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Décisions

CJUE, 5e ch., 3 septembre 2020, n° C-719/18

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vivendi SA

Défendeur :

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni, Mediaset SpA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents de chambre :

M. Regan,

Juges :

M. Jarukaitis (rapporteur), M. Juhász, M. Ilešič , M. Lycourgos

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocats :

M. Scassellati Sforzolini, M. Faella, M. Emanuele, M. D’Ostuni, M. Catricalà, M. Lipani, M. Cazzato, M. Roberti, M. Bellitti, M. Serpone

CJUE n° C-719/18

3 septembre 2020

LA COUR (cinquième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 56 et 63 TFUE ainsi que des articles 15 et 16 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive-cadre »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vivendi SA à l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (Autorité de tutelle des communications, Italie) (ci-après l’« AGCOM ») et à Mediaset SpA au sujet d’une disposition du droit italien qui interdit à une entreprise de percevoir des recettes supérieures à 10 % des recettes globales réalisées dans le système intégré des communications (ci-après le « SIC »), lorsque cette entreprise détient une part supérieure à 40 % des recettes globales réalisées dans le secteur des communications électroniques.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive-cadre

3 Les considérants 5, 25 et 27 de la directive-cadre énoncent :

« (5) La convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l’information implique que tous les réseaux de transmission et les services associés soient soumis à un même cadre réglementaire. [...] Il est nécessaire de séparer la réglementation de la transmission de celle des contenus. Ce cadre ne s’applique donc pas aux contenus des services fournis sur les réseaux de communications électroniques à l’aide de services de communications électroniques, tels que les contenus radiodiffusés, les services financiers et certains services propres à la société de l’information, et ne porte donc pas atteinte aux mesures relatives à ces services qui sont arrêtées au niveau [de l’Union] ou [au niveau] national, conformément au droit [de l’Union], afin de promouvoir la diversité culturelle et linguistique et de garantir la défense du pluralisme des médias. [...] La séparation entre la réglementation de la transmission et la réglementation des contenus ne porte pas atteinte à la prise en compte des liens qui existent entre eux, notamment pour garantir le pluralisme des médias, la diversité culturelle ainsi que la protection du consommateur.

[...]

(25) Il est nécessaire d’instituer des obligations ex ante dans certaines circonstances afin de garantir le développement d’un marché concurrentiel. La définition de la puissance sur le marché inscrite dans la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil[,] du 30 juin 1997[,] relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP) [(JO 1997, L 199, p. 32),] s’est révélée efficace lors des premières phases d’ouverture des marchés en tant que seuil de déclenchement des obligations ex ante, mais elle doit à présent être adaptée pour tenir compte de l’évolution des marchés qui deviennent plus complexes et plus dynamiques. Pour cette raison, la définition utilisée dans la présente directive est équivalente à la notion de position dominante telle que la définit la jurisprudence de la Cour [...] et du Tribunal [...]

[...]

(27) Il est essentiel que les obligations réglementaires ex ante ne soient imposées qu’en l’absence de concurrence effective c’est-à-dire sur les marchés où opèrent une ou plusieurs entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché et lorsque les recours fondés sur le droit national ou le droit [de l’Union] de la concurrence ne suffisent pas à résoudre le problème. Il est donc nécessaire que la Commission [européenne] élabore, conformément aux principes du droit de la concurrence, des lignes directrices au niveau [de l’Union] à l’intention des autorités réglementaires nationales pour qu’elles puissent évaluer le caractère effectif de la concurrence sur un marché donné et la puissance sur le marché des entreprises concernées. [...] »

4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectifs et champ d’application », prévoit :

« 1. La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés, et de certains aspects des équipements terminaux pour faciliter l’accès des utilisateurs handicapés. Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de [l’Union].

2. La présente directive, ainsi que les directives particulières, ne portent pas atteinte aux obligations imposées par le droit national en application du droit [de l’Union], ou par le droit [de l’Union] lui-même, en ce qui concerne les services fournis à l’aide des réseaux et services de communications électroniques.

3. La présente directive, ainsi que les directives particulières, ne portent pas atteinte aux mesures prises au niveau [de l’Union] ou [au niveau] national, dans le respect du droit [de l’Union], pour poursuivre des objectifs d’intérêt général, notamment en ce qui concerne la réglementation en matière de contenus et la politique audiovisuelle.

[...] »

5 L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », énonce :

« [...]

c) “service de communications électroniques”: le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus [...] ;

[...] »

6 L’article 15 de la même directive, intitulé « Procédure de recensement et de définition des marchés », prévoit :

« 1. Après consultation publique, y compris celle des autorités réglementaires nationales et en tenant le plus grand compte de l’avis de [l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE)], la Commission adopte, conformément à la procédure de consultation visée à l’article 22, paragraphe 2, une recommandation sur les marchés pertinents de produits et de services (“la recommandation”). La recommandation recense les marchés de produits et de services dans le secteur des communications électroniques dont les caractéristiques peuvent justifier l’imposition d’obligations réglementaires fixées dans les directives particulières, sans préjudice des marchés qui peuvent être définis dans le cadre d’affaires spécifiques en droit de la concurrence. La Commission définit les marchés en accord avec les principes du droit de la concurrence.

La Commission réexamine régulièrement la recommandation.

2. La Commission publie au plus tard à la date d’entrée en vigueur de la présente directive des lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché (ci-après dénommées “lignes directrices”) qui sont conformes aux principes du droit de la concurrence.

3. Les autorités réglementaires nationales tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour définir les marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux recensés dans la recommandation.

4. Après consultation, y compris celle des autorités réglementaires nationales, la Commission peut, en tenant le plus grand compte de l’avis de l’ORECE, adopter une décision recensant les marchés transnationaux [...] »

7 L’article 16 de la directive-cadre, intitulé « Procédure d’analyse de marché », précise :

« 1. Les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents en prenant en considération les marchés recensés dans la recommandation et en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

2. Lorsque, conformément à l’article 17, paragraphe 3 ou 4, de la directive 2002/22/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques] (directive “service universel”) [(JO 2002, L 108, p. 51)] ou à l’article 8 de la directive 2002/19/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion] (directive “accès”) [(JO 2002, L 108, p. 7)], l’autorité réglementaire nationale est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

3. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.

4. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, sont puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 ; l’autorité réglementaire nationale impose aussi à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

[...] »

 La directive « services de médias audiovisuels »

8 Les considérants 5 et 8 de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1) (ci-après la « directive “services de médias audiovisuels” »), disposent :

« (5) Les services de médias audiovisuels sont des services autant culturels qu’économiques. L’importance grandissante qu’ils revêtent pour les sociétés, la démocratie – notamment en garantissant la liberté d’information, la diversité d’opinions et le pluralisme des médias –, l’éducation et la culture justifie l’application de règles particulières à ces services.

[...]

(8) Il est essentiel que les États membres veillent à ce que soient évités des actes préjudiciables à la libre circulation et au commerce des émissions télévisées ou susceptibles de favoriser la formation de positions dominantes qui imposeraient des limites au pluralisme et à la liberté de l’information télévisée ainsi que de l’information dans son ensemble. »

 Le droit italien

 Le TUSMAR

9 Le decreto legislativo n. 177 – Testo Unico dei Servizi di Media Audiovisivi e Radiofonici (décret législatif no 177, portant texte unique des services de médias audiovisuels et radiophoniques), du 31 juillet 2005 (supplément ordinaire à la GURI no 208, du 7 septembre 2005), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « TUSMAR »), dispose, à son article 2, paragraphe 1, sous s) :

« [L]e “[SIC]” couvre les activités suivantes : presse quotidienne et périodique ; édition d’annuaires et édition électronique, y compris sur Internet ; radiodiffusion et services de médias audiovisuels ; cinéma ; publicité externe ; activités de diffusion de produits et de services ; parrainage. »

10 L’article 43 du TUSMAR, intitulé « Positions dominantes dans le [SIC] », prévoit :

« 1. Les entités actives dans le [SIC] sont tenues de notifier à l’[AGCOM] les accords et opérations de concentration, afin que celle-ci puisse vérifier le respect des principes énoncés aux paragraphes 7, 8, 9, 10, 11 et [...], selon les procédures prévues dans le règlement ad hoc qu’elle même aura adopté.

[...]

5. S’adaptant aux évolutions des caractéristiques des marchés, [...] l’[AGCOM] prend les mesures nécessaires pour éliminer les positions visées aux paragraphes 7, 8, 9, 10, 11 [...] ou toute autre position préjudiciable au pluralisme ou pour en empêcher la formation. [...]

7. Lors de la mise en œuvre complète du plan national d’attribution des fréquences radiophoniques et télévisuelles en mode numérique, un même fournisseur de contenus ne peut, même par l’intermédiaire de sociétés pouvant être regardées comme étant contrôlées par lui ou liées à lui, au sens des paragraphes 13, 14 et 15, être titulaire d’autorisations par lesquelles il peut émettre plus de 20 % de l’ensemble des programmes télévisuels ou plus de 20 % des programmes radiophoniques diffusables par voie hertzienne terrestre à l’échelle nationale sur les réseaux prévus à cette échelle.

8. Jusqu’à la mise en œuvre complète du plan national d’attribution des fréquences télévisuelles en mode numérique, la limite fixée pour le nombre total de programmes par entité est de 20 % et est calculée par rapport au nombre total de programmes télévisuels qui, y compris au sens de l’article 23, paragraphe 1, de la legge n. 112 – Norme di principio in materia di assetto del sistema radiotelevisivo e della RAI-Radiotelevisione italiana SpA, nonché delega al Governo per l’emanazione del testo unico della radiotelevisione (loi no 112, portant règles de principe concernant la structure du système de radio et de télévision et de la RAI-Radiotelevisione italiana SpA, ainsi que délégation au gouvernement pour la publication du texte unique du système de radio et de télévision), du 3 mai 2004 [(supplément ordinaire à la GURI no 104, du 5 mai 2004)], sont concédés ou diffusés à l’échelle nationale sur des radiofréquences hertziennes, que ce soit en mode analogique ou en mode numérique. Les programmes télévisuels diffusés en mode numérique peuvent contribuer à former la base de calcul lorsqu’ils couvrent 50 % de la population. Pour calculer si la limite de 20 % est respectée, il n’est pas tenu compte des programmes qui constituent la retransmission en simultané de ceux diffusés en mode analogique. Le présent critère de calcul ne s’applique qu’aux entités qui diffusent en mode numérique des programmes couvrant 50 % de la population nationale.

9. Si l’interdiction de constituer des positions dominantes sur chacun des marchés dont se compose le [SIC] reste d’application, les entités tenues de s’inscrire au registre des opérateurs de communications établi sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 6, [sous] a), [point] 5, de la legge n. 249 – Istituzione dell’Autorità per le garanzie nelle comunicazioni e norme sui sistemi delle telecomunicazioni e radiotelevisivo (loi no 249, instituant l’Autorité de tutelle des communications et les normes relatives aux systèmes des télécommunications et de la radiotélévision), du 31 juillet 1997 [(supplément ordinaire à la GURI no 177, du 31 juillet 1997)], ne peuvent, ni directement, ni par l’intermédiaire d’autres entités qu’elles contrôlent ou auxquelles elles sont liées, au sens des paragraphes 14 et 15, dégager des recettes excédant 20 % du total de celles du [SIC].

10. Les recettes visées au paragraphe 9 sont celles tirées du financement du service public de radio et de télévision, après déduction des droits dus au Trésor, de la publicité nationale et locale, y compris sous forme directe, du télé-achat, des parrainages, des activités de diffusion du produit réalisées en points de vente, à l’exception des remises sur les prix, des conventions à caractère continu passées avec des entités publiques et des concours publics octroyés directement aux entités exerçant les activités mentionnées à l’article 2, paragraphe 1, [sous] s), des offres télévisuelles à péage, des abonnements et de la vente de quotidiens et périodiques, y compris les produits imprimés et phonographiques commercialisés en annexe, ainsi que des agences de presse à caractère national, de l’édition électronique et de celle d’annuaires, y compris sur Internet, de publicité en ligne et sur les diverses plateformes, y compris sous forme directe, et y incluses les ressources recueillies par des moteurs de recherche, de plateformes sociales et de partage, et de l’utilisation des œuvres cinématographiques dans les diverses formes sous lesquelles le public y a accès.

