords verticaux en date du 20 avril 2010 et du règlement (UE) n° 2018/302 visant à contrer le blocage géographique injustifié en date du 28 février 2018, de :
- infirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- enjoindre à la société Europe Watch Group BV de communiquer aux sociétés Amazon Services Europe SARL, Amazon Europe Core SARL et Amazon France Logistique SAS :
- une copie des contrats de distribution conclus et en vigueur entre la société Europe Watch Group BV (Cluse) ou toute société représentant la marque « Cluse » d'une part, et ses distributeurs, grossistes et détaillants d'autre part, de nature à établir que les produits de la marque « Cluse » sont distribués dans le cadre d'un réseau de distribution exclusive ou sélective dans les territoires suivants : France, Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni ;
- à défaut, une copie des contrats de distribution conclus et en vigueur entre la société Europe Watch Group BV (Cluse) ou toute société représentant la marque « Cluse » d'une part, et ses distributeurs, grossistes et détaillants d'autre part, concernant la distribution des produits de marque « Cluse » selon toute modalité autre qu'une distribution exclusive ou sélective dans les territoires suivants : France, Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni,
- dire et juger que les demandes de la société Europe Watch Group BV portant sur les ventes réalisées par l'intermédiaire de amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es sont irrecevables, faute d'intérêt et de qualité à agir,
- dire et juger que les demandes de la société Europe Watch Group BV portant sur les ventes réalisées par l'intermédiaire de amazon.fr sont sans objet, les offres de produits Cluse ayant été retirées à sa demande préalablement à l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019 et, qu'en conséquence, celle-ci ne pouvait prononcer une injonction pour l'avenir concernant cette boutique,
- dire et juger que la société Europe Watch Group BV ne démontre pas l'existence d'un réseau de distribution sélective au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Espagne,
- dire et juger que le prétendu réseau de distribution sélective ou exclusive de la société Europe Watch Group BV ne présente pas une apparence de licéité,
- dire et juger que la commercialisation en France de produits Cluse par des vendeurs tiers depuis amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es ne crée aucun trouble manifestement illicite,
- dire et juger que la société Europe Watch Group BV ne démontre pas un quelconque acte de concurrence déloyale ou parasitaire commis par les sociétés Amazon Services Europe SARL, Amazon Europe Core SARL et Amazon France Logistique SAS,
- dire et juger qu'aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent n'était caractérisé au jour où le juge des référés a statué,
- dire et juger que la qualification du statut d'hébergeur de la société Amazon Services Europe n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés,
- dire et juger que l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019 a jugé à tort que le droit français était applicable aux ventes réalisées par l'intermédiaire de amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es,
- dire et juger que l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019 a statué ultra petita en interdisant de facto la commercialisation de produits Cluse par la société Amazon EU sur amazon.fr, amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es,
- dire et juger en tout état de cause que l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019 ne pouvait ordonner une mesure faisant grief à la société Amazon EU qui n'est pas partie à l'instance,
- dire et juger qu'en l'absence de démonstration de l'existence d'un réseau de distribution au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en Espagne, les injonctions prononcées par l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille en date du 31 juillet 2019 sont contraires aux droits de l'Union européenne et de la concurrence et constituent un trouble manifestement illicite,
- déclarer irrecevables, et subsidiairement infondées, les demandes de la société Europe Watch Group BV de condamnation des sociétés Amazon Services Europe, Amazon Europe Core et Amazon France Logistique à lui verser la somme provisionnelle de 100 000 euros et de communication des éléments comptables relatifs aux ventes de produits Cluse,
En conséquence :
- débouter la société Europe Watch Group BV de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre très subsidiaire :
- dire et juger que l'astreinte ne pouvait qu'être ordonnée par jour de retard, et non par infraction constatée, à compter du 30ème jour après signification de l'arrêt,
- réduire le montant de l'astreinte ordonnée par le juge des référés,
En tout état de cause :
- condamner la société Europe Watch Group BV à leur payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les sociétés Amazon Europe Core, Amazon Services Europe et Amazon France Logistique font valoir en substance les éléments suivants :
Sur la demande de communication de pièces :
