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Décisions

TUE, 3e ch., 9 septembre 2020, n° T-745/17

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kerkosand spol. s r. o.

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Collins

Juges :

M. Kreuschitz (rapporteur) , Mme Steinfatt

Avocats :

M. Rosenfeld, M. Holtmann

TUE n° T-745/17

9 septembre 2020

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

Antécédents du litige

1 La requérante, Kerkosand spol. s r. o., exploite un site d’extraction et une installation de conditionnement de sable siliceux à Šajdíkove Humence (Slovaquie).

2 Le 12 décembre 2013, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission européenne alléguant que, par décision du 22 juillet 2013, la Slovenskà inovačná a energetická agentúra (Agence slovaque de l’innovation et de l’énergie, Slovaquie), avait accordé à la société NAJPI a. s. (ci-après l’« entreprise bénéficiaire ») une aide illégale d’un montant de 4 999 999,46 euros destinée à un projet d’investissement dans l’ouest de la Slovaquie (ci-après l’« aide en cause »).

3 Cette aide a été accordée sur la base du Schéma štátnej pomoci na podporu zavádzania inovatívnych a vyspelých technológií v priemysle a v službách [SA.28652 (X518/2009)] (régime d’aides d’État visant à soutenir le déploiement de technologies innovantes et avancées dans l’industrie et dans les services, ci-après le « régime d’aides en cause ») qui était classifié comme mesure d’aide régionale à l’investissement et à l’emploi, conformément à l’article 13 du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88[ CE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO 2008, L 214, p. 3). Elle concernait un projet d’investissement de l’entreprise bénéficiaire, par lequel celle-ci cherchait à établir un site d’extraction de sable siliceux dans les gisements de Borský Peter (Slovaquie) et de Šajdíkove Humence (ci-après le « projet d’investissement »).

4 Par lettres des 24 février et 2 mai 2014, la Commission a transmis une version non confidentielle de la plainte aux autorités slovaques et les a invitées à soumettre leurs observations, ce que celles-ci ont fait par lettres des 30 mai et 1er juillet 2014.

5 Le 30 juillet 2014, la Commission a envoyé une lettre d’évaluation préliminaire à la requérante dans laquelle elle a considéré que l’aide en cause avait été octroyée conformément au règlement no 800/2008.

6 La requérante a soumis des informations additionnelles à la Commission par lettres des 12 février, 4 septembre, 7 et 21 novembre 2014, des 28 mai, 8 juillet, 15 juillet, 1er septembre, 15 octobre et 3 novembre 2015 ainsi que des 13 juin, 5 juillet et 17 août 2016.

7 La Commission a adressé des demandes de renseignements aux autorités slovaques par lettres des 2 mai, 30 juin et 10 septembre 2014, du 9 janvier 2015, des 25 février, 10 mars, 22 avril et 23 juin 2016, des 25 janvier, 15 mars et 13 juin 2017. Les autorités slovaques y ont répondu par lettres des 1er juillet et 3 octobre 2014, du 6 février 2015, des 22 avril, 19 mai et 1er juillet 2016, ainsi que des 7 février, 12 avril et 21 juin 2017.

8 Le 9 juillet 2015, la Commission a envoyé une autre lettre d’évaluation préliminaire à la requérante, dans laquelle elle a considéré que l’aide en cause était légale, dès lors qu’elle avait été octroyée conformément au règlement no 800/2008 et compatible avec le marché commun. En particulier, elle a considéré que, au moment de l’octroi de ladite aide, à savoir le 22 juillet 2013, l’entreprise bénéficiaire était une entreprise tombant dans la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) et que celle-ci ne se trouvait pas en difficulté.

9 Par lettre du 15 octobre 2015 (voir également point 6 ci-dessus), la requérante a répondu à cette autre lettre d’évaluation préliminaire et a soumis des informations additionnelles.

10 Une réunion de la requérante avec les services de la Commission a eu lieu le 26 novembre 2015.

11 Le 20 juillet 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 5050 final, concernant l’aide à l’investissement en faveur du producteur slovaque de sable siliceux NAJPI a. s. [SA.38121 (2016/FC) – Slovaquie] (JO 2017, C 336, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), qui était adressée au ministère des Affaires étrangères slovaque, mais dont la base juridique n’était pas indiquée. Dans cette décision, elle a considéré, en substance, que, premièrement, la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE était remplie (points 43 et 44), deuxièmement, l’aide en cause avait été octroyée le 7 novembre 2013, ce qui correspondait à la date du jour suivant celui de l’enregistrement du contrat de subvention conclu le 29 octobre 2013 au registre central des contrats slovaque (points 45 à 47), troisièmement, tant le régime d’aides en cause sur la base duquel l’aide en question avait été octroyée que cette aide en tant que telle remplissaient les conditions établies par le règlement no 800/2008, à l’exception toutefois de celle énoncée à son article 3, paragraphe 2, de ce règlement selon laquelle la mesure d’aide individuelle doit indiquer qu’elle a été octroyée sur le fondement du même règlement (points 50 à 55), quatrièmement, il y avait lieu d’analyser si ladite aide pouvait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur à l’aune du règlement (UE) n °651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108[ TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1), conformément à l’article 58 de ce dernier règlement (point 56), et, cinquièmement, ladite aide remplissait les conditions énoncées par le même règlement, en particulier celle relative au statut de PME de l’entreprise bénéficiaire, de sorte qu’elle était exempte de l’obligation de notification et devait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur (points 57 à 63). Elle en a conclu qu’elle n’était pas compétente pour analyser l’aide en cause dans le cadre d’un examen préliminaire prévu par l’article 4 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) (point 64 de ladite décision). Par suite, elle a « rejeté » comme non fondée la plainte que la requérante avait soumise, de manière anonyme, sur la base de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 (point 65 de ladite décision).

12 Par lettre du 5 septembre 2017, la Commission a communiqué à la requérante une copie de la décision attaquée en la qualifiant de « décision sur l’aide en cause ».

13 Le 6 octobre 2017, la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, sous la forme d’une communication succincte (dite publication « cartouche ») au sens de l’article 32, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (JO 2017, C 336, p. 1), sous le titre « Autorisation des aides d’État dans le cadre des dispositions des articles 107 et 108 [TFUE] », ainsi que sous la rubrique des « Cas à l’égard desquels la Commission ne soulève pas d’objections ».

 Procédure et conclusions des parties

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

15 Par lettre du 16 juillet 2019 déposée au greffe du Tribunal, la requérante a produit un document exposant les résultats annuels de l’entreprise bénéficiaire durant la période allant de 2014 à 2018 en demandant au Tribunal de l’accepter comme nouvelle offre de preuve. Dans ses observations soumises dans le délai imparti, la Commission demande au Tribunal, notamment, de rejeter cette offre de preuve comme étant tardive, au sens de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, et manifestement non pertinente pour la solution du litige et d’ordonner le retrait dudit document du dossier.

16 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont déposé leurs réponses au greffe du Tribunal dans le délai imparti.

18 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 janvier 2020.

19 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler la lettre du 5 septembre 2017 ;

– condamner la Commission aux dépens.

20 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les moyens d’annulation

21 À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens.

22 Par le premier moyen, la requérante allègue une violation d’une forme substantielle, à savoir de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu conjointement avec l’article 4 du même règlement.

23 Le second moyen est subdivisé en trois branches distinctes.

24 Par la première branche du second moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE. Elle considère, en substance, que la Commission ne pouvait pas se limiter à affirmer que l’aide en cause était compatible avec le marché intérieur au regard du règlement no 651/2014, mais aurait dû vérifier également sa compatibilité à l’aune de ladite disposition.

25 Dans le cadre de la deuxième branche du second moyen, la requérante allègue une violation de l’article 109 TFUE, lu conjointement avec l’article 58, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement no 651/2014. Elle fait valoir, en substance, que l’aide en cause ne remplit pas les conditions prévues par ce règlement, dès lors que celle-ci constitue une aide ad hoc pour une grande entreprise.