11. Les entreprises dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques défini à l’article 18 du decreto legislativo n. 259 – Codice delle comunicazioni elettroniche (décret législatif no 259, établissant le code des communications électroniques), du 1er août 2003 [(supplément ordinaire à la GURI no 214, du 15 septembre 2003)], y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur ne peuvent percevoir dans le [SIC] des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.

[...]

13. Aux fins de déterminer les positions dominantes prohibées par le présent texte unique dans le [SIC], il est également tenu compte des participations au capital acquises ou, en tout cas, détenues par l’intermédiaire de sociétés contrôlées, même indirectement, et de sociétés fiduciaires ou par personne interposée. Sont considérées comme acquises les participations dont la propriété passe d’une entité à une autre, notamment à la suite d’opérations de fusion, de scission, de cession, de transferts de sociétés ou autres qui les intéressent ou encore en lien avec de telles opérations. Dès lors qu’existent entre les différents actionnaires, quelle que soit la forme sous laquelle ils ont été conclus, des accords qui concernent l’exercice concerté du vote ou, en tout cas, la gestion de la société concernée et qui diffèrent de leur simple consultation mutuelle, chacun d’entre eux est réputé détenir la totalité des actions ou parts que possèdent ou contrôlent les parties prenantes.

14. Aux fins du présent texte unique, il y a contrôle, notamment en ce qui concerne les entités autres que les sociétés, dans les cas prévus par l’article 2359, premier et deuxième alinéas, du Codice civile (code civil).

15. Le contrôle est considéré exister sous la forme de l’exercice d’une influence dominante, sauf preuve du contraire, dans l’une des situations suivantes :

a) lorsqu’il existe une entité qui, seule ou en concertation avec d’autres actionnaires, dispose de la possibilité d’exercer la majorité des droits de vote de l’assemblée ordinaire ou de nommer ou de révoquer la majorité des administrateurs ;

b) lorsqu’il existe, notamment entre les associés, des liens de nature financière, organisationnelle ou économique susceptibles de produire l’un des effets suivants :

1) le transfert des bénéfices et des pertes ;

2) la coordination de la gestion d’une entreprise avec celle d’autres entreprises, afin de poursuivre un objectif commun ;

3) l’attribution de pouvoirs excédant ceux inhérents aux actions ou aux parts détenues ;

4) l’attribution de pouvoirs, s’agissant du choix des administrateurs et des dirigeants des entreprises, à des entités autres que celles légitimement fondées sur la structure de propriété ;

c) lorsqu’il existe un lien de subordination à l’égard d’une direction commune, qui peut notamment résulter des caractéristiques de la composition des organes administratifs ou d’autres éléments significatifs et qualitatifs.

[...] »

 Le code civil

11 L’article 2359 du code civil, intitulé « Sociétés contrôlées et sociétés liées », prévoit :

« Sont considérées comme des sociétés contrôlées :

1) les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de la majorité des droits de vote pouvant s’exercer dans les assemblées ordinaires ;

2) les sociétés dans lesquelles une autre société dispose de droits de vote suffisants pour exercer une influence dominante dans l’assemblée ordinaire ;

3) les sociétés dans lesquelles une autre société exerce une influence dominante en vertu de liens contractuels spécifiques.

Aux fins de l’application des points 1 et 2 du premier alinéa, sont également pris en considération les droits de vote des sociétés contrôlées, des sociétés fiduciaires et des intermédiaires ; les droits de vote exercés pour le compte de tiers ne sont pas pris en considération.

Des sociétés sont considérées comme liées lorsque l’une d’elles exerce sur les autres une influence importante. Une telle influence est présumée lorsque cette société peut exercer au moins un cinquième des droits de vote ou un dixième de ces derniers si elle détient des actions cotées sur des marchés réglementés. »

 Le code des communications électroniques

12 L’article 18 du décret législatif no 259, établissant le code des communications électroniques, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code des communications électroniques »), est intitulé « Procédure de recensement et de définition des marchés ». Cet article dispose :

« 1. Tout en tenant le plus grand compte des recommandations relatives aux marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques, ci-après dénommées les “recommandations”, et des lignes directrices, l’[AGCOM] définit les marchés pertinents conformément aux principes du droit de la concurrence et sur la base des caractéristiques et de la structure du marché national des communications électroniques. L’[AGCOM] suit la procédure prévue aux articles 11 et 12, avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux recensés dans les recommandations. »

 La loi no 249, du 31 juillet 1997

13 La loi no 249, du 31 juillet 1997, indique, à son article 1er, paragraphe 6, sous a), point 5, parmi les compétences de l’AGCOM, ce qui suit :

« [L’AGCOM] assure la tenue du registre des opérateurs de communications auquel sont tenus de s’inscrire, conformément à la présente loi, les opérateurs auxquels l’[AGCOM] ou d’autres administrations compétentes attribuent des concessions ou délivrent des autorisations en vertu de la réglementation en vigueur, les entreprises concessionnaires de publicité diffusée au moyen d’équipements radiophoniques ou télévisuels ou dans des journaux quotidiens ou périodiques, sur le web et autres plateformes numériques fixes ou mobiles, les entreprises de production et de distribution des programmes radiophoniques et télévisuels, les entreprises d’édition de quotidiens, de périodiques ou de revues et les agences de presse nationales, ainsi que les entreprises qui fournissent des services télématiques et de télécommunications, y compris l’édition électronique et numérique ; les infrastructures de diffusion opérant sur le territoire national sont également répertoriées dans le registre. L’[AGCOM] adopte un règlement ad hoc régissant l’organisation et la tenue du registre ainsi que la fixation des critères de détermination des entités tenues de s’inscrire, indépendamment de celles déjà inscrites au registre à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Vivendi, société de droit français inscrite au registre du commerce de Paris (France), est la société mère d’un groupe présent dans le secteur des médias ainsi que de la création et de la distribution de contenus audiovisuels.