- que la société Europe Watch Group BV (Cluse) a reconnu l'absence de réseau de distribution au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne et en Espagne,
- que suite à la sommation du 4 décembre 2019, elle a refusé de communiquer toutes pièces relatives à ce réseau dont elle avait invoqué l'existence en première instance,
- qu'elle est donc dépourvue d'intérêt et de qualité à agir pour solliciter des mesures d'interdiction concernant amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es,
Sur le trouble manifestement illicite :
- qu'Amazon avait retiré les offres Cluse commercialisées sur amazon.fr au jour des débats de sorte qu'aucun trouble manifestement illicite n'existait au jour où le juge des référés a statué,
- que l'affirmation selon laquelle ses produits demeureraient accessibles aux consommateurs français sur amazon.fr ou depuis amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es n'est pas fondée,
- que Cluse ne justifie pas de l'existence d'un réseau de distribution sélective ou exclusive en dehors de France, même si elle a l'intention ou la décision de mettre en place ce réseau, et qu'elle ne produit aucun contrat signé ; qu'elle ne peut donc pas s'opposer aux ventes effectuées en France via amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es,
- que l'existence d'un réseau de distribution sélective en France ne suffit pas à s'opposer aux importations, via une plate-forme étrangère, de produits régulièrement acquis dans des pays où il n'existe pas de réseau protecteur,
- que le réseau de distribution en France est illicite au regard de l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne puisque les propriétés des produits, des montres « petits budgets » au design classique et sans aura d'exclusivité par rapport à leurs concurrents, ne justifient pas la mise en place d'un tel réseau de distribution sélective, et que l'interdiction faite aux distributeurs de vendre sur les « marchés de tiers en ligne comme Amazon » est manifestement disproportionnée s'agissant de produits qui sont également vendus sur des places de marché comme CDiscount, [...],
- que le règlement d'exemption, qui permet de présumer la licéité d'un réseau, ne s'applique pas au réseau de Cluse puisque ce réseau comporte des restrictions caractérisées de concurrence : la clause imposant un prix de revente minimal, celle prévoyant une remontée d'information sur les recettes et marges des distributeurs, ou encore la clause de protection territoriale absolue,
Sur les pratiques commerciales d'Amazon :
- qu'Amazon n'a ni acquis ni commercialisé les produits litigieux et ne peut pas s'être rendue coupable d'approvisionnement irrégulier et de violation de réseau de distribution, qu'elle ne commercialise pas les produits litigieux et n'en effectue pas la publicité ; qu'elle n'a donc pas usurpé la qualité de distributeur agréé, pas plus que les vendeurs tiers qui commercialisent les produits en cause sur ses boutiques ; qu'on ne sait pas si l'étiquette et le livret d'utilisation produit à l'appui de la demande proviennent de commandes passées sur les boutiques Amazon,
- qu'aucune atteinte n'est portée par Amazon à l'image de la marque Cluse puisque des produits similaires comme ceux des marques Lacoste, Tommy Hilfiger, Swarovski ou Daniel Wellington sont proposés sur les boutiques d'Amazon, que les réductions proposées sur les sites sont faibles et correspondent à celles proposées par Cluse elle-même sur son site internet,
- que les accusations de parasitisme ne sont pas étayées par des éléments factuels comme par exemple la justification d'investissements importants,
Sur le dommage imminent :
- que le préjudice allégué de 2,1 millions d'euros n'est étayé par aucune précision ou pièce justificative ; que le dommage n'est donc pas certain,
- que le juge des référés a excédé ses pouvoirs en jugeant que la société Amazon Services Europe ne pouvait se prévaloir du statut d'hébergeur, au mépris de nombreuses jurisprudences lui reconnaissant ce statut qui est une question de fond échappant à l'appréciation du juge des référés,
Sur l'ordonnance :
- que le juge des référés a prononcé une mesure portant sur amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es en se fondant sur le droit français, alors que ce droit est inapplicable aux ventes réalisées sur ces boutiques à défaut de ciblage des consommateurs français,
- que l'ordonnance ne pouvait interdire les offres commercialisées directement par la société Amazon EU, qui n'était pas partie à l'instance,
- qu'en l'absence de réseau de distribution en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, l'interdiction visant amazon.co.uk, amazon.de, amazon.it et amazon.es est assimilable à un blocage géographique et à une restriction des ventes passives prohibée par les droits de l'Union européenne et de la concurrence,
Sur les demandes de Cluse :
- que les demandes de provision et de communication de pièces sont nouvelles en cause d'appel et ne figuraient pas dans les premières conclusions d'intimée de Cluse,
- que sans éléments pour justifier le préjudice, elles sont également infondées.
Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 2 octobre 2020, la société Europe Watch Group demande à la cour, sur le fondement des règlements n° 44/2001 du 22 décembre 2000, n° 2019/1150 du 20 juin 2019 et n° 330/2010 du 20 avril 2010 ainsi que les lignes directrices y afférentes de la Commission, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et notamment ses articles 101 § 1 et 101 § 3, de l'article 1240 nouveau (ancien 1382) du code civil, des articles L. 420-1 et L. 442-2 nouveau (ancien L. 442-6, I 6°) du code de commerce, de l'article L. 121-1 du code de la consommation, et des articles 872 et 873 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance de première instance rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 31 juillet 2019 en toutes ses dispositions,
En conséquence :
- constater que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Cluse est licite,
- constater que la société Amazon :
- participe activement à la commercialisation des produits,
- est responsable de tous les actes de commercialisation des produits sur ses plates-formes ;
- a la qualité d'éditeur de ses plates-formes, et ce quelles que soient les modalités liées aux transactions (intervention ou non d'un vendeur tiers),
- a la qualité de vendeur, qu'elle vende directement ou pas les produits aux consommateurs français,
En conséquence :
- constater qu'Amazon, via ses plates-formes et au préjudice de Cluse, a :
- violé le réseau mis en place par Cluse du fait de l'approvisionnement illicite,
- commis des actes illicites de revente hors réseau des produits, qui ont conduit à un détournement de la clientèle au détriment des distributeurs agréés et de Cluse, ainsi qu'à une désorganisation du réseau,
- usurpé la qualité de distributeur agréé et par conséquent commis des actes de publicité mensongère,
- porté atteinte à l'image de marque de Cluse,
- commis des actes de parasitisme,
- condamner Amazon au paiement à Cluse de la somme provisionnelle de 100 000 euros au titre de la réparation du préjudice qui lui est causé,
- condamner Amazon au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonner à Amazon de communiquer à Cluse tous les éléments comptables relatifs aux ventes des produits effectuées sur les plates-formes, que ce soit par Amazon ou par les vendeurs tiers, afin que Cluse puisse évaluer la réalité de son préjudice.
La société Europe Watch Group BV fait valoir en substance les éléments suivants :
Sur l'ordonnance :
- que l'accessibilité totale des sites en cause et des produits litigieux depuis la France justifie la compétence du juge français,
- que le juge des référés s'en est tenu à l'évidence pour exclure la qualification de simple hébergeur pour Amazon, ce statut n'étant pas figé par des décisions définitives,
- que les ventes illicites réalisées sur le territoire français, lieu où le dommage survient, et aux consommateurs français, relèvent du droit français ; que surabondamment le respect de l'article L. 442-2 du code de commerce peut être considéré comme une loi de police,
- que la demande d'interdiction des ventes illicites visait dès l'acte introductif d'instance tant les ventes réalisées avec la participation des vendeurs tiers que les ventes directement réalisées par Amazon, de sorte que le juge n'a pas statué ultra petita,
- qu'il n'y a aucune trace d'une société tierce liée à Amazon, en charge de la vente directe de produits, et qui serait tierce à l'instance ; que c'est la première fois qu'Amazon invoque le rôle de cette société Amazon EU dont elle n'en donne pas les coordonnées,
- que Cluse a mis en place un réseau de distribution exclusive et sélective et a qualité et intérêt à agir afin de protéger ce réseau et sa marque,
Sur la licéité du réseau :
- que l'existence d'un réseau de distribution sélective et exclusive dans tout le territoire de l'espace économique européen est démontrée par des attestations, modèles de contrat et contrats ; que son réseau bénéficie d'une étanchéité juridique et d'une interdiction de vente des produits sur les plates-formes,
- que la nature des produits, des montres de luxe, justifie la mise en place d'un réseau de distribution sélective ; que les revendeurs sont choisis sur la base de critères objectifs et qualitatifs fixés de manière uniforme et appliqués de façon non discriminatoire ; et que chaque clause du contrat est proportionnée à l'objectif de commercialiser les produits dans un environnement qui préserve leur image de luxe, de sorte que les critères de l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne sont remplis,
- qu'en dépit d'un mode d'emploi simple, les montres sont des produits techniques, et que les produits Cluse sont composés de matériaux de haute qualité avec un design travaillé et bénéficient d'une aura d'exclusivité et de prestige qui en font la popularité,