26 Par la troisième branche du second moyen, la requérante invoque une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589. Elle considère que la Commission a violé son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen qui lui incombait en raison des difficultés sérieuses que celle-ci aurait rencontrées dans l’examen de l’aide en cause.

 Sur la recevabilité

27 Au cours de la phase écrite de la procédure, la Commission a fait valoir, d’une part, que le deuxième chef de conclusions par lequel la requérante demande l’annulation de la lettre du 5 septembre 2017 lui notifiant la décision attaquée était irrecevable et, d’autre part, que la requérante ne justifiait pas de la qualité pour agir au regard des première et deuxième branches du second moyen.

28 La requérante conteste les arguments de la Commission.

29 Interrogée à cet égard lors de l’audience, la Commission a indiqué n’avoir plus de doutes concernant la recevabilité du recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

30 En effet, même si la décision attaquée est formellement adressée à la seule République slovaque, il ressort de son point 65 final figurant sous le titre « Conclusion », que « [l]a plainte soumise par un plaignant anonyme sur la base de l’article 24, paragraphe 2, du [règlement 2015/1589] est rejetée comme non fondée ». Ce plaignant étant manifestement la requérante, force est de constater que, en procédant ainsi, la Commission a expressément rejeté cette plainte dans le cadre d’un motif essentiel au soutien de ladite décision, voire s’apparentant à son dispositif décisionnel, nonobstant la jurisprudence constante ne lui imposant pas une telle obligation (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, points 45 et 46), de sorte que la requérante doit être considérée comme étant individualisée d’une manière analogue à celle de son destinataire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

31 Il s’ensuit que le recours est recevable dans son intégralité, indépendamment de la question de savoir si la décision attaquée doit être qualifiée de décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 (voir points 35 à 59 ci-après). En tout état de cause, il ressort d’une jurisprudence établie que, à l’encontre d’une telle décision, un requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59 et jurisprudence citée). En l’espèce, par le présent recours, la requérante, en tant qu’entreprise concurrente de la bénéficiaire de l’aide en cause et partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, vise, notamment, à sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tirerait de cette disposition si la Commission avait décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, à cette fin, sont recevables non seulement le premier moyen et la troisième branche du second moyen, mais également les première et deuxième branches du second moyen, qui sont destinées à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase d’examen préliminaire aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur.

32 Enfin, le premier chef de conclusions de la requérante étant recevable, il n’est pas besoin d’examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions, présenté à titre subsidiaire au cas où le premier chef de conclusions serait déclaré irrecevable.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu conjointement avec l’article 4 du même règlement

33 Par le premier moyen, la requérante allègue une violation d’une forme substantielle, à savoir de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, lu conjointement avec l’article 4 du même règlement. En substance, elle considère que, en réponse à la plainte soumise par elle, la Commission aurait dû adopter une des décisions prévues à l’article 4, paragraphes 2 à 4, du même règlement au lieu de la décision attaquée.

34 La Commission rétorque, en substance, que, eu égard à sa conclusion selon laquelle l’aide en cause était exonérée, en vertu du règlement no 651/2014, de l’obligation de notification et d’autorisation visée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le contrôle effectué par elle en l’espèce se situait en dehors du cadre de la procédure d’examen préliminaire et qu’elle n’était ni compétente pour ni obligée d’adopter une des décisions prévues à l’article 4, paragraphes 2 à 4, du règlement 2015/1589. La décision attaquée constituerait une décision sui generis ayant une nature purement déclaratoire.

35 Il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 impose à la Commission, une fois les observations supplémentaires éventuellement déposées par les intéressés, ou le délai raisonnable expiré, de clôturer la phase préliminaire d’examen par l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, à savoir soit une décision constatant l’inexistence de l’aide, soit celle de ne pas soulever d’objections, soit celle d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 29 et jurisprudence citée).

36 Cette obligation est le corollaire de la reconnaissance du droit dont jouit un plaignant en matière d’aides d’État de déclencher, par le dépôt d’une plainte ou d’informations concernant une aide prétendue illégale, la phase préliminaire d’examen que la Commission doit obligatoirement clôturer par une décision au titre de l’article 4 du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 37 à 40 ; du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, points 62 et 63, et du 16 mai 2013, Commission/Ryanair, C‑615/11 P, non publié, EU:C:2013:310, point 35).

37 Force est de constater que, en l’espèce, la Commission se trouvait confrontée à une plainte comportant des informations concernant une aide prétendument illégale, parce que non notifiée et incompatible avec les exigences découlant tant du règlement no 651/2014 que de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE.

38 Contrairement à ce que fait valoir la Commission, les principes énoncés aux points 35 et 36 s’appliquent mutatis mutandis à une plainte introduite par une partie intéressée qui allègue l’inapplicabilité ou la mauvaise application des conditions d’un règlement d’exemption par catégorie, tel que le règlement no 651/2014, justifiant de considérer qu’une mesure d’aide est exonérée de l’obligation de notification au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. En effet, par l’adoption de tels règlements d’exemption par catégorie, la Commission ne délègue pas aux autorités nationales ses pouvoirs de contrôle et décisionnels en matière d’aides d’État, y compris concernant le traitement de plaintes, mais conserve pleinement son pouvoir de surveillance, au titre de l’article 108 TFUE et de l’article 12, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, s’agissant, notamment, du respect par ces autorités de l’obligation fondamentale de notification des mesures d’aide et de l’interdiction de leur mise en œuvre en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Cette appréciation s’impose avec d’autant plus de force à l’aune des critères reconnus par la jurisprudence récente de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 132 à 135 et 140 à 144 et jurisprudence citée), sur la pertinence desquels les parties ont eu l’occasion de se prononcer en réponse à une question écrite du Tribunal (voir point 17 ci-dessus) ainsi qu’à l’audience.

39 Ces critères sont, notamment, les suivants.

40 Premièrement, ce n’est que si une mesure d’aide adoptée par un État membre remplit effectivement toutes les conditions pertinentes prévues par le règlement no 651/2014 que cet État membre est exempté de son obligation de notification et, à l’inverse, lorsqu’une aide a été octroyée en application de ce règlement, alors même que toutes les conditions posées pour bénéficier de celui-ci n’étaient pas remplies, elle l’a été en violation de l’obligation de notification et doit être considérée comme étant illégale (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 99, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 138).

41 Deuxièmement, il appartient à la Commission, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, d’examiner soit de sa propre initiative, soit dans le cadre d’une plainte introduite par une partie intéressée, au regard des articles 107 et 108 TFUE, une telle aide accordée en violation du règlement no 651/2014 (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 140 et jurisprudence citée).

42 Troisièmement, si la Commission est autorisée à adopter des règlements d’exemption par catégorie d’aide, afin d’assurer une surveillance efficace des règles de concurrence en matière d’aides d’État et de simplifier la gestion administrative, de tels règlements ne peuvent en rien affaiblir son pouvoir de contrôle dans ce domaine (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 141 et jurisprudence citée).

43 Quatrièmement, il en découle que, par l’adoption du règlement no 651/2014, la Commission n’a conféré aucun pouvoir de décision définitive aux autorités nationales en ce qui concerne l’étendue de l’exemption de l’obligation de notification et, partant en ce qui concerne l’appréciation des conditions édictées par ce règlement à laquelle est subordonnée une telle exemption, lesdites autorités se trouvant à cet égard sur le même plan que les bénéficiaires potentiels d’aides et devant s’assurer que leurs décisions se conforment audit règlement, de sorte que, lorsqu’une autorité nationale octroie une aide en appliquant à tort le même règlement, elle le fait en méconnaissance tant des dispositions de ce règlement que de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 101 à 103, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 142 et 143).

44 Cinquièmement, lorsqu’un État membre considère qu’une aide remplit les conditions prévues par le règlement no 651/2014, cette aide bénéficie, tout au plus, d’une présomption de compatibilité avec le marché intérieur, la conformité d’une telle aide auxdites conditions pouvant être remise en cause tant devant une juridiction nationale ou une autorité nationale que devant la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 144).