15 Vivendi détient une participation de 23,9 % au capital de Telecom Italia SpA, société qu’elle contrôle depuis qu’elle a, en substance, obtenu la majorité des droits de vote au sein de l’assemblée de cette société, lors du vote ayant eu lieu à l’assemblée des actionnaires du 4 mai 2017.

16 Le 8 avril 2016, Vivendi, Mediaset et Reti Televisive Italiane SpA ont conclu un contrat de partenariat stratégique par lequel Vivendi a acquis 3,5 % du capital social de Mediaset et 100 % de celui de Mediaset Premium SpA, cédant en échange à Mediaset 3,5 % de son propre capital social.

17 En raison de divergences relatives à cet accord, Vivendi a entamé, au mois de décembre 2016, une campagne d’acquisition hostile d’actions de Mediaset. Le 22 décembre 2016, Vivendi est ainsi parvenue à détenir 28,8 % du capital social de Mediaset et 29,94 % des droits de vote au sein de l’assemblée des actionnaires de cette dernière. Cette participation minoritaire qualifiée ne lui permettait toutefois pas d’exercer un contrôle sur Mediaset, qui est restée sous le contrôle du groupe Fininvest.

18 Dans ce contexte, le 20 décembre 2016, Mediaset a saisi l’AGCOM d’une plainte, alléguant que Vivendi avait violé l’article 43, paragraphe 11, du TUSMAR (ci-après la « disposition en cause au principal »), au motif que les participations que Vivendi détient dans Telecom Italia et dans Mediaset ont pour résultat que les recettes de Vivendi réalisées dans le secteur des communications électroniques, d’une part, et dans le SIC, d’autre part, dépassaient, selon elle, les seuils prévus par cette disposition, selon laquelle les entreprises dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur ne peuvent percevoir, dans le SIC, des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.

19 Par une décision du 18 avril 2017 (ci-après la « décision de l’AGCOM »), l’AGCOM a considéré que Vivendi avait violé la disposition en cause au principal. À cet égard, cette autorité a relevé que Vivendi était une société liée à Telecom Italia et à Mediaset, puisqu’elle disposait de plus d’un cinquième des droits de vote au sein de l’assemblée des actionnaires de chacune de ces sociétés, que Vivendi avait obtenu 59 % des recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, lequel se compose des services au détail par réseau fixe, des services de gros par réseau fixe ou mobile et des services de radiodiffusion télévisuelle pour la transmission de contenus aux usagers finals, et que Mediaset avait perçu 13,3 % des recettes réalisées dans le cadre du SIC. Par cette décision, l’AGCOM a également ordonné à Vivendi de mettre fin à cette prise de participations dans le capital de Mediaset ou celui de Telecom Italia dans un délai de douze mois.

20 Dans ladite décision, l’AGCOM a notamment considéré que seuls les marchés ayant fait l’objet d’une réglementation, en vertu des articles 15 et 16 de la directive-cadre, étaient pertinents aux fins de l’application de la disposition en cause au principal. Elle a également précisé que cette disposition visait à protéger le pluralisme des médias et que, en particulier, l’objectif de celle-ci était d’éviter, eu égard au phénomène croissant de convergence entre les télécommunications et les médias, des effets de distorsion sur le pluralisme des médias qui peuvent se produire lorsqu’une entreprise disposant d’une puissance significative sur le marché dans le secteur des communications électroniques prend une « dimension économique importante » dans le SIC. Dans ce contexte, l’AGCOM a ajouté que les limites fixées par la disposition en cause au principal avaient un caractère automatique, dans la mesure où elles s’appliquent indépendamment de toute analyse de ces effets de distorsion et indépendamment de toute considération relative au droit de la concurrence.

21 Le 6 avril 2018, Vivendi s’est conformée à l’injonction que l’AGCOM lui avait adressée, en transférant à une société tierce 19,19 % des actions de Mediaset, représentant 19,95 % des droits de vote au sein de l’assemblée des actionnaires de cette dernière. Vivendi conservait ainsi une participation directe au capital de Mediaset inférieure à 10 % des droits de vote susceptibles d’être exercés au sein de l’assemblée des actionnaires de cette dernière.

22 Vivendi a néanmoins formé un recours contre la décision de l’AGCOM devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), la juridiction de renvoi.

23 Dans le cadre de ce recours, en premier lieu, Vivendi fait valoir que l’AGCOM a incorrectement défini le secteur des communications électroniques, dans la mesure où, afin de calculer les recettes globales réalisées dans ce secteur, l’AGCOM aurait dû prendre en considération l’ensemble des marchés composant réellement le secteur des communications électroniques et non pas uniquement une partie de ceux-ci, à savoir ceux qui ont fait l’objet d’une décision d’analyse de marché visant à déceler la présence d’un opérateur en position dominante et excluant des marchés importants, tels que celui des services de détail de la téléphonie mobile.

24 En deuxième lieu, Vivendi soutient que l’AGCOM a incorrectement interprété la notion de « société liée », au sens de l’article 2359, troisième alinéa, du code civil, prenant en considération les recettes réalisées par les sociétés qui font partie du groupe Mediaset, alors que celles-ci ne sont ni contrôlées par Vivendi ni liées à cette dernière et que Vivendi n’exerce sur celles-ci aucune « influence importante », au sens de cette disposition.

25 En troisième lieu, Vivendi invoque une violation des articles 49, 56 et 63 TFUE, dans la mesure où la décision de l’AGCOM a, selon elle, porté atteinte à la possibilité pour une société immatriculée en France d’acquérir une participation minoritaire dans une société immatriculée en Italie.

26 En quatrième lieu, Vivendi allègue que la disposition en cause au principal est discriminatoire, étant donné que, pour certains autres opérateurs du secteur des communications électroniques, cette disposition établit le seuil des recettes réalisées dans le SIC à 20 % au lieu de 10 %.