- que la vente des produits sans la garantie fabriquant voire la vente de produits reconditionnés porte atteinte à l'image valorisante que Cluse souhaite maintenir et protéger,
- que le réseau peut bénéficier du règlement (UE) d'exemption sur les restrictions verticales puisque l'interdiction faite aux distributeurs agréés de vendre sur certaines plates-formes internet n'est pas une interdiction absolue mais relative et conditionnée, que le prix de revente ne peut être imposé que pendant la période d'introduction du produit sur un marché et uniquement si les conditions légales du pays considéré le permettent,
- que le système sélectif a déjà commencé à être appliqué à l'ensemble du territoire de l'espace économique européen et que Cluse a indéniablement décidé de réserver ce territoire en vue d'y développer son réseau de distribution sélective,
- que le réseau de distribution sélective est un fait juridique opposable aux tiers et qu'Amazon ne pouvait méconnaître,
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite :
- que dès lors que le réseau est licite et qu'Amazon participe activement à la commercialisation des produits hors du réseau, le trouble manifestement illicite est constitué,
Sur le blocage géographique et la restriction des ventes passives :
- que la demande de cessation de la commercialisation des produits est sollicitée uniquement pour le territoire français ; qu'elle vise à protéger un réseau de distribution et non à appliquer des mesures fondées sur la discrimination,
- que les activités interdites de restriction des ventes passives concernent uniquement des opérateurs économiques liés par un accord ou un système de distribution sélective, ce qui n'est pas le cas d'Amazon ; que ce n'est pas l'interdiction de vente via internet qui est poursuivie mais l'interdiction générale de vente par Amazon, distributeur non agréé, des produits en France,
- que les jurisprudences citées ne s'appliquent pas à Amazon avec laquelle Cluse n'a pas de lien contractuel,
Sur la responsabilité d'Amazon :
- que la définition du statut d'hébergeur issue de la loi sur la confiance dans l'économie numérique vise l'activité des fournisseurs d'accès à internet mais n'est pas adaptée aux nouveaux modèles des plates-formes « marketplaces » au modèle commercial intégré,
- qu'Amazon, au travers notamment de ses options, de son programme « expédié par Amazon », de son algorithme et de ses commissions, se comporte comme un vendeur et non comme un hébergeur ; qu'étant responsable de l'ensemble du processus de vente (réception, stockage, préparation, publicité, transport, service après-vente et remboursement pour le programme « expédié par Amazon », Amazon est éditeur et responsable des produits vendus sur ses plates-formes,
- que les juridictions françaises retiennent que les plates-formes sont tenues de vérifier que les produits dont elles permettent la vente ne sont pas soumis à un régime de distribution sélective ; qu'Amazon doit donc être reconnue en qualité d'éditeur et en statut de vendeur ou de co-vendeur de l'intégralité des transactions ayant lieu via ses plates-formes,
Sur les fautes :
- qu'il incombe au revendeur hors réseau de rapporter la preuve qu'il a régulièrement acquis les produits pour les revendre, qu'en l'absence d'éléments en ce sens, Amazon a commis un approvisionnement irrégulier et une violation du réseau au sens de l'article L. 442-2 du code de commerce,
- que les produits commercialisés par Amazon sont accompagnés d'une étiquette et d'un fascicule faisant office de certificat d'origine et de manuel de garantie et indiquant le nom du « distributeur officiel » ; qu'il y a donc usurpation de la qualité de distributeur agréé et publicité mensongère,
- qu'en mettant en place des prix bradés et en commercialisant les produits au milieu de multiples autres produits qui sont parfois d'occasion, reconditionnés, ou même des contrefaçons, Amazon a porté atteinte au caractère luxueux et à l'image des produits,
- que la commercialisation de produits à des prix bradés, sans bourse délier et en profitant des investissements d'autrui caractérise des actes de parasitisme,
Sur le préjudice :
- que la violation du réseau de distribution sélective, les fautes caractérisées, le détournement de clientèle et la désorganisation du réseau créent un préjudice financier important pour Cluse et évalué provisoirement à la somme de 1 000 000 euros,
- que la demande d'indemnisation n'est pas nouvelle en appel car elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, c'est-à-dire aux fins d'indemnisation des fautes et de sanction et renforcement de la récidive d'Amazon.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Des instances au fond ont été engagées par la société Europe Watch Group d'une part pour obtenir réparation par les sociétés du groupe Amazon des violations du réseau de distribution sélective qu'elle allègue et d'autre part en réparation d'actes de contrefaçon concernant les marques qu'elle exploite.