45 Sixièmement, le règlement no 651/2014 n’affecte pas la compétence exclusive dont jouit la Commission pour apprécier, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la compatibilité d’une aide accordée en application de ce règlement, la Commission restant donc seule en droit de déclarer une telle aide compatible avec le marché intérieur en vertu de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 146).

46 Il résulte des considérations qui précèdent que l’argument de la Commission selon lequel elle a adopté la décision attaquée en dehors du cadre d’une procédure d’examen préliminaire, voire n’aurait pas été compétente pour effectuer un examen préliminaire visant à déterminer si l’aide en cause remplissait les conditions d’exemption du règlement no 651/2014, doit être écarté. D’une part, force est de constater que la plainte de la requérante a déclenché ladite procédure d’examen préliminaire que la Commission était tenue de clôturer par une décision au titre de l’article 4 du règlement 2015/1589 (voir la jurisprudence citée aux points 35 et 36 ci-dessus). D’autre part, il ressort des points 38 à 45 ci-dessus qu’une telle plainte pouvait précisément avoir pour objet l’éventuel non-respect des dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie, dont le contrôle incombait à la Commission au titre de son pouvoir de surveillance prévu à l’article 107, paragraphe 3, et à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Dès lors, en l’espèce, à la suite de la plainte de la requérante, la Commission était tenue d’effectuer un tel examen préliminaire pour vérifier si les autorités slovaques avaient correctement appliqué les dispositions du règlement no 651/2014 ou si, à l’inverse, celles-ci avaient violé leur obligation de notification (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 138, 140 à 144 et 146). Ce devoir d’examen de la Commission impliquait donc nécessairement, sous le contrôle du juge de l’Union, l’exigence d’interpréter la portée des conditions d’exemption pertinentes et celle de vérifier leur application correcte au cas d’espèce, exigences auxquelles la Commission semble au demeurant avoir envisagé de se conformer dans la décision attaquée.

47 En outre, ne peut prospérer l’argument de la Commission selon lequel elle n’aurait été compétente pour effectuer un tel examen que si la requérante était parvenue à démontrer que les conditions d’exemption pertinentes n’étaient pas remplies, cet argument relevant d’une méconnaissance de la portée de son devoir de contrôle, voire d’un renversement inadmissible de la charge de la preuve. Au contraire, lorsqu’elle est saisie d’une plainte alléguant le non-respect de certaines dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie et, partant, l’octroi d’une aide illégale, parce que non notifiée, la Commission est non seulement compétente pour vérifier le bien-fondé des allégations du plaignant, mais également tenue de le faire, aux fins de déterminer si la mesure en cause aurait dû lui être notifiée et constitue ainsi une aide illégale. Si tel n’était pas le cas, les autorités nationales jouiraient d’une autonomie excessive dans la mise en œuvre de ces dispositions, ce qui serait contraire aux principes jurisprudentiels rappelés aux points 40 à 43 ci-dessus.

48 Pour les raisons exposées aux points 46 et 47 ci-dessus, est également dépourvu de tout fondement l’argument de la Commission selon lequel elle ne saurait « bloquer » la mise en œuvre d’une mesure qui est, selon les autorités nationales, réputée exemptée au titre d’un tel règlement d’exemption, lorsque, en réalité, les conditions d’exemption ne sont pas remplies. En effet, dans ce dernier cas, l’absence de notification de ladite mesure et son exécution violent l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui constitue un grief dont la Commission doit pouvoir être saisie, notamment, par le biais d’une plainte (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 140 et 144).

49 De même, l’argument de la Commission selon lequel l’article 4 du règlement 2015/1589 ne vise que l’examen d’une notification et est inapplicable lorsqu’une mesure d’aide remplit toutes les conditions nécessaires d’un règlement d’exemption par catégorie relève d’une interprétation erronée des principes jurisprudentiels rappelés aux points 40 et 41 ci-dessus, une plainte pouvant remettre en cause la conformité de la mesure d’aide avec lesdites conditions et, partant, sa légalité à l’aune de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ce faisant, la Commission confond les prémisses du contrôle devant être effectué à la suite d’une plainte et dans le cadre d’une procédure d’examen préliminaire, à savoir l’examen de l’existence d’une aide illégale au motif, notamment, que les conditions d’exemption ne sont pas remplies, avec le résultat de cet examen (voir la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus).

50 Pour les mêmes raisons, doit être écarté l’argument circulaire de la Commission visant à faire valoir qu’une plainte ne serait recevable que lorsqu’elle porte sur une violation de l’obligation de notification et, partant, sur l’existence d’une aide illégale, mais non sur des aides notifiées, et qu’une mesure d’aide remplissant les conditions d’exemption d’un règlement d’exemption ne saurait constituer une telle aide illégale. En effet, cet argument méconnaît les principes énoncés aux points 138 à 144 de l’arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission (C‑654/17 P, EU:C:2019:634), en vertu desquels il incombe à la Commission d’examiner cette plainte précisément aux fins de déterminer si l’allégation du non-respect des conditions d’exemption et, partant, de l’obligation de notification est fondée.

51 Il résulte des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments avancés par la Commission pour qualifier la décision attaquée de décision sui generis, adoptée en dehors du cadre de la procédure d’examen préliminaire et de celui prévu à l’article 4 du règlement 2015/1589, ne saurait être accueilli.

52 Toutefois, cette conclusion n’implique pas que la décision attaquée doive être annulée pour erreur de droit, défaut de base juridique ou incompétence. Indépendamment de la qualification par la Commission de la nature de ladite décision, il incombe en dernier lieu au juge de l’Union de déterminer ses véritable nature et portée juridiques au regard des règles applicables, à l’instar de l’interprétation qu’il doit porter sur la question de savoir si un acte de la Commission en matière d’aides d’État est susceptible de recours (voir ordonnance du 11 juillet 2019, Vattenfall Europe Nuclear Energy/Commission, T‑674/18, non publiée, EU:T:2019:501, points 31 et suivants et jurisprudence citée). En effet, une telle interprétation est notamment nécessaire pour permettre à ce juge de déterminer si l’acte en cause est illégal au motif qu’il a été adopté par une autorité incompétente ou qu’il manque de base juridique suffisante [voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, points 57 à 84, et du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, points 40 à 59].

53 Ainsi, il convient d’apprécier si, de par sa substance et non par sa forme, et nonobstant l’avis contraire que la Commission a exprimé, en particulier, en cours d’instance, la décision attaquée constitue, en réalité, une décision au titre de l’article 4 du règlement 2015/1589.

54 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 64 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, en raison de sa compatibilité avec, notamment, le règlement no 651/2014, l’aide en cause était exemptée et, partant, elle n’était pas compétente pour l’examiner dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire prévue à l’article 4 du règlement 2015/1589. En outre, au point 65 de ladite décision, il est indiqué que la plainte [de la requérante], au sens de l’article 24, paragraphe 2, de ce dernier règlement, est rejetée comme non fondée. De même, dans la lettre du 5 septembre 2017 communiquant cette décision à la requérante, la Commission a renoncé à préciser la base juridique sur laquelle ladite décision était fondée, mais s’est limitée à énoncer qu’il s’agissait d’« une décision sur l’aide en cause ». Enfin, dans ses écritures et lors de l’audience, elle a soutenu que la décision en question constituait une décision sui generis, adoptée en dehors du cadre de la procédure d’examen préliminaire et de celui prévu à l’article 4 du règlement 2015/1589, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, et présentait un caractère purement déclaratoire, sans qu’elle fût en mesure d’indiquer une base juridique expresse ou idoine à cet effet.

55 C’est à l’aune de ces motifs que, dans le cadre de son premier moyen, la requérante argue que la Commission a violé une forme substantielle devant donner lieu à l’annulation de la décision attaquée.

56 Or, ainsi qu’il a été considéré aux points 35 à 51 ci-dessus, il est juridiquement impossible de ne pas qualifier la décision attaquée de décision qui a été adoptée au terme d’une procédure d’examen préliminaire et donc en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.