27 L’AGCOM fait valoir que l’interdiction de prendre une « dimension économique importante » dans le SIC, prévue par la disposition en cause au principal, a pour fondement juridique le principe de pluralisme des médias, consacré notamment à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et le considérant 8 de la directive « services de médias audiovisuels ». En outre, l’AGCOM souligne que, selon la jurisprudence de la Cour, les libertés fondamentales peuvent faire l’objet de limitations afin de garantir le pluralisme des médias dans les États membres.

28 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi observe qu’il est nécessaire d’évaluer le caractère adéquat et proportionné des restrictions imposées par la disposition en cause au principal par rapport, non seulement, à la liberté d’établissement, à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, mais aussi à des principes tels que la liberté et le pluralisme des médias.

29 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Bien qu’il appartienne aux États membres de déterminer si les entreprises disposent d’une position dominante (et de leur imposer des obligations spécifiques en conséquence), [la disposition en cause au principal] est-elle contraire au droit de l’Union et, en particulier, au principe de la libre circulation des capitaux visé à l’article 63 TFUE ? La question est posée en ce qui concerne la partie où, en faisant référence à l’article 18 du code des communications électroniques, cette disposition limite le secteur en question aux marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante, malgré le fait notoire que l’information (dont le pluralisme est l’objectif de la disposition concernée) est de plus en plus véhiculée par l’usage de l’internet, des ordinateurs personnels et de la téléphonie mobile, de telle sorte qu’il peut être déraisonnable d’exclure de ce secteur, notamment, des services de détail de téléphonie mobile, au seul motif qu’ils opèrent en régime de pleine concurrence. La question est également posée compte tenu du fait que l’AGCOM a délimité le secteur des communications électroniques, aux fins de l’application de [la disposition en cause au principal], précisément à l’occasion de la procédure en cause [au principal], en ne prenant en considération que les marchés ayant fait l’objet d’au moins une analyse depuis l’entrée en vigueur du [code des communications électroniques], c’est-à-dire de l’année 2003 à ce jour, et en se fondant sur les données des recettes résultant de la dernière constatation utile, effectuée en 2015.

2) Les principes en matière de protection de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services, visés aux articles 49 et 56 TFUE, les articles 15 et 16 de la [directive-cadre], qui sont destinés à protéger le pluralisme et la liberté d’expression, ainsi que le principe de proportionnalité consacré par le droit de l’Union s’opposent-ils à l’application d’une réglementation nationale en matière de services de médias audiovisuels et radiophoniques publics, telle que la réglementation italienne figurant à [la disposition en cause au principal et à] l’article 43, paragraphe 14, [du TUSMAR], selon laquelle les recettes pertinentes pour déterminer le second seuil de 10 % comprennent celles des entreprises non contrôlées ni soumises à une influence dominante, mais seulement “liées”, au sens de l’article 2359 du code civil (auquel fait référence [cet] article 43, paragraphe 14, bien qu’aucune influence sur les informations à diffuser ne puisse être exercée sur ces dernières ?

3) Les principes en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services, visés aux articles 49 et 56 TFUE, les articles 15 et 16 de la [directive-cadre], les principes en matière de protection du pluralisme des sources d’information et de concurrence dans le secteur de la radiodiffusion télévisuelle visés par la [directive “services de médias audiovisuels”] et par la [directive-cadre] s’opposent-ils à une réglementation nationale telle que le [TUSMAR], qui soumet, à l’article 43, paragraphe 9, et [à la disposition en cause au principal], à des seuils très différents (respectivement 20 % et 10 %), d’une part, les “opérateurs tenus de s’inscrire au registre des opérateurs de communications, établi conformément à l’article 1er, paragraphe 6, sous a), point 5, de la loi no 249 du 31 juillet 1997” (à savoir, les opérateurs, visés au paragraphe 9, auxquels l’AGCOM ou d’autres administrations compétentes attribuent des concessions ou délivrent des autorisations sur la base de la réglementation en vigueur, ainsi que les entreprises concessionnaires de publicité diffusée, les entreprises d’édition, etc.) et, d’autre part, les entreprises opérant dans le secteur des communications électroniques, précédemment défini (dans le cadre [de la disposition en cause au principal]) ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

30 Le gouvernement italien considère que la première question est hypothétique, au motif que, même si le secteur des communications électroniques avait été délimité de manière plus large, la part de Vivendi pour l’année de référence aurait, du fait du contrôle que celle-ci exerce sur Telecom Italia, été égale à 45,9 % des recettes réalisées dans ce secteur. Le seuil de 40 %, prévu par la disposition en cause au principal, aurait par conséquent été, en tout état de cause, dépassé.

31 Mediaset soutient que l’ensemble de la demande de décision préjudicielle est irrecevable, au motif que la juridiction de renvoi ne définit pas le cadre réglementaire national de manière claire et cohérente ni n’explique la pertinence pour la solution du litige au principal de certaines dispositions du droit de l’Union auxquelles elle fait référence dans cette demande.

32 À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

33 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, en ce qui concerne l’argumentation du gouvernement italien, il convient de relever que la première question posée porte précisément sur la compatibilité avec le droit de l’Union du seuil de 40 % des recettes globales réalisées dans le secteur des communications électroniques qui est fixé pour restreindre l’accès au SIC des entreprises présentes dans ce secteur. Or, le fait que, comme le prétend ce gouvernement, Vivendi dépasserait en toute hypothèse ce seuil est sans incidence sur le point de savoir si l’existence même d’un tel seuil peut être considérée comme étant compatible avec le droit de l’Union, ce qui est, en substance, ce que la juridiction de renvoi cherche à déterminer. Ainsi, cette première question n’est pas hypothétique, au sens de la jurisprudence citée au point 33 du présent arrêt.

35 En ce qui concerne l’argumentation invoquée par Mediaset, il convient de relever que, même si, dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi mentionne certaines dispositions du droit de l’Union sans expliquer leur pertinence pour la solution du litige au principal, cette demande contient suffisamment d’éléments d’appréciation pour permettre de comprendre les points de droit soulevés en ce qui concerne l’éventuelle incompatibilité de la disposition en cause au principal avec les règles du droit de l’Union.