La présente instance en référé vise à faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par des ventes sur différentes boutiques Amazon en méconnaissance du réseau de distribution sélective.
Aux termes de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut toujours, dans les limites de la compétence de ce tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
La commercialisation par un vendeur non agréé des produits protégés par un réseau de distribution sélective telle que définie à l'article 1-e du règlement d'exemption n° 330/2010 constitue un trouble manifestement illicite.
Cependant ce trouble n'est manifestement illicite que si la licéité de ce réseau au regard des règles du droit de la concurrence est établie avec suffisamment de vraisemblance en référé.
Il convient donc en l'espèce de rechercher si la preuve est rapportée de l'existence d'un réseau de distribution sélective sur le territoire de l'Union européenne et précisément dans les pays visés par la demande soit l'Allemagne, le Royaume Uni, l'Italie, l'Espagne et la France étant précisé que l'article 1 e) du règlement d'exemption 330/2010 définit le « système de distribution sélective » comme un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système.
Sur l'existence d'un réseau de distribution sélective au Royaume Uni, en Italie, en Allemagne et en Espagne :
L'existence et la licéité d'un réseau de distribution sélective ne peuvent s'apprécier qu'au regard de contrats de distribution effectivement conclus et comportant une date antérieure aux faits litigieux.
Or en l'espèce la société Europe Watch Group ne verse aux débats aucun contrat de distribution sélective signé entre elle et un ou des distributeurs dans l'un ou l'autre de ces pays.
Seuls deux contrats de distribution exclusive au Portugal et en République Tchèque sont produits.
L'attestation très générale des dirigeants de la société en date du 22 novembre 2018 faisant état de ce que "la commercialisation des produits de la marque Cluse est organisée dans tout le territoire de l'EEE sous la forme de réseaux de distribution soit directe soit exclusive développées avec un ou plusieurs distributeurs rigoureusement sélectionnés" est insuffisante à établir l'existence de ce réseau en l'absence de production du moindre contrat de distribution sélective conclu avec l'un ou l'autre de ces distributeurs dont l'existence n'est même pas établie.
La seconde attestation produite émanant de M. X et de M. Y, CEO de la société Europe Watch Group qui affirment que celle-ci "a déjà organisé son réseau de distribution sélective dans plusieurs Etats européens et qu'elle souhaite l'étendre au fur et à mesure de son développement à l'ensemble du territoire de l'EEE" n'est pas plus suffisante sauf à dispenser la société Europe Watch Group de toute preuve, aucune précision n'étant apportée sur les pays visés par la locution « plusieurs Etats européens », puisqu'elle ne précise ni quels sont les Etats européens dont le réseau existerait déjà ni ceux dans lesquels elle souhaiterait le développer. La seule circonstance qu'une attestation de ce type aurait pu se voir reconnaître une valeur probante dans un autre litige est inopérante, étant au surplus constaté que l'attestation n'était pas l'unique preuve produite.