57 À cet égard, il convient de souligner que, à l’instar d’une décision au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, la décision attaquée est adressée formellement à la République slovaque, et plus précisément au ministère des Affaires étrangères slovaque (voir point 11 ci-dessus), et non à la requérante qui n’a reçu, conformément à l’article 24, paragraphe 2, troisième alinéa, du même règlement, qu’une copie de ladite décision (voir point 12 ci-dessus).

58 En outre, il convient de relever que la décision attaquée a été publiée au Journal officiel, sous la forme d’une communication succincte (dite publication « cartouche ») au sens de l’article 32, paragraphe 1, du même règlement (JO 2017, C 336, p. 1), sous le titre « Autorisation des aides d’État dans le cadre des dispositions des articles 107 et 108[ TFUE] » ainsi que sous la rubrique des « Cas à l’égard desquels la Commission ne soulève pas d’objections » (voir point 13 ci-dessus) et, partant, à savoir des affaires dans lesquelles la Commission a été amenée à adopter des décisions au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589.

59 Ainsi, eu égard au fait que la décision attaquée ne peut que constituer une décision de ne pas soulever d’objections à l’encontre de l’aide en cause au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, le premier moyen, tiré d’une violation d’une forme substantielle en ce que la Commission n’aurait pas adopté l’une des décisions prévues à l’article 4, paragraphes 2 à 4, du même règlement, doit être rejeté.

60 Cette conclusion est toutefois sans préjudice de la portée du contrôle que le Tribunal est appelé à exercer à l’égard de la décision attaquée sur le fondement, notamment, du second moyen.

 Sur la première branche du second moyen, tirée d’une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE

61 Par la première branche du second moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, essentiellement au motif que, outre l’examen de la compatibilité de l’aide en cause sur le fondement du règlement no 651/2014, la Commission aurait dû vérifier si ladite aide était compatible avec le marché intérieur à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, tel que lu à la lumière des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014-2020 (JO 2013, C 209, p. 1, ci-après les « lignes directrices sur les aides régionales »), qui prévoient la prise en compte du critère de la prévention de surcapacités. La Commission rétorque, en substance, que le cadre juridique pertinent en l’espèce est exclusivement constitué par les règlements d’exemption par catégorie applicables et non par lesdites lignes directrices.

62 Force est de constater que la présente branche ne saurait être accueillie. Elle est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle, lorsqu’elle est saisie d’une plainte alléguant le non-respect des conditions d’un règlement d’exemption par catégorie visant à mettre en œuvre, notamment, les critères de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, la Commission ne peut se satisfaire d’examiner si l’aide en cause remplit lesdites conditions, mais doit également vérifier la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur à l’aune de cette disposition du traité FUE. De surcroît, la requérante estime à tort que ladite disposition doit être lue, notamment, à la lumière des règles de conduite que la Commission s’est imposées à elle-même, telles que ses lignes directrices sur les aides régionales.

63 En effet, en premier lieu, sans préjudice de la possibilité de remettre en cause la légalité d’une disposition prétendument lacunaire d’un règlement d’exemption par catégorie à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, en soulevant une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE, ce que la requérante n’a pas fait en l’espèce, les dispositions d’un tel règlement présentent, du point de vue de l’État membre concerné et des justiciables, une réglementation exhaustive des conditions d’exemption directement applicables qui y sont prévues. Toute autre interprétation aurait pour conséquence que, en dépit de la réunion de ces conditions d’exemption, les autorités nationales ne seraient pas automatiquement autorisées à renoncer à une notification de la mesure en cause et à la mettre en œuvre et continueraient à risquer de violer l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 59, 86, 87 et 99 et jurisprudence citée, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 128 et 138).

64 Or, une telle interprétation risquerait de porter atteinte non seulement à l’applicabilité directe, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, des dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie, mais également à leur effet utile qui réside précisément dans l’objectif, visé à l’article 109 TFUE, de fixer les catégories d’aides qui sont ipso facto dispensées de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et, partant, au principe de sécurité juridique. Ainsi, il ressort du considérant 7 du règlement no 651/2014 que seulement les aides d’État qui ne sont pas couvertes par ledit règlement restent soumises à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 57 à 59, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 127 et 128).

65 Ces principes s’appliquent mutatis mutandis lorsque la Commission est appelée à vérifier si les autorités nationales ont correctement appliqué les dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie. S’il en était différemment, les conséquences juridiques d’un tel règlement, à savoir l’effet immédiat de dérogation à l’obligation de notification d’une aide, et le caractère directement applicable et juridiquement exhaustif des conditions d’exemption à cet effet seraient remis en cause au seul motif que la Commission est saisie d’une plainte l’amenant à vérifier ex post facto si les autorités nationales ont commis des erreurs à cet égard et donc violé leur obligation de notification. Or, s’il incombe à la Commission, sous le contrôle du juge de l’Union, de vérifier l’existence de telles erreurs, son devoir de surveillance n’est pas pour autant susceptible d’affecter cette nature juridique des dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie.

66 En deuxième lieu, le critère de la prévention de surcapacités sur le marché en cause n’est pas mentionné en tant que condition d’exemption d’une aide à l’investissement à finalité régionale au sens de l’article 14 du règlement no 651/2014. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à faire valoir que ledit règlement exige de la part des autorités nationales ou de la Commission de prendre en considération l’éventuelle création de telles surcapacités. La Commission avance donc à bon droit que, sur le fondement de ce règlement, elle n’était pas compétente pour apprécier cet aspect dans le cadre de l’examen de la plainte de la requérante et que son analyse des conditions de l’article 14 du même règlement, telle qu’exposée au point 57, sous a) et b), de la décision attaquée, était, en principe, suffisante.

67 Il s’ensuit que doit également être écarté l’argument de la requérante selon lequel, en édictant un règlement d’exemption par catégorie, la Commission n’a pas « épuisé » son pouvoir d’appréciation au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Même à supposer que certaines dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie se révèlent être lacunaires et incompatibles avec le droit primaire, notamment avec l’article 107, paragraphe 3, TFUE, ce qui aurait pour conséquence automatique une violation de l’obligation de notification et, le cas échéant, de l’interdiction de mise à exécution de l’aide en cause au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le Tribunal ne pourrait en connaître qu’à la suite d’une exception d’illégalité invoquée au titre de l’article 277 TFUE. Toutefois, en l’espèce, la requérante n’a pas soulevé, en vertu de cette disposition et pour ces motifs, l’illégalité du moins partielle de l’article 14 du règlement no 651/2014.

68 Il convient de préciser que si, en toute hypothèse, à la suite du dépôt d’une plainte, la Commission était amenée à constater que les autorités nationales avaient mal appliqué les conditions d’un règlement d’exemption par catégorie, de sorte que, en réalité, l’aide en cause aurait dû être notifiée au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, elle serait, certes, tenue d’apprécier la compatibilité de cette aide à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE tout en tenant compte des critères supplémentaires des lignes directrices sur les aides régionales qu’elle s’est imposées à elle-même à cet égard. En revanche, l’exercice en tant que tel de ce contrôle sur le respect par les autorités nationales des conditions d’exemption prévues dans un règlement d’exemption par catégorie s’apparente à un pur contrôle de la légalité qui est nécessairement dépourvu de considérations relevant du pouvoir d’appréciation dont la Commission ne dispose que lorsqu’elle applique, dans un cas individuel, l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 78 et 79).