36 Il s’ensuit que les questions préjudicielles posées sont recevables.

 Sur le fond

 Observations liminaires

37 En premier lieu, il y a lieu de relever que la première question préjudicielle posée fait référence à l’article 63 TFUE, relatif à la libre circulation des capitaux, tandis que les deuxième et troisième questions font référence aux articles 49 et 56 TFUE, relatifs, le premier, à la liberté d’établissement et, le second, à la libre prestation des services. Ainsi, il convient de commencer par déterminer la liberté qui est pertinente en l’occurrence.

38 À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la décision de renvoi ne contient pas d’éléments concrets permettant de penser que l’affaire au principal concerne la prestation transfrontalière de services. Dans ces circonstances, la Cour n’examinera pas, dans le cadre de ce renvoi préjudiciel, l’article 56 TFUE.

39 Ensuite, en ce qui concerne la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de la question de savoir si une réglementation nationale relève de l’une ou de l’autre de ces libertés, il résulte d’une jurisprudence bien établie qu’il y a lieu de prendre en considération l’objet de cette réglementation (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 90 et jurisprudence citée).

40 Ainsi, relève du champ d’application de l’article 49 TFUE, relatif à la liberté d’établissement, une réglementation nationale qui a vocation à s’appliquer aux seules prises de participations permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions d’une société et de déterminer les activités de celle-ci (arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 91 et jurisprudence citée).

41 En revanche, des dispositions nationales qui s’appliquent à des prises de participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise concernée doivent être examinées exclusivement au regard de la libre circulation des capitaux (arrêt du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑35/11, EU:C:2012:707, point 92 et jurisprudence citée).

42 En l’occurrence, l’objectif de l’article 43 du TUSMAR est de contrôler les concentrations dans le SIC pour éviter la constitution de « positions dominantes », au sens du droit italien, sur chacun des marchés dont le SIC se compose. En d’autres termes, cet article, dont fait partie la disposition en cause au principal, a, de manière générale, pour finalité de fixer des limites au contrôle qui peut être exercé sur les sociétés actives dans le SIC.

43 À cet égard, la disposition en cause au principal, qui fait obstacle à ce qu’une société dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur perçoive dans le SIC des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système, permet de fixer des limites à un tel contrôle.

44 En outre, d’une part, l’acquisition de 23,94 % du capital de Telecom Italia a permis à Vivendi d’obtenir la majorité des droits de vote dans l’assemblée des actionnaires de celle-ci et, par la suite, de prendre le contrôle de cette entreprise, situation qui relève de la liberté d’établissement. D’autre part, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’objectif poursuivi par Vivendi lorsqu’elle a acquis les actions de Mediaset était non pas de réaliser un simple placement financier, mais d’intervenir dans la gestion de Mediaset et d’acquérir une part significative du secteur des médias italiens.

45 Ainsi, eu égard à l’objectif général de l’article 43 du TUSMAR et à l’objectif de la prise de participations en cause au principal, qui est l’exercice d’une influence certaine sur les décisions de Mediaset et la détermination des activités de celle-ci, au sens de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt, il y a lieu d’examiner la présente affaire au regard des dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement.

46 En second lieu, il y a lieu de relever que les deuxième et troisième questions préjudicielles posées font référence aux articles 15 et 16 de la directive-cadre, au principe de proportionnalité ainsi qu’au principe de concurrence dans le secteur de la radiodiffusion télévisuelle visé dans la directive « services de médias audiovisuels » et dans la directive-cadre.

47 À cet égard, d’une part, il convient d’observer que tant la directive-cadre que la directive « services de médias audiovisuels » procèdent à une harmonisation non exhaustive des réglementations nationales dans leurs domaines respectifs, laissant aux États membres une marge d’appréciation pour adopter des décisions au niveau national. En particulier, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive-cadre, les États membres demeurent compétents, dans le respect du droit de l’Union, pour poursuivre des objectifs d’intérêt général, notamment en ce qui concerne la réglementation en matière de contenus et la politique audiovisuelle.

48 D’autre part, il ne ressort pas de la décision de renvoi dans quelle mesure la disposition en cause au principal pourrait se heurter aux articles 15 et 16 de la directive-cadre, au principe de proportionnalité ainsi qu’au principe de concurrence dans le secteur de la radiodiffusion télévisuelle visé dans la directive « services de médias audiovisuels » et dans la directive-cadre. En effet, ces articles et principes sont mentionnés par celle-ci sans qu’elle explique le lien que lesdits articles et principes présentent avec les questions posées.

49 Ainsi, même si certaines dispositions de ces deux directives peuvent, le cas échéant, être prises en compte dans le cadre de l’examen des questions préjudicielles posées, ces questions ne se rapportent pas, en réalité, aux obligations pouvant découler des mêmes articles et principes. En revanche, elles soulèvent le point de savoir dans quelle mesure la disposition en cause au principal excède la marge d’appréciation laissée aux États membres par la directive-cadre et la directive « services de médias audiovisuels », ce qui nécessite un examen au regard du droit primaire, en l’occurrence l’article 49 TFUE.

 Sur les questions préjudicielles

50 Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre ayant pour effet d’empêcher une société immatriculée dans un autre État membre, dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette réglementation nationale, y compris par l’intermédiaire de sociétés contrôlées ou liées, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, de percevoir dans le SIC des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.

51 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 49 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans distinction tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté d’établissement garantie par le traité FUE et que de tels effets restrictifs peuvent se produire notamment lorsque, en raison d’une réglementation nationale, une société peut être dissuadée de créer des entités subordonnées, telles qu’un établissement stable, dans d’autres États membres et d’exercer ses activités par l’intermédiaire de telles entités (arrêt du 10 mai 2012, Duomo Gpa e.a., C‑357/10 à C‑359/10, EU:C:2012:283, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

52 Tel est le cas de la disposition en cause au principal, dès lors que celle-ci interdit à toute entreprise, qu’elle soit ou non établie sur le territoire national, dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette disposition, représentent 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, de dépasser le seuil de 10 % des recettes réalisées dans le SIC et, partant, de prendre, le cas échéant, le contrôle d’une autre entreprise établie sur ce territoire qui exerce des activités dans ce dernier.

