Cass. com., 18 novembre 2020, n° 19-14.775
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sogefip (SAS)
Défendeur :
Siparex proximité innovation (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2018), la Société de gestion financière et de participation (la société Sogefip), ayant pour activité le conseil aux entreprises, dont M. Faure est président-directeur général, a conclu, le 6 novembre 2009, un contrat de prestation de services avec la société Sigefi Venture gestion, en considération de la personne de M. Faure.
2. Le 12 septembre 2012, le contrat a été transféré à la société Siparex proximité innovation (la société Siparex) par suite de l'absorption par cette dernière de la société Sigefi Venture gestion. M. Faure a été nommé membre du directoire et directeur général de la société Siparex.
3. La société Sogefip, reprochant à la société Siparex d'avoir, à la suite de la révocation des mandats sociaux de M. Faure, brutalement rompu, le 13 mai 2014, leur relation commerciale établie, a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts en application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et septième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le moyen, pris en ses deuxième, cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
5. La société Sogefip fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, alors :
« 2°) que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, ni le procès-verbal de révocation du 13 mai 2014, ni la lettre de révocation de M. Faure datée du même jour ne reprochaient à ce dernier un défaut d'exécution loyale de ses obligations à l'égard de la société Siparex ; qu'en effet, le procès-verbal indiquait expressément que l'exécution par M. Faure de ses obligations et de sa mission n'était pas en cause, dès lors que "les difficultés rencontrées avec Michel Faure sont uniquement comportementales et ne relèvent pas de la gestion de l'activité en elle-même ou de ses modalités" ; que de la même façon, la lettre de révocation se bornait à reprocher à M. Faure certaines attitudes, et ne portait en aucune manière un grief de défaut de loyauté dans l'accomplissement de ses missions ; qu'en retenant cependant que "M. Faure a été révoqué de ses mandats de membre du directoire et de directeur général de la société Siparex, pour des motifs tenant au défaut d'exécution loyale de ses obligations à l'égard de cette société, rendant impossible l'exécution de la mission confiée à la société Sogefip de direction et de développement du pôle Venture Capital du groupe Siparex (articles 1 et 2.2 du contrat)" , la cour d'appel a dénaturé les documents litigieux et violé le principe susvisé ;
5°) qu'aux termes du contrat du 6 novembre 2009, il entrait dans la mission de la société Sogefip d'apporter son expertise et son conseil notamment au développement de la société Siparex ; que l'article 2 du préambule des règles de bonnes conduite de la société Siparex précisait également que "les collaborateurs de Siparex doivent exercer leurs fonctions dans le souci permanent de l'intérêt de la clientèle (c'est-à-dire, pour les besoins des présentes, les actionnaires et souscripteurs des sociétés et des fonds)" ; qu'en manifestant en l'espèce son opposition à un projet de réorganisation de la société, d'abord oralement, puis en remettant un document écrit retraçant le contenu de l'intervention orale effectuée, M. Faure n'a fait que se conformer à ses obligations de conseil et de prise en compte de l'intérêt de la clientèle, conformément au contrat du 6 novembre 2009 et aux règles de bonne conduite de la société Siparex ; qu'en décidant au contraire qu'en manifestant "son opposition fondamentale au projet de réorganisation de la société Siparex" et en remettant, lors de la réunion du conseil de surveillance du 16 avril 2014, "un document écrit destiné à faire acter son opposition au projet d'évolution de la gouvernance de la société Siparex", M. Faure a manqué aux règles de bonne conduite de cette dernière et commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate des relations commerciales établies avec la société Sogefip, la cour d'appel a violé les articles 1103 du code civil et L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;
6°) qu'aux termes du contrat du 6 novembre 2009, il entrait dans la mission de la société Sogefip d'apporter son expertise et son conseil notamment au développement de la société Siparex ; que l'article 2 du préambule des règles de bonnes conduite de la société Siparex précisait également que "les collaborateurs de Siparex doivent exercer leurs fonctions dans le souci permanent de l'intérêt de la clientèle (c'est-à-dire, pour les besoins des présentes, les actionnaires et souscripteurs des sociétés et des fonds)" ; qu'il entrait en conséquence dans la mission d'expertise et de conseil de la société Sogefip d'évaluer un projet de réorganisation de la société Siparex et d'informer celle-ci, notamment en conseil de surveillance, des réserves tenant aux risques de la nouvelle organisation envisagée, peu important que ces réserves soient en porte-à-faux avec la position du président de la société ; qu'en décidant néanmoins qu'en manifestant "son opposition fondamentale au projet de réorganisation de la société Siparex, émanant de son président M. Rambaud", M. Faure a adopté une attitude et un comportement "affectant l'intérêt social de la société Siparex", la cour d'appel a derechef violé les articles 1103 du code civil et L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir énoncé que le contrat conclu le 6 novembre 2009 stipulait une clause intuitu personae liée à la qualité de M. Faure, qui s'engageait à réaliser personnellement les missions confiées à la société Sogefip, l'arrêt retient que ce dernier a été révoqué de ses mandats de membre du directoire et de directeur général de la société Siparex pour avoir tenu des propos déplacés envers deux collaborateurs du groupe Siparex. Il ajoute, que lors de la réunion du conseil de surveillance du 16 avril 2014, il a porté atteinte à l'intérêt social de la société Siparex en mettant en cause le projet de réorganisation de la société, que soutenait son président, M. Rambaud, en présence du président du directoire de la société La Française, partenaire commercial privilégié du groupe Siparex et en remettant un document écrit destiné à faire acter son opposition au projet, sans en avoir préalablement informé M. Rambaud.
7. Ayant ainsi relevé les manquements répétés de M. Faure aux règles de bonne conduite du groupe Siparex, qu'il s'était engagé à respecter, et souverainement considéré que ces règles constituaient une obligation essentielle du contrat de prestation de services, faisant ressortir, sans dénaturer les documents de la cause, qu'elles s'imposaient à M. Faure dans l'exercice de sa mission d'expertise et de conseil, la cour d'appel a pu retenir que M. Faure, qui s'identifiait à la société Sogefip, avait commis une faute d'une gravité suffisante, de nature à compromettre l'exécution de ce contrat et que cette défaillance justifiait la rupture sans préavis des relations commerciales établies entre les parties.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.