A cet égard, la société Europe Watch Group invoque l'article 4, point b) iii du Règlement d'exemption tel qu'expliqué par les « lignes directrices sur les restrictions verticales », lesquelles sans être véritablement contraignantes, sont des dispositions qui précisent et éclairent la position de la Commission sur les différentes questions que posent ces accords au regard du droit de la concurrence.
La mention dans ces lignes directrices au paragraphe 55 de ce que le système de distribution sélective s'appliquerait dans les territoires sur lesquels le fournisseur « a décidé » d'appliquer ce système ne peut être sérieusement interprétée comme reconnaissant l'existence d'un réseau de distribution sélective sur la seule intention, même ferme, mais future d'en organiser un, dont la mise en œuvre serait décidée mais non encore réalisée et dont par conséquent personne n'aurait encore connaissance. Elle ne peut à l'évidence viser que les territoires dans lesquels le fournisseur a d'ores et déjà mis en place la distribution sélective, les distributeurs s'engageant alors à ne pas vendre sur ces territoires réservés aux distributeurs agréés.
En conséquence, et alors qu'il appartient à société Europe Watch Group qui se prévaut d'un trouble manifestement illicite d'établir la réalité de cette illicéité, il ne peut qu'être constaté que la preuve de l'existence d'un réseau distribution sélective n'étant pas rapportée dans les pays précités, la vente de produit sur ces territoires dans les « boutiques » Amazon ne peut être considérée comme manifestement illicite.
Sur l’existence d'un réseau de distribution sélective en France :
Selon l'article 1-e du règlement d'exemption n° 330/2010, la distribution sélective ne relève pas de l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ni de l'article L. 420-1 du code de commerce prohibant les ententes restrictives de concurrence, dans la mesure où, si elle respecte certaines exigences, elle ne préjudicie pas à la concurrence.
Lorsque la preuve de la licéité d'un réseau de distribution sélective n'a été constatée par aucune décision, il appartient au promoteur du réseau d'en établir la légitimité au regard de la nature du produit dont il y a une exigence légitime de préserver la qualité, l'image et le bon usage, mais aussi d'établir le caractère strictement nécessaire des critères de choix des distributeurs agréés, qui doivent être objectifs et n'être pas appliqués de manière discriminatoire.
Ainsi, le promoteur du réseau de distribution sélective doit-il tout d'abord rapporter la preuve de la légitimité de la distribution sélective de ses produits afin d'en préserver la qualité et d'en assurer le bon usage.
Le système de distribution sélective n'est pas réservé à l'industrie du luxe et le souci de préserver et de valoriser l'image d'une marque et de produits dont le prix en valeur absolue peut paraître modeste mais que le fournisseur tient à distinguer de produits de consommation classique ou de produits d'un prix et de qualité très inférieurs peut justifier la mise en place d'un réseau de distribution sélective.
La société Europe Watch Group établit d'ailleurs que ses produits sont d'un design soigné, ont une présentation élégante dans des étuis en cuir et qu'elle les présente dans un environnement de nature à valoriser le produit.
En outre la marque concerne également des bijoux, de prix également modeste mais qui participent à l'image de produit soigné et précieux.
La vente de produits de marque Cluse sur certains site internet tels que Fleux.com ou The wan.fr qui vendent d'autres produits, n'apparaît pas contraire à cette recherche puisque ces sites ont une présentation soignée et que les produits Cluse s'y trouvent aux côtés d'objets de décoration ou de design contribuant à un ensemble de même nature.
Dans les principes donc, il apparaît légitime pour la société Europe Watch Group de réserver ses produits à un réseau de distributeurs agréés et le modèle de contrat qu'elle produit interdit d'ailleurs aux distributeurs agréés de vendre les produits de marque Cluse à des distributeurs non agréés.
Si la mise en place d'un réseau de distribution sélective apparaît donc théoriquement possible encore faut-il que dans la réalité de sa mise en œuvre soit établie, preuve qui repose sur la société Europe Watch Group qui en réclame la sanction par le juge des référés, juge de l'évidence.