69 En troisième lieu, indépendamment de ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que la jurisprudence relative à l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE prévoit la prise en considération d’un critère de la prévention de surcapacités sur le marché en cause en tant qu’exigence découlant du droit primaire en tant que tel. À cet égard, il convient de rappeler que cette disposition dérogatoire ne requiert pas l’absence de distorsion ou de menace d’une distorsion de la concurrence, qui constitue seulement un critère de la notion d’aide prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE ou d’un règlement d’exemption par catégorie précisant sa portée sur le plan du droit secondaire suppose nécessairement que la mesure en cause réunisse l’ensemble des conditions de la notion d’aide, y compris celle relative à la distorsion de concurrence, sans qu’il faille réexaminer son impact anticoncurrentiel, notamment en raison de la création de surcapacités sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 93 et 94, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 123). En effet, contrairement à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, il n’est même pas besoin de vérifier si les conditions d’échanges sont altérées dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

70 En revanche, la jurisprudence invoquée par la requérante est exclusivement liée à l’interprétation et à la mise en œuvre de règles de conduite que la Commission s’est imposées à elle-même, et non à celle de la portée du droit primaire avec lesquelles lesdites règles doivent toutefois être compatibles et dont la Cour a reconnu qu’elles n’étaient pas susceptibles d’épuiser complètement le pouvoir d’appréciation de la Commission au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, points 71 et 72 ; du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 41, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 83). En outre, le juge de l’Union s’est limité à apprécier, en dehors du champ d’application d’un règlement d’exemption par catégorie, si la Commission avait fait une mauvaise application des règles de conduite qui visaient explicitement le problème de surcapacité et si elle avait donc commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, EU:C:1997:10, point 22, et du 9 septembre 2009, Holland Malt/Commission, T‑369/06, EU:T:2009:319, point 136). Dans ce contexte, ce juge n’a pourtant ni examiné si, inversement, comme le prétend la requérante, certains critères retenus dans de telles règles de conduite découlaient directement d’exigences imposées par le droit primaire en tant que tel, ni apprécié la portée juridique, voire la légalité d’un règlement d’exemption par catégorie à l’aune du droit primaire.

71 En quatrième lieu, il convient de rappeler la jurisprudence établie qui reconnaît que, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, points 81 et 82 et jurisprudence citée). En outre, si la Commission est tenue par de telles règles, c’est uniquement dans la mesure où celles-ci ne s’écartent pas d’une bonne application du traité, lesdites règles ne pouvant être interprétées dans un sens qui réduise la portée des articles 107 et 108 TFUE ou qui contrevienne aux objectifs visés par ceux-ci (voir arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 65 et jurisprudence citée).

72 Ces considérations s’appliquent mutatis mutandis aux dispositions d’un règlement d’exemption par catégorie qui constituent également le résultat d’un exercice ex ante par la Commission de ses compétences au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, points 65 et 102, et du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C‑654/17 P, EU:C:2019:634, point 135), mais qui, à la différence des règles de conduite, sont juridiquement contraignantes et directement applicables dans l’ordre juridique interne des États membres en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE. En effet, ces dispositions créent un effet limitatif à l’égard de la Commission en ce qu’elles précisent les critères d’aides qui doivent être considérées comme étant ipso facto exemptées au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, de sorte que ces aides échappent à l’obligation de notification et de vérification par la Commission, certes, à condition que ces critères soient en conformité avec les règles supérieures de droit, dont les articles 107 et 108 TFUE. En outre, la portée des dispositions juridiquement contraignantes et directement applicables d’un règlement d’exemption par catégorie ne peut, en principe, être relativisée par des règles de conduite. Cela est d’autant moins possible que, d’une part, lesdites règles ne sont en aucun cas juridiquement contraignantes à l’égard des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 44) et, d’autre part, sont, notamment, destinées à guider et à limiter l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation lors de l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et, partant, en dehors du champ d’application d’un règlement d’exemption par catégorie.

73 Par conséquent, de telles règles de conduite adoptées par la Commission au titre de son pouvoir organisationnel de ses procédures en matière d’aides d’État ne sauraient déroger aux normes supérieures de droit, y compris les règlements d’exemption par catégorie. Ainsi, quelle que soit la portée desdites règles de conduite, elles ne sont pas en tant que telles susceptibles de relativiser la portée des conditions d’exemption prévues par de tels règlements.

74 En cinquième lieu, force est de constater que l’article 14 du règlement no 651/2014, qui est applicable en l’espèce, ne fait pas référence aux lignes directrices sur les aides régionales, notamment à leur paragraphe 114 relatif aux effets anticoncurrentiels d’une expansion de capacité instiguée par une aide d’État. À cet égard, ledit article se distingue nettement de l’article 15, paragraphe 1, du même règlement concernant les aides au fonctionnement à finalité régionale, en ce qu’il mentionne explicitement le paragraphe 161 desdites lignes directrices. Ainsi, la Commission n’avait pas l’intention de faire dépendre les conditions de compatibilité des aides à l’investissement à finalité régionale des règles de conduites prévues dans ces lignes directrices. Partant, contrairement à ce qu’allègue la requérante, ni les autorités nationales ni la Commission n’étaient tenues d’en tenir compte lors de l’interprétation et de l’application de l’article 14 de ce règlement.

75 Enfin, cette appréciation n’est pas remise en question par les arguments de la requérante tirés du principe de proportionnalité et de son droit à la liberté d’entreprise. À cet égard, il suffit de constater qu’elle a omis de relever l’éventuelle illégalité de l’article 14 du règlement no 651/2014 au regard de ces règles supérieures de droit au titre de l’article 277 TFUE ou, du moins, d’expliquer de quelle manière, nonobstant son libellé clair et exhaustif, ledit règlement serait susceptible d’une interprétation conforme à ces règles avec pour résultat que l’éventuelle création de surcapacités sur le marché en cause devrait être prise en considération.

76 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la présente première branche du second moyen comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation de l’article 109 TFUE, lu conjointement avec l’article 58, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement no 651/2014

Sur le premier grief, tiré de la qualification erronée de l’entreprise bénéficiaire de PME

77 Par la deuxième branche du second moyen, la requérante fait valoir, dans le cadre d’un premier grief, une erreur d’appréciation ou de droit de la Commission dans l’application de l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement no 651/2014, au motif principal que l’aide en cause constitue, en réalité, une aide ad hoc octroyée à une grande entreprise. La Commission aurait méconnu cette disposition en acceptant, à tort, et en omettant de vérifier la qualification par les autorités slovaques de l’entreprise bénéficiaire de PME au sens de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe I du même règlement. Or, eu égard aux liens sociétaux et de contrôle qui caractérisaient la situation de cette entreprise avant et après la cession de ses actions par la société P. à la société N., en vertu de l’article 3, et, à tout le moins, de l’article 4, paragraphe 2, de ladite annexe, ladite entreprise aurait dû être qualifiée de grande entreprise. La Commission aurait notamment omis d’instruire à suffisance les liens existant entre la société P., d’une part, et une famille et d’autres sociétés que ses membres dirigeaient ou contrôlaient, d’autre part, de même que la situation du principal actionnaire de la société N. depuis le 7 août 2013, y compris ses liens avec d’autres sociétés. Pour ces raisons, la Commission se serait méprise dans l’application des critères régissant les aides ad hoc octroyées aux grandes entreprises au sens de l’article 6, paragraphe 3, sous a), dudit règlement et, en l’absence d’instruction diligente et complète sur ces points, aurait dû nourrir des doutes quant à la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante précise que, en tout état de cause, afin de pouvoir qualifier l’entreprise en question de PME, la Commission aurait dû examiner si les conditions de l’article 4, paragraphe 2, de cette annexe étaient réunies, ce dont il n’existe aucune trace dans la motivation de la décision attaquée, contrairement aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

78 La Commission rétorque, en substance, que, à la suite d’un contrat de cession de 100 % des actions de l’entreprise bénéficiaire, conclu entre les sociétés P. et N., le 31 décembre 2012, et enregistré au registre de commerce slovaque le 7 août 2013, au moment de l’octroi de l’aide en cause, à savoir le 7 novembre 2013, l’entreprise bénéficiaire était une PME dont le propriétaire unique était la société N. L’argument tiré du contrôle de la société P. par certaines personnes physiques serait donc inopérant, cette dernière société et ladite entreprise n’ayant été des entreprises liées, au sens de l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36, ci-après la « recommandation PME »), qu’avant le rachat des actions par la société N. En tout état de cause, il n’y aurait eu aucune raison pour douter des informations fournies par les autorités slovaques selon lesquelles la société P. et les entreprises liées à elle ne comptaient pas plus de 120 employés en 2010 et en 2011 et le chiffre d’affaires de 50 millions d’euros ou le total annuel de bilan de 43 millions d’euros n’étaient pas dépassés. En outre, les participations de cette entreprise dans d’autres entreprises à partir du 9 juillet 2011 n’auraient pas réuni les critères visés à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de l’annexe I du règlement no 651/2014. L’argument selon lequel une famille continuait à exercer une influence déterminante sur la société P. serait inopérant, cette société ne détenant plus, au moment de l’octroi de l’aide en cause, d’actions de l’entreprise en question. Selon la Commission, est tout aussi inopérant l’argument tiré du délai de deux ans prévu à l’article 4, paragraphe 2, de ladite annexe, puisque la société P. ne pouvait être qualifiée de grande entreprise durant la période en cause.