53 Ainsi, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 17 à 20 du présent arrêt, l’AGCOM, saisie lorsque Vivendi a acquis 28,8 % du capital social de Mediaset et 29,94 % des droits de vote au sein de l’assemblée des actionnaires de cette dernière, a interdit à Vivendi, sur le fondement de ladite disposition, de conserver les participations qu’elle avait acquises dans Mediaset ou détenait dans Telecom Italia et a ordonné à Vivendi de mettre fin à ces participations dans l’une ou l’autre de ces entreprises dans la mesure où elles excédaient les seuils prévus par la même disposition.

54 La disposition en cause au principal a ainsi restreint la liberté de Vivendi de s’établir en Italie, en l’empêchant d’influer davantage sur la gestion de Mediaset par une prise de participations supérieure à celle qu’elle avait envisagée. Elle constitue donc une restriction à la liberté d’établissement, au sens de l’article 49 TFUE.

55 Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une telle restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Il convient encore qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêt du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C‑106/16, EU:C:2017:804, point 52 et jurisprudence citée).

56 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général, il convient de relever qu’il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi, ainsi que des observations présentées devant la Cour, que la disposition en cause au principal a été adoptée en vue de garantir le pluralisme de l’information et des médias. L’article 43, paragraphe 5, du TUSMAR dispose également que l’AGCOM doit adopter les mesures nécessaires pour éliminer ou empêcher la formation des positions visées par, notamment, la disposition en cause au principal, ou de toute autre position préjudiciable au pluralisme.

57 La Cour a jugé que la sauvegarde des libertés protégées à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, qui, à son paragraphe 2, vise la liberté et le pluralisme des médias, constitue incontestablement un objectif d’intérêt général, dont il convient de souligner, en particulier, l’importance dans une société démocratique et pluraliste, de nature à justifier une restriction à la liberté d’établissement (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 52 et jurisprudence citée).

58 Le protocole no 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, annexé aux traités UE et FUE, fait également référence au pluralisme des médias, en déclarant que « la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias ».

59 En l’occurrence, la restriction à la liberté d’établissement résultant de la disposition en cause au principal pourrait par conséquent, en principe, être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir la protection du pluralisme de l’information et des médias.

60 S’agissant, en second lieu, du caractère proportionné de cette restriction par rapport à l’objectif poursuivi, il y a lieu de relever que l’article 43, paragraphe 9, du TUSMAR prévoit qu’il est interdit aux entités tenues de s’inscrire au registre des opérateurs de communications, de réaliser plus de 20 % des recettes globales réalisées dans le SIC, établissant ainsi une règle générale n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux seules entités actives dans le secteur des communications électroniques.

61 En outre, la disposition en cause au principal introduit une règle encore plus spécifique que celle prévue à l’article 43, paragraphe 9, du TUSMAR, laquelle concerne uniquement les entités du secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette disposition, réalisant plus de 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, interdisant à de telles entités de réaliser plus de 10 % des recettes globales réalisées dans le SIC.

62 Ladite disposition fait ainsi, en substance, obstacle à ce qu’une seule entreprise acquière, par elle–même ou par l’intermédiaire de ses filiales, une part importante du secteur des médias en Italie lorsqu’elle dispose déjà d’une puissance significative sur le marché dans le secteur des communications électroniques dans cet État membre.

63 Or, dès lors qu’une interdiction telle que celle qui résulte de la disposition en cause au principal constitue une dérogation au principe de la liberté d’établissement, il appartient aux autorités nationales de démontrer que cette disposition satisfait au principe de proportionnalité, c’est–à–dire qu’elle est propre et nécessaire pour réaliser l’objectif invoqué, et que celui–ci ne pourrait être atteint par des interdictions ou des limitations de moins grande ampleur ou affectant de manière moindre l’exercice de cette liberté (voir, par analogie, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a., C‑333/14, EU:C:2015:845, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

64 En l’occurrence, il convient de relever qu’il ressort du considérant 5 de la directive-cadre que, certes, il existe des liens entre les deux secteurs visés par la disposition en cause au principal, compte tenu de la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l’information.

65 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 74 de ses conclusions, compte tenu de la proximité entre le secteur des services de communications électroniques et celui des médias, il peut, en principe, être admis que certaines limites soient imposées à la possibilité pour les entreprises qui occupent déjà une « position dominante » dans le premier de ces secteurs de profiter de cette position pour renforcer leur position dans le second.

66 Toutefois, la Cour a jugé que les différentes directives composant le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques, parmi lesquelles figure la directive-cadre, établissent une distinction claire entre la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale, et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale, les contenus et leur transmission relevant de réglementations distinctes poursuivant des objectifs qui leur sont propres (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Google, C‑193/18, EU:C:2019:498, point 31 et jurisprudence citée).

67 En raison de cette distinction claire entre la production des contenus et l’acheminement des contenus, les entreprises actives dans le secteur des communications électroniques, qui exercent un contrôle sur l’acheminement et la transmission de contenus, n’exercent pas nécessairement un contrôle sur leur production, qui implique une responsabilité éditoriale.

68 En l’occurrence, la disposition en cause au principal ne fait pas référence à ces liens entre la production des contenus et l’acheminement des contenus et n’est pas non plus libellée de manière à s’appliquer spécifiquement en relation avec lesdits liens.

69 Cette disposition interdit de manière absolue aux entités dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette disposition, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur de réaliser dans le SIC des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.

70 Ainsi, afin de déterminer si une disposition telle que la disposition en cause au principal est propre à atteindre cet objectif spécifique, visant à empêcher que se produisent les aspects négatifs de convergence entre le secteur des communications électroniques et le SIC, il convient d’apprécier quel est le lien entre, d’une part, les seuils auxquels cette disposition fait référence et, d’autre part, le risque existant pour le pluralisme des médias.