Or, les allégations de la société Cluse et les constatations du premier juge apparaissent en l'espèce tout à fait contraires à la réalité du dossier produit devant la cour :
- sur les 41 pièces produites, seules les 4 premières sont relatives à la preuve du réseau de distribution sélective,
- alors que la société Amazon lui a fait à plusieurs reprises sommation d'avoir à produire des contrats de distribution sélective signés avec des distributeurs agréés en France notamment, la société Europe Watch Group ne produit que trois contrats signés avec des distributeurs dans trois communes, Laval, Rézé et Angoulême, ainsi qu'un modèle de contrat qui établissent certes que de tels contrats peuvent exister mais cela de façon extrêmement récente et très partielle.
- ces trois rares contrats figurant au dossier en pièce 2 sont datés des 28 et 29 septembre 2018 et du 1er octobre 2018 (sans que la date d'effet en soit précisée) soit quelques semaines avant la première réclamation adressée à Amazon et postérieurement au constat d'huissier du 24 juillet 2018 produit.
Ces contrats ne comportent aucune indication sur le distributeur, seule figurant en dernière page des conditions générales (les conditions particulières n'étant pas produites) la mention :
- « Orja Laval, accepté à Laval ce jour pour une distribution sélective sur nos 4 points de vente cités sur l'annexe », cette dernière n'étant pas produite,
- STRC44 Louis L., pour le contrat de Rézé,
- « Bijouterie Jouot » pour le contrat d'Angoulême.
S'il ne pouvait être exigé de la société Europe Watch Group de produire l'intégralité des contrats de distribution sélective conclus en France, du moins devait-elle, puisqu'elle supporte la charge de la preuve et que le juge des référés est celui de l'évidence, produire davantage d'éléments pour établir la réalité et l'antériorité des contrats signés, rendant vraisemblable l'existence du réseau dont elle se prévaut et permettant de vérifier les conditions de la distribution sélective alléguée.
La cour relève également et surabondamment :
- que la société Europe Watch Group se prévaut de la nécessité de préserver l'image de ses produits qui ne serait pas suffisamment protégée sur les plates-formes « comme Amazon, eBay et des plates-formes similaires afin de préserver l'aspect de luxe et l'environnement de qualité des produits,
- qu'elle se prévaut de ce que dans ses contrats de distribution elle n'autoriserait la vente en ligne que sur des sites présentant « des fonctions de navigations aux normes d'excellence très élevées »,
- que pourtant la société Amazon établit la présence de très nombreuses montres Cluse sur des plates-formes telles que Rue du commerce ou Cdiscount, dont l'image n'est pas associée a priori à l'aspect de luxe ou à l'élégance et sur lesquels ses produits ne bénéficient d'aucune présentation particulière,
- qu'elle ne justifie d'aucune protestation contre les ventes opérées sur ces sites dont elle n'établit pas qu'elles seraient le fait de vendeurs agréés contre son gré ou en quoi elles différeraient des ventes dont elle poursuit aujourd'hui l'interdiction.
Dès lors il est impossible de considérer comme établi le trouble manifestement illicite dont se prévaut la société Cluse puisque celle-ci n'apporte :
- aucun élément tangible sur l'existence de réseau de distribution sélective dans les pays où elle déplore la vente hors réseau,
- que des éléments très parcellaires et contradictoires en France sur l'existence et la licéité de l'organisation d'un tel réseau non discriminatoire.
Le caractère manifestement illicite des ventes ne peut donc être retenu et la décision frappée d'appel doit être infirmée en toutes ses dispositions.
L'existence d'un réseau de distribution sélective n'étant pas considérée comme établi, il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les demandes de production de pièces formées par les sociétés Amazon, la présente instance n'étant pas destinée à l'établissement de preuves en vue d'un dossier devant les juges du fond ni d'examiner la recevabilité puis le bien-fondé de la demande formée par la société Cluse en paiement d'une provision à valoir sur son préjudice et de communications des éléments comptables relatifs aux ventes de produits Cluse.
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du tribunal de commerce de Marseille du 31 juillet 2019,
Et statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Condamne la société Europe Watch Group à payer aux sociétés Amazon Europe Core, Amazon services europ et Amazon France logistique la somme globale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Europe Watch Group aux dépens de première instance et d'appel.