79 La Commission précise que l’entreprise bénéficiaire et la société N. n’étaient pas liées à d’autres entreprises à travers certaines personnes physiques, au sens de l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, de l’annexe I du règlement no 651/2014. Certes, le directeur général de l’entreprise bénéficiaire durant la période allant du 1er mars au 28 décembre 2012 et son vice-directeur depuis le 28 décembre 2012, détiendrait plusieurs mandats dans différentes entreprises. Cependant, à l’exception d’un bail conclu avec la société E. F., aucune de ces entreprises ne serait active sur le même marché que l’entreprise bénéficiaire ou sur un marché contigu. En particulier, selon les informations disponibles dans le registre slovaque des entreprises, la société L. serait active dans de multiples secteurs de l’économie. La carte du gisement de Borský Peter produite par la requérante manquerait de précision et n’aurait aucune force probante quant à d’éventuels liens entre cette dernière société et l’entreprise bénéficiaire. La Commission affirme ne pas disposer d’indice montrant que ce directeur général a eu une influence dominante ou un statut de propriétaire à l’égard de la société L., ni que l’entreprise bénéficiaire ou la société N. ont agi de concert avec la société L. à un point tel qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme des entreprises économiquement indépendantes l’une de l’autre.

80 La Commission conclut que l’entreprise bénéficiaire remplissait toutes les conditions pour être qualifiée de PME au moment de l’octroi de l’aide en cause. Pour démontrer l’effet incitatif de ladite aide au sens de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 651/2014, il aurait donc été suffisant d’établir que la demande d’octroi avait été introduite avant le début des travaux pour le projet d’investissement.

81 À titre liminaire, il importe de rappeler que, conformément à ce qui a été consigné dans le procès-verbal de l’audience, les parties estiment que la question de savoir si l’entreprise bénéficiaire constituait, au moment de l’octroi de l’aide en cause, une PME au sens de l’annexe I du règlement no 651/2014, dont le libellé correspond à celui de l’annexe de la recommandation PME, est une question de droit, soumise au contrôle du Tribunal, qui est déterminante pour la solution du présent litige. À cet égard, la Commission précise, sans être contredite par la requérante, que, ainsi qu’il ressort du point 57, sous b), de la décision attaquée, en vertu de l’article 14, paragraphe 12, dudit règlement, l’intensité de l’aide en équivalent-subvention brut (ESB) ne doit pas excéder l’intensité d’aide maximale fixée dans la carte des aides à finalité régionale en vigueur au moment de l’octroi de l’aide dans la zone concernée, à savoir, en l’espèce, la carte slovaque des aides à finalité régionale relative à la période allant de 2007 à 2013 qui prévoit un plafond ESB de 40 % pour les grandes entreprises. En outre, selon le même point, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement, lu conjointement avec la définition de la « zone assistée » figurant à l’article 2 du même règlement, l’ESB maximal au titre de la carte slovaque des aides à finalité régionale relative à la période allant de 2014 à 2020 devait être respecté, soit 25 % pour les grandes, 35 % pour les moyennes et 45 % pour les petites entreprises.

82 S’agissant du contenu de la décision attaquée, il convient de relever que le grief de la requérante est succinctement résumé au point 24 de ladite décision en énonçant les prétendus liens entre l’entreprise bénéficiaire, d’une part, et la société P. et ses propriétaires ou dirigeants, d’autre part. Aux points 38 et 39 de cette décision, sont exposées les informations fournies par les autorités slovaques concernant les liens sociétaux affectant la situation de ladite entreprise au moment de l’octroi de l’aide en cause, lorsque 100 % de ses parts sociales étaient détenues par la seule société N. qui était elle-même contrôlée par deux personnes physiques à raison de 99,94 % et de 0,06 % respectivement, dont la première personne est le directeur général de cette entreprise.

83 Toutefois, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, une présentation des liens sociétaux et de contrôle de l’entreprise bénéficiaire avec, notamment, la société P. et ses actionnaires ou dirigeants, le prédécesseur de la société N., fait défaut. Cela correspond au contenu des observations que les autorités slovaques ont soumises, par lettre du 13 mai 2016, en réponse à une demande de renseignements de la Commission. Dans ces observations, lesdites autorités ont fait valoir le caractère inopérant des allégations de la requérante au motif que, au moment de l’octroi de l’aide en cause, la société P. ne disposait de liens sociétaux ou de contrôle, au sens de l’article 3 de l’annexe I du règlement no 651/2014, ni avec l’entreprise bénéficiaire ni avec la société N. S’agissant de la situation de la société P., les autorités slovaques se sont limitées à avancer que la structure de l’actionnariat de cette société leur était inconnue, parce que de telles informations n’étaient pas publiquement accessibles. En outre, selon les dires desdites autorités, le vice-président du directoire de l’entreprise bénéficiaire jusqu’au 14 mars 2012 n’était ni actionnaire ni membre d’une autre société établie en Slovaquie durant la période allant du 14 mars au 31 décembre 2012.

84 Ces éléments indiquent, conjointement avec les arguments avancés par la Commission en cours d’instance, y compris en réponse aux questions écrites du Tribunal (voir points 78 à 80 ci-dessus), que celle-ci s’est satisfaite de ces observations des autorités slovaques sur la situation de l’entreprise bénéficiaire, telle qu’elle se présentait avant la cession de ses actions à la société N., c’est-à-dire lorsqu’elle se trouvait encore sous le contrôle de la société P. Cette appréciation est confirmée par les motifs figurant au point 57, sous d), de la décision attaquée, dans lequel la Commission prend position sur le grief de la requérante en tenant compte des observations des autorités slovaques. En substance, il y est relevé que, selon la Commission, lesdites autorités ont démontré à suffisance que l’entreprise bénéficiaire constituait une PME au moment de l’octroi de l’aide en cause, tel qu’intervenu, en vertu du droit slovaque applicable, le 7 novembre 2013. La Commission y considère qu’il n’existe aucun lien entre l’entreprise bénéficiaire et la société N., au sens des notions d’« entreprises partenaires » ou d’« entreprises liées », telles que définies à l’article 3, paragraphes 2 et 3, premier à troisième alinéas, de l’annexe de la recommandation PME, dont le texte correspond à celui de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de l’annexe I du règlement no 651/2014. De même, elle estime que, compte tenu de la jurisprudence et de sa pratique décisionnelle, n’est pas rempli en l’espèce le critère d’entreprises liées à travers une personne physique ou un groupe de personnes physiques agissant de concert, à condition que, à tout le moins, une partie de leurs activités soit effectuée dans un même marché en cause ou dans des marchés contigus, au sens l’article 3, paragraphe 3, quatrième et cinquième alinéas, de l’annexe de ladite recommandation, dont le texte correspond à celui de l’article 3, paragraphe 3, quatrième et cinquième alinéas, de l’annexe I dudit règlement. Or, en l’absence de preuve de liens commerciaux importants, notamment sous forme de contrats de vente ou d’achat, de partage de fournisseurs ou d’autres intérêts commerciaux, entre l’entreprise bénéficiaire, d’une part, et la société N. et son principal actionnaire, d’autre part, ladite entreprise et ladite société ne sauraient être qualifiées d’entreprises liées au moment de l’octroi de l’aide en cause. La Commission en conclut, à l’instar des autorités slovaques, que cette entreprise, prise ensemble avec la société N., constitue une PME. Au soutien de cette conclusion, la décision attaquée comporte un tableau exposant le nombre conjoint d’effectifs, les chiffres d’affaires combinés, ainsi que les résultats annuels combinés de l’entreprise bénéficiaire et de la société N. au cours des années 2010 à 2015.