71 En ce qui concerne, tout d’abord, la définition du secteur des communications électroniques, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’AGCOM définit ce secteur de manière restrictive, comme visant les marchés susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante.

72 Ainsi qu’il ressort des articles 15 et 16 de la directive-cadre, lus à la lumière des considérants 25 et 27 de celle-ci, ces marchés sont ceux du secteur des communications électroniques en général, y compris les nouveaux marchés, sur lesquels il n’existe pas de concurrence effective, qui ont été recensés par la Commission en tant que marchés pertinents de produits ou de services en vue, le cas échéant, de l’introduction par les autorités nationales compétentes d’obligations réglementaires ex ante visant à compléter les règles du droit de la concurrence afin de résoudre les difficultés qui existent sur ces marchés (arrêt du 3 décembre 2009, Commission/Allemagne, C‑424/07, EU:C:2009:749, points 56 et 64).

73 Il apparaît, dès lors, que le mécanisme des obligations réglementaires ex ante est destiné à résoudre des problèmes spécifiques survenant sur des marchés spécifiques du secteur des communications électroniques et non à garantir le pluralisme dans le secteur des médias en permettant d’identifier, parmi les entreprises qui disposent déjà d’une puissance significative sur le marché dans le secteur des communications électroniques, celles qui pourraient atteindre une « dimension économique importante » dans le SIC.

74 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 51, 52, 79 et 80 de ses conclusions, en limitant la définition du secteur des communications électroniques aux marchés susceptibles d’être soumis à une régulation ex ante, la disposition en cause au principal, telle qu’elle est interprétée par l’AGCOM, exclut du secteur des communications électroniques des marchés revêtant une importance croissante pour la transmission d’informations, à savoir les services de détail de téléphonie mobile ou encore d’autres services de communications électroniques liés à Internet et des services de radiodiffusion par satellite. Or, ceux-ci sont devenus la principale voie d’accès aux médias, de telle sorte qu’il n’est pas justifié de les exclure de cette définition.

75 En ce qui concerne, ensuite, le seuil de 10 % des recettes globales réalisées dans le SIC, mentionné par la disposition en cause au principal, il convient d’observer que le fait de percevoir ou non des recettes équivalant à 10 % des recettes globales réalisées dans le SIC n’est pas, en soi, un indice de risque d’influence sur le pluralisme des médias. En effet, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous s), du TUSMAR que le SIC englobe des marchés divers et variés. Ainsi, si les recettes globales réalisées par une entreprise dans le SIC devaient être concentrés dans un seul des marchés composant ce système, de telle sorte que le taux atteint pour ce marché serait nettement supérieur à 10 %, mais resterait en-dessous des 10 % lorsque l’ensemble des marchés composant le SIC sont pris en considération, le fait que le seuil de 10 % de recettes globales réalisées dans le SIC ne soit pas atteint ne serait pas de nature à exclure tout risque pour le pluralisme des médias. De manière similaire, dans le cas où le seuil de 10 % de recettes globales réalisées dans le SIC serait atteint, mais où ces 10 % de recettes se répartiraient sur chacun des marchés qui composent le SIC, le fait que ce seuil de 10 % soit atteint ou dépassé ne serait pas nécessairement révélateur de l’existence d’un risque pour le pluralisme des médias.

76 En ce qui concerne, enfin, le fait que l’AGCOM, afin d’identifier les recettes réalisées par une entreprise dans le secteur des communications électroniques ou dans le SIC, prend en considération non seulement les recettes réalisées par l’intermédiaire de sociétés « contrôlées », mais également celles réalisées par l’intermédiaire de sociétés « liées », sur lesquelles l’entreprise concernée exerce une « influence importante », au sens de l’article 2359, troisième alinéa, du code civil, il y a lieu de relever qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle qu’une telle pratique est susceptible d’entraîner une double prise en considération des recettes et de fausser ainsi le calcul des recettes réalisées dans le SIC. En effet, les mêmes recettes d’une société active dans le SIC peuvent ainsi être prises en considération tant pour le calcul des recettes d’une entreprise qui est son actionnaire minoritaire que pour le calcul des recettes d’une entreprise qui est son actionnaire majoritaire et la contrôle effectivement.

77 En outre, il convient d’observer que le « contrôle » exercé sur une « société liée » est fondé sur une présomption large, selon laquelle une société exerce une « influence importante » sur une autre société lorsque la première d’entre elles peut exercer un cinquième des droits de vote au sein de l’assemblée des actionnaires de la seconde ou un dixième de ceux-ci si la première société détient des actions cotées sur des marchés réglementés. Or, de telles circonstances ne paraissent pas permettre d’établir que la première société puisse effectivement exercer une influence sur la seconde de nature à porter atteinte au pluralisme des médias et de l’information.

78 Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, assimiler la situation d’une « société contrôlée » à celle d’une « société liée », dans le cadre du calcul des recettes réalisées par une entreprise dans le secteur des communications électroniques ou dans le SIC, n’apparaît pas conciliable avec l’objectif poursuivi par la disposition en cause au principal.

79 Par conséquent, cette disposition ne saurait être considérée comme étant de nature à atteindre l’objectif qu’elle poursuit, dès lors qu’elle fixe des seuils qui sont sans relation avec le risque existant pour le pluralisme des médias, ces seuils ne permettant pas de déterminer si et dans quelle mesure une entreprise est effectivement en mesure d’influer sur le contenu des médias.

80 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions préjudicielles posées que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre ayant pour effet d’empêcher une société immatriculée dans un autre État membre, dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette réglementation, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, de réaliser dans le SIC des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.

 Sur les dépens

81 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre ayant pour effet d’empêcher une société immatriculée dans un autre État membre, dont les recettes réalisées dans le secteur des communications électroniques, tel que celui-ci est défini aux fins de cette réglementation, sont supérieures à 40 % des recettes globales réalisées dans ce secteur, de réaliser dans le système intégré des communications des recettes supérieures à 10 % de celles réalisées dans ce système.