85 À cet égard, il importe de rappeler que, certes, au moment de l’octroi de l’aide en cause, le 7 novembre 2013, il n’existait effectivement plus aucun lien structurel entre l’entreprise bénéficiaire et la société P. qui avait cédé la totalité de ses participations dans ladite entreprise à la société N. Comme le fait valoir la Commission, conformément à la jurisprudence (arrêts du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40, et du 6 juillet 2017, Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:521, points 32 et 33), la définition de la « date d’octroi de l’aide » figurant à l’article 2, point 28, du règlement no 651/2014 dispose qu’il s’agit de la date à laquelle le droit légal de la recevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable. En effet, ainsi qu’il ressort des points 45 à 47 de la décision attaquée, en vertu du droit civil slovaque applicable, le contrat de subvention, tel que conclu entre l’Agence slovaque de l’innovation et de l’énergie et l’entreprise bénéficiaire, le 29 octobre 2013, n’est entré en vigueur que le 7 novembre 2013, c’est-à-dire un jour après sa publication dans le registre central des contrats slovaque. Dès lors, en l’espèce, la Commission était tenue d’apprécier si les autorités slovaques avaient correctement considéré si, le 7 novembre 2013, au moment où elle était contrôlée exclusivement par la société N., l’entreprise bénéficiaire constituait une PME.

86 Toutefois, nonobstant le fait que la date pertinente pour apprécier le statut de PME de l’entreprise bénéficiaire était le 7 novembre 2013, les indices fournis par la requérante relatifs aux liens entre l’entreprise bénéficiaire et la société P., le prédécesseur en droit de la société N., étaient susceptibles de créer des doutes dans le chef de la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, quant à la caractérisation de l’entreprise bénéficiaire en tant que PME au sens de l’annexe I du règlement no 651/2014 et, partant, à l’existence d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur.

87 À cet égard, la requérante est fondée à invoquer l’article 4 de l’annexe I du règlement no 651/2014, qui est intitulé « Données à retenir pour le calcul de l’effectif et des montants financiers et période de référence » et dont le libellé correspond parfaitement à celui de l’article 4 de l’annexe de la recommandation PME. Les paragraphes 1 et 2 de cet article disposent ce qui suit :

« 1. Les données retenues pour le calcul de l’effectif et des montants financiers sont celles afférentes au dernier exercice comptable clos et sont calculées sur une base annuelle. Elles sont prises en compte à partir de la date de clôture des comptes. Le montant du chiffre d’affaires retenu est calculé hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et hors autres droits ou taxes indirects.

2. Lorsqu’une entreprise, à la date de clôture des comptes, constate un dépassement dans un sens ou dans un autre et sur une base annuelle, des seuils de l’effectif ou des seuils financiers énoncés à l’article 2, cette circonstance ne lui fait acquérir ou perdre la qualité de [PME] que si ce dépassement se produit pour deux exercices consécutifs. »

88 L’article 4 de l’annexe I du règlement no 651/2014 prévoit la méthode de calcul, liée au dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, qui est destinée à déterminer la présence des trois critères constitutifs d’une PME, tels que visés à l’article 2, paragraphe 1, de ladite annexe, soit un effectif de moins de 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel maximal de 50 millions d’euros et un bilan annuel total n’excédant pas 43 millions d’euros. En outre, il n’est pas contesté par les parties que, dans l’hypothèse de la présence d’entreprises liées au sens de l’article 3, paragraphe 3, de cette annexe, ce calcul doit englober les données pertinentes de toutes ces entreprises. Ainsi, conformément à cette exigence, au point 57, sous d), in fine, de la décision attaquée, figure un tableau qui présente les données combinées de l’entreprise bénéficiaire et de la société N. relatives aux trois critères cumulatifs et constitutifs d’une PME, tels que visés à l’article 2, paragraphe 1, de la même annexe, pour les années 2010 à 2015.

89 À l’audience, la Commission a toutefois, en invoquant la page 14 du « Guide de l’utilisateur pour la définition des PME », tel que publié en 2015 par l’Office des publications de l’Union européenne (OP), contesté que l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I du règlement no 651/2014 soit applicable à un changement de propriétaire d’une entreprise, comme celui intervenu, en l’espèce, entre les sociétés P. et N. relatif à l’entreprise bénéficiaire. Dans ce guide, il est exposé, notamment, que la règle analogue de l’annexe de la recommandation PME « ne s’applique pas dans le cas d’entreprises qui dépassent les seuils concernés pour les PME du fait d’un changement d’actionnariat à la suite d’une fusion ou d’une acquisition » et que de telles entreprises « doivent être évaluées sur la base de leur structure de participation à la date de l’opération, et non à la date de clôture du dernier exercice comptable ». Ce constat est suivi d’une référence au point 1.1.3.1, paragraphe 6, sous e), de la décision 2012/838/UE, Euratom de la Commission, du 18 décembre 2012, sur l’adoption des règles visant à assurer une vérification cohérente de l’existence et du statut juridiques, ainsi que des capacités opérationnelles et financières, des participants à des actions indirectes soutenues par une subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration et au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour des activités de recherche et de formation dans le domaine nucléaire (JO 2012, L 359, p. 45), dans lequel il est, en effet, précisé que ladite « règle ne s’applique que si une PME fusionne ou est rachetée par un plus grand groupe, auquel cas la PME perd son statut immédiatement à compter de la date de la transaction ».

90 À cet égard, il suffit de relever que le « Guide de l’utilisateur pour la définition des PME », auquel la décision attaquée ne fait d’ailleurs pas référence, ne constitue pas un texte juridiquement contraignant susceptible de déroger à ou de réduire la portée de la règle contraignante visée à l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I du règlement no 651/2014. De même, dans une « clause de non-responsabilité » figurant à sa deuxième page, il est précisé que ce guide « a pour but d’apporter une orientation générale aux entrepreneurs et autres parties intéressées dans le cadre de l’application de la définition des PME », mais qu’il « est dépourvu de force juridique et n’engage en aucune façon la Commission », la recommandation PME « étant l’unique référence authentique permettant de déterminer les conditions relatives à la qualité de PME ». La référence au point 1.1.3.1, paragraphe 6, sous e), de la décision 2012/838 ne saurait infirmer cette appréciation, dès lors que cette disposition, dont le champ d’application est limité aux activités de recherche et de formation dans le domaine nucléaire, n’est pas applicable au cas d’espèce. Partant, il convient de rejeter cet argument de la Commission comme non fondé.

91 Dès lors, en l’espèce, la Commission était tenue d’appliquer l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I du règlement no 651/2014.

92 Cependant, d’une part, il ne ressort ni des observations des autorités slovaques versées au dossier, ni de la décision attaquée, ni des écritures de la Commission en cours d’instance, même à la suite d’une question écrite précise du Tribunal à cet égard, quel était, en l’espèce, l’exercice comptable clos que lesdites autorités ont pris en considération pour effectuer le calcul, sur une base annuelle, au titre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 3, et l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I dudit règlement. D’autre part, la présentation, dans ladite décision, des données combinées de l’entreprise bénéficiaire et de la société N. pour les années 2010 à 2012 ne tient pas compte du fait que, durant cette période et une partie substantielle de l’année 2013, l’entreprise bénéficiaire était contrôlée par la société P., dont les données ne sont toutefois pas retenues. En tout état de cause, au moment de l’octroi de l’aide en cause, le 7 novembre 2013, le dernier exercice comptable clos pour lequel un calcul sur une base annuelle devait être effectué est celui de l’année 2012 durant laquelle l’entreprise bénéficiaire était contrôlée exclusivement par la société P. et non par la société N. Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a d’ailleurs confirmé la pertinence de l’année 2012 aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, de cette annexe.

93 Même à supposer qu’il faille tenir compte, à cet effet, de l’année 2013, la requérante avance à bon droit que le bilan annuel de l’entreprise bénéficiaire couvrait nécessairement des données relevant de la période pendant laquelle ses actions étaient encore détenues par la société P., le changement d’actionnaire n’ayant été inscrit au registre de commerce slovaque que le 7 août 2013 [voir point 57, sous d), troisième alinéa, de la décision attaquée]. Dans une telle hypothèse, pour satisfaire aux critères prévus à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 651/2014, lu conjointement avec l’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’annexe I dudit règlement, et déterminer correctement si l’entreprise bénéficiaire constituait une PME au moment de l’octroi de l’aide en cause, il ne suffisait pas de prendre en considération les données de la société mère cessionnaire, en tant qu’entreprise liée de l’entreprise bénéficiaire, qui a repris son contrôle au cours de l’exercice comptable pertinent, mais il y avait lieu de tenir compte également de celles de la société mère cédante, sous le contrôle de laquelle ladite entreprise a effectué une partie substantielle de son activité économique durant ce même exercice. En effet, toute autre interprétation irait à l’encontre de l’esprit de l’article 4, paragraphe 2, de ladite annexe qui vise à veiller à ce que l’aide soit effectivement attribuée à une PME et que la définition de PME ne soit pas contournée par des motifs purement formels (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, HaTeFo, C‑110/13, EU:C:2014:114, point 33 et jurisprudence citée).

94 Il s’ensuit que, en l’espèce, tant les autorités slovaques que la Commission étaient tenues, d’une part, de déterminer précisément l’exercice comptable clos et l’année pertinents aux fins d’un calcul conjoint des données respectives des « entreprises liées », au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 651/2014 lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 3, et l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I dudit règlement, et, d’autre part, de préciser quelles étaient la ou les sociétés qui devaient être prises en considération à cet effet. En outre, sur ce fondement, elles étaient appelées à apprécier si, au titre de l’article 4, paragraphe 2, de ladite annexe, pendant deux exercices comptables consécutifs les seuils pertinents pour qualifier l’entreprise bénéficiaire de PME ont été ou non dépassés.

95 Toutefois, ainsi qu’il a été relevé aux points 83 et 84 ci-dessus, la décision attaquée reste silencieuse à cet égard, ce qui confirme un manque d’instruction et d’examen des éléments pertinents en l’espèce. En outre, le manque de diligence de la Commission dans l’instruction de la situation des sociétés P. et N., ainsi que de celle de leurs dirigeants, est confirmé à l’aune des informations versées au dossier et ne saurait être justifié par l’argument selon lequel cette institution pouvait se fier, sans nourrir des doutes au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, aux informations soumises par les autorités slovaques au motif que celles-ci étaient tenues par leur obligation de coopération loyale au titre de l’article 4, paragraphe 3, TUE.

96 En premier lieu, ainsi qu’il ressort des annexes A.21 et A.22 de la requête, en 2012 et en 2013, les directoires et les conseils d’administration de l’entreprise bénéficiaire et de la société P. étaient pour partie et temporairement composés de membres d’une même famille dont un membre siégeait dans les deux directoires. À cet égard, nonobstant des indices de preuve fournis par la requérante au cours de la procédure administrative concernant les groupes d’entreprises gérés par cette famille en Slovaquie, la Commission s’est fiée, sans procéder à une instruction supplémentaire à ce propos, aux affirmations vagues des autorités slovaques selon lesquelles, d’une part, la structure de l’actionnariat de la société P. leur était inconnue, parce que de telles informations n’étaient pas publiquement accessibles et, d’autre part, ce membre de ladite famille n’était ni actionnaire ni membre d’une autre société établie en Slovaquie durant la période allant du 14 mars au 31 décembre 2012. En tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé au point 83 ci-dessus, ces éléments n’ont été ni exposés ni appréciés dans la décision attaquée. Enfin, à cet égard, la Commission n’a pas pu se borner à prendre succinctement position sur la situation de la société P., dans sa lettre du 9 juillet 2015, pour dissiper les doutes à cet égard et justifier que la requérante avait une connaissance suffisante des éléments ayant amené la Commission à qualifier cette société également de PME.

97 En second lieu, s’agissant de la situation de la société N. et, en particulier, de son actionnaire principal, en dépit des éléments de preuve soumis par la requérante au cours de la procédure administrative, la Commission s’est limitée à constater, de manière vague et en se fiant aux informations fournies par les autorités slovaques, au point 57, sous d), page 16, dix-septième alinéa, de la décision attaquée, que la « plupart des entreprises dans lesquelles [ledit actionnaire] occupait une position de dirigeant n’étaient pas actives sur le même marché que [l’entreprise bénéficiaire] ». Toutefois, elle n’a pas approfondi son instruction de la question de savoir si la société L., dans laquelle cet actionnaire était le président du directoire, était effectivement active dans un même marché ou dans un marché contigu, au sens de l’article 3, paragraphe 3, quatrième et cinquième alinéas, de l’annexe I du règlement no 651/2014, alors même qu’il existait des indices importants en ce sens nourrissant des doutes, en particulier la carte du gisement de Borský Peter qui indique clairement le nom de la société L. en tant que propriétaire d’un site d’extraction de sable avoisinant les sites d’extraction de la requérante et de l’entreprise bénéficiaire.

98 Il en résulte que la Commission aurait dû éprouver des doutes à cet égard, au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589.

99 Par conséquent, il convient d’accueillir le premier grief, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la nouvelle offre de preuve de la requérante concernant les bilans de l’entreprise bénéficiaire entre 2014 et 2018 (voir point 15 ci-dessus).

Sur le second grief, tiré de l’octroi de l’aide en cause sur le fondement d’un régime d’aides

100 Par le second grief de la deuxième branche du second moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission de n’avoir pas vérifié si l’aide en cause correspondait aux critères prévus par le régime d’aides en cause, notamment celui du caractère innovant du projet d’investissement. Ce faisant, elle vise à démontrer que cette aide constituait, en réalité, une aide ad hoc octroyée à une grande entreprise au sens de l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement no 651/2014.

101 La Commission rétorque essentiellement qu’elle n’est pas habilitée à déclarer incompatible avec le règlement no 651/2014 des mesures remplissant toutes les conditions dudit règlement au seul motif que ces mesures contreviennent éventuellement à des critères supplémentaires relevant du droit national. Le caractère innovant de l’aide en cause n’étant pas un critère exigé par ledit règlement, il serait sans importance aux fins de la déclaration de compatibilité.

102 Force est de constater que le présent grief ne saurait prospérer, aucune disposition du règlement no 651/2014 ne prévoyant l’exigence pour la Commission de vérifier si une aide individuelle a été accordée conformément aux critères d’octroi du régime d’aides concerné, ce qui relève principalement de la compétence des autorités et des juridictions nationales (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 juillet 2017, Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:521, points 35 et 37, et conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Nerea, C‑245/16, EU:C:2017:271, points 76 à 78). En effet, ni l’article 6, paragraphe 3, sous a), dudit règlement dont la requérante estime qu’il aurait dû être appliqué en l’espèce au motif que l’entreprise bénéficiaire était une grande entreprise, ni l’article 14 du même règlement ne prévoient une telle exigence.

103 Partant, le second grief de la deuxième branche du second moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589

104 Par la troisième branche du second moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, au motif que la Commission a renoncé à ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit des difficultés sérieuses qu’elle a rencontrées dans l’examen de l’aide en cause.

105 La Commission estime n’avoir jamais rencontré de difficultés sérieuses concernant la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur.

106 À cet égard, il suffit de constater que, eu égard à l’accueil du premier grief de la deuxième branche du second moyen en raison de l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589 (voir points 81 à 99 ci-dessus), dont la notion correspond à celle des difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328), la troisième branche du second moyen doit également être accueillie.

107 Partant, il convient d’annuler la décision attaquée et d’accueillir le recours dans sa totalité.

Sur les dépens

108 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision C(2017) 5050 final de la Commission, du 20 juillet 2017, concernant l’aide à l’investissement en faveur du producteur slovaque de sable siliceux NAJPI a. s. [SA.38121 (2016/FC) – Slovaquie], est annulée.

2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.